Prédication du dimanche 23 février 2025 – Pessac
Lecture de base : Jean 1 : 43 – 2 : 2 (version La Colombe)
« Le lendemain, il voulut se rendre en Galilée, et il trouva Philippe. Jésus lui dit : Suis-moi.
44 Philippe était de Bethsaïda, la ville d’André et de Pierre.
45 Philippe trouva Nathanaël et lui dit : Nous avons trouvé celui dont il est parlé dans la loi de Moïse et dans les prophètes, Jésus de Nazareth, fils de Joseph.
46 Nathanaël lui dit : Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ?
47 Philippe lui dit : Viens et vois. Jésus vit venir à lui Nathanaël et dit de lui : Voici vraiment un Israélite dans lequel il n’y a pas de fraude.
48 Nathanaël lui dit : D’où me connais-tu ? Jésus lui répondit : Avant que Philippe t’ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je t’avais vu.
49 Nathanaël reprit : Rabbi, toi tu es le Fils de Dieu, toi tu es le roi d’Israël.
50 Jésus lui répondit : Parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses que celles-ci !
2 : 1 Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là,
2 et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. »
Nathanaël est un personnage très secondaire des Évangiles. Il n’apparaît que deux fois et seulement dans l’Évangile de Jean. On ne lui connaît aucune action particulière, il n’est pas présent sous ce nom dans les Actes des Apôtres. Bref, il reste un inconnu pour le lecteur de la Bible. Et pourtant le récit que nous venons de lire est un petit bijou, très riche d’enseignement. Avant d’en tirer quelques leçons utiles pour nous, essayons d’en savoir un peu plus sur le héros de ces versets.
Nathanaël, comme tous les noms juifs, a un sens précis. Il signifie « don de Dieu », c’est le strict équivalent de Matthias, qui signifie « don de l’Eternel ». Donc, dès sa naissance, Nathanaël est marqué par Dieu. Pourtant il n’apparaît pas dans la liste des douze apôtres du Nouveau Testament, alors qu’il est un des premiers appelés. Pourquoi ? L’hypothèse qui fait consensus chez les spécialistes du Nouveau Testament est qu’il serait nommé dans cette liste des Douze sous le nom de Barthélémy, son nom complet étant Nathanaël bar Talmaï (fils de Talmaï), traduit par Barthélémy. Mais on ne sait pas plus de choses sur Barthélémy que sur Nathanaël à la seule lueur des textes du Nouveau Testament.
Le dictionnaire des saints de l’Église catholique l’identifie bien à Barthélémy. La tradition extra biblique rapporte qu’il aurait subi le martyre en Arménie ou en Perse. Mais il n’y a aucune preuve de cela. Au XIIIe siècle, le dominicain Jacques de Voragine rassembla toutes les légendes qui circulaient sur les saints et en fit un livre qui a été appelé La légende dorée. Il y a un texte sur Saint Barthélémy, qui en fait l’évangélisateur de l’Inde et lui fait subir le martyre en Arménie. Mais tout ceci n’est absolument pas corroboré. Il faut admettre qu’on ne sait rien sur Nathanaël-Barthélémy. Et pourtant, cet apôtre obscur a connu un immense privilège, que nous allons considérer maintenant en étudiant le texte de l’Évangile.
Je retiendrais rapidement quatre points dans ce passage :
- Le rôle de Philippe
- Le scepticisme vaincu de Nathanaël
- La révélation et la proclamation de Nathanaël
- Sa présence aux côtés de Jésus du début à la fin de son histoire terrestre
Philippe et le fruit de son témoignage (verset 45)
Nathanaël n’a pas croisé la route de Jésus, il n’a pas été appelé par lui. Il doit sa rencontre avec Jésus à la parole que son ami Philippe lui a adressée. On peut donc dire qu’il est le premier fruit de l’évangélisation du ministère de Jésus. Jésus appelle Philippe, qui connaît André et Pierre, car il vient comme eux de Bethsaïda, une ville nouvelle toute proche de Capernaüm. Sans doute Jésus l’appelle-t-il dans cette ville où il nous est dit qu’il résida. Jésus n’explique rien à Philippe, il lui dit simplement « suis-moi », une des formules préférées de Jésus pour choisir ses disciples. C’est peu, très peu pour tout lâcher et suivre ce prophète errant. On peut imaginer que Philippe a entendu parler de Jésus par André et Pierre, mais nous n’en avons aucune preuve formelle. Nous savons que Philippe sait l’essentiel, par ce qu’il dit à son ami Nathanaël : « Nous avons trouvé celui dont il est parlé dans la loi de Moïse et dans les prophètes, Jésus de Nazareth, fils de Joseph ».
C’est un juif qui parle à un autre juif et lui dit : « nous avons trouvé le messie de la prophétie » ; ce qui signifie « l’envoyé de Dieu ».
Pour témoigner, il n’y a pas besoin d’un énorme bagage théologique, d’avoir suivi des cours de formation intensifs, de maîtriser la Bible et la doctrine. Il suffit de s’être mis en marche dans les pas du Christ. Dès le début, Philippe témoigne et porte du fruit. Jésus nous fait comprendre cela quand il envoie les Douze en mission dans les villes d’Israël (Luc ch.9), avec un message rudimentaire et une très faible connaissance.
Or, Philippe nomme ce messie « Jésus de Nazareth », comme on le faisait souvent pour identifier les gens.
2. Le scepticisme vaincu de Nathanaël (versets 46-48)
À l’énoncé de ce nom, Nathanaël réagit négativement, mais en bon juif qui connaît les prophéties. Sa remarque paraît dure : « Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? » Mais elle est fondée sur au moins deux bases solides :
- Nazareth est un petit village perdu, de plus en Galilée, territoire mal vu par les Judéens, car séparé d’eux par la Samarie, région d’hérétiques.
Les Galiléens ont une réputation de « ploucs », ils ont un accent particulier et sont considérés comme peu orthodoxes dans leur judaïsme. Ils sont considérés comme les ruraux profonds par les Parisiens (vrais ou faux).
- Les prophètes ont parlé de deux lieux pour le messie : Jérusalem (Sion) bien sûr, mais plus surprenant, Ephrata-Bethléem (Michée Ch. 5 : 1-4), bourgade modeste au sud de Jérusalem. Mais il n’y a jamais de mention de Nazareth, qui n’existe sans doute pas à l’époque ancienne, car c’est une création plus récente. Nathanaël ne peut pas savoir que Jésus est né à Bethléem, de parents judéens (ou rattachés à eux par la tradition).
Vous remarquerez que Philippe ne répond rien à cela, il n’entre pas en polémique avec son ami. Sa réponse est lapidaire : « Viens et vois ».
Lorsque j’étais enfant, c’était le nom des salles de réunion des Assemblées de Dieu (pentecôtistes), qui éditaient aussi une feuille d’évangélisation qui portait ce nom et était largement distribuée aux gens lors du témoignage.
Il suffit de conduire les personnes auprès du Christ pour qu’ils s’en rendent compte par eux-mêmes. Il n’est pas nécessaire de rentrer en débat et d’avoir des arguments tout prêts. Il suffit d’accompagner près de Christ.
Que voit Nathanaël ?
Un homme qui l’accueille par une belle phrase positive : « Voici vraiment un Israélite dans lequel il n’y a pas de fraude (ou d’artifice) ». Jésus affirme ainsi que Nathanaël est un bon juif, fidèle à la Loi. Mais celui-ci réagit : comment cet homme peut-il affirmer cela ? N’est-ce pas un coup de bluff d’un manipulateur ?
Alors Jésus fait un « petit » miracle, donne un signe à Nathanaël. « Avant que Philippe t’ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je t’avais vu. » Le texte ne nous a pas initialement dit où était Nathanaël, mais le récit montre que c’est vrai. Nathanaël avait besoin d‘un signe pour vaincre son scepticisme. Jésus lui a donné. C’est le sens profond de ce miracle.
Il nous faut parfois peu de choses pour croire, mais ce peu de chose est décisif. La rencontre avec Jésus ne s’accompagne pas souvent de grands signes spectaculaires. C’est à notre cœur qu’il donne le signe, même infime, qu’il nous dit : « Je te connais déjà ». Deux petites phrases ont suffi.
3. Le privilège de Nathanaël (verset 49)
Nathanaël est vaincu dans son scepticisme par cette révélation minuscule. À son tour, il en va prononcer qu’une seule phrase, mais quelle phrase !
« Rabbi (maître), toi tu es le Fils de Dieu, toi tu es le roi d’Israël. »
Ma longue expérience des sermons (en tant qu’auditeur) me permet de dire que les prédicateurs n’accordent pas à cette phrase toute l’attention et l’importance qu’elle mérite. Nathanaël proclame que Jésus est LE FILS DE DIEU ! Vous pouvez chercher dans tous les débuts des quatre Évangiles, c’est la première affirmation de la filiation divine de Jésus (à part celle des démons !) Et elle sort de la bouche d’un obscur Galiléen, originaire d’un village voisin de Nazareth, Cana (où Jésus et ses disciples se rendent immédiatement après). Voici le grand privilège de Nathanaël dans l’histoire de la foi chrétienne : il est le premier à reconnaître la divinité du Christ.
La tradition chrétienne – catholique, orthodoxe, protestante et évangélique – retient la proclamation de Pierre, rapportée en Matthieu 18 : 13-19. Bien sûr, Pierre a aussi reçu cette révélation personnelle, mais bien après celle de Nathanaël. Cependant, l’histoire chrétienne, mise en scène par l’Église catholique romaine, a mis en avant Pierre et, à partir de cet épisode de Césarée de Philippe, a construit le personnage de « prince des apôtres » et de premier évêque de Rome et fondateur de la papauté. Et les protestants ont repris cette construction à l’avantage de Pierre (pas pour la papauté bien sûr !), laissant Nathanaël dans l’oubli. Quelle injustice humaine !
4 Du début à la fin, Nathanaël est là (Jean 21 :1-2)
« 1 Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples, sur (les bords de) la mer de Tibériade. Voici comment il se manifesta.
2 Simon Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples étaient ensemble. »
Nathanaël a tout vécu avec Jésus : le ministère itinérant, les miracles, les menaces, la Cène, l’arrestation et les procès, la crucifixion et la résurrection, suivie des apparitions avant l’Ascension. Il est encore là, avec ses amis pêcheurs, un matin, sur les bords du lac. Là encore c’est Simon Pierre qui va voler la vedette aux autres. Mais ils sont sept présents sur les lieux, sept à manger le pain du Christ et les poissons. Nathanaël n’est pas mis en avant, mais il est là. Il va pouvoir témoigner de tout ce qu’il a vécu. Peu importe que l’histoire ne le retienne pas. Il a eu le privilège extraordinaire d’accompagner le Christ du début jusqu’à la fin.
Nous ne sommes pas appelés, le plus souvent, à un destin glorieux et public. Il nous est simplement demandé de marcher avec Jésus et de témoigner de ce que nous avons vu et vécu.
L’histoire de Nathanaël est pleine d’enseignements positifs pour nous. Elle nous parle de scepticisme à dépasser, de changement d‘attitude, de conversion, de révélation et de confession de foi. Elle montre la fidélité de cet homme à sa rencontre initiale. Comme nous, il est un obscur qui n’a pas laissé de trace. Mais ce qu’il a été sera manifesté « au dernier jour », comme le dit le Christ. Souvenons-nous de Nathanaël, qu’il soit un exemple qui nous accompagne.
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