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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

De la bêtise – Robert Musil – Un livre intelligent

Paris, Editions Allia, 2011.

Ecrire un livre intelligent sur la bêtise n’est pas donné à tout le monde. Ça tombe bien, Robert Musil n’est pas n’importe qui. Il est un des grands auteurs du XXe siècle en Europe mais, malheureusement très méconnu. Il mérite pourtant d’être aux côtés de Franz Kafka, Thomas Mann, Stefan Zweig, Joseph Roth  et Ernst Jünger comme très grand prosateur de langue allemande, bien qu’il soit, comme Zweig ou Roth, citoyen autrichien.

Ce petit livre reprend le texte d’une conférence donnée en 1937, à Vienne, à deux reprises. Musil lui-même   a déclaré avoir travaillé sur le sujet depuis des années, mais n’être pas arrivé à un résultat satisfaisant en suivant la voie choisie qui était celle de l’aphorisme. La demande de cette conférence lui a permis de donner un tour autre et plutôt définitif à sa réflexion. Il a choisi de traiter le plus sérieusement possible ce sujet très épineux, en l’abordant comme n’importe quel sujet philosophique. Il n’est pas inutile de rappeler que Musil est philosophe de formation, avant de devenir écrivain. Sa formation complète (il est docteur de l’Université de Berlin) en philosophie marquera toute sa production littéraire : il est un écrivain qui pense par la littérature.

Il aborde donc la bêtise comme un sujet de fond, à l’égal de la liberté ou de l’existence de Dieu. Et sa première découverte est de ne pas arriver à trouver chez d’autres penseurs une définition correcte de la bêtise, pas plus qu’il n’arrivera lui-même à le faire. La bêtise est indéfinissable, alors même que tout le monde sait bien ce que c’est.  En cela, c’est bien une question philosophique. Faute de définition, il faut trouver d’autres moyens de l’approcher. Et là commencent les difficultés.  La première est celle de l’intelligence. Pour disserter sur la bêtise, il faut ne pas être bête ; mais affirmer qu’on ne l’est pas (ou dire que l’on est intelligent) passe souvent aux yeux de certains comme une preuve de bêtise. Cette difficulté de se positionner objectivement explique que la plupart des textes qui abordent la bêtise sont des satires ou des pamphlets. Il est plus facile d’ironiser et de railler les manifestations de la bêtise que de les analyser. Cela, Musil le refuse. Son texte ne se moque jamais de la bêtise et de ceux qu’elle atteint. Il cherche au contraire à comprendre comment elle se manifeste et à en tirer un début d’explication.

La bêtise n’est pas un handicap mental et, d’ailleurs, nombre de déficients mentaux ne sont pas bêtes du tout. Mais elle ne se montre pas toujours de la même façon. C’est en étudiant les comportements que l’auteur va aboutir à une typologie binaire de la bêtise. Il part du principe que « chaque intelligence a sa bêtise ». Il existe donc un couple indissoluble intelligence-bêtise qui peut se déployer à divers niveaux. Pour simplifier la démarche, il va opposer e qu’il nomme « la bêtise honnête » à la « bêtise intelligente ».

« La bêtise honnête est un peu lente à comprendre, elle n’a pas « la comprenette facile », comme on dit. Pauvre en représentations et en vocabulaire, elle ne sait guère s’en servir. » (p.42)

Ceci définit assez bien ce que nous percevons comme la bêtise « ordinaire ». C’est une intelligence limitée, pauvres en moyens. On en a souvent fait l’apanage du petit peuple. Au moins depuis Molière, on sait que la bourgeoisie ou la noblesse n’en sont pas du tout exemptées. Musil cite des exemples pris dans le domaine de la psychiatrie et de la psychologie. C’est plutôt drôle ! Cette bêtise est, il le dit lui-même, assez touchante, et pas bien gênante. Elle donne d’ailleurs aux bourgeois le sentiment de leur supériorité.

Mais ce qui choque beaucoup plus Musil, c’est la « bêtise supérieure, la prétentieuse ». Elle sait user de toutes les ruses intellectuelles ; elle a les outils de compréhension de culture. Musil se cite lui-même, à ce propos :

« Il n’est pas une seule pensée importante dont la bêtise ne sache aussitôt faire usage ; elle peut se mouvoir dans toutes les directions et prendre tous les costumes de la vérité. La vérité, elle, n’a jamais qu’un seul vêtement, un seul chemin : elle est toujours handicapée[1]. » (P. 46).

 Ainsi donc, la bêtise peut s’immiscer partout où existe l’intelligence. Et c’est dans ce cadre qu’elle est la plus insupportable. Nous avons tous rencontré des individus « bêtes » de cette sorte. Ils peuvent être médecins, avocats, professeurs, généraux… cela ne change rien à l’affaire. Car, pour Musil, cette bêtise-là est une vraie pathologie, une maladie de la pensée, qu’il oppose d’ailleurs à l’esprit sain. IL attire l’attention de ses lecteurs-auditeurs sur la grande attention à soi-même qu’il faut avoir en ce domaine, car nul n’est immunisé contre cette pathologie.

« En revanche, la bêtise « intelligente » a moins pour adversaire l’entendement que l’esprit et – à condition de ne pas entendre par là une simple somme de sentiments- l’affectivité. » P. 49.

La bêtise est donc plutôt à opposer à l’esprit qu’à l’intelligence : on le voit bien quand on évolue dans un milieu intellectuel, où la bêtise est omniprésente chez des gens très instruits.

En arrivant à la conclusion de sa conférence, Musil dit :

« Nous sommes tous bêtes à l’occasion ; à l’occasion aussi, nous sommes contraints d’agir aveuglément ou à demi aveuglément, sans quoi le monde s’arrêterait… » (P. 51)

Nul n’échappe à la bêtise ; elle est là, tapie en nous, prête à surgir à tout moment. Elle surgira, elle a déjà surgi. Le plus important est d’être capable de savoir que l’on a succombé à son culte et quand.

Ce texte de Musil est un véritable petit bijou de rigueur intellectuelle, non dénué d’humour. Il fourmille de formules à conserver. Ajoutons une précision fort utile : le traducteur principal de Musil se nomme Phillipe Jaccottet (1925-2021), qui fut aussi un très estimable poète du siècle passé. La langue est belle et le traducteur connaît parfaitement la pensée et la langue de son auteur.  C’est un bel atout.

Il faut lire et faire lire – à ceux qui le méritent ! – cet opuscule (56 pages), essentiel sur ce vaste sujet, hélas inépuisable. C’est aussi un très bon moyen d’entrer en contact avec cet grand écrivain que fut et demeure Robert Musil.

Pour clore ce texte, je ne résiste pas au plaisir de vous donner un texte d’un autre grand poète du XXe siècle, Jacques Brel :



« L’air de la bêtise »

Extrait du célèbre opéra « La vie quotidienne »
Voici l’air fameux z-entre tous : L’air de la bêtise

Mère des gens sans inquiétude
Mère de ceux que l’on dit forts
Mère des saintes habitudes
Princesse des gens sans remords
Salut à toi, dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis-le moi, comment fais-tu
Pour avoir tant d’amants
Et tant de fiancés
Tant de représentants
Et tant de prisonniers
Pour tisser de tes mains
Tant de malentendus
Et faire croire aux crétins
Que nous sommes vaincus
Pour fleurir notre vie
De basses révérences
De mesquines envies
De noble intolérance
De mesquines envies
De noble intolérance
De mesquines envies
De noble intolérance

Mère de nos femmes fatales
Mère des mariages de raison
Mère des filles à succursales
Princesse pâle du vison
Salut à toi, Dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis moi, comment fais-tu
Pour que point l’on ne voie
Le sourire entendu
Qui fera de vous et moi
De très nobles cocus
Pour nous faire oublier
Que les putains, les vraies
Sont celles qui font payer
Pas avant, mais après
Pour qu’il puisse m’arriver
De croiser certains soirs
Ton regard familier
Au fond de mon miroir
Ton regard familier
Au fond de mon miroir
Ton regard familier
Au fond de mon miroir.

IL dit finalement à peu près la même chose que Musil, mais autrement. On peut écouter cette chanson ici : https://youtu.be/8_xtMXhagf4?t=74  

Jean-Michel Dauriac – avril 2025.


[1] Il cite ici un extrait son chef d’œuvre inachevé, L’homme sans qualités , dont nous reparlerons un de ces jours.

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Qu’arrive-t-il à mon pays ?

C’est vraiment la question que je me pose depuis quelques semaines. Je ne reconnais plus le peuple français. J’ai l’impression, brutalement, de vivre dans un pays étranger. Plus précisément depuis le mois de janvier 2025 et la prise de fonction de Donald Trump aux Etats-Unis. Comme si l’arrivée de cet histrion dément avait agi autant sur nous que sur ses malheureux concitoyens. Il n’est pourtant pas le chef de l’Etat français ! Mais on peut en douter, quand on voit l’information de masse et le comportement de nos dirigeants. Tout se passe comme si les délires quotidiens de ce Président calamiteux nous concernaient directement. Je passe sur ses déclarations toutes plus ineptes les unes que les autres et qui lui laissent croire que le Groënland, le Canada, le Panama, Gaza ou l’Ukraine lui appartenaient ou allaient sans coup férir être américain. J’ai noté dans un autre billet d’humeur ce que nous devions aux journalistes en ce domaine. Mon but, aujourd’hui, est de mesurer les impacts trumpiens sur nos dirigeants, l’appareil d’Etat et le peuple français.

Nous assistons, depuis quelques semaines, à une offensive de propagande tous azimuts de niveau exceptionnel, que l’on ne peut comparer qu’au décervelage massif de l’épisode du Covid19. La conjonction des grands médias avec l’appareil politique et les principaux dirigeants engendre une campagne à laquelle il est très difficile d’échapper. Les télévisions se sont mises à l’unisson pour répercuter le discours officiel, comme les grands journaux et magazines avec leurs unes, sans oublier les discours politiques et gouvernementaux. Quelle est la teneur de ce discours ? La guerre est à nos portes, la Russie nous menace, nous les Européens, et nous ne sommes pas prêts, car le grand frère américain (lisez OTAN) a décidé de ne plus nous défendre. Voici pour la charpente générale. A partir de ces prémisses, chaque acteur apporte sa petite musique, mais toutes sont harmonisées dans le même sens : instiller la peur chez nos concitoyens afin de pouvoir ensuite faire adopter les mesures de réarmement et leur budget. Du coup, tout ce qui n’est pas en phase avec cette peur primale entièrement suscitée par un discours catastrophiste et absolument mensonger, devient accessoire et même ridicule. Ainsi, oser vouloir parler des retraites sérieusement serait devenu obscène. Mais emprunter pour s’armer et pouvoir offrir des armes qui nous font défaut à Zélenski est tout à fait essentiel. Demander que la santé et l’éducation soient reprises en main et garantissent le bien-vivre de la population n’est plus du tout prioritaire. Même la lutte contre la violence et les trafics, comme l’immigration, subissent un net recul face à la nouvelle doxa : la guerre, la guerre, la guerre. Qu’il faut bien préparer pour en surtout pas la faire, nous dit-on. Mais rien n’est plus faux que ce stupide adage latin, Si vis pacem, para bellum, (Si tu veux la paix, prépare la guerre), que tout latiniste a appris dans son cursus. Si tu prépares la guerre, tu finiras par la faire, c’est ce que l’histoire démontre à tout coup.

Nos hommes politiques, qui ne brillent vraiment pas par la pensée et l’originalité, mais qui ont, pour la plupart, fait de longues études universitaires où l’histoire leur a été enseignée, ont subitement oublié ce qu’ils savaient sur les années 1911-1913, ce que l’on appelait dans les cours de Première de jadis, la « marche à la guerre ». On pourrait dupliquer les discours et les publier tels quels dans la presse, cela ne se verrait même pas !  C’est à qui va aller le plus loin dans l’appel au réarmement et au sursaut patriotique ! A quoi je ne peux que citer le Grand Jacques : Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

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Le président Macron prononçant son discours sur la base de Luxeuil-les -bains

Mais le responsable principal doit être nommé et identifié : il s’agit du président Macron. Le voici requinqué comme aux plus beaux jours de la « guerre » contre le Covid. Lui qui se trouvait, de facto, marginalisé par sa défaite politique et électorale, écarté du vrai pouvoir, a rapidement su trouver comment occuper le devant de la scène. Car cet adulescent inconsistant ne peut vivre qu’en représentation. Sans caméras et micros, il n’existe plus. Trump lui a fourni les moyens de sa sortie du purgatoire, et il a su très vite en faire usage. Depuis maintenant deux mois, il parcourt l’Europe pour rameuter des troupes autour de son grand projet de défense militaire. Le malheur de la nation veut que le Président, selon la constitution de la Ve République, soit le chef des armées. C’est donc sur cette prérogative qu’il est en train de bâtir son grand retour, en essayant de faire oublier qu’il est le responsable de la situation catastrophique de la France depuis 18 mois et son aventureuse dissolution, bien mal calculée. Et comme les Français sont, effectivement, des « veaux », selon la formule du Général, il est en passe de réussir son coup : une grande majorité des Français sondés lui emboîteraient le pas ! (On a le droit de mettre en doute la méthode de ces sondages !). Ce petit homme qui se ferait dessous s’il se trouvait vraiment sur une ligne de front comme en Ukraine, sous le feu roulant des Russes, adopte la posture martiale de César et va partout prêcher sa bonne parole. Hier, c’était sur la base aérienne de Luxeuil (Haute-Saône), où il a prononcé son discours, micro à la main, au milieu des militaires et a annoncé un effort sans précédent de remise à niveau des forces aériennes. Où va-t-on trouver les milliards d’euros, alors que notre endettement est déjà colossal, le plus important de la zone euro et que nos prélèvements obligatoires (lisez impôts et taxes) sont les plus élevés de l’Ouest ? Soit en empruntant plus – ce qui creusera encore le gouffre et hypothèquera l’avenir sur des générations -, soit en prenant l’argent sur d‘autres postes budgétaires, et de préférence dans les gros budgets des gros ministères. Ce qui augure de restrictions sur la santé, l’école, la justice, les transports, etc.  Et pour quelles raisons objectives ? La Russie a-t-elle envoyé un ultimatum à l’UE ou à la France ? Constate-t-on des mouvements de troupes blindées russes dans les Ardennes ? Non, tout cela à partir de la situation ukrainienne, dont Zelenski a su donner une version inquiétante aux dirigeants de l’UE, au premier chef Macron. Le conflit ukrainien serait l’avant-garde de celui que Poutine va enclencher avec l’UE, il faut donc sauver le soldat Zelenski pour sauver la liberté occidentale. Tout cela ne résiste évidemment pas à l’analyse et s‘avère être en grande partie une fiction, très bien vendue par l’ancien comique ukrainien.

Mais ce qui me déçoit le plus, ce n’est pas la vague éhontée de propagande qui s’abat sur notre pays, mais le fait que les Français se laissent aussi facilement manipuler.  Ainsi il faut bien admettre que tout le travail de l’école et des professeurs d’histoire qui ont enseigné les deux grandes guerres du XXe siècle est inutile. A la première étincelle de nationalisme et de militarisme, ils s’enflamment comme de l’étoupe et se comportent comme leurs aïeux allant « bouffer du boche » et conquérir Berlin en une semaine. « Quelle connerie la guerre », comme l’écrivait Prévert ! Ils ont donc oublié que dans une guerre il n’y a que du mal. Que des morts, des exactions, des mutilés, des blessés, des traumatisés, des destructions de villes et villages, des fusillades de civils… Qu’il n’y a jamais de vainqueur dans une guerre, seulement une illusion de victoire. Que seuls la haine et le malheur gagnent. Que ceux qui appellent à la faire sont justement ceux qui ne la font pas. Ils ont oublié Verdun et ses centaines de milliers de morts pour rien, et les cinquante millions de tués lors de la dernière conflagration mondiale. Non, rien ne peut justifier cette passion guerrière, et celui qui la sème devra un jour rendre des comptes, et pas seulement au tribunal de l’histoire.

France et Français, pouvez-vous vous ressaisir ou voulez-vous continuer à être des pantins que l’on téléguide par électronique interposée ? Il devrait y avoir des centaines de milliers de gens dans nos rues pour dire « non à l’esprit guerrier ». Au lieu de quoi, ils répètent en boucle les fake news officielles de l’Elysée. Il y a des jours où j’ai honte d’être Français !

Jean-Michel Dauriac – 20 mars 2025.

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De la bêtise journalistique à l’échelle mondiale

« Si l’on faisait une sérieuse attention à tout ce qui se dit de froid, de vain et de puéril dans les entretiens ordinaires, l’on aurait honte de parler ou d’écouter, et l’on se condamnerait peut-être à un silence perpétuel, qui serait une chose pire dans le commerce que les discours inutiles. Il faut donc s’accommoder à tous les esprits, permettre comme un mal nécessaire le récit de fausses nouvelles, les vagues réflexions sur le gouvernement présent ou sur l’intérêt des princes, le débit des beaux sentiments et qui reviennent toujours les mêmes… » La Bruyères, Les caractères De la société et de la conversation §4, p. 148-149, éditions La Pléiade.

Journalistes à la cafétaria

Nous assistons, médusés, à une démonstration d’ampleur mondiale de la bêtise journalistique dans toute sa splendeur. Quiconque observe les médias attentivement sur une période de plusieurs décennies, comme c’est mon cas, en simple lecteur, auditeur et téléspectateur, ne peut être que frappé par l’évolution régressive de cette corporation. Les belles âmes progressistes se sont longtemps gaussées des journalistes français à l’époque de l’époque du Général de Gaulle et son ministre de l’information. On a parlé de Franco, du fascisme, beaucoup moins souvent de l’URSS d’ailleurs, pour qualifier cette surveillance des médias français. Mais personne ne semble s’aviser qu’aujourd’hui il n’a même plus besoin de l’ORTF et du ministre associé pour que les journalistes soient aux ordres. Ils s’y mettent tout seuls, et immédiatement. Le bel exemple actuel l’illustre à merveille.

Je ne veux parler ici que de deux exemples : l’arrivée de Donald Trump au pouvoir et la guerre en Ukraine. Le raisonnement pourrait être élargi à tous les sujets importants de l’actualité.

L’élection de Donald Trump et son arrivée au pouvoir sont emblématiques de la soumission grégaire des plumitifs français. Tant que la corporation n’avait pas envisagé sa victoire, il était traité assez durement, avec une ironie mordante par la grande majorité des médias. Puis, la tendance s’est inversée et son élection est devenue probable, et même certaine, devant l’incapacité de ses rivaux. Et toute la grande famille de l’information a alors changé son fusil d’épaule et commencé à le traiter en homme d‘Etat, couvrant sa campagne de manière très favorable. Depuis son élection, avant même sa prise de fonction, c’est devenu de la flagornerie générale : « président Trump » par ci, « président Trump » par là. Les mêmes qui ricanaient – à juste titre – de ses âneries relatent ses faits et gestes comme celles du pape ou de la reine d’Angleterre à sa grande époque. A ce jeu, les chaînes d’information continue font la course en tête, les autres chaînes ne pouvant rivaliser avec le temps d’antenne que l’on accorde aux propos et attitude du nouvel oracle américain. Que ce malade mental fasse les déclarations les plus absurdes, peu importe, elles sont reprises aussitôt et commentées ad nauseam par les pseudo-experts appointés des divers médias. Il veut annexer le Canada, acheter le Groenland et reprendre le canal de Panama, transformer Gaza en Riviera purgée de ses Arabes, faire la paix en Ukraine en une journée… J’arrête là l’inventaire. N’importe quelle personne dotée de tout son bon sens, lisant ces propositions, conclura à la folie de celui qui les profère. N’importe qui, oui, mais pas les journalistes qui, eux, sont bien plus perspicaces et ont compris tout l’intérêt de ces propos… Ces crétins en meute crédibilisent donc à longueur d’antenne les paroles de celui qui relève de la psychiatrie. Et le fait qu’il ait été élu ne prouve rien sinon la défaite totale de la démocratie et la stupidité de l’électeur moyen américain, hélas en passe d’être rejoint dans cet abîme de bêtise par les électeurs européens, tous séduits par leurs Trumps aux petits pieds. Pourquoi agissent-ils ainsi, me demanderez-vous ? Sans doute d’abord parce que leur esprit critique est de la taille d’un pois chiche. En cela, ils sont les purs produits de la formation française dégradée depuis plus de trente ans. Mais il y a autre chose. Ils craignent tous d’être privés de visa pour les Etats-Unis s’ils se signalent agressivement contre le dément en chef, qui pratique la vengeance sauvage à satiété. Et surtout, ils obéissent servilement à leurs chefs et propriétaires, qui sont tous, d’une manière ou d’une autre, en affaires avec les Etats-Unis. Il faut donc éviter de se fâcher avec leur président, quel qu’il soit et quelles que soient les énormités qu’il puisse proférer. Voilà ce qui gouverne l’information aujourd’hui. Tout le reste n’est qu’habillage cosmétique. On glisse juste un peu de critique pour faire crédible, et le tour est joué. Les Français sont nourris au lait de cette mamelle corrompue et répètent fidèlement dans les sondages ce qu’on leur serine à longueur de journée.

Et c’est ici que l’on rejoint la guerre en Ukraine. Comme les deux sujets sont dorénavant liés par la grâce trumpienne, les journalistes font également tourner en boucle leur pseudo-information sur la situation en Ukraine et les projets de paix du génial taré d’outre-Atlantique. Trump va donc régler en quelques jours ce conflit qui pourrit depuis trois ans ! Qu’a-t-il promis à Poutine ? On se garde bien d’en parler. Mais ça, les Ukrainiens, eux , le savent, ils savent qu’ils ont déjà perdu définitivement les terres prises par l’armée russe, que l’annexion de la Crimée va être reconnue de fait et qu’ils ne pourront pas intégrer l’OTAN. Trump a vendu l’Ukraine à Poutine pour désengager son pays de l’aide à l’Europe, voilà la vérité toute nue, celle qu’il faudrait marteler : c’est un abandon en rase campagne, un retour à l’isolationnisme traditionnel américain. Mais on camoufle cela derrière l’espoir d’une paix bradée qui va abandonner l’Ukraine et l’Europe.

Mon propos n’est pas de développer davantage ces arguments : ils devraient être évidents pour toute personne qui réfléchit seule. Et pourtant ils sont aujourd’hui considérés comme déviants face au discours ultra-dominant du système médiatique national, lequel a retrouvé une belle santé de propagande depuis quelques années (disons depuis le Covid, pour faire simple). Les auteurs de ce crime contre la liberté de penser et l’esprit critique sont ces rédactions de clones fabriqués à la pelle dans les écoles de bien-pensance qu’on appelle de journalisme. Albert Londres, reviens, ils sont devenus fous !

Bilan : un crétin peroxydé, malade mental incontestable, délire en permanence et ses propos de malade sont repris et commentés comme des oracles par toutes les rédactions de France, sans aucun recul critique, sans signaler ce que ces paroles ont d’inepte et de dangereux pour l’ordre mondial péniblement maintenu depuis 80 ans. Si vous adhérez à ces discours et pratiques, sachez que vous préparez le chaos pour vos enfants et petits-enfants, lesquels sont déjà très menacés par de vrais périls, sans que ‘on rajoute celui de la bêtise journalistique.

Jean-Michel Dauriac – 17 mars 2025

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