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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Qu’est-ce que la vérité ?

Deux extraits de chansons françaises, en guise d’ouverture :

  1. Ne cherche pas, extrait de Un enfant dans la ville, interprété par Michel Fugain : 0’40
  1. La vérité, Guy Béart, extrait de A l’Université : 0’49

Qu’est-ce que la vérité, tableau de Nicolas Gay, peintre russe.

Lecture de base :

Jean 18 : 37  Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis : je suis roi. Voici pourquoi je suis né et voici pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.

38  Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs et leur dit : Moi, je ne trouve aucun motif (de condamnation) en lui. (version SER comme toutes les citations)

Introduction

Le thème de cette méditation est la vérité. Dans ces deux versets seulement, le mot est répété trois fois. L’Evangéliste Jean l’utilise à 46 reprises dans ses 21 chapitres, sur les 185 emplois du Nouveau Testament. C’est donc une notion très importante pour lui. Mais sur les 233 emplois dans toute la Bible, il y en a moins de 50 ans dans toute la Bible juive : la vérité est bien plus une idée grecque que juive.

Ajoutons qu’il n’y a aucune ambiguïté possible de traduction du grec : alêthia est sans équivoque, ainsi que les termes dérivés alêthes et alêthinos.

Le Christ utilise une formule devenue proverbiale, en introduction de ses discours : amen, amen, lego umin, soit « En vérité, en vérité, je vous le dis » (Segond). Or « Amen » dérive de la racine hébraïque emen, qui fait référence à la foi, la fidélité. La formule religieuse signifie donc : « faites-moi confiance », « Ayez foi en ce que je dis ».

L’idée hébraïque est donc celle d’une parole que l’on peut croire, qui est fiable. Le Christ s’inscrit donc, jusque dans ses formules, dans la filiation hébraïque et juive.

Dans notre texte, nous trouvons un court dialogue. Dans le Nouveau Testament, et surtout dans les Evangiles, le rôle de la question est essentiel. Jésus en use abondamment. Il n’est que de se rappeler :

  • Qui dit-on que  je suis ?
  • Femme, où sont ceux qui t’accusent ?
  • Où est ton mari ?

Or, ici, ce n’est pas lui qui interroge, mais son interlocuteur, celui qui doit le juger. Remettons cet échange dans son contexte.

Jésus a été arrêté nuitamment à Gethsémané et conduit chez les souverains sacrificateurs Anne et Caïphe. Il va être interrogé par ce dernier. Dans le passage Jean 18 : 19-23 , Jésus pose encore deux questions dérangeantes :

  • A Anne : Pourquoi m’interroges-tu ?
  • Au soldat qui le gifle : …Pourquoi me frappes-tu ?

Deux questions qui résument le non-sens de ce qui se passe. Caïphe le conduit au procurateur romain, Pilate, afin que ce soit lui qui prononce la sentence souhaitée, la mort. Celui-ci est assez réticent (verset 31). Finalement, il interroge Jésus. Et sa première question est plus que surprenante : es-tu le roi des Juifs ? Pilate sait très bien que ce n’est pas le cas, mais c’est l’accusation des chefs religieux juifs. Au verset 57, il réitère sa question à la suite des propos de Jésus : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». La réponse de Jésus est étonnante :

  1. Il affirme être roi (donc reconnaît l’accusation des Juifs, en partie) ;
  2. Il part alors dans une tout autre direction en se déclarant témoin et voix de la vérité.

Soit ces deux affirmations n’ont aucun lien entre elles ce qui n’est pas possible ; soit elles sont liées par un argument de cause : le royaume dont il est roi est celui de la vérité.

La réponse de Pilate ne permet pas de trancher sur sa propre compréhension, mais j’opte pour la seconde hypothèse : Pilate veut savoir quelle est la nature de cette royauté, pourquoi elle gêne tous les chefs religieux juifs. Et là, fait surprenant, il n’attend pas la réponse et tourne le dos à Jésus qui ne lui répond pas (voir Matthieu 27 : 14  Et Jésus ne lui donna de réponse sur aucun point, ce qui étonna beaucoup le gouverneur.) Jésus n’a pas répondu à la question existentielle de Pilate, qui semblait se désintéresser de la réponse. Pourquoi ces deux attitudes ?

A / L’attitude de Pilate (en lien avec la chanson de Michel Fugain)

Essayons de visualiser la scène : Pilate pose sa question, c’est le tableau de Nicolas Gay ; puis il tourne le dos à Jésus et sort.

La réponse ne l’intéresse pas, tout simplement parce que ce n’est pas vraiment une question, mais une assertion interrogative. Nous retrouvons cela dans des expressions banales comme A quoi bon ? ou A quoi ça sert ? Ce n’est même pas une question fictive, c’est une non-question. Le seul indice trompeur est le point d’interrogation.

A l’époque de Jésus, c’est la philosophie grecque qui domine la pensée, on le voit bien quand on étudie les épîtres du Nouveau Testament et leur contenu. La pensée grecque est dominée par le platonisme et l’aristotélisme.

Aristote a créé la démarche scientifique, pour être très simple, avec la logique, approche mathématique des faits.
Platon a créé le monde des idées, celui de la philosophie de la réflexion sur le monde et il influencera non seulement le monde grec, romain et arabe, mais aussi, à leur corps défendant, énormément la pensée chrétienne des Pères de l’Eglise.

La Vérité pour Platon, c’est le Beau, la Beauté. Ce qui est beau est bon et vrai. Cela explique toute la recherche artistique grecque. La vérité absolue n’existe pas, ce n’est pas une idée platonicienne. La vérité se trouve dans le Beau et peut donc varier selon la beauté. Cette pensée imprègne tout le monde hellénistique, et donc aussi Pilate.

Sa question est donc la fermeture d’un débat qui n’a pas de sens.

Le christianisme est une révolution de la pensée, car il affirme qu’il existe une vérité : en Jésus. C’est la raison principale du choc avec le monde grec et romain et les persécutions qui en découlent : les chrétiens refusent la règle du jeu des vérités multiples.

Si nous faisons une transposition avec notre époque, le parallélisme est assez saisissant. Pour ne parler que de l’Occident (donc de la France), la déchristianisation, commencée au XVIIIe siècle avec les Lumières et la Révolution, s’achève aujourd’hui par un cimetière de la vérité et de la pensée chrétienne ou influencée par le christianisme.

Ce cimetière porte un nom technique, c’est le « relativisme culturel et religieux ». Il est le produit de la mauvaise conscience des anciens maîtres du monde, que leurs anciens colonisés retournent contre eux. On peut résumer le relativisme en une formule lapidaire : « Tout se vaut en ce monde. »

Nos contemporains ont été peu à peu convaincus par l’atmosphère générale qu’une vérité vaut l’autre et même, selon la planète Trump, qu’il existe des « vérités alternatives » (autre nom des infox ou fake news, fausses nouvelles, mensonges patentés) et que tout ce qui existe en un domaine a la même valeur. Un texte de rappeur de banlieue étudié au collège vaut un poème de Victor Hugo ou de Baudelaire, la foi en n’importe quelle croyance sectaire vaut celle du christianisme ou de l’islam.

Nous sommes parfois contaminés par ce syndrome de Pilate et acceptons ainsi de renoncer à nos convictions et à notre témoignage. Ceci est la conséquence de ce que la Bible nomme péché, esprit du monde, etc.

B / L’attitude de Jésus (en lien avec la chanson de Guy Béart)

A priori, elle semble surprenante et même décevante. Lui qui a pris soin des plus petits durant son ministère ne répond pas à une demande précise et importante. Pourquoi ?

Cela renvoie à la question de Jésus des versets 20-212 du même chapitre. Là aussi il refuse de répondre au Grand Prêtre. Dans les deux cas, c’est la même raison qui le motive à un tel comportement ; il a déjà tout dit à ce sujet et celui qui voulait savoir pouvait avoir toute réponse en venant l’écouter et le rencontrer. A l’heure de son procès, c’est trop tard, il est déjà jugé.

Combien de gens agissent en fait ainsi : ils font semblant de s’intéresser au message du Christ, mais ils l’ont déjà rejeté et condamné. Jésus ne se laisse pas prendre à ce piège, mais nous, parfois, si. Nous passons du temps à expliquer la foi et son contenu à des gens qui, en réalité, n’en veulent pas et désirent seulement discuter, polémiquer, critiquer. Paul a enjoint Timothée à fuir ce genre de discussion. L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour tout, « un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres » (Eccl. 3 : 5) Sachons parfois ne pas répondre.

Mais, avant de refuser d’entrer en discussion, Jésus a beaucoup parlé et enseigné sur la vérité. Il suffit donc de revenir à ses paroles. Je m’en tiendrai au seul évangile de Jean.

Jean 14 : 6  Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi, est l’affirmation la plus nette. Il est le chemin à suivre, la vérité à recevoir et la vie qui en découle.

Jean 17 : 17  Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité, dit clairement que la vérité est dans la parole du Père, donc celle révélée aux hommes par les prophètes, Jésus et les apôtres. Nous n’avons pas à courir après la vérité, elle est là, dans les pages de la Bible. Ce qui est vrai est aussi ce qui est réel. La Bible est la réalité de la vérité de Dieu, pour la foi chrétienne.

Que faire de cette vérité ?

Jean 16 : 13  Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il faut la recevoir par le Saint-Esprit que Jésus envoie aux croyants. C’est lui qui est le guide pour nous dans la vérité de cette vie. Ce qui signifie que, pour accéder à la vérité du Christ, il faut recevoir la Saint-Esprit. Donc prêcher le salut, c’est aussi prêcher le Saint-Esprit et sa venue en l’homme.

La connaissance intellectuelle de la Bible ne conduit nullement au salut. Voyez Michel Onfray, qui connaît parfaitement la Bible, mais n’y comprend goutte, car il ignore et rejette l’Esprit.

Jean 4 : 23,  Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. 24  Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité, établit ce qui est la véritable foi au Christ et du Christ : adorer le Père en esprit et en vérité. La vérité révélée est inséparable de l’Esprit-Saint qui la donne à comprendre. Il est impossible de rendre un vrai culte à Dieu sans l’assistance de l’Esprit.

La vérité n’est pas dans la Loi, pas dans une morale chrétienne, pas dans la pratique du culte et des bonnes œuvres, tout cela n’est que la conséquence de la compréhension profonde de la Parole par l’Esprit. Ce qui veut dire que chacun découvre et progresse dans la vérité à son rythme, et non qu’il y a diverses vérités équivalentes.

Conclusion

Certains parmi nous en sont encore à la question de Pilate. Il leur faut alors revenir aux propos du Christ pour avoir la réponse. Tout est dans les Evangiles. Encore faut-il les lire sans esprit de jugement préalable, avec une vraie envie de les connaître et de s’en laisser pénétrer.

Pour d’autres, le Chris a parlé et ils ont saisi sa parole. Ils ont ainsi ouvert la porte à la vérité. Mais qu’en font-ils, qu’en faisons-nous ?

Pour connaître vraiment la vérité du Christ, il faut travailler la Parole, la mastiquer sans cesse, accepter de ne pas tout en saisir, pour mieux user de ce que l’on a pu comprendre.

Il faut vivre de la vie de l’Esprit. Le Saint-Esprit se donne à connaître de deux manières seulement : par la méditation des textes et par la prière. La vérité s’éclaire donc par un véritable travail spirituel. Etre chrétien, c’est saisir les armes spirituelles que Paul décrit en Ephésiens 6 : 10-17. On y retrouve la vérité comme ceinture (verset 14). C’est un engagement, pas une petite vie religieuse hebdomadaire et quelques rites hérités. La religiosité est l’ennemie de la foi.

Qu’est-ce que la vérité : c’est la Parole du Père, annoncée par le Fils et gravée en nous par le Saint-Esprit.

Jean-Michel Dauriac – août 2025

Prédication du 10 août 2025, donné dans l’église protestante de Pessac.

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Sous le signe de la joie

Jacques Loussier : Jesu, Joy of Man’s Desiring (Jésus, que ma joie demeure)3’00

La joie est élément très important dans la bible et dans la vie chrétienne. Près de 250 versets en parlent tout au long de la Bible, tant dans l’Ancien Testament que le Nouveau Testament. Elle n’est pas une option ou un accessoire de notre foi ; elle en est une des bases. Nous allons rappeler très brièvement quelques aspects de la joie chrétienne.

Précisons d’entrée que cette joie n’a rien à voir avec la joie ordinaire, profane, telle qu’on la voit et vit aujourd’hui. La joie humaine est un sentiment passager, très influencé par le monde extérieur, qui retombe aussi vite qu’il est apparu. Ceci est absolument tout le contraire de la joie en Christ.

Nous verrons cinq aspects de la joie du chrétien.

  1. La joie de se trouver dans la communauté des croyants, dans l’église locale, universelle ou dans ses manifestations.

La Bible célèbre les rassemblements pour le culte, tant dans le judaïsme que dans le christianisme naissant.

 Nombres 10:10 Dans vos jours de joie, dans vos solennités et à vos nouvelles lunes, vous sonnerez des trompettes, en offrant vos holocaustes et vos sacrifices de communion, et elles vous mettront en souvenir devant votre Dieu. Je suis l’Éternel, votre Dieu.

Jadis les sacrifices étaient à renouveler à chaque occasion. Le sacrifice de Jésus, rend inutile la répétition des sacrifices divers : il a été la victime unique qui a racheté toutes nos fautes, et c’est cela qui procure la joie collective que l’on retrouve dans les offices.

Cette joie, elle est anticipée par l’envie de se retrouver. C’est ce que dit David, dans le psaume 122, très connu.

Psaumes 122:1 Cantique des montées. De David. Je suis dans la joie quand on me dit : Allons à la maison de l’Éternel !

Nous devons ressentir cette joie avant même de nous retrouver ; si elle n’est pas présente, cherchons à savoir pourquoi et à la retrouver, en éliminant les obstacles. La famille de Dieu est la nôtre : nous avons là notre Père et notre Frère et c’est joie de les retrouver avec les autres membres de la famille.

  • La joie du salut et de la délivrance

Si nous sommes dans la famille de Dieu, c’est que nous sommes bénéficiaires du salut que le Christ est venu offrir aux hommes. Ce salut, nous le savons est pure grâce de Dieu, nous ne le méritions pas, mais il nous est donné à condition de s’en saisir par la foi. Et savoir que l’on est sauvé est un immense sujet de joie. Les Psaumes le célèbrent à de nombreuses reprises ; choisissons un verset, parmi tant d’autres :

Psaumes 20:5 (20-6) Nous crierons de joie à cause de ton salut, Nous lèverons l’étendard au nom de notre Dieu, L’Éternel accomplira toutes tes demandes.

Israël savait qu’il devait son salut à l’Eternel. Mais il l’a souvent oublié et s’est détourné de la voie droite. Cela nous est donné en exemple, afin de ne pas faire cette erreur. Nous devons, chaque jour entretenir la joie d’être sauvé en Christ. Sauvé du destin des hommes sans Dieu, qui est la mort, sans espérance et l’absurde de la vie.

Mais nous devons aussi savoir reconnaître les délivrances que Dieu nous accorde, qui sont des morceaux de salut au quotidien. Là encore, revenons aux Psaumes :

Psaumes 30:11 (30-12) tu as changé mon deuil en allégresse, Tu as délié mon sac et tu m’as ceint de joie

Nous ne sommes pas abandonnés à notre destin terrestre ; Jésus nous a enseigné le rôle capital de la prière pour triompher des adversités et de l’Adversaire de nos âmes. Dans les promesses des Evangiles se trouve la guérison des corps  et des âmes.  Dans l’épreuve nous ne sommes pas seuls et, quand elle s’achève, sachons trouver une joie supplémentaire dans l’amour renouvelé de Dieu.

  • La joie du service

Nous ne sommes pas sauvés pour notre seule satisfaction. La devise de l’Armée du Salut est « Sauvés pour servir ». Voilà la raison d’être du salut sur cette terre. La joie du service est une dimension importante dont il ne faut absolument pas se priver. Un salut égoïste finit par devenir stérile. Mais quel est ce service ? Il prend divers visages :

Proverbes 21:15 c’est une joie pour le juste de pratiquer le droit, Mais la ruine est pour ceux qui commettent l’injustice.

Le service, c’est d’abord de pratiquer la justice : vivre selon l’éthique du Nouveau Testament, éthique de plus en plus éloignée de celle de notre société actuelle. Et ceci est un témoignage nécessaire.

Ecclésiaste 8:15 j’ai donc fait l’éloge de la joie, parce qu’il n’y a rien de bon pour l’homme sous le soleil sinon de manger, de boire et de se réjouir ; c’est là ce qui doit l’accompagner dans son travail, pendant les jours de la vie que Dieu lui donne sous le soleil.

La joie est aussi dans le fait d’apprécier la bonne vie : le chrétien doit être un « bon vivant » au sens évangélique du terme. Aimer la vie et tous ses aspects. Car nous savons que nous rencontrerons aussi des moments très durs, chacun à notre tour.

Jacques 1:2 Mes frères, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves que vous pouvez rencontrer…

Même l’épreuve peut être considérée comme une joie, quand nous sommes en communion spirituelle constante avec le Père et le Fils. Cela n’enlève rien à la dureté des épreuves, mais la joie du salut n’est pas effacée par elle.

Le service réjouit notre Père et il en tient compte envers nous :

Matthieu 25:23 son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.

La fidélité dans le service nous met dans la joie du Père, donc dans sa version la plus pure. Le service se vit dans la joie et nous introduit dans une dimension encore supérieure de la joie.

  1. La joie de la louange et de la prière

Psaumes 106:1 louez l’Éternel ! Célébrez l’Éternel, car il est bon, Car sa bienveillance dure à toujours. 

La louange est la traduction de la joie et de la reconnaissance. Il est impossible de louer sans la joie. Une louange triste n’est pas une louange, c’est une forme de lamentation. Je loue parce que mon cœur est plein de reconnaissance en face de la bonté de Dieu, pour son salut, pour sa grâce, pour son service, pour chaque signe que je reçois sur le chemin. Il existe la joie de la louange individuelle, qui peut être silencieuse ou énoncée, voire chantée ; il y a aussi la joie de la louange collective, la liesse des rachetés réunis. Cette louange se poursuivra même au-delà de cette terre :

Apocalypse 19:5 une voix sortit du trône : Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands !

  1. La joie permanente dans nos vies

Je l’ai dit en commençant, la grande différence avec la joie profane, ordinaire, humaine est dans sa durée. La joie du monde est fugace, elle peut être prompte à naître, mais aussi rapide à disparaître. La joie du Christ est éternelle, comme lui. Il nous appartient donc de réaliser cela et de ne pas nous éloigner de cette joie, surtout dans les épreuves et les traversées du désert. La maladie, le chômage, les échecs, les divorces, les deuils… autant de moments où nous trouverions humainement logique de ne pas être dans la joie. Or ce n’est pas ce à quoi nous appellent les apôtres :

  Philippiens 4 : 4 Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous.

Paul le répète deux fois ! Ce n’est pas qu’il ignore les épreuves, il en a eu sa part ! Mais il sait la force de la joie. Souvenez-vous de ce passage des Actes :

Actes 16:25 Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les écoutaient.

Ils sont en prison, les fers aux pieds. La situation est mauvaise et eux ils chantent les louanges de Dieu ! Inconscience ? Pas du tout ; au contraire, conscience aiguë de leur condition de sauvés et d’envoyés. Et l’on sait que la fin de cet épisode fut glorieuse, puisque le geôlier et sa famille se sont convertis. La confiance en Dieu est toujours associée à la joie. Quand la joie manque, c’est souvent que la foi chancelle. Restons auprès de Dieu et la joie demeurera.

Jésus, que ma joie demeure !

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IL EST PLUS TARD QUE TU NE PENSES – Gilbert Cesbron (1958)

Je poursuis ici ma lecture critique de l’intégralité de l’œuvre romanesque de l’écrivain Gilbert Cesbron  (1913-1969), auteur prolifique et très connu des années 1950 à sa mort, qui a produit une petite vingtaine de romans et des recueils de nouvelles[1]. Ce roman est le dixième de sa production, publié par Robert Laffont en 1958. C’est donc l’œuvre d’un écrivain confirmé, qui maîtrise bien son métier. Il s’est d‘ailleurs vendu à plus de 1 million d’exemplaires, comme cinq autres de ses livres. Il s’agit donc d’un écrivain populaire, dont les ouvrages ont été largement repris en collection de poche. Rappelons, pour les lecteurs qui n’ont pas lu mes précédents articles, que Cesbron est un romancier catholique qui s’est d’ailleurs exprimé sur sa foi dans un Ce que je crois, collection des années 1970.

Ce roman au titre ambigu pourrait être une « romance » avant l’heure.  Pourquoi est-il trop tard ? C’est ce que nous allons découvrir au fil de la lecture. Mais les premières pages semblent dessiner une histoire d’amour, entre un homme et une femme qui portent le même prénom, Jean et Jeanne. Et cette piste n’est pas fausse, elle est même essentielle à toute la dramaturgie de l’histoire. Cependant, dès la deuxième page, une lézarde se fait jour dans la romance : la jeune femme souffre « depuis des mois, depuis que ce mal singulier lui endossait à l’improviste un harnais de douleur » (p. 16[2]). L’histoire d’amour, bien réelle, est parasitée par une douleur récurrente au côté que Jeanne garde pour elle. Son silence est dû à la fois à la peur sourde d’une maladie grave et à la région concernée, ses seins. L’auteur nous fait comprendre, par petites touches, que Jeanne a une fort belle poitrine et que Jean en est très épris. Se joue donc ici, dès le début, une histoire d’érotisme et de peur.

Nous sommes en 1958, le roman est contemporain de son édition. C’est la modernisation de la France d’après-guerre, au-delà de la reconstruction. La prospérité est au rendez-vous, même si certains en profitent plus que d’autres. Jean appartient à ceux qui en profitent. Il n’a aucun souci matériel, il gagne très bien sa vie en travaillant dans une grande agence de publicité. Ce temps est en effet favorable à cette activité, puisque ce sont les prémices de la société de consommation et que l’image et le message publicitaire envahissent les murs et les ondes des radios nouvelles, dites périphériques[3]. Nous reconnaîtrons, au passage, tous les signes extérieurs de richesse des gagnants de cette période (résidence secondaire, belle voiture, appartement parisien moderne…). Jeanne n’a pas d’activité professionnelle, ils ont largement assez de ressources pour lui éviter cela. Elle passe donc ses journées à attendre le retour de l’être aimé dans son bel appartement. Ils ont quarante ans tous les deux, ils sont mariés et s’aiment comme des fous depuis dix ans.

C’est, presque, une sorte de chromo caricatural de la société française parisienne à l’arrivée du Général de Gaulle au pouvoir. Jean a sans doute inconsciemment construit sa vie comme une publicité pour le bonheur conjugal. De fait, Cesbron a soigneusement évité toute allusion au contexte politique ou social de cette époque. Le lecteur étranger ne saura pas qu’il y a une guerre en Algérie, qu’on n’ose pas nommer et qui est euphémisée par l’expression « événements d’Algérie[4] ». Il ignorera la grave crise du logement qui a créé le mouvement Emmaüs en 1954, comme il ne saura rien des conditions de vie du peuple français. C’est évidemment un choix d’auteur, car on ne saurait reprocher à Gilbert Cesbron de se désintéresser du fait social et humain, c’est même la pâte dont sont pétris la plupart de ses grands livres. Il voulait que rien ne vienne faire écran ou diversion à son sujet. Il fallait donc que les rares personnages du livre soient comme isolés dans une bulle. Il a parfaitement réussi : on ne vit que pour les trois personnages principaux, et surtout pour le couple Jeanne-Jean. Les autres figures sont soit secondaires, soit très fugitives et destinées à souligner le propos central. Presque tout le livre se passe entre deux personnages, variables selon les chapitres.

Ce n’est pas une fresque humaine, mais bien plutôt un drame qui pourrait assez aisément être transformé en pièce de théâtre. La distribution serait courte : Jean et Jean sont les personnages centraux, Bruno est le troisième de ces personnages, c’est le frère de Jeanne et c’est un jeune prêtre, affecté dans une banlieue pauvre (c’est d’ailleurs à son propos que seront données les seules mentions du peuple, et de manière très rapide). Ensuite quelques personnages secondaires : Maria, la vieille nourrice devenue la bonne du couple, Bernard, l’ami d’enfance de Jean et un médecin parisien, le docteur Louville. Les autres ne sont que des ombres. Ah ! j’allais oublier un personnage capital et muet, le petit Yves-Marie, appelé Yves le plus souvent.

Car le vrai personnage central est celui que l’on n’ose pas nommer, pour lequel on use, encore de nos jours, des périphrases qui ne trompent plus personne, comme « longue maladie », maladie incurable », « mal insidieux », etc. Vous avez reconnu le cancer. La douleur sourde et soudaine de Jeanne, c’est lui ! Le « plus tard que tu en penses », c’est lui aussi[5]. Lui partout présent, dans ce livre, à chaque page, même quand il n’est pas évoqué. Ce livre est un livre sur le cancer et sur ce qu’il peut entrainer comme conséquences tragiques. Vous avez bien compris que ce n’est pas un livre drôle et que, pour le lire, il faut accepter la dureté de la vie.

Je ne raconterai évidemment pas l’intrigue détaillée, ce serait vous priver de la belle lecture de ce roman. Disons, pour la compréhension de cet article, les choses suivantes. Jeanne découvre qu’elle a un cancer du sein, le cache à son mari, qui le découvre assez fortuitement et, à son tour ne le lui dit pas. Mais vient un moment où la vérité éclate : opération, rémission, rechute, et très lente agonie, puis mort de Jeanne. À ce moment, nous sommes au milieu du roman et nous comprenons alors que l’auteur avait un projet plus vaste que celui de la description des ravages de cette maladie.

C’est au moment de la mort de Jeanne que tout bascule. Jean lui injecte une surdose massive de morphine, à sa demande, et elle meurt calmement très vite. Aux yeux de la loi française (encore aujourd’hui), Jean a tué Jeanne. Et ici commence donc un second livre, celui de jean face à son geste et à la justice. Passons sur les péripéties qui l’amènent au tribunal (mais elles sont passionnantes au plan moral et Cesbron est maître en ce domaine). Le morceau de roi de cette deuxième partie du roman est le procès, pour lequel l’auteur se mue en chroniqueur judiciaire attentif. Il nous rapporte, entrecoupés de remarques d’observation ou de commentaires, les discours des protagonistes du procès, surtout le procureur et l’avocat de la défense. Le lecteur ne s’y trompe pas : le second nœud central est bien la question de l’euthanasie, posée à partir d’un cas précis dont l’écrivain nous a livré tous les détails.

Si l’on s’en tient aux clichés qui s’attachent au terme romancier catholique, on aurait pu craindre le pire de cette partie. Or, n’oublions pas que ce sont des « clichés », des caricatures qui ne sauraient représenter l’ensemble des fidèles de Rome. Ne vous attendez pas à trouver dans ces pages l’artillerie lourde contre l’aide à mourir. Le procès est fait en termes juridiques, pas moraux, comme il se doit, ou se devrait. D’ailleurs, Jean est acquitté et ressort libre et innocenté officiellement de ce crime par les jurés. L’affaire est donc légalement close.

L’auteur peut alors commencer sa troisième et dernière partie : celle du chemin moral et spirituel de Jean.  C’est là que le romancier catholique refait surface. Il va offrir à Jean une issue à sa crise morale. Car l’acquittement juridique est un fait bien réel : Jean est innocent de tout meurtre sur son épouse Jeanne, mais l’acquittement personnel qu’il peut ou ne pas se donner à lui-même est une autre chose. À l’issue du procès, Jean va rester hanté par une question : ce qu’il a pris pour la demande de Jeanne d’en finir était-ce bien cet appel, ou n’était-ce pas plutôt son désir de mettre un terme à sa propre souffrance de voir l’être aimé souffrir et se transformer en spectre ?

Cesbron fait alors revenir en scène Bruno, le petit frère, jusqu’alors mis un peu en retrait. Jean a toujours considéré Bruno comme une énigme, pour le moins un cas spécial d’inadapté au monde moderne. Il le traitait avec une certaine condescendance, celle des gens qui gagnent de l’argent.  Voici que les rôles changent : Bruno devient celui qui a les cartes en main, qui a certaines réponses que Jean ne possède pas. La scène centrale est un beau morceau de littérature, celle où Jean rend visite à Bruno et vient, au bout du rouleau, chercher de l’aide. Il est, pour la première fois, en position de demandeur, il a perdu de sa superbe, c’est un homme brisé. Bruno ne va pas chercher à le rassurer à bon compte, mais lui tenir un langage de vérité sur son geste et sur ce qu’il croit être après la mort. Nous sommes là dans des pages qui font irrémédiablement penser à Georges Bernanos dans ses grands romans spirituels. C’est le combat de la raison raisonnante et de la conscience. Cesbron en donne une issue positive ; Jean s’ouvre à la douleur d’autrui et devient auxiliaire d’hôpital, dans les services de cancérologie terminale. Le mur du néant est tombé, la vie trouve un sens, même dans la mort, et la mort douloureuse.

On pourra ironiser sur cette fin, reprocher à Cesbron cette échappatoire. Mais il n’est ni Albert Camus ni Jean-Paul Sartre, il ne croit pas que le monde et la vie sont absurdes et qu’il faut s’en accommoder ou mourir. Il prend position dans cette délicate question de la vie et de la mort. Et il le fait avec beaucoup de tact et de prudence. Il n’y a jamais, à aucun moment, un jugement ex abrupto du geste de Jean. Tout est dit dans le débat intérieur du personnage et je trouve que c’est superbement dit. La foi retrouvée est une des issues possibles. À travers le personnage de Bruno, le prêtre, Gilbert Cesbron nous montre bien que le doute est toujours là, que seuls les intégristes abrutis peuvent prétendre l’ignorer.  On pourra apprécier son livre même si l’on ne croit en rien, car il sera alors un combat moral, et nul n’échappe à ce type de combat intérieur, quoiqu’il en dise.

Il me faut dire un mot sur le petit enfant, Yves, que j’ai cité dans les personnages secondaires. Cet enfant est présent tout au long du livre, mais comme une ombre. Il est celui que le couple aurait pu adopter et qu’ils ont choisi de laisser à l’orphelinat pour vivre plus égoïstement leur amour fusionnel. Et quand l’enfant fait retour, c’est dans un tout autre contexte que je vous laisse découvrir. Je trouve qu’il y a là une belle invention d’écrivain-moraliste. C’est pour des raisons comme celles-ci que j’aime cet auteur, en sus de ces qualités littéraires et dramaturgiques.

Ce livre n’est, bien sûr, plus édité, mais il est partout disponible en occasion chez les bouquinistes à des prix dérisoires. Il vaut bien plus que ces tarifs modestes. Il faut le lire et le méditer, en ces jours où la loi met en place une « aide à mourir » que le Président de notre République à la dérive appelle un geste fraternel. Le propos de Gilbert Cesbron n’a pas pris une seule ride.

Jean-Michel Dauriac – Beychac – Août 2025


[1] Voir l’article de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilbert_Cesbron qui présente la liste de ses œuvres, classées par ordre chronologique.

[2] Toutes les références sont issues de l’édition Rencontre des œuvres romanesques de Gilbert Cesbron, volume VIII.

[3] « Une radio périphérique est une station de radio reçue en France entre les années 1930 et les années 1980, dont l’émetteur ne se situe pas sur le sol français. On peut citer, parmi les plus connues, Europe 1RTLRMC, respectivement basées en Allemagne de l’Ouest, au Luxembourg et à Monaco ainsi que Radio Andorre ou encore Sud Radio. » source : wikipédia.

[4] Sans établir aucun lien politique entre les deux cas, rappelons que Vladimir Poutine et la Russie ne livrent pas une guerre en Ukraine (en 2025) mais s’y livrent à « une opération spéciale », selon le lexique officiel du Kremlin.

[5] La phrase fait directement allusion au retard mis par Jeanne et Jean à identifier ce cancer et donc, à le laisser proliférer au-delà de la limite où on peut le circonscrire, avec les moyens de l’époque.

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