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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Les piliers de la mer / Passage du poète – Sylvain Tesson versus Charles-Ferdinand Ramuz

A priori, étrange idée que de présenter ensemble ces deux livres, publiés à plus de quatre-vingts ans d’écart, et ces deux auteurs si différents. L’idée m’en est venue simplement par leur lecture simultanée et quelques questions capitales pour un romancier.

Sylvain Tesson

Posons ici ces questions, nées de la parution et de la lecture du livre de Tesson, Les piliers de la mer. Le choix du sujet est-il vraiment déterminant pour l’auteur ? L’est-il pour le lecteur ? L’étroitesse d’un sujet est-elle un atout ou un danger ? Peut-on écrire un grand livre avec un petit sujet ? Je me bornerai à celles-ci, mais d’autres m’ont assailli durant ces lectures.

Pourquoi me suis-je posé ces questions ? Tout simplement en regardant le passage de Sylvain Tesson, un dimanche soir dans l’émission de France 2 qui permet aux programmes de ne démarrer qu’à 21 h 10 au lieu de 20h30, comme une loi de l’ère Sarkozy l’avait voulu en supprimant la publicité sur le service public après 20 h[1]. Emission fourre-tout présentée par un Laurent Delahousse flagorneur en chef. Tesson est un bon client de ce programme inutile. Il vient donc ce soir-là faire le SAV (comme disait la grande Simone Signoret) de son éditeur. Papotage semi-mondain d’où il ressort que ce livre décrit l’aventure exceptionnelle de l’auteur qui a escaladé plus d’une centaine de pitons rocheux isolés en mer près des côtes, dans le monde entier. On nomme en bon franglais ces pitons des « stacks ». En entendant l’auteur et son intervieweur- ravi de la crèche discuter sur ce sujet, je me suis dit que Tesson était vraiment en manque d’inspiration, puis qu’il s’agissait vraiment d’un tout petit sujet, aussi étroit que le sommet de l’Aiguille Creuse d’Etretat, le premier stack évoqué. Il y a plus de quinze ans que je suis la production de Tesson, dont j’ai lu avec plaisir plusieurs livres. Mais celui-ci ne me faisait nullement envie : donc, je ne l’achèterai pas. J’avais en effet grande crainte de m’ennuyer, ce qui est le comble dans un livre de voyage !

Charles(Ferdinand Ramuz

Je n’ai pas non plus acheté Passage du poète, ça leur fait déjà un point commun. Il fait partie de mes emprunts dans les boites à livres. Je suis un grand amateur de cet auteur suisse qui fut célèbre en son temps, mais a depuis disparu de notre paysage littéraire si encombré. Ramuz est un grand écrivain, qui a inventé son propre style, que d’aucuns qualifient d’incorrect. C’est aussi stupide que de dire que Céline ne sait pas écrire comme il faut. La langue de Ramuz est pure poésie, très travaillée, comme celle de Céline, ce qui fait croire à une spontanéité médiocre. Il est un grand témoin de la vie paysanne suisse. Ce livre est, lui aussi, écrit sur un tout petit sujet : un vignoble pentu dominant le Léman, en face de la Savoie et ses travaux et ses jours. Rien de bien passionnant, a priori, que ces quelques hectares et ces villages accrochés dans la pente assez vertigineuse qui descend jusqu’à l’eau. On peut craindre de s’ennuyer également.

Deux sujets très étroits, l’un enraciné dans un terroir avec des habitants qui ne bougent pas, de l’autre une équipe d’aventuriers qui ne peuvent pas rester en place et vont parcourir les mers du globe. Les auteurs ont choisi ces sujets, mais est-ce par volonté pure ou panne d’inspiration ? Pour Ramuz, il est manifeste que ce n’est pas par défaut : ses grands romans sont tous très localisés. Pour Tesson, je me pose la question et, à la lecture du livre, je crois à la panne d’inspiration.

Peut-on écrire un grand livre sur un petit sujet ? D’une certaine manière, c’est la littérature et ses grandes oeuvres qui apportent la réponse. L’étranger d’Albert Camus est un chef-d’œuvre mondial dont l’argument reste très bref. Le vieil homme et la mer, grand livre d’Ernest Hemingway, est le seul récit d’une pêche mythique d’un solitaire sur une barque. Une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne ou Ulysse de James Joyce ne racontent qu’une journée de vie humaine… Ils apportent la preuve indubitable que l’ampleur du sujet ne détermine pas la grandeur du livre. De même que cela peut être un danger si l’on est pauvre en talent, ce peut être un atout pour l’auteur chevronné et riche.

L’étroitesse du sujet est-elle déterminante pour le choix du lecteur ? Je répondrai ici avec une certaine logique normande du « Peut-être ben qu’oui, peut-être ben qu’non ». Il existe un type de lecteur qui va pouvoir hésiter devant ces petits sujets, par peur de la lassitude. Ce sera, généralement, le lecteur occasionnel. A l’inverse ce type de lecteur peut aussi être influencé par les médias, lorsque ceux-ci vont encenser de tels livres. Le grand lecteur sera moins rebuté, car il connaît la force des écrivains et leur plaisir à relever les défis les plus improbables (voir Georges Perec et son livre La disparition, écrit en évitant la lettre E). Je crois appartenir à cette race-là. Et pourtant, je ne me suis pas senti du tout attiré par ce livre de Tesson. Pour celui de Ramuz, je l’ai entamé sans avoir aucune idée du contenu, c’est en lisant que j’ai saisi le cadre réduit de son roman.

Un stack ou pilier de la mer et les aventuriers au sommet

La lecture des Piliers de la mer, je l’ai faite sur ma liseuse, que j’utilise très rarement. Tout simplement parce que j’ai pu disposer d‘une version numérique gratuite. Et cette lecture a confirmé tout ce que j’avais pressenti en écoutant Sylvain Tesson à la télévision. Le sujet est bien extrêmement étroit et i crise d’inspiration que j’ai ressentie tout au long de la lecture. IL le ressent d‘ailleurs lui-même, puisqu’à plusieurs reprises, il parlera de l’absurdité d’une telle entreprise. Il a pourtant fait tout ce qu’il pouvait pour sortir de l’ornière. Il a fait de grandes sinuosités rédactionnelles pour que le lecteur ne ressente pas la lassitude face à un éternel recommencement. Car ce qu’il fait et raconte est une répétition permanente des mêmes actions : identification et description du stack, approche de la base, escalade des flancs, description du sommet et action éventuelle, puis redescente et retour sur la terre ferme. Et cela des dizaines de fois ! Je dois dire que j’ai vraiment dû me forcer pour aller au bout du livre, pourtant pas très volumineux. Alors, bien sûr, Tesson commence à avoir du métier, donc, il a cherché à noyer le poison selon sa technique habituelle : des digressions culturelles ou philosophiques et avalanches de citations els plus diverses. Sauf que, dans ce cas précis, ça fait flop. C’est laborieux, un exercice scolaire, c’est même parfois un peu pitoyable. Car la ficelle est trop grosse et le lecteur sent cette maladresse tout au long des chapitres. On finit par attendre avec impatience la fin. Car les procédés habituels, qui ravissent les intellos parisiens que Tesson est censé vouloir à tout prix fuir, sont contre-productifs. Les citations finissent par dégager un fumet de cuistrerie et les digressions ressemblent à de pénibles délayages entre deux escalades. Nous avons droit à toutes les métaphores imaginables sur les piliers en question. L’auteur invente même une nouvelle discipline : le stackisme qui, hélas, ne sera jamais sport olympique en course pour le Nobel de littérature. Tout, ou presque, sonne faux, empesé ennuyeux. Quand ça veut pas, ça veut pas. Bref voici un minuscule sujet qui aboutit à un mauvais livre à vite oublier. Il se trouvera sans nul doute des critiques pour s’extasier devant les défauts énumérés ci-dessus, et des lecteurs assez nombreux pour els croire et acheter le bouquin pour permettre à Tesson de vivre.

Le vignoble suisse sur les bords du Léman, aujourd’hui

A l’inverse, Passage du poète est une très belle surprise pour moi. D’abord parce que j’y ai retrouvé cette écriture chargée de poésie naturellement, comme un fleuve se charge de limon. Ensuite parce que j’y ai admiré l’art de l’écrivain. Le style est d’une grande beauté et se met au service d’un art consommé de la composition de l’ouvrage. Dans ces communautés vigneronnes plus vraies que nature, il choisit quelques personnages et consacre à chacun un chapitre, tout en les faisant apparaître dans les chapitres des autres acteurs. L’action est banale : c’est la vie de ces villages asservie à la vigne, durant quelques mois, au travers d’un vannier qui séjourne là pour travailler et vendre ses productions. Le livre se termine par son départ, il va aller s’installer quelques mois ailleurs. On ne peut pas ne pas penser à Jean Giono et à son chef-d’œuvre, Que ma joie demeure. Les deux auteurs sont contemporains et, véritablement, frères de plume et de pensée. Il y a chez Ramuz comme chez le Provençal, un amour de la nature qui confine au panthéisme. L’art de transfigurer une banale brume qui monte sur le Léman ou une scène de bistro. On ne s’ennuie jamais chez Ramuz, on espère toujours que la fin sera repoussée. Il se dégage de ce livre une impression de beauté du travail humain, d’humilité face à la force de la nature et de joie simple. Un livre qui rend heureux, avec si peu d’artifices. On est exactement à l’opposé du livre de Tesson.

Vous l’avez bien compris, il n’y a pas vraiment de match entre les deux livres. Le KO est très rapide. Ce que raconte Ramuz est universel, bien que très localisé et presque insignifiant, alors que le stackisme est une imposture qui ne résiste pas à l’épreuve du livre entier. Donc, n’achetez pas le livre de Tesson, il est mauvais. Par contre, celui de Ramuz est très bon, mais il est épuisé, il faut donc le chiner chez les bouquinistes en ligne, où il est courant et assez abordable.

Jean-Michel Dauriac – Les Bordes – juillet 2025


[1] A la suite de cette loi, le service public de l’audiovisuel a fait preuve d’une vraie créativité pour retarder le début des vrais programmes : il a inventé le parrainage de microémissions de courtes durées, multipliées dans ce créneau, toutes plus stupide les unes que les autres, financées par l’argent public, a commencé à diffuser des feuilletons quotidiens qui dépassent de plus en plus l’heure réelle de démarrage des émissions programmées en « prime time » et a multiplié la diffusion de spots institutionnels ou de bandes annonces sur les programmes à venir, y compris, preuve la plus grandiose de la crétinerie de ces personnes,  La bande annonce du programme qui suit immédiatement, prenant ainsi le téléspectateur pour un demeuré.

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Les 10èmes rencontres du Frêne à Fresselines (23) Et nos campagnes, alors? 19-20 juillet 2025

Vous pouvez maintenant accéder à certains documents de la session 2025:

Les trois diaporamas des conférences du samedi 19 juillet: la méthanisation, les paysages et les haies.

Deux enregistrements de conférences: Les paysages racontent une histoire: la nôtre, de Jean-Michel DAURIAC et Les haies, de Philippe Hirou. Malheureusement les deux autres conférences n’ont pas pu être enregistrées correctement.

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Les paysages racontent une histoire: la nôtre, JM Dauriac, version audio.

Les haies, Phlippe Hirou, version audio

Organisé par Aux rêves du Frêne

Association Loi 1901 – Fresselines

Les rencontres du Frêne, 10 ans déjà !

Dossier de presse 2025 à télécharger ici :

En 2015, Christine Guillebaud et Jean-Michel Dauriac décidaient de lancer un temps de réflexion et de partage autour de grands sujets de notre époque. Cela s’appelait alors l’Université Libre d’Eté de Creuse (ULE), reprenant un nom qui avait été créé par Jean-Michel Dauriac en 2008, à Chéniers, pour des rencontres, privées d’abord, puis ouvertes au public, avec ses étudiants de la région bordelaise. Cette expérience dura de 2008 à 2012, puis se mit en sommeil. La reprise de 2015 gardait la méthode de travail, mais s’ouvrait à un public plus large.

Il fut décidé que ce serait l’avant-dernier week-end de juillet qui serait le rendez-vous annuel. Ce qui s’est passé chaque année depuis, sauf l’année 2020 avec la pandémie.

Un cadre juridique associatif fut donné en 2020, avec Aux rêves du Frêne, référence à Fresselines, lieu des manifestations.

Cette année 2025 marque donc les 10 ans de ces rendez-vous. Chaque année un thème est choisi par l’équipe organisatrice, à l’intérieur d’un thème général, « Habiter le monde ». Le thème 2025 est :

Et nos campagnes, alors ?

Ce sujet s’inscrit dans la logique des années précédentes, où furent traités les thèmes suivants : Villes et campagnes, Le climat change, et nous ? , Nos modes de vie….

L’ensemble s’inscrit dans une démarche d’information, de discussion et de proposition autour de ces sujets qui nous concernent tous. Les rencontres du frêne n’ont pas vocation à soutenir telle ou telle position politique mais à ouvrir les esprits par la découverte d’informations de qualité et la pratique du débat. Il appartient ensuite à chacun de se servir de ces connaissances comme il l’entend. Les organisateurs revendiquent une complète liberté vis-à-vis de tous les partis politiques et groupes de pression, mais ils revendiquent également toute liberté d’expression des intervenants invités.

Le programme de la session 2025 en détail

La session de cette année s’étend sur le samedi 20 et le dimanche 21 juillet.

Nous proposons une variété d’activité : conférences, débat, soirée artistique, concert.

Les conférences

Quatre causeries sont offertes au public.

Samedi matin, à 10 h 30 : La méthanisation, par Francis Duchiron, professeur retraité de l’université de Reims.

La méthanisation est le processus naturel de dégradation anaérobie de la matière organique. Elle produit du biogaz essentiellement composé de méthane identique au gaz de ville ; mais celui-ci est renouvelable contrairement au gaz disponible actuellement.

Nous exposerons d’abord le fonctionnement de la méthanisation au sens scientifique ; c’est-à-dire les micro-organismes et les voies métaboliques impliqués.

Nous regarderons ensuite les sources potentielles de matière première, ce qui déterminera où implanter des unités de méthanisation. A la ferme, dans les villes pour en recycler les déchets organiques liquides (station d’épuration anaérobie) ou solides (station de méthanisation en phase solide) ; dans les usines agroalimentaires pour recycler les déchets.

Vaut-il mieux avoir des petites unités individuelles sur chaque ferme, ville, station d’épuration, usines agroalimentaires ; ou des équipements plus gros voir industriels ? Ce choix doit être un choix politique effectué en concertation avec les citoyens.

Samedi après-midi, à 14 h 30 : Les paysages racontent une histoire : la nôtre, par Jean-Michel Dauriac, Professeur honoraire de géographie dans les Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE).

Le mot paysage est un terme commun. Mais il a aussi un sens plus précis, en art ou en géographie. Notre conférence se propose de définir les sens propres de ce terme et la richesse de son apport, en présentant les enjeux des paysages, leurs significations diverses et la synthèse géographique, la lecture historique que l’on peut en faire, ainsi que la présentation des acteurs qui en sont auteurs et usagers, voire fossoyeurs. Nous ferons le choix de privilégier les paysages ruraux.

Dans un second temps, nous effectuerons un voyage spatio-temporel dans les paysages de la France, du paléolithique au XXIe siècle et nous expliquerons, exemples illustrés à l’appui comment il est possible de lire notre histoire et notre avenir parfois dans ces paysages variés de la campagne française.

Jean-Michel Dauriac (à gauche) et Francis Duchiron (à droite) en pleine intervention publique, à Fresselines, durant l’été 2024. (Photo C. Dauriac)

Samedi après-midi, à 16 h 30 : Sauver les haies ? par Philippe Hirou, spécialiste des haies et bocages.

Alors que, depuis plus de 40 ans, l’on a pris conscience de l’importance des haies pour l’agriculture et les territoires ruraux et mis en place des politiques de replantation, pourquoi continuent-elles de disparaître ? Le constat est amer : on en replante 4000 km, mais il en disparaît plus de 20000 km chaque année. Leur image toujours négative au sein de la profession agricole, la radicalisation du débat entre écologie et économie, ou entre ville et campagne, la disparition des agriculteurs eux-mêmes et l’agrandissement des fermes l’expliquent en grande partie. Mais c’est aussi le résultat de pratiques d’entretien destructrices et du changement climatique.

Pourtant nous en avons encore plus besoin vis-à-vis du climat et de la biodiversité et elles peuvent être un atout pour l’agriculture et les territoires. Un atout économique en premier lieu, à la fois par des bénéfices et des coûts évités. De nombreux territoires se chauffent avec le bois des haies, dans le cadre de plans de gestion durable les préservant. Il ne s’agit pas du pillage auquel on assiste parfois, sans intérêt pour l’agriculteur ni pour le territoire local. En matière de lutte contre les inondations et l’érosion des sols, les haies sont une solution efficace. Le ralentissement du flux de l’eau et son infiltration vers les nappes phréatiques sont des bénéfices directs du maintien ou de la création de haies bien placées et en bon état. Les assureurs ne s’y trompent pas qui indiquent qu’à l’échelle des territoires, en moyenne, 1€ investi en prévention économise 8€ de dégâts. Et la haie ne coûte pas cher à implanter, on peut d’ailleurs recourir à la régénération naturelle, gratuite, ni à entretenir, car il s’agit au contraire de moins l’entretenir pour lui laisser plus de place. 


Dimanche matin, à 10 h 30 : Séverine, l’insurgée, Séverine l’oubliée, par Marie-France Boireau, Docteure en littérature et professeur honoraire de lettres en CPGE.

Séverine (Caroline Rémy, 1855-1929), un nom quasi oublié. Et pourtant, elle fut l’une des grandes journalistes de la fin du XIXe siècle, sans doute celle qui a inventé le journalisme d’investigation, celle qui a construit son identité de journaliste en se choisissant ce nom de plume, Séverine, celle qui a été une des premières journalistes professionnelles .

Alors, pourquoi un tel oubli ? Peut-être parce que Séverine fut une sorte d’électron libre et aucun parti, aucune association féministe, ne put et ne peut se réclamer d’elle. Dans sa vie personnelle et sa vie professionnelle, elle ne cessa d’affirmer sa liberté.

Disciple de Vallès qui a été son mentor, qui lui a appris le métier de journaliste, Vallès dont elle disait « c’est mon père », et dont elle prit la succession à la tête du journal Le Cri du peuple après la mort du vieux communard.

Mais ce n’était pas simple, en cette fin du XIXe siècle, pour une femme, de diriger un journal, et surtout de maintenir les colonnes de ce journal ouvertes aux différentes sensibilités de gauche. Elle finira par quitter Le Cri du peuple où les guesdistes avaient pris le pouvoir et elle vivra de sa plume, écrivant dans des journaux d’obédiences politiques différentes.

Comme le fera un siècle plus tard Florence Aubenas, elle n’hésitait pas à enquêter sur le terrain, à descendre, par exemple, dans la mine à Saint-Etienne, après un coup de poussier qui fit 112 morts, à se faire embaucher comme casseuse de sucre pour comprendre le rude métier des ouvrières.

 Longtemps réticente à l’égard des mouvements féministes réclamant les droits politiques pour les femmes, mue par un antiparlementarisme viscéral, elle finira par considérer que le droit de vote est important, en rejoignant le combat de son amie, Marguerite Durand, créatrice du journal La Fronde.

Son titre de gloire : la défense des pauvres, sa lutte  contre la misère, lutte pour laquelle elle  a déployé des trésors d’imagination et d’énergie.

Le grand débat, samedi 20 juillet à 18 h 00 : Et nos campagnes, alors ?

En présence de F. Duchiron, J-M. Dauriac et Ph. Hirou

Avec en invité, grand témoin : Philippe Auvillain, agriculteur retraité, ancien responsable creusois de la Confédération Paysanne

Ce temps de discussion avec le public, permettra à chaque conférencier de préciser certains points de leurs conférences, à la demande et d’échanger des points de vue sur le monde rural et son avenir.

Le grand témoin présentera son parcours et les options majeures qui semblent les meilleures pour les agriculteurs, l’agriculture, le milieu et l’alimentation des Français.

A l’issue de ce débat, l’association Aux rêves du frêne offrira un apéritif consistant aux présents. (20 h 15 -21 h 30)

Une soirée culturelle Poésie et chansons (21 h 30 – 23 h 00 environ)

Les participants sont invités à venir avec un texte ou un poème qu’ils ont envie de partager avec l’assemblée. Christine Guillebaud, poétesse bien connue des Creusois, dira des poèmes de son choix, Jean-Michel Dauriac chantera des chansons de sa composition et fera chanter la salle sur des chansons françaises connues.

Avec un hommage à Marcelle Delpastre, poète corrézienne, née en 1925.

En option, en fonction de la météo du ciel : Observation astronomique, à partir de 22 h 30, avec Laurent Sartre, astronome amateur et conférencier scientifique.

Concert de clôture de la session : dimanche 20, église de Fresselines, 16 h 00

Fréquences Libres, par l’ensemble Gabriel

https://www.ensemblegabriel.com

 Un verre de l’amitié, servi dans la salle polyvalente, clôturera cette session 2025

Contacts :

Jean-Michel Dauriac : dauriacjeanmichelgmail.com – 06 33 84 71 69

Francis Duchiron : francis.duchiron@univ-reims.fr – 05 55 89 71 60

* * * * * * * *

En partenariat avec l’UPHG (Université Populaire des Hauts de Garonne – Lormont 33)

Vous pouvez vous abonner aux vidéos hebdomadaires des conférences UPHG, en adhérant à l’association, pour 10€ par an.

Contacts : Jean-Michel Dauriac, président, jmdauriac@laposte.net

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Plaidoyer pour notre civilisation : Mémoricide , Philippe de Villiers

Editions Fayard, 2024, 380 pages.

J’ai déjà rendu compte de deux autres livres de de Villiers, ce qui fait déjà de moi un suppôt de la réaction, pour ne pas dire un fasciste et un intégriste monarchiste, selon les jugements modérés de la médiasphère actuelle. Alors autant continuer…

Longtemps j’ai regardé de Villiers avec commisération, influencé, comme des millions de gens par sa marionnette aux Guignols de l’info de Canal+. Il en parle d’ailleurs dans la dernière partie de ce livre et dit combien cela lui fut douloureux, ce que je saisis mieux maintenant. Le grand talent de caricaturiste des créateurs de cette émission a servi à conditionner toute une France qui les regardait fidèlement. Il y a là une belle preuve de la puissance dangereuse des médias. Ce qui n’enlève rien au talent des dits-auteurs. Mais, avec le temps et la réflexion, j’ai pu me rendre compte des préjugés que cette émission créait, lesquels devenaient ensuite des opinions et se figeaient. Je me souviens d’une conversation avec Jean-Pierre Papin, notre goléador national, qui, lui aussi, m’avait confié combien sa marionnette lui avait fait de tort, tant elle le présentait comme un crétin inculte. Pour l’avoir rencontré et interviewé, je sais à quel point cet homme est estimable et sa marionnette assassine. Bref, de Villiers vaut infiniment mieux que sa marionnette et les tombereaux d’injures que l’on a déversé et que l’on continue de déverser sur lui.

D’abord, De Villiers, c’est la langue française respectée et choyée. Voilà un homme qui a du vocabulaire et sait en user, sans étalage, mais toujours justement. Son texte fourmille de mots rares, mais qu’il en faudrait pas laisser mourir dans des dictionnaires qui les expulse facilement pour laisser place à des mots jetables dont les lexicographes ne sont plus capables de percevoir le destin fugitif. Un dictionnaire doit être un conservatoire, pas le reflet des tendances médiatiques. Lire Villiers, c’est comme visiter le dictionnaire. Sans être un pensum scolaire, mais avec la jubilation d’un gamin laissé seul dans une confiserie.

Ensuite, c’est un style. Un style de bretteur, bien conforme à l’idée du mousquetaire qui doit lui être si cher. Les formules claquent et elles restent en mémoire. Pas seulement pour la beauté du geste, gratuitement. Non ! mais avec la précision d’un tir de missile israélien sur l’Iran.  Juste deux ou trois exemples :

« L’optimisme est exercice béat pou les esprits pusillanimes et transparents », page 280.

« Il n’y a plus d’orateurs, il n’y a plus que des récitants », page 210.

Et cette dernière : « Le propre de l’inculture, c’est que l’inculte n’a pas les armes pour en juger », page 112.

Il y en aurait tant d’autres qui font mouche et qu’il faudrait citer, mais je veux vous laisser le plaisir de les trouver au fil des pages, comme on débusque un beau cèpe sous la fougère.

On ne s’ennuie jamais à lire le vicomte vendéen.

Puis, Villiers, c’est encore une très vaste culture d’honnête homme comme, hélas, on ne risque plus d’en produire dans nos écoles, comme il le démontre si bien dans ses pages consacrées à ce sujet. Certes, parfois cette culture est prise en flagrant délit d’approximation, surtout sur des exemples classiques, où il reprend la vulgate générale, réductrice. Il m’est arrivé à quelques reprises de pester contre ces à-peu-près, indignes de lui. Mais ce n’est jamais sur des sujets importants, plutôt sur des exemples ou illustrations. Il faut ici signaler sa grande culture religieuse. Son texte est truffé de référence à des textes de la Bible, donnés au fil de la plume, ce qui prouve que cela fait partie de sa personnalité profonde. Il a également une belle connaissance historique, comme souvent pour les intellectuels de sa génération (la mienne aussi !) qui ont eu la chance d’avoir un véritable enseignement d’histoire cohérent. Evidemment, c’est sur le plan politique qu’il est le plus pointu, particulièrement sur la construction européenne, à laquelle il a consacré un livre très documenté et passionnant.

Il faut signaler la pertinence de ses citations et, en même temps regretter que, dans un élan populiste, il ne donne aucune référence. J’aurais aimé pouvoir aller retrouver certains passages de Péguy qu’il cite fort à propos, ou Saint-Exupéry. Il accomplit vraiment un travail d’écrivain et a construit, au fil du temps, ce qui ressemble à une œuvre, ce que ses dénigreurs ignorent et lui refusent.

Ce livre a un petit goût testamentaire, bien compréhensible chez un septuagénaire qui voit s’approcher la ligne des quatre-vingts ans. Il est en effet un moment, auquel on parvient insensiblement, où se manifeste le désir de faire le bilan et de transmettre. C’est l’impression qui reste de ce livre. Il y reprend des thèmes des ouvrages précédents et les agence au milieu du propos propre à celui-ci : la mémoire, l’histoire et l’amnésie volontaire qui vient. Le livre est une immense déclaration d’amour à la France et à son histoire. Villiers aime le « roman national », dont il accepte parfois un peu facilement les raccourcis. Il se désole des chemins pris par la nouvelle école incarnée par Patrick Boucheron dont le haut fait demeurera la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, il n’a pas de mots assez durs pour fustiger les assassins de la mémoire, d’où le néologisme « mémoricide » qui, pour l’heure, a peu de chance de rentrer dans les dictionnaires de l’année prochaine.

Il tisse très étroitement l’histoire de France et son histoire familiale, et l’on n’est pas obligé de toujours adhérer à ses prises de position. Je ne le rejoins nullement dans son apologie du « mourir pour la patrie », non que je refuse que cela soit nécessaire, amis je ne crois pas à la force des armes et je reste convaincu, comme Tolstoï, Ellul ou Gandhi, que celui qui frappe par l’épée périra par l’épée. De même, je ne suis pas vraiment fan de son amour de l’ordre tel qu’il le définit au cours de ses chapitres. L’ordre ne garantit ni la liberté ni la paix et surtout pas la fraternité. L’ordre doit découler des valeurs positives, amis il n’en est pas une. L’anarchie se définit comme « l’ordre moins le pouvoir », ce que je fais mien. Il est un  ordre bâti sur l’amour du prochain et la liberté réelle que De Villiers connaît bien, puisqu’il est un catholique convaincu. Je préfère l’ordre des orants que celui des CRS, celui de l’amour du prochain plus que celui des juges…

De même, pour apprécier son livre, il n’est pas besoin de faire siennes toutes ses positions sociétales, où il est, de mon point de vue, « trop » conservateur. Rien ne sert de se lamenter sur l’avortement, le genre et ses dérives ou l’euthanasie légale : les lois sont passées, elles s’imposent à nous. Ce qui ne signifie pas que l’on doive les approuver et les appliquer à soi-même. Il est une résistance toute personnelle qui peut et doit exprimer sa différence, sans pour autant vouloir revenir en arrière. Ainsi sa diatribe sur le pape François, pape gauchiste et immigrationniste  est à la fois injuste et très monarchiste. Et c’est un huguenot qui l’écrit !

Vous aurez compris que j’ai beaucoup apprécié ce livre, que je vous le recommande, mais que je ne partage pas toutes les positions de Villiers, même si la plus grande partie de ce qu’il dit est d’une belle lucidité et se trouve partagé par une grande partie des Français, de gauche comme de droite, ceux du peuple réel. La vraie liberté est de pouvoir le dire sans être disqualifié d’emblée par les donneurs de leçon de la gauche dopée à la moraline, faute d’avoir un projet socio-politique pour la France (Jaurès, réveille-toi, ils ont vendu les meubles de famille !).

Jean-Michel Dauriac – Juillet 2025 –

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