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Catégorie : articles divers

Les 10èmes rencontres du Frêne à Fresselines (23) Et nos campagnes, alors? 19-20 juillet 2025

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Organisé par Aux rêves du Frêne

Association Loi 1901 – Fresselines

Les rencontres du Frêne, 10 ans déjà !

Dossier de presse 2025 à télécharger ici :

En 2015, Christine Guillebaud et Jean-Michel Dauriac décidaient de lancer un temps de réflexion et de partage autour de grands sujets de notre époque. Cela s’appelait alors l’Université Libre d’Eté de Creuse (ULE), reprenant un nom qui avait été créé par Jean-Michel Dauriac en 2008, à Chéniers, pour des rencontres, privées d’abord, puis ouvertes au public, avec ses étudiants de la région bordelaise. Cette expérience dura de 2008 à 2012, puis se mit en sommeil. La reprise de 2015 gardait la méthode de travail, mais s’ouvrait à un public plus large.

Il fut décidé que ce serait l’avant-dernier week-end de juillet qui serait le rendez-vous annuel. Ce qui s’est passé chaque année depuis, sauf l’année 2020 avec la pandémie.

Un cadre juridique associatif fut donné en 2020, avec Aux rêves du Frêne, référence à Fresselines, lieu des manifestations.

Cette année 2025 marque donc les 10 ans de ces rendez-vous. Chaque année un thème est choisi par l’équipe organisatrice, à l’intérieur d’un thème général, « Habiter le monde ». Le thème 2025 est :

Et nos campagnes, alors ?

Ce sujet s’inscrit dans la logique des années précédentes, où furent traités les thèmes suivants : Villes et campagnes, Le climat change, et nous ? , Nos modes de vie….

L’ensemble s’inscrit dans une démarche d’information, de discussion et de proposition autour de ces sujets qui nous concernent tous. Les rencontres du frêne n’ont pas vocation à soutenir telle ou telle position politique mais à ouvrir les esprits par la découverte d’informations de qualité et la pratique du débat. Il appartient ensuite à chacun de se servir de ces connaissances comme il l’entend. Les organisateurs revendiquent une complète liberté vis-à-vis de tous les partis politiques et groupes de pression, mais ils revendiquent également toute liberté d’expression des intervenants invités.

Le programme de la session 2025 en détail

La session de cette année s’étend sur le samedi 20 et le dimanche 21 juillet.

Nous proposons une variété d’activité : conférences, débat, soirée artistique, concert.

Les conférences

Quatre causeries sont offertes au public.

Samedi matin, à 10 h 30 : La méthanisation, par Francis Duchiron, professeur retraité de l’université de Reims.

La méthanisation est le processus naturel de dégradation anaérobie de la matière organique. Elle produit du biogaz essentiellement composé de méthane identique au gaz de ville ; mais celui-ci est renouvelable contrairement au gaz disponible actuellement.

Nous exposerons d’abord le fonctionnement de la méthanisation au sens scientifique ; c’est-à-dire les micro-organismes et les voies métaboliques impliqués.

Nous regarderons ensuite les sources potentielles de matière première, ce qui déterminera où implanter des unités de méthanisation. A la ferme, dans les villes pour en recycler les déchets organiques liquides (station d’épuration anaérobie) ou solides (station de méthanisation en phase solide) ; dans les usines agroalimentaires pour recycler les déchets.

Vaut-il mieux avoir des petites unités individuelles sur chaque ferme, ville, station d’épuration, usines agroalimentaires ; ou des équipements plus gros voir industriels ? Ce choix doit être un choix politique effectué en concertation avec les citoyens.

Samedi après-midi, à 14 h 30 : Les paysages racontent une histoire : la nôtre, par Jean-Michel Dauriac, Professeur honoraire de géographie dans les Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE).

Le mot paysage est un terme commun. Mais il a aussi un sens plus précis, en art ou en géographie. Notre conférence se propose de définir les sens propres de ce terme et la richesse de son apport, en présentant les enjeux des paysages, leurs significations diverses et la synthèse géographique, la lecture historique que l’on peut en faire, ainsi que la présentation des acteurs qui en sont auteurs et usagers, voire fossoyeurs. Nous ferons le choix de privilégier les paysages ruraux.

Dans un second temps, nous effectuerons un voyage spatio-temporel dans les paysages de la France, du paléolithique au XXIe siècle et nous expliquerons, exemples illustrés à l’appui comment il est possible de lire notre histoire et notre avenir parfois dans ces paysages variés de la campagne française.

Jean-Michel Dauriac (à gauche) et Francis Duchiron (à droite) en pleine intervention publique, à Fresselines, durant l’été 2024. (Photo C. Dauriac)

Samedi après-midi, à 16 h 30 : Sauver les haies ? par Philippe Hirou, spécialiste des haies et bocages.

Alors que, depuis plus de 40 ans, l’on a pris conscience de l’importance des haies pour l’agriculture et les territoires ruraux et mis en place des politiques de replantation, pourquoi continuent-elles de disparaître ? Le constat est amer : on en replante 4000 km, mais il en disparaît plus de 20000 km chaque année. Leur image toujours négative au sein de la profession agricole, la radicalisation du débat entre écologie et économie, ou entre ville et campagne, la disparition des agriculteurs eux-mêmes et l’agrandissement des fermes l’expliquent en grande partie. Mais c’est aussi le résultat de pratiques d’entretien destructrices et du changement climatique.

Pourtant nous en avons encore plus besoin vis-à-vis du climat et de la biodiversité et elles peuvent être un atout pour l’agriculture et les territoires. Un atout économique en premier lieu, à la fois par des bénéfices et des coûts évités. De nombreux territoires se chauffent avec le bois des haies, dans le cadre de plans de gestion durable les préservant. Il ne s’agit pas du pillage auquel on assiste parfois, sans intérêt pour l’agriculteur ni pour le territoire local. En matière de lutte contre les inondations et l’érosion des sols, les haies sont une solution efficace. Le ralentissement du flux de l’eau et son infiltration vers les nappes phréatiques sont des bénéfices directs du maintien ou de la création de haies bien placées et en bon état. Les assureurs ne s’y trompent pas qui indiquent qu’à l’échelle des territoires, en moyenne, 1€ investi en prévention économise 8€ de dégâts. Et la haie ne coûte pas cher à implanter, on peut d’ailleurs recourir à la régénération naturelle, gratuite, ni à entretenir, car il s’agit au contraire de moins l’entretenir pour lui laisser plus de place. 


Dimanche matin, à 10 h 30 : Séverine, l’insurgée, Séverine l’oubliée, par Marie-France Boireau, Docteure en littérature et professeur honoraire de lettres en CPGE.

Séverine (Caroline Rémy, 1855-1929), un nom quasi oublié. Et pourtant, elle fut l’une des grandes journalistes de la fin du XIXe siècle, sans doute celle qui a inventé le journalisme d’investigation, celle qui a construit son identité de journaliste en se choisissant ce nom de plume, Séverine, celle qui a été une des premières journalistes professionnelles .

Alors, pourquoi un tel oubli ? Peut-être parce que Séverine fut une sorte d’électron libre et aucun parti, aucune association féministe, ne put et ne peut se réclamer d’elle. Dans sa vie personnelle et sa vie professionnelle, elle ne cessa d’affirmer sa liberté.

Disciple de Vallès qui a été son mentor, qui lui a appris le métier de journaliste, Vallès dont elle disait « c’est mon père », et dont elle prit la succession à la tête du journal Le Cri du peuple après la mort du vieux communard.

Mais ce n’était pas simple, en cette fin du XIXe siècle, pour une femme, de diriger un journal, et surtout de maintenir les colonnes de ce journal ouvertes aux différentes sensibilités de gauche. Elle finira par quitter Le Cri du peuple où les guesdistes avaient pris le pouvoir et elle vivra de sa plume, écrivant dans des journaux d’obédiences politiques différentes.

Comme le fera un siècle plus tard Florence Aubenas, elle n’hésitait pas à enquêter sur le terrain, à descendre, par exemple, dans la mine à Saint-Etienne, après un coup de poussier qui fit 112 morts, à se faire embaucher comme casseuse de sucre pour comprendre le rude métier des ouvrières.

 Longtemps réticente à l’égard des mouvements féministes réclamant les droits politiques pour les femmes, mue par un antiparlementarisme viscéral, elle finira par considérer que le droit de vote est important, en rejoignant le combat de son amie, Marguerite Durand, créatrice du journal La Fronde.

Son titre de gloire : la défense des pauvres, sa lutte  contre la misère, lutte pour laquelle elle  a déployé des trésors d’imagination et d’énergie.

Le grand débat, samedi 20 juillet à 18 h 00 : Et nos campagnes, alors ?

En présence de F. Duchiron, J-M. Dauriac et Ph. Hirou

Avec en invité, grand témoin : Philippe Auvillain, agriculteur retraité, ancien responsable creusois de la Confédération Paysanne

Ce temps de discussion avec le public, permettra à chaque conférencier de préciser certains points de leurs conférences, à la demande et d’échanger des points de vue sur le monde rural et son avenir.

Le grand témoin présentera son parcours et les options majeures qui semblent les meilleures pour les agriculteurs, l’agriculture, le milieu et l’alimentation des Français.

A l’issue de ce débat, l’association Aux rêves du frêne offrira un apéritif consistant aux présents. (20 h 15 -21 h 30)

Une soirée culturelle Poésie et chansons (21 h 30 – 23 h 00 environ)

Les participants sont invités à venir avec un texte ou un poème qu’ils ont envie de partager avec l’assemblée. Christine Guillebaud, poétesse bien connue des Creusois, dira des poèmes de son choix, Jean-Michel Dauriac chantera des chansons de sa composition et fera chanter la salle sur des chansons françaises connues.

Avec un hommage à Marcelle Delpastre, poète corrézienne, née en 1925.

En option, en fonction de la météo du ciel : Observation astronomique, à partir de 22 h 30, avec Laurent Sartre, astronome amateur et conférencier scientifique.

Concert de clôture de la session : dimanche 20, église de Fresselines, 16 h 00

Fréquences Libres, par l’ensemble Gabriel

https://www.ensemblegabriel.com

 Un verre de l’amitié, servi dans la salle polyvalente, clôturera cette session 2025

Contacts :

Jean-Michel Dauriac : dauriacjeanmichelgmail.com – 06 33 84 71 69

Francis Duchiron : francis.duchiron@univ-reims.fr – 05 55 89 71 60

* * * * * * * *

En partenariat avec l’UPHG (Université Populaire des Hauts de Garonne – Lormont 33)

Vous pouvez vous abonner aux vidéos hebdomadaires des conférences UPHG, en adhérant à l’association, pour 10€ par an.

Contacts : Jean-Michel Dauriac, président, jmdauriac@laposte.net

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Deux positions radicales contre la guerre : Léon Tolstoï et Jacques Ellul.

Table ronde La guerre et la foi – mardi 18 février 2025

L’Université Populaire des Hauts de Garonne, que j’anime et que j’ai fondée en 2008, organise régulièrement des tables rondes inter-religieuses sur des thèmes d’actualité. Le thème de cet année était La guerre et la foi. Pour présenter et débattre, il y avait quatre intervenants: Georges Cottin, prêtre et jésuite, Didier Guedj, membre du consistoire juif de Bordeaux, Mahmoud Doua, enseignant et imam de Cenon & Jean-Michel Dauriac, théologien protestant. Chacun disposait d’une dizaine de minutes pour s’exprimer sur le sujet, après quoi le débat avec la salle et entre les intervenants était ouvert. Je reproduis ci-dessous le contenu de mon intervention, en tant que regard protestant sur le sujet.

Je voudrais présenter très brièvement deux positions sans compromis sur la guerre et la violence armée. Elles émanent de deux hommes qui en se sont jamais connus et qui ont vécu en des temps différents.

L’un est un chrétien, en rupture d’Eglise, qui accorde toute autorité aux paroles de Jésus dans les Evangiles, qui a vécu une vie de croyant solitaire, mais dont les positions théologiques sont assez souvent très proches de celles des protestants les plus libéraux. C’est Léon Tolstoï (1828-1910), homme du XIXe siècle russe, d’un pays qui a connu de très nombreuses guerres durant sa vie.

L’autre est un homme du XXe siècle (1912-1994), protestant de l’Eglise Réformée revendiqué mais marginal dans celle-ci par sa lecture évangélique et ses prises de position. C’est Jacques Ellul, le grand penseur aquitain.

Tous deux ont des positions proches, auxquelles ils sont parvenus par des chemins très différents, mais qui se retrouvent dans un radicalisme qui exclut tout compromis « raisonnable ». Tous deux se caractérisent par un amour passionné de la liberté et une fidélité totale au Christ des Evangiles. Regardons rapidement ces positions.

Léon Tolstoï : de la guerre du Caucase à la non-résistance au mal comme commandement absolu

Tolstoï a connu une vie pleine de contrastes : durant les cinquante premières années de sa vie, il fut un noble russe de religion orthodoxe atavique, il fut militaire engagé durant cinq années et participa à deux conflits comme officier : la guerre de conquête et de « pacification » du Caucase, puis la guerre de Crimée et le siège de Sébastopol (entre 1851 et 1856). Plus tard, alors qu’il était marié et père de famille (années 1860-1870), il se passionnait encore pour les guerres russes et envisagea même de partir se battre contre les Turcs, ce que sa femme stoppa brutalement. Puis il vécut une véritable conversion au Christ, en 1879.

Dès lors, sa lecture attentive des Evangiles le convainc que le cœur de la prédication du Christ est le propos rapporté en Matthieu 5 :39 : « Mais moi je vous dis ne pas résister au méchant. » Il élabore alors une théorie chrétienne qui sera appelée la « non-résistance au mal », théorisée dans un livre intitulé Le royaume des cieux est en vous. Il y développe toutes les implications de ce refus de tout usage de la violence, tant au plan personnel qu’au plan politique, ce qui correspond à une position chrétienne anarchiste qui rejette tout pouvoir si ces celle de l’amour du Christ.

Tolstoï condamnera aussi bien la guerre russo-japonaise de 1904 que la révolution avortée de 1905, car ce furent deux explosions de violence. Sa position radicale en a gêné beaucoup, mais il a tenu bon. Il fut suivi en cela par des disciples que l’on appela les « tolstoïstes » ou « tolstoïens », selon les auteurs. Ce mouvement fut balayé par la Première Guerre mondiale et la Révolution russe.

Mais les idées de refus de tout usage de la violence de Tolstoï avaient gagné des partisans partout dans le monde. Un de ses disciples majeurs fut un jeune avocat indien vivant en Afrique du Sud, Gandhi. Il fit de cette non-violence son arme favorite. On oublia cependant que c’est Tolstoï qui avait théorisé cette pratique, pour l’attribuer à Gandhi dont, à son tour, Martin Luther King fut le disciple, sans savoir lui non plus ce qu’il devait au grand écrivain russe.

Jacques Ellul : La « non-puissance » comme solution à la violence du monde

Jacques Ellul a toujours revendiqué sa foi chrétienne et son attachement à ce qu’il appelle la Parole de Dieu, laquelle est contenue, en partie, dans la Bible. Il a toujours également considéré qu’il fallait être conséquent dans sa façon de lire les Evangiles.

« Pour ma part, je crois que toute Parole de Dieu (mais je n’identifie pas, automatiquement, la Bible à une parole de Dieu) est radicale et absolue. C’est-à-dire qu’elle atteint à la racine, et, sans être littéraliste, je crois que tout impératif biblique reste tel quel, n’est susceptible d’aucune réinterprétation, d’aucune édulcoration, d’aucun cantonnement. La Bible, c’est le tout pour le tout. Donc, je prendrai les indications concernant la guerre, violence, terrorisme dans leur sens radical[1]. »

On le voit, cette position rejoint le radicalisme de Léon Tolstoï : on prend au sérieux ce que dit La Bible et Jésus. Cette citation est extraite d’un imposant ouvrage collectif, édité en 1991 par les éditions catholiques Le Cerf sous le titre Les religions et la guerre, sous l’égide du Secrétariat général de la Défense nationale. Des intellectuels et ministres du culte des trois monothéismes y confrontent leurs points de vue sur la guerre et le rôle des religions. Ellul est un des intervenants protestants, aux côtés de André Dumas et Michel Dautry. Il y développe de manière très nette sa position de chrétien face à la guerre. Nous tirons de cet article les arguments qui suivent. Nous les citons ici sans les développer.

  1. Seul l’individu peut être chrétien. Il ne peut pas y avoir d’Etat ou d’institution chrétienne, pas plus que de société chrétienne. « Mais la foi ne peut être que le fait d’êtres humains. C’est-à-dire qu’il ne peut pas y avoir d’institutions chrétiennes, il ne peut pas y avoir d’Etat chrétien ni de société chrétienne. » (p. 290.)
  2. Il n’y a jamais de guerre acceptable : pas plus de guerre « juste » que de guerre « sainte ». « Ce qui me conduit à dire qu’il n’y a jamais de guerre acceptable pour la foi, ni de violence acceptable, ni de terrorisme, etc. » (p.290.)
  3. Jésus développe dans les Evangiles une attitude de « non-puissance ». « La non-puissance, ce n’est pas l’impuissance. Celle-ci désigne la situation où on ne peut agir par la puissance. Alors que la première consiste à posséder une puissance, mais à refuser de l’exercer. » (P.291.) Ellul cite des exemples tirés des Evangiles.
  4. Les objections tirées de l’Ancien Testament (Bible hébraïque) ne résistent pas à une critique serrée. Ellul évoque même une pédagogie de l’erreur voulue par l’Eternel, en citant Ezéchiel 20 : 25-26, texte très dérangeant.
  5. Refuser la guerre n’a rien d’idéaliste. Voici ce que dit Ellul : « On a l’expérience qu’aucune guerre n’a jamais résolu aucun problème, ni politique, ni économique et de même, dans l’ordre des violences révolutionnaires, aucune révolution n’a jamais mené à autre chose qu’ à des dictatures. » (P.292.) Par contre la non-violence a remporté des succès : il cite les acquis de ML King et les compare aux échecs des Blacks Panthers ou Black Muslims.
  6. Cette loi de non-puissance e peut être la politique d’un Etat. « Cette conduite de non-puissance dérive de la foi au Seigneur Jésus-Christ, cela ne peut pas être transformé en loi générale d’un Etat et d’une société où 90%  des habitants sont non-croyants. Et nous atteignons un point crucial : toutes les réflexions théologiques sur la guerre juste dérivent de la conviction qu’il y a continuité entre l’Eglise et l’Etat, qu’il y a même confusion (dans le constantinisme) et que tout le problème consiste à savoir comment concilier les deux ! » (P. 293.) « Jésus crée avec l’Eglise une autre société » (P.293.)
  7. L’Eglise doit faire entendre sa voix dans le débat public, mais elle n’a pas à chercher à diriger ou influencer les politiques. « Et cela d’autant plus que les dirigeants d’Eglise et els théologiens sont en général de lamentables « politiciens ». » (P.294.) Choisir un camp est toujours un mauvais choix que rien ne justifie au plan de la foi chrétienne.
  8. Il peut y avoir des circonstances qui amènent à des constats contraires à la liberté chrétienne. « Mais reconnaître que la guerre peut être inévitable et indispensable du point de vue politique, ne veut dire ni qu’elle soit juste, qu’elle soit légitime, ni qu’elle doive être approuvée par l’Eglise, et que les chrétiens aient à la justifier, ni enfin qu’on puisse en espérer une paix durable et une situation équitable! La guerre est toujours de l’ordre du mal. » (P. 294.) Elle est alors de l’ordre de la nécessité et se trouve en opposition radicale avec l’Evangile qui est liberté.
  9. « L’exigence de la liberté chrétienne implique le refus de toute guerre, y compris la guerre « soi-disant » de libération ! » (P.295.) Le rôle des chrétiens est, non de pousser à la préparation de la guerre, mais d’être des porteurs d’espérance, ce qui est tout le contraire de la guerre, qui n’apporte que désespoir et peur. Ellul réfute deux objections : celle des « mains pures » et du refus de s’engager, et celle du jeu de « combien de divisions ? » cher à Staline, le rapport de forces matérialiste.
  10. Un chrétien peut décider de faire la guerre ou de la soutenir : « Que l’on fasse la guerre si l’on croit que c’est bien, mais que l’on ne cherche pas de justifications spirituelles ou morales. » (P. 296.) La nécessité exclut la liberté.
  11. Ellul prend deux exemples contemporains de cette radicalité évangélique qu’il préconise : 1/ Les Quakers américains durant le second conflit mondial, qui surent rester hors de la guerre malgré les quolibets et les diffamations. Leur attitude ferme sema le pacifisme des années 1960-70Guerre du Vietnam). 2/Les baptistes et adventistes en URSS qui restent sur une stricte position de non-violence et d’objection de conscience sont arrêtés et envoyés au goulag, mais qui voient leur nombre augmenter rapidement.
  12. Pour Jacques Ellul, la fidélité à la liberté chrétienne devrait se manifester par un rejet total du nationalisme et le refus de cantonner les Eglises au plan national.

Comme on peut le constater, ces positions sont très nettes et tranchent avec celles des grandes Eglises chrétiennes.

Léon Tolstoï et Jacques Ellul font la même lecture de l’Evangile et de l’attitude du Christ. Tolstoï va plus loin qu’Ellul en refusant toute résistance au mal, ce qu’Ellul ne dit pas expressément. Mais els deux considèrent la guerre comme le mal absolu et posent l’impossibilité pour le chrétien d’y adhérer. Ce n’est pas simplement du pacifisme, mais l’expression d’une autre vie et d’une autre société, de liberté et de responsabilité envers autrui.

Jean-Michel Dauriac – Février 2025


[1] Les religions et la guerre, direction Pierre Viaud, Paris, Editions Le cerf, 1991 ; chapitre XII, Les chrétiens et la guerre, Jacques Ellul, p. 291.

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La fête au jardin à Fresselines (23) : joute oratoire du 26 juillet 2024, Jean-Michel Dauriac et Francis Duchiron

Culture populaire en milieu rural – épisode 3

Voici l’avant-dernier volet de cette petite série d’articles qui fait l’apologie et la défense de la culture populaire à la campagne. Le dernier exemple est celui du village de Fresselines, dans la vallée des peintres, en Creuse. Ce petit bourg d’à peine 800 âmes est le lieu d’une grande activité artistique tout au long de l’année, mais particulièrement en été, quand la Creuse est un peu plus peuplée et que le temps permet des manifestations extérieures. Je ne m’étendrai pas sur le lieu culturel voué au Blues qu’est la P’Artqueterie, je renvoie le lecteur à sa page Facebook (https://www.facebook.com/Lapartqueterie/?locale=fr_FR ) pour découvrir toutes leurs activités, qui drainent un public nombreux. Nous sommes là dans une structure de type salle permanente de spectacle, comme le montre leur site. Ils ont conquis un vaste public au fil du temps et c’est très positif. Je veux centrer cet article sur les initiatives associatives de bénévoles.

Depuis 2015, il existe une Université Libre de Creuse qui tient ses sessions chaque été lors de l’avant-dernier week-end de juillet, du vendredi au dimanche. Je lui consacrerai la dernière de ces chroniques. Il s’agit là d’une offre de réflexion intellectuelle sur notre société et ses problèmes, accompagnée d’une découverte de la Creuse et de moments artistiques conviviaux, le tout gratuitement offert, grâce au travail des bénévoles de l’association organisatrice et des intervenants.

Ce dont je veux vous parler aujourd’hui est une belle idée, liée au cadre naturel superbe de la Creuse. Il s’agit d’une utilisation publique, le temps d’une soirée, des jardins privés de la commune, dont les propriétaires acceptent d’ouvrir leurs portes. Cela se nomme La fête au jardin et se déroule sur environ trois semaines, entre fin juillet et mi-août.

Une belle équipe de bénévoles, comme à Mers sur Indre ou Nouzerines (voir les chroniques précédentes, épisode 1 et épisode 2) rend possible ce petit miracle. Les uns ou les unes préparent des tartes ou des quiches, d’autres installent les chaises et les tables (venues des foyers engagés), certains montent la sono et font la régie technique, d’autres encore accueillent. Tout cela est au service d’un programme mis sous le signe de l’éclectisme, où chacun peut trouver des centres d’intérêt qui lui sont chers ou découvrir de nouveaux chemins. Jetez un coup d’œil sur le programme ci-dessous, vous vous ferez une idée vous-mêmes. Ce mini-festival de l’hortus est la preuve concrète qu’il existe une richesse culturelle accessible, même dans ce que certains considèrent comme le trou le plus perdu de la France (en général on use d’une formule plus scatologique).

La chanson côtoie le cinéma, le théâtre ou le jazz. L’ambiance est au cabaret, avec de petites tables posées dans l’herbe, on sirote sa bière ou son jus de fruits. L’an passé, nous avions été assister à deux spectacles et en étions revenus ravis. J’ignorais alors que je me retrouverais dans la programmation de cette année. L’idée a germé dans un cerveau fresselinois (je ne dénoncerai personne, me réservant pour l’arrivée du fascisme au pouvoir en France !) de proposer une sorte de battle orale à Francis Duchiron et à moi-même. Deux profs bavards qui devraient être capables de parler de tout et n’importe quoi, ce qui est l’essence même du métier de prof, comme chacun le sait ! Et nous avons été assez vaniteux ou inconscients pour accepter !

Et nous voici donc, le vendredi 26 juillet, à 19 h 30, prêts à entrer en scène. Bien sûr, le fait que ce soir-là, à cette heure précise, se déroule la cérémonie inaugurale des JO de Paris, relève du pur hasard. Nous pensons donc que ce sera vite expédié, puisqu’il n’y aura personne. Eh bien, nos espoirs ont été déçus : il y a dans cette commune des gens qui n’aiment pas les JO ! Quelle attitude antipatriotique !

Une vue partielle du public, avant le début du spectacle

Quand nous les avons vus arriver , petit à petit, nous avons compris que nous allions être obligés de faire cette prestation. Il nous restait l’espoir qu’ils partent vite et que le combat cesse faute de combattants. Petit discours de présentation de l’originalité de cette soirée, salutations et remerciements et il faut y aller.

Nous avons voulu, Francis et moi, que ce soit une totale improvisation. Nous ignorons donc tout de ce qui va nous être demandé. La règle du jeu est énoncée : un sujet est tiré au sort par un spectateur (trice), nous avons dix minutes pour épuiser le sujet, puis on passe à un autre sujet. Les sujets ont été préparés par les organisateurs ; nous demandons que le public puisse en ajouter, mais il semble que nous n’ayons pas été très convaincants sur ce point. Nous avons bien prévenu que ce ne serait nullement un débat contradictoire, mais la juxtaposition de nos improvisations, sans nous interdire d’intervenir dans le discours de l’autre.

Les deux artistes au début du show (debouts)…

Puis, un peu après, les mêmes :

Dans cette position, nous pouvons tenir plus longtemps.

Le premier sujet est vertigineux : « Pommes frites ou pommes vapeur ? ». Pour s’échauffer, c’est très bien. Nous avons négocié avec la production le droit à un joker chacun.Juste au cas où nous aurions une panne d’inspiration. Les sujets s’enchaînent et nous sommes de plus en plus dans notre spectacle. «  La beauté de la Creuse », « Les fausses promesses du père Noël », « Sport et compétition », « Compétence et connaissance », « Confiance et croyance »… Nous tenons sans souci les dix minutes, il faut même que la maîtresse des horloges nous bipe parfois pour arrêter. A notre grande déception, les gens ne partent pas ! Au bout d’une heure et demie, nous baissons le rideau, sous un tonnerre d’applaudissements (enfin, c’est fini !). Félicitations polies de certains auditeurs et, plus drôle, demande de revenir l’année prochaine. Bref, les ruraux nous surprendront toujours par leur ouverture d’esprit.

Qui aurait l’idée de proposer, en ville, à deux braves retraités de l’Éducation Nationale, de monter sur scène pour élucubrer de concert. Même pas intermittents du spectacle ! Et ce qui est assez bluffant, c’est que le public suit. Il n’y a pas cette culture blasée de l’urbain gavé de distractions – au demeurant pas toujours de bonne qualité. Ici, on vient découvrir. L’entrée est gratuite, mais on peut participer aux frais. Le cadre des jardins est apaisant et amortit les sons ; pas de mauvaises résonnances ou d’échos trompeurs. La proximité avec le public crée une intimité, renforcée par le soir qui tombe doucement et les vestes légères que l’on jette sur les épaules.

Cet exemple de programme culturel montre qu’il faut savoir inventer des formes adaptées au cadre et mettre en avant l’humain. Chaque jardin qui reçoit raconte l’histoire de ses propriétaires, aucun ne ressemble à un autre. Pendant trois semaines, les mêmes bénévoles vont travailler dur, car les dates se suivent très proches. Des liens vont se tisser entre les spectateurs, les nouveaux seront accueillis… La culture populaire se joindra à l’humanité pour faire vivre une certaine fraternité. C’est donc possible. Bien sûr, tous les habitants ne participent pas, mais la possibilité leur est donnée.

Voici donc encore une pierre ajoutée à l’édifice de la culture populaire en milieu rural.

Jean-Michel Dauriac – Août 2024

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