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Catégorie : Bible et vie

Dans la série « Dans la bibliothèque de mon père… » Le Christ inconnu, de Gaston Racine.

Edité par l’auteur, Nice, 1958.

J’avoue que je ne connaissais pas Gaston Racine, qui est plutôt de la génération de mes parents que de la mienne. Mais en cherchant sur cette immense bibliothèque qu’est internet, j’ai découvert qu’il s’agissait d’un homme de Dieu francophone (né en Suisse, travaillant en France, puis au Québec où il mourut à l’âge de 89 ans). Je mets ci-dessous un résumé de sa vie :

Gaston RACINE

Gaston RACINE, prédicateur évangélique, conférencier et écrivain. Il est né en Suisse dans le canton de Neuchâtel en 1917. De famille huguenote, il fut élevé dans un milieu très pieux, appartenant à une communauté issue du Réveil spirituel qui secoua une partie du protestantisme au XIXe siècle. Converti au Christ en 1931, à l’âge de 14 ans, hors de son contexte familial il fut arrêté en pleine jeunesse par la maladie. Il dut apprendre durant de longues années, à l’École de la souffrance, à renoncer à ses plans et à ses projets les plus chers, pour se soumettre simplement à la volonté divine.

Guéri et fortifié, il reçut l’appel au service de Dieu en 1936, lors de sa convalescence en Italie, par ces paroles du prophète Jérémie?: «?Ne dis pas?: je suis un enfant, . . . Je mets mes paroles dans ta bouche?» (Lire Jérémie 1.4-10)

Il a exercé pendant 70 ans un ministère évangélique dans des communautés diverses, dans des camps de jeunesse et dans des salles populaires en différents continents. Il a exercé un ministère pastoral et d’enseignement biblique dans divers pays du monde, accueilli dans les églises les plus diverses, à la découverte et à l’expérience de l’unité du corps de Christ. Les assemblées de France, Belgique, Suisse et Italie ont bénéficié tout particulièrement de son enseignement.

Dès 1947, il ne dépend d’aucune église particulière. À Nice, la fondation de l’assemblée du Refuge le 1er dimanche de décembre 1950 a été le départ d’un riche témoignage qui fut en bénédiction à beaucoup. Ce témoignage se poursuit encore aujourd’hui.

Tout en étant resté foncièrement attaché à la Bible et sans sombrer dans un syncrétisme religieux, Gaston RACINE est resté disponible pour témoigner de sa foi aux croyants et aux non-croyants de tous les milieux, catholiques, orthodoxes, protestants, juifs, musulmans, bouddhistes, hindouistes, rationalistes et marxistes.

Durant de nombreuses années, chaque mois, dans la rubrique Vie chrétienne, Doctrine et Vie, ses articles ont été en bénédiction à beaucoup. Mentionnons encore son ministère parmi les jeunes et les adultes dans les camps de l’Hermon, Genval, Vennes-sur-Lausanne, Poggio et les camps G.B.U.

Établi au Canada à partir de 1962, il habitera Montréal. Après son mariage avec Eva Arendt, il créera les camps Mahanaïm destinés aux jeunes gens et jeunes filles de 18 à 30 ans.

À Montréal, à l’aube du 27 février 2006, dans sa 89e année, le Seigneur a repris à Lui, son fidèle serviteur Gaston RACINE. Nous ne voulons pas exalter un homme, car toute la gloire en revient à Dieu. Gaston RACINE disait humblement qu’il n’était qu’une voix. Rendons grâces à Dieu qui a donné un serviteur à son Église. Que sa consécration et son témoignage de Foi soient un encouragement à aimer la Parole, à la faire connaître et à la vivre comme il nous l’a enseigné…

Extrait de la revue Servir en l’attendant. Article tiré du N°2. Mars-Avril 2006

Source : https://www.librairiejeanhttps://www.librairiejeancalvin.fr/index.php/ljc/Data/Auteurs/RACINE_Gaston_6874calvin.fr/index.php/ljc/Data/Auteurs/RACINE_Gaston_6874

Pour ceux qui voudraient aller plus loin, voici également un lien qui renvoie à un article plus précis :

https://v-assets.cdnsw.com/fs/Root/eb98l-Racine_Gaston_1917_2006_.pdf

De ces documents bien renseignés, il ressort que Gaston Racine est un homme de Dieu reconnu, qui a été animé d’une réelle vision de l’unité de l’Eglise et de la nécessité de témoigner sans cesse du Christ par nos vies et nos paroles. Il s’inscrit, historiquement dans la lignée des Eglises de Frères, mais les a quittées, car trop sectaires à son goût.

Le petit livre que je vous présente ici est un recueil de prédications publié par lui-même en 1958, alors qu’il réside à Nice et s’occupe d’un lieu d’aide et réunion, le Refuge. Ces prédications ont été apportées en 1954, et publiées à la demande certains auditeurs. Ce cycle porte sur un passage de l’Evangile, que je vous donne ci-dessous, dans la version de la NBS (Nouvelle Bible Segond), référence d’étude des Eglises protestantes. Matthieu 25:

« 31  Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s’assiéra sur son trône glorieux. 32  Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres comme le berger sépare les moutons des chèvres : 33  il mettra les moutons à sa droite et les chèvres à sa gauche.

34  Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. 35  Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; 36  j’étais nu et vous m’avez vêtu ; j’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus me voir. »

37  Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ? — ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? 38  Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ? — ou nu, et t’avons-nous vêtu ? 39  Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous venus te voir ? » 40  Et le roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, l’un de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

41  Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. 42  Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire. 43  J’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. »

44  Alors ils répondront, eux aussi : « Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim ou soif, étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, sans nous mettre à ton service ?45  Alors il leur répondra : Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous n’avez pas fait cela pour l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. »46  Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes, à la vie éternelle. »

L’ouvrage comporte une introduction détaillée – qui fut sans doute la prédication inaugurale de ce cycle – et six chapitres thématiques fondés sur les propos attribués au roi dans la parabole de Jésus.

Le postulat de Racine est que le Christ reste inconnu de très nombreux chrétiens, mêmes convertis et fidèles à leur communauté. Il distingue ainsi, sans le dire nommément entre la pratique religieuse et la vie de foi. Ce qui est un des éléments clés de la position des protestants évangéliques, toutes dénominations confondues. C’est souvent un point de séparation avec les Eglises protestantes historiques, luthériennes ou calvinistes, notamment les grandes Eglises nationales européennes. G. Racine va construire toute sa démarche sur la nécessité de vraiment connaître le Christ en nous, par la communion de l’Esprit. Il se situe dans la perspective de l’attente du réveil de l’Eglise. Cette notion, qui connut un grand succès du XVIIIe au XXe siècle, est aujourd’hui sortie du vocabulaire de la plupart des dénominations évangéliques, à l’exception des mouvements neufs et charismatiques. Le réveil est une attente fondée sur une certaine lecture du Nouveau Testament et des Prophètes de l’Ancien Testament. Les Eglises ont une tendance à l’assoupissement spirituel avec le temps. Et, périodiquement, naissent dans ces Eglises en train de s’institutionnaliser, des courants revivalistes, qui reprochent à leurs frères et sœurs de dormir et de ne pas être habités par la passion du service de témoignage. La plupart du temps, les courants de réveil donnent naissance à des scissions d’Eglise, les « assoupis » gardant la maison ancienne, et les « réveillés » partant fonder de nouvelles communautés plus conformes à celle de l’Eglise des premiers temps, telle que décrite dans les Actes des Apôtres. Puis les mouvements de réveil se calment à leur tour et deviennent des communautés installées et respectables, au sein desquelles naîtront bientôt des courants de réveil et …. L’exemple du pentecôtisme français et des Assemblées de Dieu de France illustre assez bien ce schéma. Gaston Racine a une autre interprétation du réveil, à laquelle j’adhère plus volontiers, car elle est beaucoup plus fondée sur les textes du Nouveau Testament. Voici ce qu’il dit :

« Le réveil, c’est Jésus pris au sérieux, c’est Jésus cru et obéi à la lettre, parce qu’aimé d’un grand amour. » p. 13

Le réveil est donc d’abord une attitude personnelle de foi, qui peut, si elle est partagée par toute une communauté, amener de grands mouvements de conversion et de retour à la foi. Mais, pour G. Racine, tout commence par chacun de nous. Et quand la prise de conscience d’un nécessaire réveil personnel est effectuée, se pose alors cette question :

« Mais comment vivre ici-bas pour le Christ ? » p. 18.

C’est tout l’enjeu de ces prédications : montrer comment véritablement vivre pour et avec le Christ. Et donc comment connaître enfin ce « Christ inconnu ».

« Les versets trente et un à quarante-six du chapitre 25 de Matthieu, nous font entrevoir un Christ inconnu, que les élus, même, n’ont pas conscience d’avoir vu ici-bas. » p.19.

Les messages qui suivent sont destinés à secouer les chrétiens dans leur confort religieux, leur apathie et leur propre justice. Ce sont des paroles de remise en question profonde, pas toujours très faciles à entendre. Mais on trouverait le même ton et les mêmes reproches chez tous les prédicateurs de l’histoire du christianisme animés d’un zèle ardent pour Christ : François d’Assise, Dominique de Guzman, Ignace de Loyola, Martin Luther, Wesley ou Finney, pour ne donner que quelques noms catholiques ou protestants.

Le fil conducteur est la parole du Roi (le Fils de l’Homme, ou Jésus de retour en gloire) :

« Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; 36  j’étais nu et vous m’avez vêtu ; j’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus me voir. »

J’ai mis en caractères gras les situations évoquées par la parole de Jésus, elles vont constituer chacune le sujet d’une prédication et, donc, d’un chapitre de ce livre. Mon propos ici n’est pas de résumer chaque chapitre, mais de vous inciter à vous procurer ce petit livre et à le lire attentivement. Il se trouve d’occasion sur le Net pour des prix très abordables.[1]

Je voudrais faire quelques remarques générales sur cet ouvrage, des remarques de lecteur expérimenté, de vieux chrétien concerné par ce message et de théologien-herméneute.

Le lecteur que je suis a une expérience certaine de ce genre de lecture, à savoir des livres anciens de théologie simple, d’édification et d’exhortation. Ce sont des genres très répandus dans les milieux protestants depuis des siècles, et on peut y trouver de véritables trésors, pour peu que l’on prenne la peine de rentrer dans la pensée des auteurs et d’accepter de lire des écrits dans un style souvent adapté à son époque, mais aujourd’hui désuet. Celui-ci correspond bien, par son style à deux traits d’époque : un style oral affirmé – l’auteur nous en prévient en préliminaire – qui reprend celui des prédications ; une forme religieuse d’écriture, très marquée par une connaissance très approfondie du texte des Ecritures, abondante en références scripturaires, très judicieusement ici données en bas de page. Mais aussi une façon très pastorale de s’exprimer, marquée par un héritage assumé plus ou moins consciemment. Le lecteur pressé, vivant seulement dans l’instant en sera sans nul doute perturbé et pourra renoncer. Il faut entrer dans cela comme on entre chez Rousseau ou Balzac et non chez des contemporains. Le registre est soutenu. Mais le souci de la simplicité et le désir d’être compris sont sensibles et l’emportent.

Le « vieux chrétien » est plus à même de saisir la valeur de ce livre. Qu’entends-je par ce terme ? Pas seulement qu’il s’adresse aux vieillards, amis qu’il parlera sans doute plus à ceux qui marchent sur le chemin du Christ depuis un certain temps. Nous le savons, les premiers temps d’une vie chrétienne, après la conversion ou le baptême, sont généralement des moments de plénitude et d’exaltation, c’est le temps où le bébé spirituel grandit à vue d’œil et se réjouit de la grâce de Dieu. Puis, avec le temps, viennent la redoutable accoutumance et la marche ordinaire, avec ses hauts et ses bas. Il faut avoir accroché ses pieds aux cailloux du sentier, souffert des griffures des ronces, senti la fatigue de la marche ou la lassitude de la routine pour accepter la rudesse des propos de Gaston Racine. Quand je lis ses diverses admonestations, correspondant aux états évoqués par le Christ (faim, soif, nudité…) ; je sais bien que cela correspond à des moments que j’ai vécus ou que j’ai partagés avec d’autres croyants. Nous savons que le « veillez et priez » du Christ, au jardin de Gethsémané, est sans doute le plus difficile des commandements à mettre en œuvre, car il demande une attention de tous les instants. Je sais bien que j’ai laissé parfois le Christ nu et affamé, à travers u ses créatures sur mon chemin, que j’ai lâchement tourné la tête ou pleutrement cherché des arguments intellectuels raisonnables pour ne pas faire œuvre d’amour. Ces jours-là, le Christ m’était inconnu.

Enfin, je dois partager avec vous mes remarques sur l’aspect théologique et herméneutique de ce livre. Je suis en accord total avec l’orientation générale de cet ouvrage. L’auteur affirme qu’il faut lire les paroles de Jésus en lien avec son retour et le jugement final de tous les hommes, « les vivants et les morts ». Il développe au cours de ses prédications l’avertissement donné par le texte et que nous avons reproduit au début. Il en fait un objet d’interpellation pour les chrétiens ; d’après lui, ce texte ne s’adresse pas aux incroyants seulement, mais à tous, mais en deux temps : les versets 34 à 40 sont clairement pour ceux qui ont été les « brebis du Seigneur », alors que les versets 41 à 46 sont pour les « boucs », ici image des incroyants. Jusque-là, le texte est plutôt encourageant pour les chrétiens, qui sont distingués des impies. Mais, comme le fait G. Racine, il faut bien entendre quel est le prix de cette distinction :  « Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, l’un de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Toute son argumentation repose sur cette affirmation et même, dirais-je, sur une seule expression de cette phrase : dans la mesure où.

C’est seulement si nous avons agi ainsi que nous serons reçus dans notre héritage (verset 34). Il est donc vital, au sens premier du terme – c’est la vie éternelle qui est en jeu -, de vivre cette vie-là. Racine dit d’ailleurs « vivre le Christ de cette manière ». Jusqu’à ce point, tout va bien, nous sommes en accord total. C’est sur sa démarche interprétative – son herméneutique, en langage théologique – que je suis réservé. En effet, il oscille sans cesse dans ses messages entre deux visions, distinctes, dont l’une vient, me semble-t-il, parasiter la clarté de son propos. J’espère arriver à exprimer ces deux positions clairement, car elles sont souvent très étroitement mêlées dans son propos et, en lisant rapidement, on pourrait ne pas percevoir ce hiatus.

Le protestantisme  dispose de la double liberté du sacerdoce universel et du libre examen de la Parole dans sa lecture et son enseignement de la Bible. C’est une liberté inappréciable, mais aussi une responsabilité immense : celui qui prêche ou enseigne communique des pensées qui sont souvent très diverses d’un prédicateur à l’autre sur le même passage. C’est à l’auditeur de faire jouer son esprit critique, au plan spirituel, selon le conseil de Paul :

1 Thessaloniciens 5:21 « Mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; »

C’est donc l’Esprit-Saint, présent en chaque croyant baptisé, qui nous permet d’éprouver ainsi les paroles humaines et de retenir ce qui est inspiré tout en oubliant ce qui ne l’est pas. Les catholiques romains n’ont pas ce souci : ils ont une autorité suprême, le « vicaire du Christ », le pape, qui dit ce qui est bon et ce qui est hérétique[2]. Le protestant, toutes officines confondues, tient beaucoup à ce privilège analytique. Mais il l’engage. Il faut, en effet, qu’il dispose des moyens personnels de juger. De plus, la contrepartie est que la pluralité des interprétations est la règle[3]. Tout cela pour dire que les remarques qui vont suivre ne sont pas un rejet de l’interprétation de G. Racine au nom de je ne sais quelle orthodoxie évangélique imaginaire, mais une critique de méthode.

Quand on lit le passage-support à ces prédications, l’accent est mis sur la phrase que je viens de rappeler ci-dessus, qui est la conclusion de la première partie du discours du roi, celle adressée aux brebis. Il est donc rappelé, parfois très vigoureusement, aux fidèles qu’ils ont des devoirs d’assistance, et pas seulement entre eux, mais aussi avec le prochain lambda, le pécheur décrit par les évangiles. C’est ce que l’expression « dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, l’un de mes frères,… » laisse clairement entendre. Il faut donc y voir un appel à l’engagement humanitaire et social dans les différents secteurs d’assistance : aide alimentaire, accompagnement humain, soins aux prisonniers… Ce que les protestants ont en effet mis en œuvre de manière assez efficace, avec des organisations du type de l’Armée du salut ou la Cimade, sans oublier le Diaconat. Mais il est nécessaire de rallumer sans cesse la flamme, et ce passage de l’évangile est un très bon support pour cela. G. Racine s’inscrit dans cette perspective et « secoue » fraternellement ses lecteurs, pour les inciter à agir et à ne pas se satisfaire d’une confortable petite vie religieuse.

Mais, et c’est là que les choses se compliquent, il y ajoute une autre interprétation, qu’il mélange à celle évoquée ci-dessus. Il s’appuie alors sur les formules à la première personne du singulier qui ponctuent ce discours : « J’ai eu faim…J’ai eu soif… J’étais étranger… J’étais nu… J’étais malade…  J’étais en prison. » Soit six états de détresse à soulager. L’auteur va alors développer ces états douloureux dans la vie du Christ, à partir des évangiles. Sur la présentation qu’il fait, je n’ai rien à reprocher, car tout est fondé scripturairement. Le problème vient de l’enchevêtrement des deux interprétations qui se produit parfois. Je dis parfois, car il parvient dans certaines de ses prédications à éviter le chevauchement et présente successivement les deux approches. C’est lorsqu’il n’y parvient pas que les choses sont un peu confuses et que lecteur ne sait pas exactement quoi faire de ce qui lui est dit. C’est le cas du commentaire sur le « j’étais seul », par exemple. Il part du « j’étais étranger » et le transforme en « j’étais seul », ce qui est un peu différent. Il examine les différents aspects de sa solitude, dans sa famille, sa ville, son pays, dans la prière, devant ses juges, sur la croix… Certains aspects sont peu convaincants, comme la solitude dans la prière ou dans sa ville. Mais surtout, à la fin de ce chapitre, il ne revient pas à la lecture active pour le croyant et nous laisse donc sur notre faim.

Cependant, tout s’éclaire dans l’ensemble du propos et, le livre terminé, nous avons bien reçu le message du Christ. Nous savons qu’il faut le laisser vivre en nous, afin que nous ressentions la douleur d’autrui et que nous nous engagions pour l’assister.

Ce petit livre (une centaine de pages) pourrait être qualifié, au sens précis du terme de lecture « édifiante ». Il peut nous aider à nous construire dans notre vie chrétienne, voire, à nous reconstruire, si nous sommes tombés dans la routine religieuse. Il ne faut pas accepter le sens dévalorisé et moqueur du terme « édifiant », qui fait que l’idée même d’édification disparaît du vocabulaire des pasteurs et des prédicateurs d’aujourd’hui, qui ont peur d’être « ringards » en l’utilisant.  Le mot de la fin sera donc laissé aux deux apôtres Pierre et Paul, qui nous donnent ce conseil, auquel ce livre peut nous aider :

1 Thessaloniciens 5 : 11 C’est pourquoi exhortez-vous réciproquement, et édifiez-vous les uns les autres, comme en réalité vous le faites.

1 Pierre 2 : 5 et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ.

Jean-Michel Dauriac, Les Bordes, 1-2 avril 2023


[1] A titre d’exemple, au moment où je rédige cet article, le livre est en vente sur le site Ebay à 3 ,90 € ou sur Chez Carpus (libraire d’occasion évangélique de la région de Lille), au même prix.

[2] C’est, du moins, la théorie ecclésiale officielle. On se doute bien que le contrôle de toutes les paroles est impossible, encore plus de nos jours qu’auparavant.

[3] En pratique, nous savons bien que s’est dégagée, au fil des temps, une sorte de canonicité des interprétations, souvent transmise de génération en génération, qui agit un peu comme la norme catholique, mais plus souplement et discrètement.

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Même sortie pour tout le monde…Méditation de sortie de l’arche n° 24

La version audio de la méditation est ci-dessous:

Nous voici parvenus à la fin de ce cycle de méditations. Comment conclure ce parcours de réflexion biblique ? Il m’a semblé qu’il fallait clore par un propos général, intemporel et existentiel. La lecture du psaume 49, qui se démarque assez nettement des thèmes habituels des psaumes du premier et deuxième livre, m’en offre la matière. Le propos n’a pas pris une ride et parle aujourd’hui comme hier à tout être humain qui réfléchit.

Quel est le point commun à tous les humains, hormis leur constitution physique ? C’est la certitude que tous connaîtront la mort, issue commune et universelle de toute vie. C’est tout le sujet du psaume 49, sur lequel nous allons méditer. Ce psaume parle de la « même sortie pour tous », entendez sortie de la vie et du corps humain. Peut-être est-ce, finalement, la vraie sortie du confinement que de quitter un corps dont nous apprenons assez vite à connaître les limites et les incapacités, sans parler, avec l’âge qui avance, les inéluctables affaiblissements et altérations. Considérons maintenant la démarche du psalmiste. Nous ferons la lecture du psaume par morceaux successifs. J’userai de la version révisée Segond, dite La Colombe.

Introduction : appel à l’écoute (versets 2 à 4)

« 1 ¶  (49-1) Au chef des chantres. Des fils de Koré. Psaume. (49-2) Ecoutez ceci, vous tous, peuples, Prêtez l’oreille, vous tous, habitants du monde,

2  (49-3) Petits et grands, Riches et pauvres !

3  (49-4) Ma bouche va faire entendre des paroles sages, Et mon cœur a des pensées pleines de sens.

4  (49-5) Je prête l’oreille aux sentences qui me sont inspirées, J’ouvre mon chant au son de la harpe. »

L’auteur apostrophe les auditeurs-lecteurs. Ce qui va suivre concerne tous les humains, sans exception, de tout âge – petits et grands -de toutes conditions – riches et pauvres. C’est un message universel que présente l’auteur.

Il précise, de plus, que ce qui sera dit possède deux qualités importantes : la sagesse et le sens. Nous savons que l’Orient antique était terre de sages et de paroles de sagesse.  La Bible en contient plusieurs livres : Job, Proverbes, Ecclésiaste, Psaumes, et dans les Deutérocanoniques, la Sagesse et le Siracide. C’est une grande partie de la littérature antique que la littérature sapientiale, car on peut y rattacher toute une série d’écrits philosophiques grecs et romains. La sagesse est une aide précieuse pour la vie (et la mort) de l’homme, n’en déplaise aux propos désabusés de l’auteur de l’Ecclésiaste-Qohélet.

Ces paroles seront « pleines de sens ». On peut trouver qu’il y a là une redondance. Mais si c’est le cas, c’est pour renforcer l’attention du lecteur. Le sens, dans une première acception, c’est ce qui donne la direction, qui aide à s’orienter dans sa marche.

Nous devons donc être prêts à trouver de la profondeur dans ce qui va être dit.

Thème 1 : Fausse sécurité, illusion et doute (versets 7 à 13)

« 6 ¶  (49-7) Ils ont confiance en leurs biens, Et se glorifient de leur grande richesse.

7  (49-8) Ils ne peuvent se racheter l’un l’autre, Ni donner à Dieu le prix du rachat.

8  (49-9) Le rachat de leur âme est cher, Et n’aura jamais lieu ;

9  (49-10) Ils ne vivront pas toujours, Ils n’éviteront pas la vue de la fosse.

10  (49-11) Car ils la verront, les sages meurent, L’insensé et le stupide périssent également, Et ils laissent à d’autres leurs biens.

11  (49-12) Ils s’imaginent que leurs maisons seront éternelles, Que leurs demeures subsisteront d’âge en âge, Eux dont les noms sont honorés sur la terre.

12  (49-13) Mais l’homme qui est en honneur n’a point de durée, Il est semblable aux bêtes que l’on égorge.

13  (49-14) Telle est leur voie, leur folie, Et ceux qui les suivent se plaisent à leurs discours. »

Dans ces six versets, deux sous-thèmes sont entrecroisés : le rôle des richesses et des biens et la fin inévitable.

Le rôle des richesses est au cœur des versets 7 à 9. Le verset 7 montre que l’opulence produit deux attitudes chez les riches : la confiance et l’orgueil. Le nanti place – même malgré lui – sa foi (car foi veut dire confiance étymologiquement) dans ses possessions, car il pense qu’il pourra se sortir de toutes les situations difficiles avec elles. Au plan de la vie terrestre, et dans notre contexte actuel d’un capitalisme hégémonique et sans retenue – il est vrai que l’argent (ou les biens matériels qu’on acquiert avec) permet de tout acheter, ou presque. Il n’est pas besoin ici d’insister longuement, mais nous savons, par la simple observation du quotidien que, de l’éducation à la santé, en passant par le travail et l’impunité judiciaire, tout s’achète, il suffit de mettre le bon prix dans la balance. Cette certitude rend donc les possédants confiants, pour leur présent et leur futur.

L’orgueil découle d’un excès de confiance et d’une analyse comparative avec les pauvres. Là aussi, il faut être bien ignorant ou aveugle, pour ne pas voir l’arrogance que donne la richesse. Ceci n’est pas une nouveauté de notre époque. Tous les récits historiques, depuis l’Antiquité, témoignent de l’assurance méprisante des puissants, lesquels sont toujours confondus, avec le temps, avec les riches. Ce qui caractérise notre époque, c’est la dimension de cet orgueil qui semble n’avoir aucune limite[1].

Quelle est la conséquence de ces richesses ? L’idée que tout est achetable.

Versets 8 & 9 : or, le psalmiste pose une première incapacité : celle de payer à Dieu le prix de leur rachat[2], celui de leur âme, au prix beaucoup plus élevé que toute leur fortune. C’est une impossibilité : l’homme, même le plus riche du monde, ne peut effectuer le rachat de son âme. Le matériel ne rachète pas l’immatériel, car ce sont deux catégories étrangères, quoi qu’en aient cru les hommes et les religions.

La conséquence est décrite au verset 10 : pas de vie éternelle et la fosse dans la terre pour tous. Principes non-négociables, que tout vivant appréhende très vite, par l’expérience, dès ses jeunes années.

Le verset 11 enfonce le clou : la mort frappe aussi bien le sage que le sot. La sagesse ne sert pas à éviter ou à vaincre la mort, elle sert seulement à s’y préparer[3].

Verstes 12 & 13 : Une des illusions humaines les plus persistantes est celle de la transmission des biens et de leur permanence. Cette illusion est d’autant plus forte que l’humain a un statut social élevé. Bien qu’il se sache mortel, il cultive ce rêve de voir son nom subsister par ses œuvres et ses monuments. Il s’agit là d’un vieux trait anthropologique, constaté dès l’Antiquité. Mais c’est un leurre, et le psalmiste le dénonce très crûment au verset 13 : le statut social ne dure pas plus que la vie et la fin de l’homme est « semblable aux bêtes qu’on égorge », comparaison radicale qui ne laisse aucun espoir. Car comme le dit le livre de l’Ecclésiaste, chapitre 3, versets 19 et 20 :  « Car le sort des humains et le sort de la bête ne sont pas différents ; l’un meurt comme l’autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l’homme sur la bête est nulle ; car tout est vanité.

20  Tout va dans un même lieu ; tout provient de la poussière, et tout retourne à la poussière. »

On pourrait avancer que l’histoire retient les noms des grands hommes. Ceci aussi est un leurre : l’histoire est une construction humaine qui suit des modes intellectuelles. Tel individu célèbre aujourd’hui demain sera tombé dans les poubelles de l’histoire à jamais. Rien ne résiste à la mort.

Thème 2 : le riche n’est pas du tout enviable (versets 17 à 20)

« 16  (49-17) Ne sois pas dans la crainte parce qu’un homme s’enrichit, Parce que les trésors de sa maison se multiplient ;

17  (49-18) Car il n’emporte rien en mourant, Ses trésors ne descendent point après lui.

18  (49-19) Il aura beau s’estimer heureux pendant sa vie, On aura beau te louer des jouissances que tu te donnes,

19  (49-20) Tu iras néanmoins au séjour de tes pères, Qui jamais ne reverront la lumière.

20  (49-21) L’homme qui est en honneur, et qui n’a pas d’intelligence, Est semblable aux bêtes que l’on égorge. »

  • Le verset 17 peut nous surprendre, avec son expression « ne sois pas dans la crainte ». Pourquoi serions-nous effrayés par l’enrichissement d’autrui ? En raison de cette illusion humaine que le renom et les grands biens (ou le pouvoir aujourd’hui) assureraient une sorte de survie post-mortem. On peut imaginer une crainte de cette inégalité, même face à la mort. Eh bien, elle est sans aucune raison !
  • Les versets 18 et 19 ramènent à la réalité toute nue : « car il n’emporte rien en mourant… » C’est ce que Job a réalisé dans son épreuve. Nous venons nus au monde et nous partons nus. « On n’a jamais vu un coffre-fort suivre un corbillard » me disait ma grand-mère, en parlant des riches propriétaires terriens de son village. Voici le bon sens populaire. Tout le bonheur vécu, toutes les louanges terrestres cessent brutalement pour tous. Et la fin est universelle : « Tu iras néanmoins au séjour de tes pères..» (verset 20). Voilà la seule certitude qui nous unit tous et qui égalise toutes les conditions sociales. Bill Gates, Jeff Bezos, Elon Musk, François Pinaud… tous iront dans cette fosse des générations. Et là, tous auront le même destin : « ils ne reverront jamais la lumière. » Il n’y a donc d’avenir assuré que les ténèbres éternelles de la fosse et la putréfaction
  • L’auteur conclut en reprenant le verset 13, mais en lui ajoutant un élément : « L’homme qui est en honneur, et qui n’a pas d’intelligence, Est semblable aux bêtes que l’on égorge.», au verset 21 C’est l’intelligence qui fait la différence. Elle ouvre la possibilité d’une autre fin. Mais le psaume se termine là, nous n’en saurons pas plus. Cependant la réponse existe, elle est sous nos yeux.

Thème 3 : la mort peut être vaincue (verset 16)

Si on lit rapidement ce psaume, on risque de passer à côté de la réponse de Dieu, que suggère « le pas d’intelligence » que nous venons de considérer ci-dessus. Ce verset 16 est comme une bombe d’espérance au milieu de ce texte désabusé sur la mort.

« (49-16) Mais Dieu sauvera mon âme du séjour des morts, Car il me prendra sous sa protection. »

Alors que l’auteur vient d’enfoncer le clou dans tout le début du texte, la fosse est l’issue commune, la « même sortie pour tout le monde », comme j’ai titré cette méditation. Et voici maintenant que celui qui parle croit fermement qu’il sera sauvé du séjour des morts. C’est le mot schéol qui est employé en hébreu. Ce n’est pas l’enfer, qui est une notion inconnue du judaïsme. Le schéol est le lieu où va l’homme qui a rendu son dernier soupir, et là, plus jamais ils ne verront la lumière.

Il y a donc une espérance post-mortem dans la foi de l’ancienne alliance (ou première alliance). La Bible nous donne quelques exemples d’hommes qui ne sont pas passés par le schéol : Melchisédek, Hénoch, le prophète Elie… La version juive de la Bible (version du rabbinat français sous la direction de Zadoc Kahn) traduit ainsi ce verset :

« Toutefois Dieu délivrera mon âme du cheol, quand il lui plaira de me retirer… »

Notons que la seconde partie du verset diffère car ici elle ouvre sur une notion de temps indéterminé.

Ce que dit le psalmiste, c’est qu’il sera délivré (ou sauvé) du schéol. Il ne séjournera donc pas à jamais dans ce lieu de néant et d’obscurité. Mais nous n’en saurons pas plus sur ce qu’il adviendra de l’homme ainsi sauvé.

Si nous étendons rapidement notre réflexion à la Nouvelle Alliance, il s’y découvre plus de précisions.

1 Corinthiens 15 : 3  « Je vous ai transmis, avant tout, ce que j’avais aussi reçu : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ;

4  il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures… »

rappelle le rôle du Christ dans ce salut. Paul affirme sa résurrection et donc, par lui, le pardon des péchés pour tous – c’est le fameux rachat évoqué dans le psaume 49. En croisant les différents textes eschatologiques du Nouveau Testament, que je ne peux pas reprendre ici, il apparaît que le Messie fera un retour en gloire et instaurera alors son royaume sur la terre, afin de vaincre définitivement la mort. Après quoi aura lieu ce que la Bible appelle la « fin des temps » ; là aussi je ne puis développer. Lisons Apocalypse 21 : 1 à 4 :

« 1 ¶  Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus.

2  Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, prête comme une épouse qui s’est parée pour son époux.

3  J’entendis du trône une forte voix qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux.

4  Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. »

Pour ce qui concerne notre thème d’aujourd’hui, c’est le verste 4 qui est capital : Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.  Il ne s’agit plus ici d’une intervention divine sur tel ou tel homme de foi du peuple juif, mais d’un changement total de paradigme : la mort n’est plus, et avec sa fin disparaissent les peines et les douleurs de hommes.

Cette courte mise en perspective du Premier et du Second testament permet de mesurer toute l’importance de l’œuvre accomplie par Jésus-Christ à la croix et par la résurrection.

Conclusion

Tout ce que le psalmiste a écrit sur le terme de nos vies et l’inanité des richesses et de leur amour demeure. Ce qui a changé, c’est la dimension du salut. Le verset 16 du psaume ouvrait la porte à un salut individuel exceptionnel ; l’espérance nouvelle en Christ ouvre ce salut à tous et annonce que la mort sera définitivement vaincue. C’est ce que Paul affirme en 1 Corinthiens 1 :18 :

« 18  Car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu. »

Ici est le saut de la foi, la coupure radicale entre le raisonnement humain et la logique de la foi. Depuis deux mille ans cette question divise l’humanité : Quel est notre choix ?

J.M Dauriac – octobre 2022.


[1] Considérons, par exemple les patrons des GAFAM et leur hubris financière et politique.

[2]  Voici le texte de la note de la NBS, Nouvelle Bible Segond, dans sa version d’étude, sur le sujetd u rachat dans la Bible, notion majeure que je n’ai pas le temps de traiter ici :

 Rédemption :  Le vocabulaire religieux de la rédemption est d’abord employé dans l’Ancien Testament en un sens concret. Il s’agit de la reprise, du rachat, du dégagement ou de la libération d’objets ou de personnes qui sont chargés d’une obligation, d’une condamnation ou d’un engagement (sacrés ou profanes).

       C’est la racine hébraïque g’l qui correspond généralement, dans la présente traduction, aux mots rédemption, rédempteur, et plus rarement au verbe apparenté rédimer; elle est aussi rendue par reprendre (#Jér 31:11). Elle est très proche, quant au sens, de la racine pdh, souvent traduite par libérer ou dégager (notamment dans le cas des premiers-nés ou des esclaves, #Ex 13:12; Ex 21:7,29; Ex 34:20; Lé 19:20; Lé 27:27; No 3:46; No 18:15). On peut aussi en rapprocher kpr, qui fournit le vocabulaire de l’expiation* et dont un dérivé, kopher, signifie également rançon (cf. #Ps 49:8).

       Les termes apparentés à g’l relèvent à l’origine du droit familial. Le go’el ou rédempteur est celui qui a un droit (et dans une certaine mesure un devoir) de rédemption (ge’oulla) en faveur d’un proche parent. Il peut exercer un droit de préemption pour empêcher un bien foncier ou immobilier de sortir du patrimoine familial ou l’y ramener (#Lé 25:23-34; Jér 32:7; Ru 4:4), mais aussi libérer un des siens tombé en esclavage (#Lé 25:47), plus généralement le protéger ({==> NBS_Notes « Ru 2:20 »}; #Ru 3:9), voire venger sa mort (c’est la fonction spécifique du go’el ha-dam, le rédempteur du sang*, que limite partiellement l’institution des villes de refuge en {==> NBS_Notes « No 35:12 »}ss; #De 19:6,12; Jos 20:3,5,9; cf. #2S 14:11). Il assure la succession de son proche parent et peut recevoir, par exemple, une indemnité à sa place (#No 5:8; cf. #1R 16:11). En #Lé 27:13 la rédemption semble consister, pour un propriétaire, à reprendre son propre bien en annulant la consécration de celui-ci (voir saint*, sainteté, sanctification).

       Les termes apparentés à g’l (notamment go’el, rédempteur; cf. #Ge 48:16; Ex 6:6; Ex 15:13; Esa 41:14; Esa 43:1,14; Esa 44:6,22; Esa 47:4; Esa 48:17,20; Esa 49:26; Esa 52:3; Esa 54:5,8; Esa 59:20; {==> NBS_Notes « Esa 63:4 »}, #Esa 59:9,16; Jér 50:34; Ps 19:14 (19:15); #Ps 69:19; Ps 72:14; Ps 74:2; Ps 77:16; Ps 78:35; Ps 103:4; Ps 106:10; Ps 107:2; Ps 119:154; Job 19:25; {==> NBS_Notes « Pr 23:11 »}; en parallèle avec ntsl, délivrer, en #Ex 6:6; Mi 4:10), comme les dérivés de pdh (notamment pour la sortie d’Egypte, assimilée à l’affranchissement de l’esclave; cf. {==> NBS_Notes « Ex 8:19 »}; #De 7:8; De 9:26; De 13:6; De 15:15; De 21:8; De 24:18; 2S 4:9; 1R 1:29; Esa 29:22; Esa 35:10; Jér 15:21; Ps 25:22; Ps 26:11; Ps 31:6; Ps 34:22 (34:23); #Ps 44:26 (44:27); #Ps 55:19; Ps 69:19; Ps 71:23; Ps 78:42; Ps 111:9; Ps 119:134; Ps 130:7; Job 5:20; Job 6:23; Job 33:28; Né 1:10; 1Ch 17:21; en parallèle avec délivrer en #Esa 50:2), peuvent dire l’action de Dieu en faveur de son peuple, collectivement, ou des siens pris individuellement (en #Esa 35:9; Esa 51:10; Jér 31:11; Os 13:14 les deux racines hébraïques sont employées en parallèle). Dans cette rédemption l’image du prix payé est parfois présente (#Esa 43:3), mais plus souvent elle passe à l’arrière-plan, quand elle n’est pas explicitement exclue (#Esa 52:3; cf. #Esa 45:13; comparer le cas de Jonathan en #1S 14:45, où dégager traduit pdh).

       Dans la Septante (LXX*), ce sont souvent les dérivés du verbe lutroo qui correspondent à g’l et à pdh. Dans le Nouveau Testament ils décrivent l’œuvre que le Christ a accomplie pour les siens: une rédemption, ou une délivrance (#Ro 3:24; Tit 2:14; Hé 9:12,15; 1P 1:18), lue comme l’accomplissement des espérances d’Israël nourries de la méditation sur l’Exode (#Lu 1:68; Lu 2:38; Lu 24:21). On peut en rapprocher d’autres termes grecs, comme ceux de la famille de rhuomaï, délivrer (d’un mal ou d’un malheur, #Mt 6:13; Lu 1:74; Ro 7:24; Ro 15:31; 2Co 1:10; Col 1:13; 2Th 3:2; 2Ti 3:11; 2Ti 4:17; 2P 2:7,9; terme apparenté pour libérateur en #Ro 11:26) et de eleutheroo, libérer (#Ro 6:18,22; Ro 8:2,21; Ga 5:1).

       Dans certains textes, cette rédemption est conçue à la façon d’un rachat, obtenu moyennant une rançon( grec lutron, antilutron), à savoir le don fait par le Christ de sa propre vie (#Mr 10:45//; #1Ti 2:6; 1P 1:19). Les dérivés du verbe agorazo (qui rappelle l’agora, la place du marché), suggèrent sans doute une représentation analogue (cf. #1Co 6:20; 1Co 7:23; Ga 3:13; Ga 4:5; Ap 5:9; Ap 14:3). Entendue au sens précis de rachat ou dans celui, plus large, de délivrance, la rédemption est présentée à la fois comme une réalité advenue dans l’expérience chrétienne (#Ep 1:7; Col 1:14) et comme une perspective d’avenir, objet de l’espérance des fidèles (#Ro 8:23; Ep 1:14; Ep 4:30; cf. #Lu 21:28).

Copyright Société Biblique Française/Editions Biblio

[3] Cf le mot de Montaigne : « Philosopher, c’est apprendre à mourir ».

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Les petites fleurs de Saint François d’Assise (Fioretti)

Traduction et notes de Alexandre Masseron ; Guatier-Langereau éditeur, Paris, 1971.

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Mon exemplaire de ce livre est le même que celui-ci, indisponible.

C’est le genre de livre que l’on achète uniquement lors d’un vide-grenier ou d’une foire aux livres, le genre de livre que je n’aurais jamais pensé à aller acheter dans une librairie. Cet édition est une édition reliée, sous jaquette rhodoïd, en bel état. Les seules traces du temps passé sont sur les tranches, marquées de légères tâches de moisissures atténuées. En illustration, l’éditeur a inclus de belles reproductions en couleur des fresques de Giotto réalisées à Assise. Un bel objet, acquis pour quelques euros, sans l’avoir cherché. Je l’ai laissé reposer quelques années sur les étagères de la bibliothèque, comme je le fais souvent de mes achats livresques. Cet été, j’ai eu envie de me plonger dans ce récit étrange.

François prêchant aux oiseaux, Giotto, Assise

Il s’agit d’un texte sans auteur, sans doute l’oeuvre collective des frères franciscains de la fin du XIIIe siècle, époque où les derniers frères à avoir connu François disparaissaient et, avec eux la mémoire vivante de cette vie extraordinaire. Le lecteur devra faire un effort pour pouvoir lire au mieux ces récits. Il lui faudra oublier le poids de tout l’héritage du rationalisme du XIXe siècle et rentrer dans la mentalité chrétienne et mystique du Moyen Age. Faute de quoi, il se découragera très vite et abandonnera au bout de quelques pages. Nous sommes ici plongés dans la vie du XIIIe siècle, dans le cadre d’une chrétienté occidentale qui était sans doute ici à son apogée. La mentalité des peuples, des dirigeants au plus humble des paysans était conditionnée par le catholicisme. Le surnaturel faisait partie de la religion, avec les miracles, les apparitions et les prophéties. C’est évidemment ce qui explique l’étrangeté de ce livre pour un homme du XXIe siècle, pétri de rationalisme, de scientisme et de laïcité ou d’athéisme.

L’ouvrage est en fait bâti en deux sections non distinguées. Les 38 premier chapitres présentent des épisodes de la vie sainte de François, alors que les chapitres 39 à 53 content des actions remarquables des frères franciscains les plus remarquables, épisodes souvent datés d’après la mort de François.  Le même esprit mystique baigne les deux sections. La vie de François ici rapportée est une succession de miracles, au sens premier de « signes » donnés pour faire comprendre. L’hypothèse éditoriale des rédacteurs est que le petit saint d’Assise a revécu la vie du Christ. Il y a donc dans leurs choix de récits une volonté nette de faire ressortir cette similitude. Ce qui ne veut absolument pas dire que ce qu’ils écrivent est inventé. Mais, comme les rédacteurs des Evangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean) ont agencé leur vie de Jésus en fonction du public visé – lequel n’est pas du tout le même pour Matthieu (les Juifs) que pour Jean (Les grecs, plutôt gnostiques) – les auteur des Fioretti ont sélectionné les actions en fonction de ce postulat de départ de la similitude de vie avec le Christ.

On ne peut pas saisir toute la valeur de ces récits si l’on n’a pas une sensibilité spirituelle, voire mystique. Il faut avoir expérimenté un minimum de vie spirituelle ou de phases mystiques pour entrer dans cette vie. François ne vit plus que pour les pauvres, dans lesquels il sert le Christ. Ila tout quitté, s’est dépouillé de tout pour vivre de la charité et vivre la charité. Mais il a reçu en échange, comme don de Dieu, une foi d’enfant, une confiance totale en son Père céleste. Ce qui frappe beaucoup, au fil des pages, c’est l’importance de la prière dans la vie de François. Comme el Christ, il ses retire loin  des autres frères pour prier seul. Le lieu de prière est « le bois ». Là, il vit des moments d’extase, de rencontres et de dialogue avec Jésus. Il en tire toute sa force et son humilité. Bien sûr, nous trouvons ici la fameuse scène ou il prêche aux oiseaux ou à d’autres animaux (un épisode parle des poissons d’une rivière). Notons qu’il ne prêche pas la repentance aux animaux, mais la gloire de Dieu. François, dans la prière reçoit bien des révélations ; certains, aujourd’hui, diraient qu’il était médium. Ces révélations lui permettent d’aider ses frères. Elles lui montrent aussi quels sont ceux qui vont le rejoindre. Bref, les petites fleurs nous content une vie entièrement guidée par la prière et la révélation. Cet aspect-là est universel.

Le lecteur protestant aura sans doute du mal à ne pas réprimer un peu d’agacement en lisant certains passages trop « catholiques », c’est-à-dire marqué par des pratiques non bibliques, comme le culte des saints ou l’adoration mariale. Il s’énervera à voir le pouvoir de la papauté et de la hiérarchie, qui a bien failli excommunier le poverello et le déclarer hérétique, mais ayant pesé la balance bénéfice/risque, a finalement décidé d’en faire un saint. Nous savons bien qu’aux yeux du monde, religieux ou pas, la limite entre folie et sainteté est floue.

L’éditeur a rajouté après les Petites fleurs les Cinq considérations sur les stigmates. Il faut bien saisir dans ce fait la thèse de l’éditeur : Une vie de sainteté se justifie in fine par la conformité physique avec la fin du Christ. François a donc reçu en sa chair les marques de la crucifixion. J’avoue que ce texte me laisse plus que perplexe, comme la manifestation des stigmates en général, comme certaines manifestations extraordinaires chez certains saints. Je touche sans doute là les limites de mon œcuménisme : je n’arrive pas à croire à ces manifestations, car je n’en vois nullement la raison et n’en trouve aucun fondement dans la Révélation chrétienne.

Au final, j’ai lu ce livre avec plaisir et sans doute avec profit : François n’était pas un tricheur, il vivait ce qu’il prêchait. Sa foi était construite sur une communion constante avec Dieu et Jésus. En cela il parle autant aux catholiques qu’aux protestants ou aux orthodoxes. Dans un siècle de mépris des petites gens et de gaspillage éhonté des riches et puissants, François est un modèle qui peut et doit nous inspirer, avec ou sans stigmates !

La version actuellement disponible est celle-ci, chez le même éditeur, reprenant la même pagination:

le lien de commande:

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Jean-Michel Dauriac – Septembre 2022.

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