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Qu’est-ce que la vérité ?

Deux extraits de chansons françaises, en guise d’ouverture :

  1. Ne cherche pas, extrait de Un enfant dans la ville, interprété par Michel Fugain : 0’40
  1. La vérité, Guy Béart, extrait de A l’Université : 0’49

Qu’est-ce que la vérité, tableau de Nicolas Gay, peintre russe.

Lecture de base :

Jean 18 : 37  Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis : je suis roi. Voici pourquoi je suis né et voici pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.

38  Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs et leur dit : Moi, je ne trouve aucun motif (de condamnation) en lui. (version SER comme toutes les citations)

Introduction

Le thème de cette méditation est la vérité. Dans ces deux versets seulement, le mot est répété trois fois. L’Evangéliste Jean l’utilise à 46 reprises dans ses 21 chapitres, sur les 185 emplois du Nouveau Testament. C’est donc une notion très importante pour lui. Mais sur les 233 emplois dans toute la Bible, il y en a moins de 50 ans dans toute la Bible juive : la vérité est bien plus une idée grecque que juive.

Ajoutons qu’il n’y a aucune ambiguïté possible de traduction du grec : alêthia est sans équivoque, ainsi que les termes dérivés alêthes et alêthinos.

Le Christ utilise une formule devenue proverbiale, en introduction de ses discours : amen, amen, lego umin, soit « En vérité, en vérité, je vous le dis » (Segond). Or « Amen » dérive de la racine hébraïque emen, qui fait référence à la foi, la fidélité. La formule religieuse signifie donc : « faites-moi confiance », « Ayez foi en ce que je dis ».

L’idée hébraïque est donc celle d’une parole que l’on peut croire, qui est fiable. Le Christ s’inscrit donc, jusque dans ses formules, dans la filiation hébraïque et juive.

Dans notre texte, nous trouvons un court dialogue. Dans le Nouveau Testament, et surtout dans les Evangiles, le rôle de la question est essentiel. Jésus en use abondamment. Il n’est que de se rappeler :

  • Qui dit-on que  je suis ?
  • Femme, où sont ceux qui t’accusent ?
  • Où est ton mari ?

Or, ici, ce n’est pas lui qui interroge, mais son interlocuteur, celui qui doit le juger. Remettons cet échange dans son contexte.

Jésus a été arrêté nuitamment à Gethsémané et conduit chez les souverains sacrificateurs Anne et Caïphe. Il va être interrogé par ce dernier. Dans le passage Jean 18 : 19-23 , Jésus pose encore deux questions dérangeantes :

  • A Anne : Pourquoi m’interroges-tu ?
  • Au soldat qui le gifle : …Pourquoi me frappes-tu ?

Deux questions qui résument le non-sens de ce qui se passe. Caïphe le conduit au procurateur romain, Pilate, afin que ce soit lui qui prononce la sentence souhaitée, la mort. Celui-ci est assez réticent (verset 31). Finalement, il interroge Jésus. Et sa première question est plus que surprenante : es-tu le roi des Juifs ? Pilate sait très bien que ce n’est pas le cas, mais c’est l’accusation des chefs religieux juifs. Au verset 57, il réitère sa question à la suite des propos de Jésus : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». La réponse de Jésus est étonnante :

  1. Il affirme être roi (donc reconnaît l’accusation des Juifs, en partie) ;
  2. Il part alors dans une tout autre direction en se déclarant témoin et voix de la vérité.

Soit ces deux affirmations n’ont aucun lien entre elles ce qui n’est pas possible ; soit elles sont liées par un argument de cause : le royaume dont il est roi est celui de la vérité.

La réponse de Pilate ne permet pas de trancher sur sa propre compréhension, mais j’opte pour la seconde hypothèse : Pilate veut savoir quelle est la nature de cette royauté, pourquoi elle gêne tous les chefs religieux juifs. Et là, fait surprenant, il n’attend pas la réponse et tourne le dos à Jésus qui ne lui répond pas (voir Matthieu 27 : 14  Et Jésus ne lui donna de réponse sur aucun point, ce qui étonna beaucoup le gouverneur.) Jésus n’a pas répondu à la question existentielle de Pilate, qui semblait se désintéresser de la réponse. Pourquoi ces deux attitudes ?

A / L’attitude de Pilate (en lien avec la chanson de Michel Fugain)

Essayons de visualiser la scène : Pilate pose sa question, c’est le tableau de Nicolas Gay ; puis il tourne le dos à Jésus et sort.

La réponse ne l’intéresse pas, tout simplement parce que ce n’est pas vraiment une question, mais une assertion interrogative. Nous retrouvons cela dans des expressions banales comme A quoi bon ? ou A quoi ça sert ? Ce n’est même pas une question fictive, c’est une non-question. Le seul indice trompeur est le point d’interrogation.

A l’époque de Jésus, c’est la philosophie grecque qui domine la pensée, on le voit bien quand on étudie les épîtres du Nouveau Testament et leur contenu. La pensée grecque est dominée par le platonisme et l’aristotélisme.

Aristote a créé la démarche scientifique, pour être très simple, avec la logique, approche mathématique des faits.
Platon a créé le monde des idées, celui de la philosophie de la réflexion sur le monde et il influencera non seulement le monde grec, romain et arabe, mais aussi, à leur corps défendant, énormément la pensée chrétienne des Pères de l’Eglise.

La Vérité pour Platon, c’est le Beau, la Beauté. Ce qui est beau est bon et vrai. Cela explique toute la recherche artistique grecque. La vérité absolue n’existe pas, ce n’est pas une idée platonicienne. La vérité se trouve dans le Beau et peut donc varier selon la beauté. Cette pensée imprègne tout le monde hellénistique, et donc aussi Pilate.

Sa question est donc la fermeture d’un débat qui n’a pas de sens.

Le christianisme est une révolution de la pensée, car il affirme qu’il existe une vérité : en Jésus. C’est la raison principale du choc avec le monde grec et romain et les persécutions qui en découlent : les chrétiens refusent la règle du jeu des vérités multiples.

Si nous faisons une transposition avec notre époque, le parallélisme est assez saisissant. Pour ne parler que de l’Occident (donc de la France), la déchristianisation, commencée au XVIIIe siècle avec les Lumières et la Révolution, s’achève aujourd’hui par un cimetière de la vérité et de la pensée chrétienne ou influencée par le christianisme.

Ce cimetière porte un nom technique, c’est le « relativisme culturel et religieux ». Il est le produit de la mauvaise conscience des anciens maîtres du monde, que leurs anciens colonisés retournent contre eux. On peut résumer le relativisme en une formule lapidaire : « Tout se vaut en ce monde. »

Nos contemporains ont été peu à peu convaincus par l’atmosphère générale qu’une vérité vaut l’autre et même, selon la planète Trump, qu’il existe des « vérités alternatives » (autre nom des infox ou fake news, fausses nouvelles, mensonges patentés) et que tout ce qui existe en un domaine a la même valeur. Un texte de rappeur de banlieue étudié au collège vaut un poème de Victor Hugo ou de Baudelaire, la foi en n’importe quelle croyance sectaire vaut celle du christianisme ou de l’islam.

Nous sommes parfois contaminés par ce syndrome de Pilate et acceptons ainsi de renoncer à nos convictions et à notre témoignage. Ceci est la conséquence de ce que la Bible nomme péché, esprit du monde, etc.

B / L’attitude de Jésus (en lien avec la chanson de Guy Béart)

A priori, elle semble surprenante et même décevante. Lui qui a pris soin des plus petits durant son ministère ne répond pas à une demande précise et importante. Pourquoi ?

Cela renvoie à la question de Jésus des versets 20-212 du même chapitre. Là aussi il refuse de répondre au Grand Prêtre. Dans les deux cas, c’est la même raison qui le motive à un tel comportement ; il a déjà tout dit à ce sujet et celui qui voulait savoir pouvait avoir toute réponse en venant l’écouter et le rencontrer. A l’heure de son procès, c’est trop tard, il est déjà jugé.

Combien de gens agissent en fait ainsi : ils font semblant de s’intéresser au message du Christ, mais ils l’ont déjà rejeté et condamné. Jésus ne se laisse pas prendre à ce piège, mais nous, parfois, si. Nous passons du temps à expliquer la foi et son contenu à des gens qui, en réalité, n’en veulent pas et désirent seulement discuter, polémiquer, critiquer. Paul a enjoint Timothée à fuir ce genre de discussion. L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour tout, « un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres » (Eccl. 3 : 5) Sachons parfois ne pas répondre.

Mais, avant de refuser d’entrer en discussion, Jésus a beaucoup parlé et enseigné sur la vérité. Il suffit donc de revenir à ses paroles. Je m’en tiendrai au seul évangile de Jean.

Jean 14 : 6  Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi, est l’affirmation la plus nette. Il est le chemin à suivre, la vérité à recevoir et la vie qui en découle.

Jean 17 : 17  Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité, dit clairement que la vérité est dans la parole du Père, donc celle révélée aux hommes par les prophètes, Jésus et les apôtres. Nous n’avons pas à courir après la vérité, elle est là, dans les pages de la Bible. Ce qui est vrai est aussi ce qui est réel. La Bible est la réalité de la vérité de Dieu, pour la foi chrétienne.

Que faire de cette vérité ?

Jean 16 : 13  Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il faut la recevoir par le Saint-Esprit que Jésus envoie aux croyants. C’est lui qui est le guide pour nous dans la vérité de cette vie. Ce qui signifie que, pour accéder à la vérité du Christ, il faut recevoir la Saint-Esprit. Donc prêcher le salut, c’est aussi prêcher le Saint-Esprit et sa venue en l’homme.

La connaissance intellectuelle de la Bible ne conduit nullement au salut. Voyez Michel Onfray, qui connaît parfaitement la Bible, mais n’y comprend goutte, car il ignore et rejette l’Esprit.

Jean 4 : 23,  Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. 24  Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité, établit ce qui est la véritable foi au Christ et du Christ : adorer le Père en esprit et en vérité. La vérité révélée est inséparable de l’Esprit-Saint qui la donne à comprendre. Il est impossible de rendre un vrai culte à Dieu sans l’assistance de l’Esprit.

La vérité n’est pas dans la Loi, pas dans une morale chrétienne, pas dans la pratique du culte et des bonnes œuvres, tout cela n’est que la conséquence de la compréhension profonde de la Parole par l’Esprit. Ce qui veut dire que chacun découvre et progresse dans la vérité à son rythme, et non qu’il y a diverses vérités équivalentes.

Conclusion

Certains parmi nous en sont encore à la question de Pilate. Il leur faut alors revenir aux propos du Christ pour avoir la réponse. Tout est dans les Evangiles. Encore faut-il les lire sans esprit de jugement préalable, avec une vraie envie de les connaître et de s’en laisser pénétrer.

Pour d’autres, le Chris a parlé et ils ont saisi sa parole. Ils ont ainsi ouvert la porte à la vérité. Mais qu’en font-ils, qu’en faisons-nous ?

Pour connaître vraiment la vérité du Christ, il faut travailler la Parole, la mastiquer sans cesse, accepter de ne pas tout en saisir, pour mieux user de ce que l’on a pu comprendre.

Il faut vivre de la vie de l’Esprit. Le Saint-Esprit se donne à connaître de deux manières seulement : par la méditation des textes et par la prière. La vérité s’éclaire donc par un véritable travail spirituel. Etre chrétien, c’est saisir les armes spirituelles que Paul décrit en Ephésiens 6 : 10-17. On y retrouve la vérité comme ceinture (verset 14). C’est un engagement, pas une petite vie religieuse hebdomadaire et quelques rites hérités. La religiosité est l’ennemie de la foi.

Qu’est-ce que la vérité : c’est la Parole du Père, annoncée par le Fils et gravée en nous par le Saint-Esprit.

Jean-Michel Dauriac – août 2025

Prédication du 10 août 2025, donné dans l’église protestante de Pessac.

Published in Bible et vie

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