Skip to content →

Catégorie : Bible et vie

Hardi les doux ! – Jean-Thomas de Beauregard (O.P.) – Une critique œcuménique

Les éditions du Cerf, 2024.

L’Ordre des prêcheurs (O.P.) fut le premier nom de cette création de Dominique de Guzman, lors de la lutte contre les hérétiques cathares, afin de les ramener, par l’exemple – et non par l’Inquisition, au départ -, au sein de la vraie foi. L’ordre est voué essentiellement à la prédication. Celle-ci peut prendre des formes diverses, tant à l’oral qu’à l’écrit. Depuis toujours cet ordre est une pépinière d’auteurs, d’enseignants et de grands prédicateurs, comme son rival, l’ordre jésuite.

Le frère Jean-Thomas de Beauregard appartient à la génération montante de l’ordre, celle des trentenaires qui fourmillent d’idées et s’attaquent à des sujets jusque là ignorés de leurs prédécesseurs. Dans cet ordre d’idée, j’ai déjà chroniqué un autre auteur de la même génération, Sylvain Detoc et son livre étonnant, La gloire des bons à rien. Leur angle d’attaque est celui de la surprise, du contre-pied, dont on comprend bien qu’il est un moyen d’éviter de mettre ses pas dans les pas de ses pères et de produire un énième livre sur la charité ou l’eucharistie. Cela correspond bien au caractère des jeunes dominicains que j’ai pu rencontrer. En cela, ils rejoignent la cohorte des auteurs protestants de leur génération, preuve que c’est une démarche globale d’adaptation du discours religieux à l’époque et au public nourri aux réseaux (a)sociaux. Ceci étant dit, je doute sérieusement que ce public de digital natives, comme disent les cuistres sans racines, lise ce livre : il est écrit dans une belle langue française, et il n’y a ni images, ni QR codes, ni émoticônes.

Le frère dominicain Jean-Thomas de Beauregard

J’ai dû découvrir ce livre dans une revue catholique où il était présenté. Comme pour celui de S. Detoc, c’est le titre qui m’a accroché, preuve que leur analyse d’auteur est juste. Associer la hardiesse à la douceur a quelque chose de l’oxymore dans notre pensée actuelle. J’avais hâte de voir comment notre jeune prêcheur allait s’en sortir. Alors, disons-le de suite, quitte à briser un suspens insoutenable, il s’en sort très bien !

Le livre débute par un avant-propos titré La querelle du romancier et du philosophe, qui s’appuie sur les positions de deux auteurs catholiques du XXe siècle, le philosophe Jacques Maritain, thomiste de référence, et George Bernanos, écrivain flamboyant, toujours révolté et merveilleux peintre de l’âme humaine et de ses méandres. Bien que tout à fait opposés dans leurs caractères, ils aspirèrent tous deux à être des doux, à leur manière. C’est sur ces différences d’approche de la douceur que l’avant-propos se développe. Je n’hésiterai pas à dire que ces pages sont brillantes. Elles joignent un style impeccable à une structure passionnante fondée sur une citation du Britannique Chesterton, autre enfant terrible du catholicisme, qui dénonçait les « vertus chrétiennes devenues folles » (p. 9). Parodiant cette expression, L’auteur utilise la méthode de l’anaphore « La douceur chrétienne devient folle… » pour dénoncer tout ce que la douceur dont il veut parler n’est pas. C’est de la théologie négative sous forme littéraire. Il va au combat d’entrée contre Machiavel et Nietzsche, contempteur de la douceur comme vertu des faibles ou des efféminés. Il clôt cet avant-propos par les mots suivants :

« La douceur est la vertu des forts et l’apanage des saints. Elle se reçoit et s’apprend. Heureux les doux, hardi les doux ! » (P.20).

Le reste du livre ne se maintient pas à ce zénith de pensée et de formulation, mais c’était quasiment impossible. Le frère de Beauregard reprend alors sa plume de professeur de philosophie et de théologien, pour nous offrir un plan basé sur la Trinité. Le Père est révélateur de la douceur, le Fils est douceur paradoxale, l’Esprit Saint est une onction de douceur. Ces trois chapitres permettent de visiter la Bible et les textes de la tradition.

Qu’est-ce que la douceur de Dieu ?

« La douceur de Dieu consiste donc à rencontrer les créatures et à accompagner sa propre action et celle de toutes les créatures pour les conduire vers leur bien. » (P.25)

Dieu veut le bien pour sa création et c’est par sa révélation qu’il veut y conduire l’humanité. La Bible nous raconte cette révélation et comment Dieu a le souci de ses créatures.

« Dès lors, si Dieu ne renonce jamais à accompagner vers le bien toutes ses créatures à titre singulier, et le monde général, le plus souvent sa grâce se coule dans les dispositions naturelles des créatures qu’il vient guérir et surélever pour les faire rayonner d’un peu de sa gloire. C’est ce qui fait qu’il passe inaperçu.» (P.33-34).

La révélation de Dieu est progressive, comme le montre l’auteur :

« Il y a une progressivité de la Révélation, depuis Abraham jusqu’à l’incarnation du Christ achevée dans le don de l’Esprit-Saint à la Pentecôte. Dieu ne se révèle pas tout entier en une seule fois. » (P.35).

Pourquoi la douceur de Jésus est-elle qualifiée de « paradoxale » ?

« Charité, humilité et douceur. Seules vertus pour lesquelles le Christ se donne explicitement en exemple ; ce sont précisément ces vertus qu’il nous commande d’imiter, contre la promesse de nous « procurer le repos », à nous qui peinons sous le poids du fardeau (Mt 11 :28). » (P.44).

Le Christ est donc le modèle à suivre, sur ces trois vertus associées et interdépendantes. Sa venue sur terre est faite dans cette optique.

« La douceur de l’Incarnation se réalise dans l’humilité et pour la charité. »(P. 46 ).

Cette affirmation se doit d’être corroborée par l’ensemble de la vie de Jésus. Il est manifeste qu’il a été humble toute sa vie. Il s’est toujours mis derrière le Père, il n’a jamais recherché les honneurs, a refusé l’idolâtrie du peuple. D’où lui venaient ces qualités ? De Beauregard avance une hypothèse :

« … on peut émettre l’hypothèse que Jésus, en son humanité, a appris la douceur sur les genoux de la Vierge Marie, quand bien même il la possédait parfaitement en vertu de sa divinité. » (P. 51).

On pourra apprécier la contradiction : soit il possédait la douceur ab origine, soit il l’a apprise. Mais on peut combiner les deux. Sauf, évidemment, à vouloir donner à Marie un rôle de plus, pour épaissir la légende construite hors de toute base biblique. Le vrai problème est la divinité ou l’adoption divine de Jésus, débat qui fut très vif dans l’Église primitive.

Le paradoxe de Jésus est celui de la douceur et de la colère, deux sentiments ou comportements antagoniques, au moins en apparence. En apparence seulement, car il existe une colère positive. Pour la définir, l’auteur cite Aristote et l’Éthique à Nicomaque.

« L’homme donc qui est en colère pour les choses qu’il faut et contre les personnes qui le méritent, et qui en outre l’est de la façon qui convient, au moment et aussi longtemps qu’il faut, un tel homme est l’objet de notre éloge. Cet homme sera dès lors un homme doux. » (P. 52).

La douceur n’exclut donc nullement la colère pour la philosophie grecque. Ce qui compte est la maîtrise de soi dans cette colère. Il faut donc admettre qu’il existe des circonstances et des gens contre lesquels il faut être en colère. L’auteur cite ensuite plusieurs exemples de moments où Jésus contient sa colère ou ne répond pas à la colère de ses adversaires. À l’inverse, il cite trois femmes converties par la douceur du Christ (la Samaritaine, la femme adultère et la pécheresse au parfum).

D’où vient cette douceur de Jésus, inatteignable à l’homme.

« La douceur de Jésus est le rayonnement sur la terre de la douceur divine qu’il partage avec le Père de toute éternité au ciel. Elle est d‘autant plus grande qu’il est tout entier pacifié, conformé par tout son être à la volonté du Père. » (P. 60).

Jésus parvient à concilier la douceur divine et une colère sainte contre le mal et le péché. C’est le chemin à suivre : non bannir toute colère au nom d’une charité mal comprise, mais la contrôler et l’accompagner d’une douceur au quotidien. Vaste programme ! Tout l’enseignement du Christ doit être considéré à cette mesure. Jusqu’à la Passion, tout est transmission aux disciples ;

« L’enseignement de Jésus sur l’amour inconditionnel des ennemis et la -violence doit être médité à l’aune du récit de la Passion. Car c’est de Gethsémani au calvaire que Jésus accomplit son enseignement. » (P. 67).

L’onction de douceur du Saint-Esprit n’est pas la plus simple à comprendre.

« Des trois personnes de la Trinité, l’Esprit-Saint est la plus insaisissable. Son œuvre auprès des hommes et dans le monde se fait sous le signe de la discrétion. Pourtant, dès lors qu’un acte de foi, d’espérance et de charité est posé ici-bas, dès lors que quelque œuvre bonne est produite par un homme, l’Esprit-Saint est là qui en a suscité le désir, soutenu la réalisation, et qui lui a donné de porter du fruit. » (P.71).

En effet, notre connaissance est, paradoxalement, la plus limitée sur le Saint-Esprit, alors même que c’est Dieu en nous, donc ce que nous devrions le mieux ressentir et comprendre ! L’auteur n’ignore évidemment pas cette difficulté, mais il ne l’affronte pas directement. Il préfère passer par l’exemple d’Augustin et des extraits des Confessions, abordant ainsi la douceur des premiers temps de conversion. Ensuite, dit-il, les choses se corsent, car la douceur suave des débuts fait place à un chemin plus mitigé où la découverte du mal rend les choses plus âpres. La vie devient plus combat. Mais c’est alors que l’onction de l’Esprit est la plus utile et qu’il faut savoir la rechercher et la cultiver. L’Esprit devient la force qui nous aide à saisir la Parole, à la méditer, à la faire esprit et vie en nous. Pour le dominicain, la douceur de l’Esprit se manifeste principalement dans les sacrements.

« L’édifice sacramentel de l’Église n’est donc rien d’autre que la manière douce dont l’Esprit-Saint entend communiquer la grâce du Christ à tous les hommes pour les amener au Père. » (P. 84).

Voici une phrase qui vous semblera peut-être anodine et sans équivoque. Mais elle est pourtant, pour le moins discutable. D’abord par la dimension donnée aux sacrements : l’Église romaine en reconnaît sept, alors que les protestants n’en comptent que deux ! la différence tient à leur historicité : pour les réformés, seuls ceux mis en œuvre par le Christ lui-même sont dans cette catégorie. Les autres n’ont en effet pas de racines bibliques, Jésus ne les ayant pas mis en action (mariage, confession – ou réconciliation en termes modernes -, extrême onction, la confirmation et l’ordination[1]). Il faut aussi parler de leur administration : pour les catholiques, seuls les ordonnés peuvent donner les sacrements, c’est une affaire de religieux exclusivement ; pour les protestants, le sacerdoce est universel, donc les sacrements sont à disposition de tous les fidèles, avec discernement évidemment ! Enfin il faut déminer le terme « Eglise » qui, pour notre auteur, comme pour tous les catholiques est synonyme d’Église catholique romaine. Or, ceci est également inacceptable pour les protestants, qui appellent Église l’ensemble des croyants du monde entier, soir l’Église universelle invisible, par contraste avec l’église locale, visible. Les sacrements sont à disposition, par l’enseignement apostolique, de toutes les églises locales fondées sur la parole du Christ.

Ces distinctions étant posées, je puis accepter le propos de notre auteur, dans un sens bien plus « inclusif » que celui qu’il lui donnait, sauf procès d’intention de ma part.

En effet l’onction de l’Esprit amène le croyant à rechercher la communion fraternelle sous toutes ses formes et c’est dans la communauté des croyants qu’elle peut s’accomplir.

J’émets donc des réserves théologiques et ecclésiologiques sur ce chapitre, tout en acceptant son contenu général.

Après cette étude trinitaire de la douceur, l’auteur aborde la question de la grâce et des vertus face à la douceur. On rentre donc dans l’éthique de la douceur.

À ce propos, il pose un principe que je ne puis que partager :

« La conversion est la grande affaire des chrétiens. Non pas seulement de ceux qui ne le seraient pas encore, mais aussi de ceux qui le sont déjà, mais pas assez. » (P. 99).

Avant de discuter ce point, soyons clairs : on n’est jamais assez converti au Christ tant que l’on est sur cette terre des hommes. Je ne puis que me réjouir de cette affirmation, car elle n’est pas si évidente que cela dans l’histoire du catholicisme. Sans remonter à l’antiquité ou au Moyen Âge, je parlerais simplement de ce que j’ai vécu au début des années 1970 lorsque je rencontrais de jeunes catholiques ou des prêtres. La conversion était alors une notion non utilisée dans la vie courante des croyants. J’ai vu revenir ce mot progressivement à partir du pontificat de Jean-Paul II. Il est aujourd’hui courant dans tout discours de l’Église romaine. Je pense qu’il ne s’agit pas seulement d’un hasard ou d‘une mode. Longtemps religion d’État et ultradominante, l’Église catholique n’avait nul besoin de la conversion, on naissait catholique et tout le système sacramentel s’enclenchait, avec plus ou moins de succès. Ce n’est plus du tout le cas. Si le catholicisme reste statistiquement première confession de France (pour combien de temps encore face à l’islam ?), il a connu une décrue énorme que l’on peut mesurer à la fréquentation des offices ordinaires. La sécularisation l’a touché de plein fouet. Les mariages se sont effondrés, comme les baptêmes ou communions  solennelles. Le recrutement vocationnel des prêtres est très problématique (il en va de même pour le protestantisme historique). L’Église s’accroit surtout maintenant par conversion et baptême d’adultes : elle s’est donc « protestantisée » dans son recrutement. Du coup, la conversion est une expérience qui a gagné droit de cité, et je m’en réjouis, car je crois qu’il n’est d’Église réelle que de convertis.

Mais la conversion n’est pas la fin du chemin, elle en est juste le portail. Dès que l’âme a été sauvée par la grâce divine, elle doit se battre contre le mal qu’elle découvre en elle et autour d’elle. C’est ici que les vertus interviennent. Elles seront les armes dans cette lutte de toute la vie. Or, sur le chemin des vertus, l’homme rencontre deux ennemis, nous dit l’auteur, deux ennemis issus du protestantisme : Kant et Luther. L’un prônant le bien comme devoir absolu, avec son impératif catégorique, qui exclut tout plaisir et toute joie – il est vrai que Kant n’est pas resté dans l’histoire comme un boute-en-train! -, et l’autre refusant à l’homme toute possibilité de sortir de son péché, sauf le salut par grâce. Ce qui refuse toute idée de progrès spirituel et repose entièrement sur la foi, comme seule bouée de sauvetage. Ce qui, nous dit notre dominicain, enlève tout rôle à la conversion. Et donc tout travail des vertus.

Il est étonnant, au XXIe siècle, un homme aussi brillant que notre auteur, se t=retrouve les pires clichés sur Luther et le salut pas la foi. Comme si le chemin de la réconciliation n’avait pas été acté par l’Église avec ce que l’on appelle la Concorde de Leuenberg[2]. Il faut malheureusement dire que, chez les dominicains, Luther est traité comme le Diable ! Vieille haine qui remonte à la Réforme !

L’amusant dans ce passage est que la conversion a été l’apanage des Églises protestantes depuis leur origine, alors que l’Église romaine n’en faisait même pas mention, et qu’il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour que ce moment décisif de la vie chrétienne revienne dans le vocabulaire usuel de Rome. Ce pas sage du livre est donc, de facto, obsolète et partial.

Notre auteur revient donc à Augustin pour enterrer Kant. Ce sera plus difficile pour Luther, lui-même moine augustinien de haute volée. Il est évident que tout chrétien cherche à accomplir le bien et use des grâces divines que notre auteur appelle vertus. Il existe malheureusement depuis toujours de croyants qui refusent ce combat, ou le croient déjà gagné ; ils sont aussi bien chez les catholiques, les orthodoxes ou les protestants. Le livre propose une définition de la vertu :

« C’est une disposition à agir bien dans un domaine particulier, avec aisance et joie. Or la vertu s’acquiert par répétition d’actes dans un sens donné. » (P. 109).

D’où nous inférons que la vertu est donnée par Dieu à la créature, avec l’assistance de l’Esprit-Saint pour la mettre en œuvre. En effet, seul, l’humain ne peut marcher dans le bien sans broncher, c’est la définition même du péché. Il appartient, en effet, à celui qui est bénéficiaire de cette vertu -soit tout être racheté par le christ – de la faire croître et porter du fruit. C’est le chemin de la douceur à cultiver. À travers l’exemple de Thérèse de Lisieux, De Beauregard montre que ce combat est difficile, même s’il paraît aisé vu de l’extérieur. La douceur n’est donc pas une grâce innée, mais un chemin de travail. Mais ce travail, souvent douloureux, se traduit par un progrès et une joie qui surpasse largement les douleurs de la lutte.

De la vertu, on passe quasiment naturellement à la sainteté. La douceur est la voie de la sainteté. Là encore, le mot est piégé : notre auteur parle là des personnes canonisées par l’institution, alors que le bibliste paulinien sait bien que ce terme s’applique, par son étymologie du « mis à part », à tous les croyants. Nous sommes tous des saints du Nouveau Testament, et nous avons tous à emprunter le chemin de la douceur, même si beaucoup d’entre nous n’ont aucune envie de voir leurs noms dans le calendrier. La lutte est infinie sur cette terre, car les occasions de chute sont multiples :

«  La focalisation sur les péchés de chair, certes graves mais surtout plus culpabilisants, risque d’obnubiler la conscience et de la rendre aveugle à d’autres péchés qui peuvent être plus importants comme l’orgueil, le refus de pardonner les offenses, la négligence dans la relation à Dieu, l’absence de souci des pauvres et des petits ou le manque de serviabilité au quotidien. » (P. 118).

Je suis tout à fait d’accord avec cet avis, il faut rappeler que c’est l’Église romaine qui a établi la hiérarchie des péchés et a rendu culpabilisants les péchés de chair par son centrage exclusif sur ceux-ci. La lecture de l’enseignement du Chris ramène à une doctrine bien plus saine du péché.

Dans cette lutte du péché, le dominicain va exposer deux théories sur la manière de combattre et vaincre le péché, donc d’avancer sur le chemin de la sainteté ordinaire : la « loi de gradualité » et la « loi des seuils ».

La loi de gradualité a été promue par Jean-Paul II ; elle peut se résumer ainsi :

« La « loi de gradualité » est une pédagogie de la douceur au service du meilleur possible pour chacun à un moment donné. C’est la vertu des petits pas. » (P. 122).

Le père Régamey, dans un livre titré « Portrait spirituel du chrétien » (1963) pose une autre loi, celle des seuils.

« …il existe un type d’homme plus commun qu’on ne le croit qui dans un même domaine s’avère incapable d’un petit effort, mais peut se révéler parfaitement capable d’un effort bien plus important si on le lui demande ou qu’il se convainc lui-même de le faire. » (P. 122).

Ces deux démarches se complètent et ne s’opposent pas. Il s’agit seulement de bien savoir fixer le seuil acceptable. Dans les deux cas, le but est de progresser dans la douceur. Toute la difficulté consiste à ne pas prendre pour travail de l’Esprit-Saint ce qui n’est qu’émotion sentimentale. Et ce n’est pas facile !

Pour voir cette vidéo: https://youtu.be/v0GQYUX_Drg

Le livre s’achève par un chapitre qui se veut une série de conseils pratiques pour développer la douceur. On se doute bien que ce n’est pas le plus facile à écrire ; tant que l’on reste dans un discours pastoral général ou théologique, on avance dans un cadre balisé par tous les grands ancêtres, on peut toujours trouver tel ou tel passage d’Augustin,  Irénée ou Thomas qui vienne servir d’appui. Mais lorsqu’il s’agit de donner des pistes pratiques, l’auteur avance en terrain vierge et découvert. Là, le piège est de ne pas tomber dans le traité de « développement personnel », ce gloubi-boulga qui encombre les rayonnages des librairies et fait leur chiffre d’affaires. Un chrétien expérimenté saura d’entrée que les conseils seront peu nombreux et empreints de généralités. C’est obligatoire pour rester dans la pastorale.

Le frère De Beauregard s’en tire plutôt bien. Il commence par faire un état des lieux de la violence du monde contemporain, en le rapportant au cadre familial et à la société d’individualisme narcissique forcené qui est la nôtre. C’est en effet à partir de ce qu’est le monde où vit tout chrétien qu’il faut trouver le chemin de la douceur et la manière de la vivre.  L’auteur reconnaît que la douceur ne procède pas de nous seuls :

« La douceur est donc une vertu ou bien reçue – de Dieu – ou bien acquise – par l’effort _ et le plus souvent un mélange des deux. » (P. 141).

En acceptant cette dualité, le chemin va se trouver tracé avec deux voies concomitantes : celle qui nous tourne vers Dieu pour la réception et l’entretien de cette grâce et celle qui nous tourne vers nos frères pour la mise en œuvre par l’effort personnel de la douceur envers le prochain.

Le premier chemin use des moyens de salut et de grâce, au premier chef la prière. Le dominicain fait ainsi l’éloge du chapelet, associant Jésus et Marie comme modèles de douceur[3]. Nous nous contenterons donc de prendre appui, comme il le fait plus loin, sur François de Salles qui recommande chaque matin de prier Dieu à ce sujet. Un peu plus loin, il cite Paul en Philippiens 4 : 6-7 :

« …mais en tout besoin recourez à l’oraison et à la prière, pénétrées d’action de grâces, pour présenter vos requêtes à Dieu. 7  Alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus. »

La paix que Dieu donne au chrétien qui le prie est la condition sine qua non de la douceur. Mais cette douceur n’exclut pas la colère :

« La douceur à l’égard d’autrui n’exclut pas la juste colère, qui a ses lettres de noblesse jusque dans l’Ecriture Sainte. » (P. 146.

C’est de cette colère que Lytta Basset (théologienne protestante) a tiré un livre fort éclairant, Sainte colère, que je recommande à mon lecteur. Il faut rester fortement indigné par tout ce qui est injuste et mauvais. L’auteur fait allusion au petit libelle de Stéphane Hessel, Indignez-vous, très célèbre en son temps, qui posait le devoir d’indignation comme force civique. Le chrétien a aussi ce devoir de sainte colère, à condition de rester dans la sainteté du cadrage. Ce que l’auteur traduit ainsi :

« Autrement dit il convient de ne laisser la colère s’exprimer qu’en dernier recours et jamais comme exutoire ni sans la régulation de la raison. » (P. 151).

Il s’agit donc de trouver le bon équilibre entre la douceur et l’indignation, voire la colère. Pour ce faire, l’homme dispose de moyens naturels (ses ressources propres et celles de l’humanité) et de moyens surnaturels (ceux de Dieu et de l’Esprit-Saint). C’est uniquement en les combinant que le chemin de la douceur évangélique est possible à emprunter. Donnons une dernière fois la parole à l’auteur :

« Les moyens surnaturels doivent être posés en préalable à l’examen des moyens naturels. Et tout d’abord la fréquentation des sacrements, la lecture de la Parole de Dieu, la prière du chapelet, ma méditation des mystères de la vie du Christ ainsi que la contemplation de la douceur des Trois Personnes de la Sainte Trinité. Sont nécessaires également l’adoration eucharistique et l’oraison, ainsi que la lecture de la vie des saints. Les Pères de l’Église y ajouteraient la considération fréquente de nos propres péchés, qui nous détourne de la colère à l’égard des péchés d’autrui. Moins envisagée par les auteurs antiques, l’autodérision, qui désarme la colère à l’égard du prochain avec souvent plus d’efficacité que la considération des péchés personnels. » (P. 154).

Je ne reprendrai pas ici mes remarques restrictives sur certains moyens indiqués. Mais je puis valider la démarche d’ensemble qui est proposée, car elle repose sur les deux jambes de la marche chrétienne : le surnaturel de Dieu et le naturel humain.

À la longueur de cet essai, le lecteur aura compris que je considère ce livre comme un travail important sur un sujet assez peu travaillé en théologie. Il comprendra aussi que mes remarques critiques de protestant sont destinées à poser les bases d’un œcuménisme réel, qui ne tente pas de gommer les aspérités, mais se vit malgré elles.

Jean-Michel Dauriac – Les Bordes – août 2025.


[1] L’auteur, pour justifier la pertinence des sacrements passe par LA référence incontournable, Thomas d’Aquin et cite une analogie corporelle développée par le « docteur angélique », pages 86-87. Hormis la poésie du texte, je ne suis guère convaincu par la démonstration !

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Concorde_de_Leuenberg donne l’histoire de ce texte, https://infocatho.cef.fr/fichiers_html/oecumenisme/uniteaccords/accordleunberg.html pour le texte lui-même, sur le site d’information catholique officiel. Il semblerait donc utile que les dominicains se rangent sous la bannière de leur propre église.

[3] Le théologien protestant est encore obligé de signaler que mettre sur le même plan Jésus et Marie est une prouesse extrabiblique qu’il ne saurait valider.

Leave a Comment

Qu’est-ce que la vérité ?

Deux extraits de chansons françaises, en guise d’ouverture :

  1. Ne cherche pas, extrait de Un enfant dans la ville, interprété par Michel Fugain : 0’40
  1. La vérité, Guy Béart, extrait de A l’Université : 0’49

Qu’est-ce que la vérité, tableau de Nicolas Gay, peintre russe.

Lecture de base :

Jean 18 : 37  Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis : je suis roi. Voici pourquoi je suis né et voici pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.

38  Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs et leur dit : Moi, je ne trouve aucun motif (de condamnation) en lui. (version SER comme toutes les citations)

Introduction

Le thème de cette méditation est la vérité. Dans ces deux versets seulement, le mot est répété trois fois. L’Evangéliste Jean l’utilise à 46 reprises dans ses 21 chapitres, sur les 185 emplois du Nouveau Testament. C’est donc une notion très importante pour lui. Mais sur les 233 emplois dans toute la Bible, il y en a moins de 50 ans dans toute la Bible juive : la vérité est bien plus une idée grecque que juive.

Ajoutons qu’il n’y a aucune ambiguïté possible de traduction du grec : alêthia est sans équivoque, ainsi que les termes dérivés alêthes et alêthinos.

Le Christ utilise une formule devenue proverbiale, en introduction de ses discours : amen, amen, lego umin, soit « En vérité, en vérité, je vous le dis » (Segond). Or « Amen » dérive de la racine hébraïque emen, qui fait référence à la foi, la fidélité. La formule religieuse signifie donc : « faites-moi confiance », « Ayez foi en ce que je dis ».

L’idée hébraïque est donc celle d’une parole que l’on peut croire, qui est fiable. Le Christ s’inscrit donc, jusque dans ses formules, dans la filiation hébraïque et juive.

Dans notre texte, nous trouvons un court dialogue. Dans le Nouveau Testament, et surtout dans les Evangiles, le rôle de la question est essentiel. Jésus en use abondamment. Il n’est que de se rappeler :

  • Qui dit-on que  je suis ?
  • Femme, où sont ceux qui t’accusent ?
  • Où est ton mari ?

Or, ici, ce n’est pas lui qui interroge, mais son interlocuteur, celui qui doit le juger. Remettons cet échange dans son contexte.

Jésus a été arrêté nuitamment à Gethsémané et conduit chez les souverains sacrificateurs Anne et Caïphe. Il va être interrogé par ce dernier. Dans le passage Jean 18 : 19-23 , Jésus pose encore deux questions dérangeantes :

  • A Anne : Pourquoi m’interroges-tu ?
  • Au soldat qui le gifle : …Pourquoi me frappes-tu ?

Deux questions qui résument le non-sens de ce qui se passe. Caïphe le conduit au procurateur romain, Pilate, afin que ce soit lui qui prononce la sentence souhaitée, la mort. Celui-ci est assez réticent (verset 31). Finalement, il interroge Jésus. Et sa première question est plus que surprenante : es-tu le roi des Juifs ? Pilate sait très bien que ce n’est pas le cas, mais c’est l’accusation des chefs religieux juifs. Au verset 57, il réitère sa question à la suite des propos de Jésus : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». La réponse de Jésus est étonnante :

  1. Il affirme être roi (donc reconnaît l’accusation des Juifs, en partie) ;
  2. Il part alors dans une tout autre direction en se déclarant témoin et voix de la vérité.

Soit ces deux affirmations n’ont aucun lien entre elles ce qui n’est pas possible ; soit elles sont liées par un argument de cause : le royaume dont il est roi est celui de la vérité.

La réponse de Pilate ne permet pas de trancher sur sa propre compréhension, mais j’opte pour la seconde hypothèse : Pilate veut savoir quelle est la nature de cette royauté, pourquoi elle gêne tous les chefs religieux juifs. Et là, fait surprenant, il n’attend pas la réponse et tourne le dos à Jésus qui ne lui répond pas (voir Matthieu 27 : 14  Et Jésus ne lui donna de réponse sur aucun point, ce qui étonna beaucoup le gouverneur.) Jésus n’a pas répondu à la question existentielle de Pilate, qui semblait se désintéresser de la réponse. Pourquoi ces deux attitudes ?

A / L’attitude de Pilate (en lien avec la chanson de Michel Fugain)

Essayons de visualiser la scène : Pilate pose sa question, c’est le tableau de Nicolas Gay ; puis il tourne le dos à Jésus et sort.

La réponse ne l’intéresse pas, tout simplement parce que ce n’est pas vraiment une question, mais une assertion interrogative. Nous retrouvons cela dans des expressions banales comme A quoi bon ? ou A quoi ça sert ? Ce n’est même pas une question fictive, c’est une non-question. Le seul indice trompeur est le point d’interrogation.

A l’époque de Jésus, c’est la philosophie grecque qui domine la pensée, on le voit bien quand on étudie les épîtres du Nouveau Testament et leur contenu. La pensée grecque est dominée par le platonisme et l’aristotélisme.

Aristote a créé la démarche scientifique, pour être très simple, avec la logique, approche mathématique des faits.
Platon a créé le monde des idées, celui de la philosophie de la réflexion sur le monde et il influencera non seulement le monde grec, romain et arabe, mais aussi, à leur corps défendant, énormément la pensée chrétienne des Pères de l’Eglise.

La Vérité pour Platon, c’est le Beau, la Beauté. Ce qui est beau est bon et vrai. Cela explique toute la recherche artistique grecque. La vérité absolue n’existe pas, ce n’est pas une idée platonicienne. La vérité se trouve dans le Beau et peut donc varier selon la beauté. Cette pensée imprègne tout le monde hellénistique, et donc aussi Pilate.

Sa question est donc la fermeture d’un débat qui n’a pas de sens.

Le christianisme est une révolution de la pensée, car il affirme qu’il existe une vérité : en Jésus. C’est la raison principale du choc avec le monde grec et romain et les persécutions qui en découlent : les chrétiens refusent la règle du jeu des vérités multiples.

Si nous faisons une transposition avec notre époque, le parallélisme est assez saisissant. Pour ne parler que de l’Occident (donc de la France), la déchristianisation, commencée au XVIIIe siècle avec les Lumières et la Révolution, s’achève aujourd’hui par un cimetière de la vérité et de la pensée chrétienne ou influencée par le christianisme.

Ce cimetière porte un nom technique, c’est le « relativisme culturel et religieux ». Il est le produit de la mauvaise conscience des anciens maîtres du monde, que leurs anciens colonisés retournent contre eux. On peut résumer le relativisme en une formule lapidaire : « Tout se vaut en ce monde. »

Nos contemporains ont été peu à peu convaincus par l’atmosphère générale qu’une vérité vaut l’autre et même, selon la planète Trump, qu’il existe des « vérités alternatives » (autre nom des infox ou fake news, fausses nouvelles, mensonges patentés) et que tout ce qui existe en un domaine a la même valeur. Un texte de rappeur de banlieue étudié au collège vaut un poème de Victor Hugo ou de Baudelaire, la foi en n’importe quelle croyance sectaire vaut celle du christianisme ou de l’islam.

Nous sommes parfois contaminés par ce syndrome de Pilate et acceptons ainsi de renoncer à nos convictions et à notre témoignage. Ceci est la conséquence de ce que la Bible nomme péché, esprit du monde, etc.

B / L’attitude de Jésus (en lien avec la chanson de Guy Béart)

A priori, elle semble surprenante et même décevante. Lui qui a pris soin des plus petits durant son ministère ne répond pas à une demande précise et importante. Pourquoi ?

Cela renvoie à la question de Jésus des versets 20-212 du même chapitre. Là aussi il refuse de répondre au Grand Prêtre. Dans les deux cas, c’est la même raison qui le motive à un tel comportement ; il a déjà tout dit à ce sujet et celui qui voulait savoir pouvait avoir toute réponse en venant l’écouter et le rencontrer. A l’heure de son procès, c’est trop tard, il est déjà jugé.

Combien de gens agissent en fait ainsi : ils font semblant de s’intéresser au message du Christ, mais ils l’ont déjà rejeté et condamné. Jésus ne se laisse pas prendre à ce piège, mais nous, parfois, si. Nous passons du temps à expliquer la foi et son contenu à des gens qui, en réalité, n’en veulent pas et désirent seulement discuter, polémiquer, critiquer. Paul a enjoint Timothée à fuir ce genre de discussion. L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour tout, « un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres » (Eccl. 3 : 5) Sachons parfois ne pas répondre.

Mais, avant de refuser d’entrer en discussion, Jésus a beaucoup parlé et enseigné sur la vérité. Il suffit donc de revenir à ses paroles. Je m’en tiendrai au seul évangile de Jean.

Jean 14 : 6  Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi, est l’affirmation la plus nette. Il est le chemin à suivre, la vérité à recevoir et la vie qui en découle.

Jean 17 : 17  Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité, dit clairement que la vérité est dans la parole du Père, donc celle révélée aux hommes par les prophètes, Jésus et les apôtres. Nous n’avons pas à courir après la vérité, elle est là, dans les pages de la Bible. Ce qui est vrai est aussi ce qui est réel. La Bible est la réalité de la vérité de Dieu, pour la foi chrétienne.

Que faire de cette vérité ?

Jean 16 : 13  Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il faut la recevoir par le Saint-Esprit que Jésus envoie aux croyants. C’est lui qui est le guide pour nous dans la vérité de cette vie. Ce qui signifie que, pour accéder à la vérité du Christ, il faut recevoir la Saint-Esprit. Donc prêcher le salut, c’est aussi prêcher le Saint-Esprit et sa venue en l’homme.

La connaissance intellectuelle de la Bible ne conduit nullement au salut. Voyez Michel Onfray, qui connaît parfaitement la Bible, mais n’y comprend goutte, car il ignore et rejette l’Esprit.

Jean 4 : 23,  Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. 24  Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité, établit ce qui est la véritable foi au Christ et du Christ : adorer le Père en esprit et en vérité. La vérité révélée est inséparable de l’Esprit-Saint qui la donne à comprendre. Il est impossible de rendre un vrai culte à Dieu sans l’assistance de l’Esprit.

La vérité n’est pas dans la Loi, pas dans une morale chrétienne, pas dans la pratique du culte et des bonnes œuvres, tout cela n’est que la conséquence de la compréhension profonde de la Parole par l’Esprit. Ce qui veut dire que chacun découvre et progresse dans la vérité à son rythme, et non qu’il y a diverses vérités équivalentes.

Conclusion

Certains parmi nous en sont encore à la question de Pilate. Il leur faut alors revenir aux propos du Christ pour avoir la réponse. Tout est dans les Evangiles. Encore faut-il les lire sans esprit de jugement préalable, avec une vraie envie de les connaître et de s’en laisser pénétrer.

Pour d’autres, le Chris a parlé et ils ont saisi sa parole. Ils ont ainsi ouvert la porte à la vérité. Mais qu’en font-ils, qu’en faisons-nous ?

Pour connaître vraiment la vérité du Christ, il faut travailler la Parole, la mastiquer sans cesse, accepter de ne pas tout en saisir, pour mieux user de ce que l’on a pu comprendre.

Il faut vivre de la vie de l’Esprit. Le Saint-Esprit se donne à connaître de deux manières seulement : par la méditation des textes et par la prière. La vérité s’éclaire donc par un véritable travail spirituel. Etre chrétien, c’est saisir les armes spirituelles que Paul décrit en Ephésiens 6 : 10-17. On y retrouve la vérité comme ceinture (verset 14). C’est un engagement, pas une petite vie religieuse hebdomadaire et quelques rites hérités. La religiosité est l’ennemie de la foi.

Qu’est-ce que la vérité : c’est la Parole du Père, annoncée par le Fils et gravée en nous par le Saint-Esprit.

Jean-Michel Dauriac – août 2025

Prédication du 10 août 2025, donné dans l’église protestante de Pessac.

Leave a Comment

Sous le signe de la joie

Jacques Loussier : Jesu, Joy of Man’s Desiring (Jésus, que ma joie demeure)3’00

La joie est élément très important dans la bible et dans la vie chrétienne. Près de 250 versets en parlent tout au long de la Bible, tant dans l’Ancien Testament que le Nouveau Testament. Elle n’est pas une option ou un accessoire de notre foi ; elle en est une des bases. Nous allons rappeler très brièvement quelques aspects de la joie chrétienne.

Précisons d’entrée que cette joie n’a rien à voir avec la joie ordinaire, profane, telle qu’on la voit et vit aujourd’hui. La joie humaine est un sentiment passager, très influencé par le monde extérieur, qui retombe aussi vite qu’il est apparu. Ceci est absolument tout le contraire de la joie en Christ.

Nous verrons cinq aspects de la joie du chrétien.

  1. La joie de se trouver dans la communauté des croyants, dans l’église locale, universelle ou dans ses manifestations.

La Bible célèbre les rassemblements pour le culte, tant dans le judaïsme que dans le christianisme naissant.

 Nombres 10:10 Dans vos jours de joie, dans vos solennités et à vos nouvelles lunes, vous sonnerez des trompettes, en offrant vos holocaustes et vos sacrifices de communion, et elles vous mettront en souvenir devant votre Dieu. Je suis l’Éternel, votre Dieu.

Jadis les sacrifices étaient à renouveler à chaque occasion. Le sacrifice de Jésus, rend inutile la répétition des sacrifices divers : il a été la victime unique qui a racheté toutes nos fautes, et c’est cela qui procure la joie collective que l’on retrouve dans les offices.

Cette joie, elle est anticipée par l’envie de se retrouver. C’est ce que dit David, dans le psaume 122, très connu.

Psaumes 122:1 Cantique des montées. De David. Je suis dans la joie quand on me dit : Allons à la maison de l’Éternel !

Nous devons ressentir cette joie avant même de nous retrouver ; si elle n’est pas présente, cherchons à savoir pourquoi et à la retrouver, en éliminant les obstacles. La famille de Dieu est la nôtre : nous avons là notre Père et notre Frère et c’est joie de les retrouver avec les autres membres de la famille.

  • La joie du salut et de la délivrance

Si nous sommes dans la famille de Dieu, c’est que nous sommes bénéficiaires du salut que le Christ est venu offrir aux hommes. Ce salut, nous le savons est pure grâce de Dieu, nous ne le méritions pas, mais il nous est donné à condition de s’en saisir par la foi. Et savoir que l’on est sauvé est un immense sujet de joie. Les Psaumes le célèbrent à de nombreuses reprises ; choisissons un verset, parmi tant d’autres :

Psaumes 20:5 (20-6) Nous crierons de joie à cause de ton salut, Nous lèverons l’étendard au nom de notre Dieu, L’Éternel accomplira toutes tes demandes.

Israël savait qu’il devait son salut à l’Eternel. Mais il l’a souvent oublié et s’est détourné de la voie droite. Cela nous est donné en exemple, afin de ne pas faire cette erreur. Nous devons, chaque jour entretenir la joie d’être sauvé en Christ. Sauvé du destin des hommes sans Dieu, qui est la mort, sans espérance et l’absurde de la vie.

Mais nous devons aussi savoir reconnaître les délivrances que Dieu nous accorde, qui sont des morceaux de salut au quotidien. Là encore, revenons aux Psaumes :

Psaumes 30:11 (30-12) tu as changé mon deuil en allégresse, Tu as délié mon sac et tu m’as ceint de joie

Nous ne sommes pas abandonnés à notre destin terrestre ; Jésus nous a enseigné le rôle capital de la prière pour triompher des adversités et de l’Adversaire de nos âmes. Dans les promesses des Evangiles se trouve la guérison des corps  et des âmes.  Dans l’épreuve nous ne sommes pas seuls et, quand elle s’achève, sachons trouver une joie supplémentaire dans l’amour renouvelé de Dieu.

  • La joie du service

Nous ne sommes pas sauvés pour notre seule satisfaction. La devise de l’Armée du Salut est « Sauvés pour servir ». Voilà la raison d’être du salut sur cette terre. La joie du service est une dimension importante dont il ne faut absolument pas se priver. Un salut égoïste finit par devenir stérile. Mais quel est ce service ? Il prend divers visages :

Proverbes 21:15 c’est une joie pour le juste de pratiquer le droit, Mais la ruine est pour ceux qui commettent l’injustice.

Le service, c’est d’abord de pratiquer la justice : vivre selon l’éthique du Nouveau Testament, éthique de plus en plus éloignée de celle de notre société actuelle. Et ceci est un témoignage nécessaire.

Ecclésiaste 8:15 j’ai donc fait l’éloge de la joie, parce qu’il n’y a rien de bon pour l’homme sous le soleil sinon de manger, de boire et de se réjouir ; c’est là ce qui doit l’accompagner dans son travail, pendant les jours de la vie que Dieu lui donne sous le soleil.

La joie est aussi dans le fait d’apprécier la bonne vie : le chrétien doit être un « bon vivant » au sens évangélique du terme. Aimer la vie et tous ses aspects. Car nous savons que nous rencontrerons aussi des moments très durs, chacun à notre tour.

Jacques 1:2 Mes frères, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves que vous pouvez rencontrer…

Même l’épreuve peut être considérée comme une joie, quand nous sommes en communion spirituelle constante avec le Père et le Fils. Cela n’enlève rien à la dureté des épreuves, mais la joie du salut n’est pas effacée par elle.

Le service réjouit notre Père et il en tient compte envers nous :

Matthieu 25:23 son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.

La fidélité dans le service nous met dans la joie du Père, donc dans sa version la plus pure. Le service se vit dans la joie et nous introduit dans une dimension encore supérieure de la joie.

  1. La joie de la louange et de la prière

Psaumes 106:1 louez l’Éternel ! Célébrez l’Éternel, car il est bon, Car sa bienveillance dure à toujours. 

La louange est la traduction de la joie et de la reconnaissance. Il est impossible de louer sans la joie. Une louange triste n’est pas une louange, c’est une forme de lamentation. Je loue parce que mon cœur est plein de reconnaissance en face de la bonté de Dieu, pour son salut, pour sa grâce, pour son service, pour chaque signe que je reçois sur le chemin. Il existe la joie de la louange individuelle, qui peut être silencieuse ou énoncée, voire chantée ; il y a aussi la joie de la louange collective, la liesse des rachetés réunis. Cette louange se poursuivra même au-delà de cette terre :

Apocalypse 19:5 une voix sortit du trône : Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands !

  1. La joie permanente dans nos vies

Je l’ai dit en commençant, la grande différence avec la joie profane, ordinaire, humaine est dans sa durée. La joie du monde est fugace, elle peut être prompte à naître, mais aussi rapide à disparaître. La joie du Christ est éternelle, comme lui. Il nous appartient donc de réaliser cela et de ne pas nous éloigner de cette joie, surtout dans les épreuves et les traversées du désert. La maladie, le chômage, les échecs, les divorces, les deuils… autant de moments où nous trouverions humainement logique de ne pas être dans la joie. Or ce n’est pas ce à quoi nous appellent les apôtres :

  Philippiens 4 : 4 Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous.

Paul le répète deux fois ! Ce n’est pas qu’il ignore les épreuves, il en a eu sa part ! Mais il sait la force de la joie. Souvenez-vous de ce passage des Actes :

Actes 16:25 Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les écoutaient.

Ils sont en prison, les fers aux pieds. La situation est mauvaise et eux ils chantent les louanges de Dieu ! Inconscience ? Pas du tout ; au contraire, conscience aiguë de leur condition de sauvés et d’envoyés. Et l’on sait que la fin de cet épisode fut glorieuse, puisque le geôlier et sa famille se sont convertis. La confiance en Dieu est toujours associée à la joie. Quand la joie manque, c’est souvent que la foi chancelle. Restons auprès de Dieu et la joie demeurera.

Jésus, que ma joie demeure !

Leave a Comment