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Catégorie : coups de gueule

Qu’arrive-t-il à mon pays ?

C’est vraiment la question que je me pose depuis quelques semaines. Je ne reconnais plus le peuple français. J’ai l’impression, brutalement, de vivre dans un pays étranger. Plus précisément depuis le mois de janvier 2025 et la prise de fonction de Donald Trump aux Etats-Unis. Comme si l’arrivée de cet histrion dément avait agi autant sur nous que sur ses malheureux concitoyens. Il n’est pourtant pas le chef de l’Etat français ! Mais on peut en douter, quand on voit l’information de masse et le comportement de nos dirigeants. Tout se passe comme si les délires quotidiens de ce Président calamiteux nous concernaient directement. Je passe sur ses déclarations toutes plus ineptes les unes que les autres et qui lui laissent croire que le Groënland, le Canada, le Panama, Gaza ou l’Ukraine lui appartenaient ou allaient sans coup férir être américain. J’ai noté dans un autre billet d’humeur ce que nous devions aux journalistes en ce domaine. Mon but, aujourd’hui, est de mesurer les impacts trumpiens sur nos dirigeants, l’appareil d’Etat et le peuple français.

Nous assistons, depuis quelques semaines, à une offensive de propagande tous azimuts de niveau exceptionnel, que l’on ne peut comparer qu’au décervelage massif de l’épisode du Covid19. La conjonction des grands médias avec l’appareil politique et les principaux dirigeants engendre une campagne à laquelle il est très difficile d’échapper. Les télévisions se sont mises à l’unisson pour répercuter le discours officiel, comme les grands journaux et magazines avec leurs unes, sans oublier les discours politiques et gouvernementaux. Quelle est la teneur de ce discours ? La guerre est à nos portes, la Russie nous menace, nous les Européens, et nous ne sommes pas prêts, car le grand frère américain (lisez OTAN) a décidé de ne plus nous défendre. Voici pour la charpente générale. A partir de ces prémisses, chaque acteur apporte sa petite musique, mais toutes sont harmonisées dans le même sens : instiller la peur chez nos concitoyens afin de pouvoir ensuite faire adopter les mesures de réarmement et leur budget. Du coup, tout ce qui n’est pas en phase avec cette peur primale entièrement suscitée par un discours catastrophiste et absolument mensonger, devient accessoire et même ridicule. Ainsi, oser vouloir parler des retraites sérieusement serait devenu obscène. Mais emprunter pour s’armer et pouvoir offrir des armes qui nous font défaut à Zélenski est tout à fait essentiel. Demander que la santé et l’éducation soient reprises en main et garantissent le bien-vivre de la population n’est plus du tout prioritaire. Même la lutte contre la violence et les trafics, comme l’immigration, subissent un net recul face à la nouvelle doxa : la guerre, la guerre, la guerre. Qu’il faut bien préparer pour en surtout pas la faire, nous dit-on. Mais rien n’est plus faux que ce stupide adage latin, Si vis pacem, para bellum, (Si tu veux la paix, prépare la guerre), que tout latiniste a appris dans son cursus. Si tu prépares la guerre, tu finiras par la faire, c’est ce que l’histoire démontre à tout coup.

Nos hommes politiques, qui ne brillent vraiment pas par la pensée et l’originalité, mais qui ont, pour la plupart, fait de longues études universitaires où l’histoire leur a été enseignée, ont subitement oublié ce qu’ils savaient sur les années 1911-1913, ce que l’on appelait dans les cours de Première de jadis, la « marche à la guerre ». On pourrait dupliquer les discours et les publier tels quels dans la presse, cela ne se verrait même pas !  C’est à qui va aller le plus loin dans l’appel au réarmement et au sursaut patriotique ! A quoi je ne peux que citer le Grand Jacques : Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

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Le président Macron prononçant son discours sur la base de Luxeuil-les -bains

Mais le responsable principal doit être nommé et identifié : il s’agit du président Macron. Le voici requinqué comme aux plus beaux jours de la « guerre » contre le Covid. Lui qui se trouvait, de facto, marginalisé par sa défaite politique et électorale, écarté du vrai pouvoir, a rapidement su trouver comment occuper le devant de la scène. Car cet adulescent inconsistant ne peut vivre qu’en représentation. Sans caméras et micros, il n’existe plus. Trump lui a fourni les moyens de sa sortie du purgatoire, et il a su très vite en faire usage. Depuis maintenant deux mois, il parcourt l’Europe pour rameuter des troupes autour de son grand projet de défense militaire. Le malheur de la nation veut que le Président, selon la constitution de la Ve République, soit le chef des armées. C’est donc sur cette prérogative qu’il est en train de bâtir son grand retour, en essayant de faire oublier qu’il est le responsable de la situation catastrophique de la France depuis 18 mois et son aventureuse dissolution, bien mal calculée. Et comme les Français sont, effectivement, des « veaux », selon la formule du Général, il est en passe de réussir son coup : une grande majorité des Français sondés lui emboîteraient le pas ! (On a le droit de mettre en doute la méthode de ces sondages !). Ce petit homme qui se ferait dessous s’il se trouvait vraiment sur une ligne de front comme en Ukraine, sous le feu roulant des Russes, adopte la posture martiale de César et va partout prêcher sa bonne parole. Hier, c’était sur la base aérienne de Luxeuil (Haute-Saône), où il a prononcé son discours, micro à la main, au milieu des militaires et a annoncé un effort sans précédent de remise à niveau des forces aériennes. Où va-t-on trouver les milliards d’euros, alors que notre endettement est déjà colossal, le plus important de la zone euro et que nos prélèvements obligatoires (lisez impôts et taxes) sont les plus élevés de l’Ouest ? Soit en empruntant plus – ce qui creusera encore le gouffre et hypothèquera l’avenir sur des générations -, soit en prenant l’argent sur d‘autres postes budgétaires, et de préférence dans les gros budgets des gros ministères. Ce qui augure de restrictions sur la santé, l’école, la justice, les transports, etc.  Et pour quelles raisons objectives ? La Russie a-t-elle envoyé un ultimatum à l’UE ou à la France ? Constate-t-on des mouvements de troupes blindées russes dans les Ardennes ? Non, tout cela à partir de la situation ukrainienne, dont Zelenski a su donner une version inquiétante aux dirigeants de l’UE, au premier chef Macron. Le conflit ukrainien serait l’avant-garde de celui que Poutine va enclencher avec l’UE, il faut donc sauver le soldat Zelenski pour sauver la liberté occidentale. Tout cela ne résiste évidemment pas à l’analyse et s‘avère être en grande partie une fiction, très bien vendue par l’ancien comique ukrainien.

Mais ce qui me déçoit le plus, ce n’est pas la vague éhontée de propagande qui s’abat sur notre pays, mais le fait que les Français se laissent aussi facilement manipuler.  Ainsi il faut bien admettre que tout le travail de l’école et des professeurs d’histoire qui ont enseigné les deux grandes guerres du XXe siècle est inutile. A la première étincelle de nationalisme et de militarisme, ils s’enflamment comme de l’étoupe et se comportent comme leurs aïeux allant « bouffer du boche » et conquérir Berlin en une semaine. « Quelle connerie la guerre », comme l’écrivait Prévert ! Ils ont donc oublié que dans une guerre il n’y a que du mal. Que des morts, des exactions, des mutilés, des blessés, des traumatisés, des destructions de villes et villages, des fusillades de civils… Qu’il n’y a jamais de vainqueur dans une guerre, seulement une illusion de victoire. Que seuls la haine et le malheur gagnent. Que ceux qui appellent à la faire sont justement ceux qui ne la font pas. Ils ont oublié Verdun et ses centaines de milliers de morts pour rien, et les cinquante millions de tués lors de la dernière conflagration mondiale. Non, rien ne peut justifier cette passion guerrière, et celui qui la sème devra un jour rendre des comptes, et pas seulement au tribunal de l’histoire.

France et Français, pouvez-vous vous ressaisir ou voulez-vous continuer à être des pantins que l’on téléguide par électronique interposée ? Il devrait y avoir des centaines de milliers de gens dans nos rues pour dire « non à l’esprit guerrier ». Au lieu de quoi, ils répètent en boucle les fake news officielles de l’Elysée. Il y a des jours où j’ai honte d’être Français !

Jean-Michel Dauriac – 20 mars 2025.

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De la bêtise journalistique à l’échelle mondiale

« Si l’on faisait une sérieuse attention à tout ce qui se dit de froid, de vain et de puéril dans les entretiens ordinaires, l’on aurait honte de parler ou d’écouter, et l’on se condamnerait peut-être à un silence perpétuel, qui serait une chose pire dans le commerce que les discours inutiles. Il faut donc s’accommoder à tous les esprits, permettre comme un mal nécessaire le récit de fausses nouvelles, les vagues réflexions sur le gouvernement présent ou sur l’intérêt des princes, le débit des beaux sentiments et qui reviennent toujours les mêmes… » La Bruyères, Les caractères De la société et de la conversation §4, p. 148-149, éditions La Pléiade.

Journalistes à la cafétaria

Nous assistons, médusés, à une démonstration d’ampleur mondiale de la bêtise journalistique dans toute sa splendeur. Quiconque observe les médias attentivement sur une période de plusieurs décennies, comme c’est mon cas, en simple lecteur, auditeur et téléspectateur, ne peut être que frappé par l’évolution régressive de cette corporation. Les belles âmes progressistes se sont longtemps gaussées des journalistes français à l’époque de l’époque du Général de Gaulle et son ministre de l’information. On a parlé de Franco, du fascisme, beaucoup moins souvent de l’URSS d’ailleurs, pour qualifier cette surveillance des médias français. Mais personne ne semble s’aviser qu’aujourd’hui il n’a même plus besoin de l’ORTF et du ministre associé pour que les journalistes soient aux ordres. Ils s’y mettent tout seuls, et immédiatement. Le bel exemple actuel l’illustre à merveille.

Je ne veux parler ici que de deux exemples : l’arrivée de Donald Trump au pouvoir et la guerre en Ukraine. Le raisonnement pourrait être élargi à tous les sujets importants de l’actualité.

L’élection de Donald Trump et son arrivée au pouvoir sont emblématiques de la soumission grégaire des plumitifs français. Tant que la corporation n’avait pas envisagé sa victoire, il était traité assez durement, avec une ironie mordante par la grande majorité des médias. Puis, la tendance s’est inversée et son élection est devenue probable, et même certaine, devant l’incapacité de ses rivaux. Et toute la grande famille de l’information a alors changé son fusil d’épaule et commencé à le traiter en homme d‘Etat, couvrant sa campagne de manière très favorable. Depuis son élection, avant même sa prise de fonction, c’est devenu de la flagornerie générale : « président Trump » par ci, « président Trump » par là. Les mêmes qui ricanaient – à juste titre – de ses âneries relatent ses faits et gestes comme celles du pape ou de la reine d’Angleterre à sa grande époque. A ce jeu, les chaînes d’information continue font la course en tête, les autres chaînes ne pouvant rivaliser avec le temps d’antenne que l’on accorde aux propos et attitude du nouvel oracle américain. Que ce malade mental fasse les déclarations les plus absurdes, peu importe, elles sont reprises aussitôt et commentées ad nauseam par les pseudo-experts appointés des divers médias. Il veut annexer le Canada, acheter le Groenland et reprendre le canal de Panama, transformer Gaza en Riviera purgée de ses Arabes, faire la paix en Ukraine en une journée… J’arrête là l’inventaire. N’importe quelle personne dotée de tout son bon sens, lisant ces propositions, conclura à la folie de celui qui les profère. N’importe qui, oui, mais pas les journalistes qui, eux, sont bien plus perspicaces et ont compris tout l’intérêt de ces propos… Ces crétins en meute crédibilisent donc à longueur d’antenne les paroles de celui qui relève de la psychiatrie. Et le fait qu’il ait été élu ne prouve rien sinon la défaite totale de la démocratie et la stupidité de l’électeur moyen américain, hélas en passe d’être rejoint dans cet abîme de bêtise par les électeurs européens, tous séduits par leurs Trumps aux petits pieds. Pourquoi agissent-ils ainsi, me demanderez-vous ? Sans doute d’abord parce que leur esprit critique est de la taille d’un pois chiche. En cela, ils sont les purs produits de la formation française dégradée depuis plus de trente ans. Mais il y a autre chose. Ils craignent tous d’être privés de visa pour les Etats-Unis s’ils se signalent agressivement contre le dément en chef, qui pratique la vengeance sauvage à satiété. Et surtout, ils obéissent servilement à leurs chefs et propriétaires, qui sont tous, d’une manière ou d’une autre, en affaires avec les Etats-Unis. Il faut donc éviter de se fâcher avec leur président, quel qu’il soit et quelles que soient les énormités qu’il puisse proférer. Voilà ce qui gouverne l’information aujourd’hui. Tout le reste n’est qu’habillage cosmétique. On glisse juste un peu de critique pour faire crédible, et le tour est joué. Les Français sont nourris au lait de cette mamelle corrompue et répètent fidèlement dans les sondages ce qu’on leur serine à longueur de journée.

Et c’est ici que l’on rejoint la guerre en Ukraine. Comme les deux sujets sont dorénavant liés par la grâce trumpienne, les journalistes font également tourner en boucle leur pseudo-information sur la situation en Ukraine et les projets de paix du génial taré d’outre-Atlantique. Trump va donc régler en quelques jours ce conflit qui pourrit depuis trois ans ! Qu’a-t-il promis à Poutine ? On se garde bien d’en parler. Mais ça, les Ukrainiens, eux , le savent, ils savent qu’ils ont déjà perdu définitivement les terres prises par l’armée russe, que l’annexion de la Crimée va être reconnue de fait et qu’ils ne pourront pas intégrer l’OTAN. Trump a vendu l’Ukraine à Poutine pour désengager son pays de l’aide à l’Europe, voilà la vérité toute nue, celle qu’il faudrait marteler : c’est un abandon en rase campagne, un retour à l’isolationnisme traditionnel américain. Mais on camoufle cela derrière l’espoir d’une paix bradée qui va abandonner l’Ukraine et l’Europe.

Mon propos n’est pas de développer davantage ces arguments : ils devraient être évidents pour toute personne qui réfléchit seule. Et pourtant ils sont aujourd’hui considérés comme déviants face au discours ultra-dominant du système médiatique national, lequel a retrouvé une belle santé de propagande depuis quelques années (disons depuis le Covid, pour faire simple). Les auteurs de ce crime contre la liberté de penser et l’esprit critique sont ces rédactions de clones fabriqués à la pelle dans les écoles de bien-pensance qu’on appelle de journalisme. Albert Londres, reviens, ils sont devenus fous !

Bilan : un crétin peroxydé, malade mental incontestable, délire en permanence et ses propos de malade sont repris et commentés comme des oracles par toutes les rédactions de France, sans aucun recul critique, sans signaler ce que ces paroles ont d’inepte et de dangereux pour l’ordre mondial péniblement maintenu depuis 80 ans. Si vous adhérez à ces discours et pratiques, sachez que vous préparez le chaos pour vos enfants et petits-enfants, lesquels sont déjà très menacés par de vrais périls, sans que ‘on rajoute celui de la bêtise journalistique.

Jean-Michel Dauriac – 17 mars 2025

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Deux morts de janvier sans chagrin : Claude Allègre & Jean-Marie Le Pen

À peu de temps d’intervalle, nous avons appris la mort de deux personnages publics célèbres en France, pour des raisons différentes. Je veux parler de Claude Allègre (4 janvier 2025) et  Jean-Marie Le Pen (7 janvier 2025).

J’oserai dire que ces deux disparitions ne m’ont causé aucun chagrin. Ces deux hommes avaient en commun une forme de haine qu’ils avaient exprimée de manière différente, mais très nette.

Commençons par Claude Allègre. À son décès, tout le monde l’a présenté comme un savant immense, dans le domaine de la géophysique du globe. Je ne contesterai pas ce terme, mais je récuserai l’adjectif qualificatif. Que restera-t-il du savant appelé Allègre ? Je crains que l’histoire des sciences soit cruelle avec lui dans un avenir proche. Ce n’est pas à cette réputation de « pointure » scientifique qu’il doit sa célébrité. Mais à son incursion incongrue dans le monde de l’éducation. À part une maman institutrice, Allègre n’avait vraiment aucun lien avec la pédagogie. C’était un mandarin banal, comme il en sévit dans toutes les facultés de France. Pour avoir connu des gens instruits qui avaient été ses étudiants, et ayant confiance dans leur jugement, je dirais qu’il n’avait aucun sens de ce que peut être un comportement de pédagogue, c’est-à-dire, au sens propre et imagé celui qui chemine avec l’élève. Cela fut manifeste à deux moments de sa vie publique. D’abord quand il devint l’éminence grise du gris Lionel Jospin lorsque celui-ci fut ministre de l’Éducation nationale, de 1988 à 1992, si je me souviens bien. Je devrai d’ailleurs dire plutôt « âme damnée » tant son influence fut néfaste. Il est l’inspirateur de la massification de l’enseignement, une fausse bonne idée socialiste, celle qui mettait « l’enfant au centre du système éducatif » (sic). Cette formule, d’apparence anodine pour un non-initié, eut des effets extrêmement mauvais à long terme sur le service d’enseignement français. Je ne le développerai pas ici, mais cette formule est démagogique et stupide ; or, elle fut prise au mot et adoptée par la syndicratie qui cogère le ministère de la rue de Grenelle et engagea l’école sur la pente du renoncement peint aux couleurs de l’égalitarisme et de la pseudoélévation du niveau général des élèves et étudiants. Tous les professeurs honnêtes et expérimentés ont pu en apprécier la nocivité, pour les élèves en premier lieu. Le second moment de  célébrité d’Allègre fut son passage au ministère de l’Éducation, lorsque son ami Jospin se trouva Premier Sinistre. Pour comble de malheur, il fut flanqué de Ségolène Royal. Un véritable tandem infernal ! Ceux qui ont vécu ce ministériat se souviennent du mépris de ce ministre, de la baisse du pouvoir d’achat qu’il occasionna chez les professeurs (par baisse du paiement des heures supplémentaires) et de la haine farouche et aveugle qu’il eût pour les Classes Préparatoires et leurs enseignants – il devait y avoir une explication psychanalytique à cela -, qu’il qualifia de « Pilotes de ligne de l’Éducation nationale » pour les désigner à la jalousie de leurs collègues, qui n’avaient pas besoin de ça, je n’en dirai pas plus. Ce fut le temps où il voulait « dégraisser le mammouth » selon sa formule élégante, qui cadrait si bien avec son physique de brute néandertalienne. Même ses soi-disant collègues du Parti Socialiste en furent gênés pour lui, tant il accumula les gaffes. Ensuite, ce grand esprit se fit connaître par son climatoscepticisme, qu’il étala dans des livres et articles d’une bêtise remarquable. Puis il disparut des radars publics, atteint par l’obsolescence des crétins. Et donc, Claude Allègre était mortel et il est mort. Sans doute cela a-t-il affligé quelques personnes de son entourage ou de sa famille. Je crois qu’aucun enseignant n’aura été attristé par cette disparition. Je dois avouer que, pour avoir connu nombre de ministres de l’Éducation en quarante-trois ans de service actif pour la connaissance et la pédagogie, aucun n’a suscité autant de rejet et même de haine. Je dois dire que pour moi, c’était plutôt un mélange de mépris et de pitié, sentiments pas très chrétiens, je le concède, mais je n’ai pas réussi à les éviter.

Venons-en à Jean-Marie Le Pen. Sur ce personnage politique, j’ai deux points de vue, celui du professeur d’histoire que je fus et celui du citoyen français que je reste, à mon corps défendant.

Sur le plan historique, Le Pen a été un acteur non négligeable de plus de cinquante années de vie politique française. Il fut député, fondateur de parti, candidat à la présidentielle et opposant majeur aux divers gouvernements de la Ve République depuis 1974. S’il laisse une trace dans l’histoire, ce sera sans doute pour avoir atteint le second tour de l’élection présidentielle française en 2002, et peut-être pour avoir avoué à demi-mots avoir pratiqué la torture en Algérie, durant les « événements » comme on disait alors. Il laissera aussi le souvenir d’un grand tribun, un des rares orateurs de son époque, plus apte à produire des tâcherons du discours que des orateurs flamboyants. Lui fut de cette nature, par sa voix, sa présence physique et sa maîtrise de la langue française, sans oublier sa culture. Ceci est dit et reconnu, on ne peut le nier.

Sur le plan humain, il en va tout autrement. Le Pen fut avant tout un immense provocateur, jouant sciemment le jeu de la médiatisation.  La provocation peut être, dans une société conformiste, une belle qualité. Mais cela dépend de ses armes. Et celles de Le Pen étaient sales. Le « Menhir », comme on le surnomma, cultiva ce que les autres, ses ennemis, appelaient des dérapages, mais qui n’en étaient pas du tout, tout étant pesé au trébuchet. Chaque grosse saillie était préparée d’avance et lâchée de manière calculée. Les procès qui en découlaient étaient aussi des tribunes gratuites. Mais ce qui en fait un sale type, c’est le choix des sujets, des cibles et des termes. Je ne rapporterai pas ici ses calembours « hénaurmes » ou ses contre-vérités assénées. Le Pen était un vrai « salaud » au sens populaire du mot, on aurait aussi pu dire une ordure autrefois. Il maniait le racisme, l’antisémitisme et la haine raciale avec maestria et persévérance. Le fond de sa pensée était nauséeux, et il avait eu le bon goût de s’acoquiner avec ce que la politique de droite a produit de pire dans les pires moments de notre histoire. C’est la grandeur (et la faiblesse) de la démocratie de permettre à ces flots d’égout et d’ego de se répandre sans entraves, au nom de la liberté d’expression. Il savait merveilleusement en jouer.  Le Pen ne voulait surtout pas exercer le pouvoir au plus haut niveau. Il n’était pas capable de le faire. C’est seulement dans le rôle de l’opposant démagogue et populiste qu’il excellait. Il n’avait rien d’un homme d’Etat, il n’était qu’un histrion borgne.

Alors, évidemment, sa mort me laisse parfaitement indifférent. Je ne m’en réjouis même pas, pas plus que celle d’Allègre. Je prends note de la disparition d’un élément nuisible de l’espèce humaine.

Ce papier paraîtra peut-être dur à certains (on ne tire pas sur les corbillards !). Mais il y a des limites à la flagornerie médiatique et elles viennent encore une fois d’être franchies. Il fallait rappeler ce que ces deux hommes ont infligé à leurs semblables ; bien sûr je ne les mets pas sur le même plan : Allègre était juste un butor, rustre et pas futé, alors que Le Pen était de la race des tortionnaires et des chefs de milice.  Ils ne nous manqueront pas.

Jean-Michel Dauriac – 9 janvier 2025.

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