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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Le privilège de Nathanaël

Prédication du dimanche 23 février 2025 – Pessac

Lecture de base : Jean 1 : 43 – 2 : 2 (version La Colombe)

«   Le lendemain, il voulut se rendre en Galilée, et il trouva Philippe. Jésus lui dit : Suis-moi.

44  Philippe était de Bethsaïda, la ville d’André et de Pierre.

45  Philippe trouva Nathanaël et lui dit : Nous avons trouvé celui dont il est parlé dans la loi de Moïse et dans les prophètes, Jésus de Nazareth, fils de Joseph.

46  Nathanaël lui dit : Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ?

47  Philippe lui dit : Viens et vois. Jésus vit venir à lui Nathanaël et dit de lui : Voici vraiment un Israélite dans lequel il n’y a pas de fraude.

48  Nathanaël lui dit : D’où me connais-tu ? Jésus lui répondit : Avant que Philippe t’ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je t’avais vu.

49  Nathanaël reprit : Rabbi, toi tu es le Fils de Dieu, toi tu es le roi d’Israël.

50  Jésus lui répondit : Parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses que celles-ci ! 

2 : 1   Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là,

2  et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. »

Nathanaël est un personnage très secondaire des Évangiles. Il n’apparaît que deux fois et seulement dans l’Évangile de Jean. On ne lui connaît aucune action particulière, il n’est pas présent sous ce nom dans les Actes des Apôtres. Bref, il reste un inconnu pour le lecteur de la Bible. Et pourtant le récit que nous venons de lire est un petit bijou, très riche d’enseignement. Avant d’en tirer quelques leçons utiles pour nous, essayons d’en savoir un peu plus sur le héros de ces versets.

Nathanaël, comme tous les noms juifs, a un sens précis. Il signifie « don de Dieu », c’est le strict équivalent de Matthias, qui signifie « don de l’Eternel ». Donc, dès sa naissance, Nathanaël est marqué par Dieu. Pourtant il n’apparaît pas dans la liste des douze apôtres du Nouveau Testament, alors qu’il est un des premiers appelés. Pourquoi ? L’hypothèse qui fait consensus chez les spécialistes du Nouveau Testament est qu’il serait nommé dans cette liste des Douze sous le nom de Barthélémy, son nom complet étant Nathanaël bar Talmaï (fils de Talmaï), traduit par Barthélémy. Mais on ne sait pas plus de choses sur Barthélémy que sur Nathanaël à la seule lueur des textes du Nouveau Testament.

Le dictionnaire des saints de l’Église catholique l’identifie bien à Barthélémy. La tradition extra biblique rapporte qu’il aurait subi le martyre en Arménie ou en Perse. Mais il n’y a aucune preuve de cela. Au XIIIe siècle, le dominicain Jacques de Voragine rassembla toutes les légendes qui circulaient sur les saints et en fit un livre qui a été appelé La légende dorée. Il y a un texte sur Saint Barthélémy, qui en fait l’évangélisateur de l’Inde et lui fait subir le martyre en Arménie. Mais tout ceci n’est absolument pas corroboré. Il faut admettre qu’on ne sait rien sur Nathanaël-Barthélémy. Et pourtant, cet apôtre obscur a connu un immense privilège, que nous allons considérer maintenant en étudiant le texte de l’Évangile.

Je retiendrais rapidement quatre points dans ce passage :

  1. Le rôle de Philippe
  2. Le scepticisme vaincu de Nathanaël
  3. La révélation et la proclamation de Nathanaël
  4. Sa présence aux côtés de Jésus du début à la fin de son histoire terrestre

Philippe et le fruit de son témoignage (verset 45)

Nathanaël n’a pas croisé la route de Jésus, il n’a pas été appelé par lui. Il doit sa rencontre avec Jésus à la parole que son ami Philippe lui a adressée. On peut donc dire qu’il est le premier fruit de l’évangélisation du ministère de Jésus. Jésus appelle Philippe, qui connaît André et Pierre, car il vient comme eux de Bethsaïda, une ville nouvelle toute proche de Capernaüm. Sans doute Jésus l’appelle-t-il dans cette ville où il nous est dit qu’il résida. Jésus n’explique rien à Philippe, il lui dit simplement « suis-moi », une des formules préférées de Jésus pour choisir ses disciples. C’est peu, très peu pour tout lâcher et suivre ce prophète errant. On peut imaginer que Philippe a entendu parler de Jésus par André et Pierre, mais nous n’en avons aucune preuve formelle. Nous savons que Philippe sait l’essentiel, par ce qu’il dit à son ami Nathanaël : « Nous avons trouvé celui dont il est parlé dans la loi de Moïse et dans les prophètes, Jésus de Nazareth, fils de Joseph ».

C’est un juif qui parle à un autre juif et lui dit : « nous avons trouvé le messie de la prophétie » ; ce qui signifie « l’envoyé de Dieu ».

Pour témoigner, il n’y a pas besoin d’un énorme bagage théologique, d’avoir suivi des cours de formation intensifs, de maîtriser la Bible et la doctrine. Il suffit de s’être mis en marche dans les pas du Christ. Dès le début, Philippe témoigne et porte du fruit. Jésus nous fait comprendre cela quand il envoie les Douze en mission dans les villes d’Israël (Luc ch.9), avec un message rudimentaire et une très faible connaissance.

Or, Philippe nomme ce messie « Jésus de Nazareth », comme on le faisait souvent pour identifier les gens.

2. Le scepticisme vaincu de Nathanaël (versets 46-48)

À l’énoncé de ce nom, Nathanaël réagit négativement, mais en bon juif qui connaît les prophéties. Sa remarque paraît dure : « Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? » Mais elle est fondée sur au moins deux bases solides :

  • Nazareth est un petit village perdu, de plus en Galilée, territoire mal vu par les Judéens, car séparé d’eux par la Samarie, région d’hérétiques.

Les Galiléens ont une réputation de « ploucs », ils ont un accent particulier et sont considérés comme peu orthodoxes dans leur judaïsme. Ils sont considérés comme les ruraux profonds par les Parisiens (vrais ou faux).

  • Les prophètes ont parlé de deux lieux pour le messie : Jérusalem (Sion) bien sûr, mais plus surprenant, Ephrata-Bethléem (Michée Ch. 5 : 1-4), bourgade modeste au sud de Jérusalem. Mais il n’y a jamais de mention de Nazareth, qui n’existe sans doute pas à l’époque ancienne, car c’est une création plus récente. Nathanaël ne peut pas savoir que Jésus est né à Bethléem, de parents judéens (ou rattachés à eux par la tradition).
  •  

Vous remarquerez que Philippe ne répond rien à cela, il n’entre pas en polémique avec son ami. Sa réponse est lapidaire : « Viens et vois ».

Lorsque j’étais enfant, c’était le nom des salles de réunion des Assemblées de Dieu (pentecôtistes), qui éditaient aussi une feuille d’évangélisation qui portait ce nom et était largement distribuée aux gens lors du témoignage.

Il suffit de conduire les personnes auprès du Christ pour qu’ils s’en rendent compte par eux-mêmes. Il n’est pas nécessaire de rentrer en débat et d’avoir des arguments tout prêts. Il suffit d’accompagner près de Christ.

Que voit Nathanaël ?

Un homme qui l’accueille par une belle phrase positive : « Voici vraiment un Israélite dans lequel il n’y a pas de fraude (ou d’artifice) ».  Jésus affirme ainsi que Nathanaël est un bon juif, fidèle à la Loi. Mais celui-ci réagit : comment cet homme peut-il affirmer cela ? N’est-ce pas un coup de bluff d’un manipulateur ?

Alors Jésus fait un « petit » miracle, donne un signe à Nathanaël. « Avant que Philippe t’ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je t’avais vu. » Le texte ne nous a pas initialement dit où était Nathanaël, mais le récit montre que c’est vrai. Nathanaël avait besoin d‘un signe pour vaincre son scepticisme. Jésus lui a donné. C’est le sens profond de ce miracle.

Il nous faut parfois peu de choses pour croire, mais ce peu de chose est décisif. La rencontre avec Jésus ne s’accompagne pas souvent de grands signes spectaculaires. C’est à notre cœur qu’il donne le signe, même infime, qu’il nous dit : « Je te connais déjà ». Deux petites phrases ont suffi.

3. Le privilège de Nathanaël (verset 49)

Nathanaël est vaincu dans son scepticisme par cette révélation minuscule. À son tour, il en va prononcer qu’une seule phrase, mais quelle phrase !

« Rabbi (maître), toi tu es le Fils de Dieu, toi tu es le roi d’Israël. »

Ma longue expérience des sermons (en tant qu’auditeur) me permet de dire que les prédicateurs n’accordent pas à cette phrase toute l’attention et l’importance qu’elle mérite.  Nathanaël proclame que Jésus est LE FILS DE DIEU ! Vous pouvez chercher dans tous les débuts des quatre Évangiles, c’est la première affirmation de la filiation divine de Jésus (à part celle des démons !) Et elle sort de la bouche d’un obscur Galiléen, originaire d’un village voisin de Nazareth, Cana (où Jésus et ses disciples se rendent immédiatement après). Voici le grand privilège de Nathanaël dans l’histoire de la foi chrétienne : il est le premier à reconnaître la divinité du Christ.

La tradition chrétienne – catholique, orthodoxe, protestante et évangélique – retient la proclamation de Pierre, rapportée en Matthieu 18 : 13-19. Bien sûr, Pierre a aussi reçu cette révélation personnelle, mais bien après celle de Nathanaël. Cependant, l’histoire chrétienne, mise en scène par l’Église catholique romaine, a mis en avant Pierre et, à partir de cet épisode de Césarée de Philippe, a construit le personnage de « prince des apôtres » et de premier évêque de Rome et fondateur de la papauté. Et les protestants ont repris cette construction à l’avantage de Pierre (pas pour la papauté bien sûr !), laissant Nathanaël dans l’oubli. Quelle injustice humaine !

4 Du début à la fin, Nathanaël est là (Jean 21 :1-2)

    « 1  Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples, sur (les bords de) la mer de Tibériade. Voici comment il se manifesta.

    2  Simon Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples étaient ensemble. »

    Nathanaël a tout vécu avec Jésus : le ministère itinérant, les miracles, les menaces, la Cène, l’arrestation et les procès, la crucifixion et la résurrection, suivie des apparitions avant l’Ascension. Il est encore là, avec ses amis pêcheurs, un matin, sur les bords du lac. Là encore c’est Simon Pierre qui va voler la vedette aux autres. Mais ils sont sept présents sur les lieux, sept à manger le pain du Christ et les poissons. Nathanaël n’est pas mis en avant, mais il est là. Il va pouvoir témoigner de tout ce qu’il a vécu. Peu importe que l’histoire ne le retienne pas. Il a eu le privilège extraordinaire d’accompagner le Christ du début jusqu’à la fin.

    Nous ne sommes pas appelés, le plus souvent, à un destin glorieux et public. Il nous est simplement demandé de marcher avec Jésus et de témoigner de ce que nous avons vu et vécu.

    L’histoire de Nathanaël est pleine d’enseignements positifs pour nous. Elle nous parle de scepticisme à dépasser, de changement d‘attitude, de conversion, de révélation et de confession de foi. Elle montre la fidélité de cet homme à sa rencontre initiale. Comme nous, il est un obscur qui n’a pas laissé de trace. Mais ce qu’il a été sera manifesté « au dernier jour », comme le dit le Christ. Souvenons-nous de Nathanaël, qu’il soit un exemple qui nous accompagne.

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    Deux morts de janvier sans chagrin : Claude Allègre & Jean-Marie Le Pen

    À peu de temps d’intervalle, nous avons appris la mort de deux personnages publics célèbres en France, pour des raisons différentes. Je veux parler de Claude Allègre (4 janvier 2025) et  Jean-Marie Le Pen (7 janvier 2025).

    J’oserai dire que ces deux disparitions ne m’ont causé aucun chagrin. Ces deux hommes avaient en commun une forme de haine qu’ils avaient exprimée de manière différente, mais très nette.

    Commençons par Claude Allègre. À son décès, tout le monde l’a présenté comme un savant immense, dans le domaine de la géophysique du globe. Je ne contesterai pas ce terme, mais je récuserai l’adjectif qualificatif. Que restera-t-il du savant appelé Allègre ? Je crains que l’histoire des sciences soit cruelle avec lui dans un avenir proche. Ce n’est pas à cette réputation de « pointure » scientifique qu’il doit sa célébrité. Mais à son incursion incongrue dans le monde de l’éducation. À part une maman institutrice, Allègre n’avait vraiment aucun lien avec la pédagogie. C’était un mandarin banal, comme il en sévit dans toutes les facultés de France. Pour avoir connu des gens instruits qui avaient été ses étudiants, et ayant confiance dans leur jugement, je dirais qu’il n’avait aucun sens de ce que peut être un comportement de pédagogue, c’est-à-dire, au sens propre et imagé celui qui chemine avec l’élève. Cela fut manifeste à deux moments de sa vie publique. D’abord quand il devint l’éminence grise du gris Lionel Jospin lorsque celui-ci fut ministre de l’Éducation nationale, de 1988 à 1992, si je me souviens bien. Je devrai d’ailleurs dire plutôt « âme damnée » tant son influence fut néfaste. Il est l’inspirateur de la massification de l’enseignement, une fausse bonne idée socialiste, celle qui mettait « l’enfant au centre du système éducatif » (sic). Cette formule, d’apparence anodine pour un non-initié, eut des effets extrêmement mauvais à long terme sur le service d’enseignement français. Je ne le développerai pas ici, mais cette formule est démagogique et stupide ; or, elle fut prise au mot et adoptée par la syndicratie qui cogère le ministère de la rue de Grenelle et engagea l’école sur la pente du renoncement peint aux couleurs de l’égalitarisme et de la pseudoélévation du niveau général des élèves et étudiants. Tous les professeurs honnêtes et expérimentés ont pu en apprécier la nocivité, pour les élèves en premier lieu. Le second moment de  célébrité d’Allègre fut son passage au ministère de l’Éducation, lorsque son ami Jospin se trouva Premier Sinistre. Pour comble de malheur, il fut flanqué de Ségolène Royal. Un véritable tandem infernal ! Ceux qui ont vécu ce ministériat se souviennent du mépris de ce ministre, de la baisse du pouvoir d’achat qu’il occasionna chez les professeurs (par baisse du paiement des heures supplémentaires) et de la haine farouche et aveugle qu’il eût pour les Classes Préparatoires et leurs enseignants – il devait y avoir une explication psychanalytique à cela -, qu’il qualifia de « Pilotes de ligne de l’Éducation nationale » pour les désigner à la jalousie de leurs collègues, qui n’avaient pas besoin de ça, je n’en dirai pas plus. Ce fut le temps où il voulait « dégraisser le mammouth » selon sa formule élégante, qui cadrait si bien avec son physique de brute néandertalienne. Même ses soi-disant collègues du Parti Socialiste en furent gênés pour lui, tant il accumula les gaffes. Ensuite, ce grand esprit se fit connaître par son climatoscepticisme, qu’il étala dans des livres et articles d’une bêtise remarquable. Puis il disparut des radars publics, atteint par l’obsolescence des crétins. Et donc, Claude Allègre était mortel et il est mort. Sans doute cela a-t-il affligé quelques personnes de son entourage ou de sa famille. Je crois qu’aucun enseignant n’aura été attristé par cette disparition. Je dois avouer que, pour avoir connu nombre de ministres de l’Éducation en quarante-trois ans de service actif pour la connaissance et la pédagogie, aucun n’a suscité autant de rejet et même de haine. Je dois dire que pour moi, c’était plutôt un mélange de mépris et de pitié, sentiments pas très chrétiens, je le concède, mais je n’ai pas réussi à les éviter.

    Venons-en à Jean-Marie Le Pen. Sur ce personnage politique, j’ai deux points de vue, celui du professeur d’histoire que je fus et celui du citoyen français que je reste, à mon corps défendant.

    Sur le plan historique, Le Pen a été un acteur non négligeable de plus de cinquante années de vie politique française. Il fut député, fondateur de parti, candidat à la présidentielle et opposant majeur aux divers gouvernements de la Ve République depuis 1974. S’il laisse une trace dans l’histoire, ce sera sans doute pour avoir atteint le second tour de l’élection présidentielle française en 2002, et peut-être pour avoir avoué à demi-mots avoir pratiqué la torture en Algérie, durant les « événements » comme on disait alors. Il laissera aussi le souvenir d’un grand tribun, un des rares orateurs de son époque, plus apte à produire des tâcherons du discours que des orateurs flamboyants. Lui fut de cette nature, par sa voix, sa présence physique et sa maîtrise de la langue française, sans oublier sa culture. Ceci est dit et reconnu, on ne peut le nier.

    Sur le plan humain, il en va tout autrement. Le Pen fut avant tout un immense provocateur, jouant sciemment le jeu de la médiatisation.  La provocation peut être, dans une société conformiste, une belle qualité. Mais cela dépend de ses armes. Et celles de Le Pen étaient sales. Le « Menhir », comme on le surnomma, cultiva ce que les autres, ses ennemis, appelaient des dérapages, mais qui n’en étaient pas du tout, tout étant pesé au trébuchet. Chaque grosse saillie était préparée d’avance et lâchée de manière calculée. Les procès qui en découlaient étaient aussi des tribunes gratuites. Mais ce qui en fait un sale type, c’est le choix des sujets, des cibles et des termes. Je ne rapporterai pas ici ses calembours « hénaurmes » ou ses contre-vérités assénées. Le Pen était un vrai « salaud » au sens populaire du mot, on aurait aussi pu dire une ordure autrefois. Il maniait le racisme, l’antisémitisme et la haine raciale avec maestria et persévérance. Le fond de sa pensée était nauséeux, et il avait eu le bon goût de s’acoquiner avec ce que la politique de droite a produit de pire dans les pires moments de notre histoire. C’est la grandeur (et la faiblesse) de la démocratie de permettre à ces flots d’égout et d’ego de se répandre sans entraves, au nom de la liberté d’expression. Il savait merveilleusement en jouer.  Le Pen ne voulait surtout pas exercer le pouvoir au plus haut niveau. Il n’était pas capable de le faire. C’est seulement dans le rôle de l’opposant démagogue et populiste qu’il excellait. Il n’avait rien d’un homme d’Etat, il n’était qu’un histrion borgne.

    Alors, évidemment, sa mort me laisse parfaitement indifférent. Je ne m’en réjouis même pas, pas plus que celle d’Allègre. Je prends note de la disparition d’un élément nuisible de l’espèce humaine.

    Ce papier paraîtra peut-être dur à certains (on ne tire pas sur les corbillards !). Mais il y a des limites à la flagornerie médiatique et elles viennent encore une fois d’être franchies. Il fallait rappeler ce que ces deux hommes ont infligé à leurs semblables ; bien sûr je ne les mets pas sur le même plan : Allègre était juste un butor, rustre et pas futé, alors que Le Pen était de la race des tortionnaires et des chefs de milice.  Ils ne nous manqueront pas.

    Jean-Michel Dauriac – 9 janvier 2025.

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    Deux livres de Lucien Cerfaux sur l’Église primitive

    La communauté apostolique – Éditions du Cerf – collection Témoins de Dieu n°2 , 1953 , 1e édition.

    L’église des Corinthiens – Éditions du Cerf – collection Témoins de Dieu n°7, 1946, 1ere édition.

    « Les éditions du Cerf sont fondées en 1929, à la demande du pape Pie XI, par le dominicain Marie-Vincent Bernadot (1883-1941), proche de la pensée du souverain pontife. Le Cerf fait référence au psaume 41, verset 2 : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu. [1]». Voici en peu de mots l’origine de cette maison d’édition catholique et dominicaine. Elle a pris, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, soit en quatre-vingts ans, une place éminente dans le domaine des sciences humaines et des questions religieuses, rendant accessibles un grand nombre d’ouvrages théologiques capitaux, notamment de langue allemande. Elle est aussi le lieu de prédilection de la pensée dominicaine et des chercheurs et clercs catholiques universitaires, sans fermer ses portes aux orthodoxes ou protestants. Les deux petits livres que je vais présenter sont des publications des débuts, sortis juste après-guerre. Le Cerf avait alors créé une collection de petits formats et faible pagination, pour diffuser les connaissances de base sur le monde évangélique des débuts du christianisme. Cette collection, nommée Témoins de Dieu présentait à al fois les cadres historiques, que des protagonistes (apôtres, évangélistes) ou des auteurs bibliques de l’Ancien Testament. Des titres de cette collection ont, depuis, été repris dans des collections plus récentes de la maison. Les volumes originaux se trouvent en nombre chez les bouquinistes du net.

    L’auteur, Lucien Cerfaux est un prêtre catholique, né en 1883 et mort en 1968, qui fut surtout connu comme théologien et professeur de théologie, spécialisé dans le Nouveau Testament, qu’il enseigna à l’université Catholique de Louvain (Belgique). Il est l’auteur de livres documentés et d’articles assez nombreux.

    La communauté apostolique, le premier de ces deux ouvrages est le deuxième titre de la collection, qui a été inaugurée par un Paul, apôtre de Jésus-Christ de E-B Allo.  Le livre fait une centaine de pages et comporte 8 chapitres répartis en deux parties, La vie chrétienne et L’expansion. Disons de suite qu’au lecteur rompu à la lecture biblique du Nouveau Testament, il n’apprendra pas grand-chose sur les faits. L’auteur le dit d’ailleurs, il suit pas à pas Luc l’évangéliste, auteur des Actes des apôtres. Or, sur ces débuts de la religion nouvelle du Christ, il n’y a pas d’autres sources que ce texte, auquel on peut ajouter les détails glanés dans les épîtres de Paul, surtout dans les Galates. Tout ce qui a été écrit depuis des siècles sur ces premières décennies s’appuie sur ces seules sources, donc des témoignages que l’on qualifierait de pro domo. Cependant, le grand apport de Cerfaux est de ne pas se limiter à une paraphrase de talent, mais d’étoffer le récit, à partir des bases historiques du contexte et à donner des interprétations, catholiques bien sûr, ce qui peut être discuté donc.

    Un des grands mérites de L. Cerfaux est d’avoir laissé à l’effusion de l’Esprit de la Pentecôte son caractère surnaturel et fondé initialement sur le parler en langues inconnues reçues par les bénéficiaires de cette visitation. On sait que l’Église romaine a été plus que réservée sur toutes les manifestations charismatiques durant sa longue histoire institutionnelle et qu’elle n’a pas hésité à punir sévèrement les « inspirés » qu’elle considérait comme dangereux pour elle. L’auteur reconnaît bien que les débuts furent placés sous une profusion de dons spirituels et un grand rôle de la prophétie, ce que les Actes établissent incontestablement. C’est la grande différence, alors, avec le judaïsme de ce temps, devenu une religion très ritualiste, dont la secte des pharisiens est un bel exemple. Il ne s’étend pas sur tous les faits rapportés, mais met en évidence les plus marquants : le discours et le martyre d’Étienne, les problèmes d’organisation pratique et cultuelle de la nouvelle communauté. Ilo montre bien que le cercle des apôtres (à nouveau douze après le tirage au sort initié par Pierre, pour remplacer Judas) est unique en son genre et un peu à part parmi les croyants. Non par une certaine suffisance, dont souffrira plus tard l’Église par la papauté et ses hiérarques,   mais par la crainte respectueuse qu’ont les nouveaux convertis envers ceux qui ont côtoyé le Christ durant son ministère. Bien sûr, ils n’étaient pas que douze et le récit de Luc le suggère bien, mais ceux-là avaient été appelés nommément et choisis par le Seigneur.

    Par contre, il faut signaler l’interprétation particulière de certaines données des textes étudiés. Par exemple, lorsqu’il parle de l’église de Jérusalem, il écrit :

    «  Un personnage que nous avons à peine nommé jusqu’ici devint le chef vénéré de la communauté de Jérusalem. C’était Jacques, le frère du Seigneur. D’être le proche parent de Jésus –son cousin germain – lui donnait aux yeux des premiers chrétiens, dignité et autorité. » (p. 91).

    Tout lecteur normalement constitué sera choqué par cette citation qui dit deux choses contradictoires : Jacques est le frère du Seigneur et son cousin germain. De quelle branche collatérale ? Rien ne nous est dit sur ce sujet, par contre les Évangiles parlent des frères de Jésus et de leur mère. La dogmatique catholique a inventé un sens élargi du mot grec qui signifierait donc en même temps « cousin » et « frère ». Pourquoi cette contorsion textuelle ? Pour justifier le dogme marial qui affirme que Marie n’a pas eu d’autres enfants, comme il affirme qu’elle a été conçue sans péché, « Immaculée Conception ». Dogmes qui sont des créations pures de l’Église, sans aucun appui biblique, ni même des premiers Pères de l’Église. L’auteur agit de même avec le personnage de l’apôtre Pierre dont le portrait n’est fait que par rapport aux affirmations très postérieures sur la primauté de Pierre et la succession apostolique et la papauté. Du coup, L. Cerfaux est obligé de faire dire aux textes de Luc ce qu’ils ne disent pas. Exemple :

    «  De plus en plus, Pierre, évêque universel de par les dispositions même de Jésus, oubliait la ville sainte et voyageait. » (p. 94).

    Nous avons là la lecture très rétroactive des propos de Jésus à Pierre, propos interprétés dans le sens de la construction institutionnelle de l’Église catholique romaine, mais que la lecture attentive des textes originaux, dans leurs contextes, n’autorise pas. C’est ainsi toute la vie de Pierre qui a été réinventée ; jusqu’à en faire le créateur de l’Église d’Antioche, ce qui n’est dit absolument nulle part. Il en sera de même pour toute la tradition du martyre pétrinien.

    Il faut donc lire ce livre avec ces réserves ; il ne s’agit pas d’un ouvrage historique, mais d’un travail d’édification catholique pour des fidèles de cette Église. On retrouve le même biais dans tous les écrits sur Pierre réalisés par des catholiques.

    L’église des Corinthiens ne souffre pas de ce même défaut, car elle ne met pas en jeu la structure de l’institution. Le sujet de cet opuscule est donc la présentation de l’église chrétienne originelle de la ville grecque de Corinthe. Là encore, la seule source disponible est dans le Nouveau Testament, ce sont les Épitres de Paul aux Corinthiens. Mais c’est essentiellement la première qui sert de base à cette étude, car c’est là que se trouvent les renseignements exploitables.

    La grande originalité du livre de Lucien Cerfaux est d’être très positif sur cette église. En effet, la plupart du temps la lettre de Paul sert à fustiger une communauté qui dévie, par ses comportements et ses propos du modèle apostolique. Paul est d’ailleurs obligé dans son écrit de rappeler les bonnes attitudes en plusieurs domaines. Les Corinthiens dévient beaucoup. Sur le repas du Seigneur, en particulier, ils sont sévèrement repris. C’est d’ailleurs à ce propos que Paul donne le texte d’introduction si souvent utilisé pour la Cène ou Eucharistie. Mais il apparaît aussi que la conduite dans les réunions laisse à désirer, notamment quand les femmes interpellent leurs maris durant les offices. Paul rappelle alors de manière stricte les limites posées aux femmes dans la tradition naissante. Ses consignes cultuelles sont très proches de celles du judaïsme. Il délivre aussi un enseignement sur les veuves et les vierges, pour remettre sans doute un peu d’ordre dans une vie d’église encore très marquée par les pratiques des cultes païens, très présent dans cette grande cité.

    Cependant, et Cerfaux a raison de le dire, il faut d’abord reconnaître la grande richesse de cette communauté, née chez les païens. Ils ont reçu tous les charismes du Saint-Esprit et il y a un tel foisonnement de leurs manifestations que l’apôtre est amené à donner des règles d’usage. Dans aucun autre texte du Nouveau Testament, on ne peut rencontrer une telle richesse spirituelle. Mais cette communauté est jeune et elle a besoin d’être enseignée et cadrée. Paul donne d’ailleurs dans cette longue lettre un enseignement capital sur les dons de l’Esprit, sur l’amour (agapé) et aussi sur la mort et la résurrection.

    Ce livre se lit avec un grand plaisir et éclaire la lettre aux Corinthiens et ses destinataires d’un jour nouveau, positif, mais sans cacher aussi ce que l’auteur considère comme des « péchés de jeunesse. Son livre contrebalance ainsi la littérature protestante qui est très sévère avec Corinthe.

    Ces deux petits livres constituent une bonne base sur des moments importants de l’histoire de l’Église première. Ils ne s’adressent pas à des théologiens ou des ministres du culte, ils sont à destination du peuple chrétien curieux et constituent donc de bonnes introductions sur ces sujets. On peut regretter qu’ils ne soient pas disponibles dans une édition actuelle. Mais celui qui voudra se les procurer pourra le faire assez facilement sur les grands sites de livres d’occasion, à des prix modestes.

    Jean-Michel Dauriac – Décembre 2024.


    [1] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ditions_du_Cerf#:~:text=Les%20%C3%A9ditions%20du%20Cerf%20sont%20fond%C3%A9es%20en%201929%2C%20%C3%A0%20la,cherche%20toi%2C%20mon%20Dieu.%20%C2%BB

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