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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

La philosophie devenue folle – Le genre, l’animal, la mort – Voyage au pays du délire antihumaniste

La philosophie devenue folle

Le genre, l’animal, la mort

 

Jean-François Braunstein

 

Paris, Grasset, 2018– 394 pages – 20,90 €

 

 

 

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Un livre au titre attirant car très provocateur : la philosophie, n’est-ce pas la sagesse ? Or, si la sagesse devient folle, que nous restera-t-il pour être sages.

Le sous-titre éclaire aussitôt notre lanterne : ce n’est pas toute la philosophie qui est devenue folle, mais les trois sujets cités qui l’y poussent. Le lecteur attentif à l’actualité éthique et politique aura reconnu dans ces trois thèmes les grands débats « post-modernes » qui agitent le landerneau politique progressiste et la caste éclairée de nos penseurs.

 

Les trois thèmes donnent lieu chacun à une partie du livre, dans cet ordre. Le volume de chaque partie est assez important pour bien aborder le sujet. Un très bonne conclusion de synthèse ferme cet ouvrage.

 

Il faut d’abord signaler que l’auteur ne jargonne pas, ce qui est appréciable pour un livre de professeur de philosophie. Il nous épargne l’exposé des concepts mis en jeu et préfère les faire apparaître dans l’étude des théories incriminées. Ce qui est beaucoup plus agréable et plus accessible à un large public : il n’est en effet pas besoin d’avoir fait de longues études pour se saisir de cet ouvrage. On peut parler de vulgarisation critique.

 

Chaque thème fait l’objet d’une présentation théorique, d’un résumé de son historique où sont présentés les inventeurs ou propagateurs de ces courants. La démonstration s’appuie sur un large choix de citations fort bien référencées, ce qui valide la démarche critique.

 

Braunstein ne mène pas un combat polémique. Il a choisi de présenter les arguments des propagateurs du genre, de l’anti-spécisme et de l’euthanasie avec une ironie mordante qui fait mouche. Il faut dire que nombre de citations sont absolument délirantes, il faudrait en faire une anthologie. Je laisse le lecteur les découvrir  à chaque page du livre. Une fois ces présentation bien faîtes, il n’est effectivement nul besoin de détruire ces thèse, elles se disqualifient d’elles-mêmes, à moins que vous n’apparteniez à la même confrérie du délire.

 

Ainsi le genre apparaît comme une pensée a priori séduisante qui est devenue hors contrôle par une surenchère de non-sens. L’apport théorique de la notion de genre a permis d’aborder des sujets jusque là ignorés ou repoussés. Mais ce qui s’appelle le genre aujourd’hui dans ces cercles philosophiques dépasse toutes limites de la raison. On y croise toutes les variantes de genre revendiquées et on s’aperçoit vite que le sigle LGBTQ est totalement dépassé. La typologie est tellement farfelue et étoffée sans cesse qu’il n’y aura pas assez de lettres dans l’alphabet pour en faire l’acronyme. Derrière ces revendications se cache en réalité la haine du corps et sa négation. Le corps comme le sexe biologique n’existent plus pour ces penseurs. La preuve par les partisans de l’amputation volontaire qui veulent faire reconnaître le droit de se débarrasser d’un membre qui ne leur convient pas. Il n’y a en réalité plus aucune limite au désir de chaque individu, au nom de la liberté. Or les théories les plus en pointe ne sont pas connues du public qui ne connaît que la face présentable du genre, lequel est souvent confondu avec le féminisme, qu’il veut éliminer en fait car perçu comme réactionnaire. Ce livre remplit donc une belle mission de dévoilement avec des bases solides.

 

Le thème de l’animal est tout aussi effrayant. La vitrine nous présente les « droits de l’animal » et le végétarisme comme produits d’appel, mais il n’est pas vraiment question de cela. Il s’agit, là aussi d’une révolution anthropologique qui distingue initialement entre « l’animal humain » et « l’animal non-humain », mais s’en éloigne ensuite très vite pour abolir la notion même d’espèce, pour accorder les mêmes droits à tous les vivants ; Les textes présentés sont effarants mais surtout ridicules. Cela va de l’apologie de la zoophilie à la révision du droit pour contourner l’absence de consentement de l’animal. On sort très secoué de ces pages, car la raison vacille ; et ce qui est le plus triste c’est que ces lignes émanent de sommités universitaires qui font autorité dans leur microscopique spécialité. La palme de l’énormité revient au professeur Singer et à ses traités d’éthique. Il est patent que l’Université ne sort pas grandie de cette étude, car on découvre – si on ne le savait pas – qu’elle offre asile au sens plein du termes à de véritables fous délirants. Or, encore une fois, les question initiales ne sont pas sans intérêt : réfléchir à la place de l’animal dans nos cultures est utile et doit amener à corriger de grosses erreurs ; mais là n’est plus la question. Les « animalitaires » sont par-delà le bien et le mal, le juste et l’injuste, ils sont emportés par une pensée destructrice dont ils ne sont pas capables de voir que, si elle n’avait jamais été formulée auparavant, c’est parce qu’elle est absurde et non parce qu’ils sont des génies.

 

La dernière partie sur la mort est le couronnement de cette folie. L’auteur présente successivement  les partisans de l’infanticide, l’euthanasie, banale dans ces discours, mais surtout l’évolution de la notion même de mort, avec la « mort cérébrale », concept non médical, qui amène à prélever des organes sur des « morts » qu’on prend la peine d’anesthésier ! La logique du profit, abritée derrière la santé, brise tout même les choses les plus sacrées, car s’il est une chose sacrée pour l’homme, c’est la mort !

 

On sort de ce livre plutôt secoué, mais c’est un trouble très salutaire, car il met au jour ce qui est masqué et nous force à regarder en face des concepts pour lesquels nous avons pu avoir de la sympathie, mais sans savoir vraiment ce qu’ils recouvraient. D’un point de vue philosophique, il y a là des discours de rupture qui ne peuvent relever de la philosophie. Du point de vue éthique, les questions en jeu sont de première grandeur, puisqu’elles remettent en cause les fondements même de l’anthropologie humaine. Du point de vue théologique, c’est un tissu d’assertions aberrantes. Mais à l’issue de cette lecture, le lecteur comprend alors que le projet transhumaniste est le couronnement de tous ces délires : il prévoit en effet de mettre fin ultimement à la notion d’humain, pour faire naître le post-humain. Ce n’est plus de la science-fiction, c’est déjà dans les laboratoires et en test par petits morceaux dans nos vies. Je pense qu’il y a là matière à mobiliser ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, mais qui trouvent que l’humanité de l’homme, avec toutes ses limites et potentialités est une richesse.

 

Un livre à lire et faire lire.

 

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Tout gain est une perte… et toute perte est un gain: ‘Christ est ma vie et la mort m’est un gain » – prédication

Introduction

 

La vie nous habitue très tôt à peser « le pour et le contre », ce que, plus tard nous apprendrons à appeler « avantages/inconvénients » ou « pertes et profits ».

Un jeune enfant sait très vite calculer ce qu’il lui en coûtera de désobéir et de chiper un bonbon ou un gâteau dans l’assiette ou la boîte interdite. Il optera parfois pour ce risque car le bénéfice lui en paraîtra plus grand.

Nous apprenons très tôt à dresser des tableaux comparatifs avec en tête de colonne les signes + ou – . Voyez ainsi les test qui fleurissent dans la presse ou sur internet.

Voici un exemple de ce que nous faisons mentalement chaque fois que nous avons un choix plus ou moins complexe à faire.

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Cela traduit une réalité très simple et pourtant très profonde : RIEN de ce qui touche à notre existence n’est neutre. Tout peut se ramener à un tableau avec des + ou des -. C’est un fait incontestable. Mais dans notre monde hyper-matérialiste et rationaliste, cette logique a été poussée à son extrême et certains économistes ont étudiés les histoires d’amour et les mariages comme de simples faits économiques pouvant être ramenés à des calculs et des équations.

N’allons évidemment pas jusque là mais reconnaissons que toute décision repose sur une analyse comparative. Cette affirmation est importante pour ce qui va suivre.

 

Aujourd’hui, nous allons méditer sur un texte qui est un des versets les plus courts de la Bible. Egalement un des versets les moins difficiles à traduire et sur lequel il n’y a aucune ambigüité théologique ou linguistique, bref un verset très simple. C’est justement cette simplicité qui mérite que l’on s’y arrête.

 

Texte du jour :

 

Philippiens 1 : 21

«  car Christ est ma vie, et la mort m’est un gain. »

ce que l’on peut traduire mot à mot comme le fait à peu près la version NBS :

« pour moi en effet vivre, Christ, et mourir , un gain. »

 

Un contenu simple qui est aussi un étendard des chrétiens, évangéliques en particulier. Il fut une proclamation de foi des martyrs à diverses époques lors des persécutions.

 

Mais ce verset est aussi un des plus difficiles, si ce n’est le plus difficile à proclamer soi-même, car il est un non-sens complet au plan humain. Et pour le prononcer en vérité, il faut en peser chaque mot et être capable de les assumer.

 

Un non-sens humain absolu

 

Mettons ce verset à la portée de chaque individu, dans une expression réaliste et logique au plan de l’homme.

« Pour moi, ma vie, c’est vivre, et la mort est la perte (ou ma fin). »

 

Voilà ce qui est commun à tous les vivants de cette planète. Ceci renvoie à l’expérience vécue, à la connaissance scientifique et à ce que l’on constate.

 

« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » dit le proverbe. Sagesse formulée déjà chez les Grecs ( le poète Criton) ou les Romains (Caton par exemple). Ce que l’on retrouve, sous une forme proche, dans de nombreuses langues et chez divers peuples.

 

Origine

Ce proverbe a une large connotation biblique.

Dans Le Nouveau Testament, Ecclésiaste 9:2, on trouve : « Pour tous ceux qui vivent il y a de l’espérance ; et même un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. »

On l’attribue souvent à une citation du poète grec Théocrite (311 – 260  av. J.-C.), « L’espérance reste aux vivants », qui se trouve dans le dialogue entre Corydon et Battus, Les Bergers, Idylle IV.

Voir une traduction du dialogue 

Le thème de l’espoir lié à la vie revient souvent dans la littérature latine de l’Antiquité, chez Caton (234  – 149  av. J.-C.) : « seul l’espoir suit l’homme jusqu’à la mort », Cicéron (106  – 43  av. J.-C.) : « Pour le malade, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », et bien d’autres.

Sénèque, (philosophe romain vers 4 avant – 65 après J.-C.) rapporte ces paroles : Omnia… homini, dum vivit, speranda sunt, littéralement : « toutes choses peuvent être espérées pour l’homme, tant qu’il vit ».

Ces mots auraient été ceux d’un citoyen de Rhodes en prison, en réponse à quelqu’un qui lui conseillait de refuser la nourriture qu’on lui jetait comme à un chien.

On peut aussi noter que Ægroto dum anima est, spes est, « tant que le malade a un souffle, il y a de l’espoir », se trouve dans les Adages (2, 4, 12) d’Erasme, humaniste néerlandais (1466 ou 69 – 1536).

Proverbes dans le même sens

·                                 L’espoir du pendu, que la corde casse.

Le même proverbe ailleurs

·                                 Tant que je respire, j’espère. (Latin)

·                                 As long as there’s life, there’s hope, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. (Anglais)

·                                 L’espoir c’est ce qui meurt en dernier. (Irlandais)

·                                 Tant qu’un homme n’a pas la tête tranchée, rien n’est complètement perdu pour lui. (Annamite)

·                                 Où est une âme, là est une espérance. (Turc)

 

Ma vie est mon seul bien ; tant qu_’elle existe, quelle que soit la situation, subsiste un espoir de mieux ou, au pire, de continuer à survivre. Ma vie s’arrête brutalement à la mort et, quoi que je fasse, pense ou rêve, la mort est la perte de la vie.

 

Un point de vue théologique différent

 

La mort est actée dès le début de la Bible. Genèse 3 :15 introduit la fin de la vie en lien même avec la fin de l’innocence première d’Eve et d’Adam.

« C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. »

 

La Bible encore acte la fin de la mort en Apocalypse 21 :4

« Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. »

dans une nouvelle création. Entre les deux, pour un temps inconnu des hommes, la mort règne absolument. Elle est la perte de la vie, du souffle premier.

 

Alors, à quoi peut bien rimer cette affirmation de Paul ?

 

« Pour moi, Christ est ma vie et la mort m’est un gain. »

 

Je ne peux vivre que ma vie.

 

C’est ici qu’intervient la rupture de logique, le grain de sable qui bloque tout.

Le Psaume 89, verset 49 énonce une interrogation pleine de bon sens pour un israélite de l’époque du roi David :

 

« Y-a-t-il un homme qui puisse vivre et ne pas voir la mort ? »

 

La réponse est évidente à cette question : non !

 

Et pourtant quelques siècles plus tard, un autre israélite, Pierre, dira en Actes 2 :22 à 24 :

 

« 22  Hommes Israélites, écoutez ces paroles ! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes ;

23  cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies.

24      Dieu l’a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il soit retenu par elle. »

 

Que cela est devenu possible : un homme, Jésus de Nazareth a vaincu les liens de la mort.

Paul, un autre juif, le proclame aux Athéniens en Actes 17 :30-31, avec la réaction hilare ou effrayée que l’on connaît par le texte.

 

« 30  Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu’ils aient à se repentir,

31  parce qu’il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l’homme qu’il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts … 

32 ¶  Lorsqu’ils entendirent parler de résurrection des morts, les uns se moquèrent, et les autres dirent : Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. »

 

Des hommes nombreux affirment que l’homme Jésus de Nazareth était le Messie attendu et qu’il a vaincu la mort. Et ils développent alors par la prédication ce que ce Jésus avait prêché en d’autres termes : le salut accessible à celui qui croit à cette résurrection.

 

Ils rappellent cette parole énigmatique de Jésus :

« Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, jattirerai tous les hommes à moi. »

Jean 12 :32

 

Alors comment peut-on affirmer « Vivre, c’est Christ » ou « Ma vie est en Christ » ? Quel sens cela a-t-il ?

 

Superficiellement, on entend parfois des affirmations de ce type : voyez les fans après les décès de Steve Jobs, le patron d’Apple, ou de Johny Halliday, « C’était ma vie ». Affirmation fausse, inconséquente, hors de sens : c’était important dans ma vie, mais ce ne peut pas être ma vie.

 

Pour pouvoir affirmer « Christ est ma vie », que faut-il donc de plus que pour parler d’Elvis Presley ou Michael Jackson ?

 

Il faut une opération surnaturelle qui bouleverse les fondements de notre existence. Ce que Jésus explique une nuit à Nicodème, un savant religieux venu le consulter en cachette.

 

« 5  Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.

6               Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. »

 

Jean 3 :5-6

 

« Naître d’eau et d’Esprit », vivre une seconde naissance, une nouvelle naissance, ce qui sidère Nicodème : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? »

 

Paul réaffirme l’aspect concret et symbolique en Colossiens 2 :11-13

 

« 11  Et c’est en lui que vous avez été circoncis d’une circoncision que la main n’a pas faite, mais de la circoncision de Christ, qui consiste dans le dépouillement du corps de la chair:

12  ayant été ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui, par la foi en la puissance de Dieu, qui l’a ressuscité des morts.

13 ¶  Vous qui étiez morts par vos offenses et par l’incirconcision de votre chair, il vous a rendus à la vie avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos offenses ; » 

 

C’est le baptême qui est l’acte symbolique de cette bascule surnaturelle. Celui qui prend cet engagement en toute conscience et conviction a été saisi par la foi par le jeu de la grâce divine. C’est alors seulement que nous pouvons commencer à prononcer cette phrase si anti-naturelle.

 

« Christ est ma vie et la mort m’est un gain. »

 

Vivre au quotidien cette affirmation

 

Cela ne nous libère nullement de la mortalité originelle ; nous sommes toujours dans l’ancienne création, la première. Notre vie biologique sera bien perdue quand viendra la mort et nous retournerons plus ou moins vite à la poussière selon les choix funéraires effectués. Et tout vivant, même inconsciemment, redoute ce moment. Il ne sert à rien de nier ce fait ou de fanfaronner face à elle : elle reste « le grand passage » qui hante tous les humains.

 

Mais nous avons la possibilité de vivre en même temps une autre vie, cachée en Christ, selon la belle formule de Paul, et celle-ci, attestée par le Saint-Esprit, puisqu’elle est spirituelle, prendra une autre dimension après la mort physique car elle seule demeurera. Je ne sais pas vraiment laquelle, c’est là un des plus grands mystères de la foi.

 

Conclusion :

 

Pouvons-nous aujourd’hui prononcer en vérité cette phrase ?

 Si oui, travaillons sans relâche à demeurer en Christ, car c’est un travail et un combat de chaque jour. A réaliser par des moyens spirituels : la prière, la méditation, la réflexion…

Si non, tirons-en les conséquences : pourquoi ? Qu’est-ce qui m’empêche de dire cela ?

Ai-je envie de le dire ou est-ce que je tiens ceux qui le disent pour des gens hors de sens, des déments ?

Il y a un chemin vers Jésus et sa résurrection ; il faut le parcourir jusqu’au bout pour pouvoir affirmer sans cesse « Christ est ma vie et la mort m’est un gain ».

 

Jean-Michel Dauriac – Août 2018

 

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La ferme des animaux, de George Orwell, glaçante fable politique

La ferme des animaux

 

George Orwell                    Folio Gallimard

                                            1945 première édition anglaise

                                            1981 traduction française (2017)

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George Orwell a écrit deux fictions dénonçant le totalitarisme de son siècle ; l’une est un ouvrage de science-fiction, « 1984 », et l’autre une fable animalière, « La ferme des animaux », qui est le sujet de cette chronique.

 

On le sait depuis l’Antiquité, rien n’est plus efficace que le conte ou l’historiette pour dénoncer les abus des puissants. Le genre de la fable en est l’illustration la plus populaire et la plus évidente à comprendre. La Fontaine n’a pas écrit des histoires sur le loup, le renard ou la belette. Il n’est pas un auteur animalier ou pour enfants. Il a saisi toute la puissance de ce style et l’impunité relative qu’elle pouvait lui accorder dans sa critique des travers sociaux de son temps. On n’arrêterait pas de citer ce genre d’écrits cryptés que la censure ne peut pas censurer sans se rendre totalement ridicule. J’ai souvenir d’un court métrage roumain sur l’élevage industriel des poulets, apparemment à la gloire du socialisme agricole de Ceaucescu et qui était en réalité un pamphlet impitoyable sur le régime déshumanisant du « Danube de la pensée » roumain. Tout est affaire de degré. De telles œuvres sont redoutables justement parce qu’elles sont compréhensibles simultanément à des niveaux différents par des publics mêlés.

 

« La ferme des animaux » a cette redoutable qualité de toucher tous les âges. On peut la lire avec des enfants, ils y verront un conte plutôt cruels sur la vie des animaux de la ferme.  Il n’auront aucune difficulté à entrer dans cette histoire de révolte des animaux de la Ferme du Manoir, car l’auteur a observé les règles de simplicité du récit ; les animaux et les hommes se comprennent sans difficulté, sans faire intervenir une quelconque fée. Un enfant sera sensible au terme de la souffrance initiale des bêtes et à l’idée de révolte. Il prendra pour héros selon ses goûts, le solide cheval Malabar, le cochon Boule de Neige ou l’âne Benjamin. Il s’émoeuvra des ennuis des bêtes avec leur moulin à vent et sera révolté par la trahison des cochons de Napoléon. Et ce sera formidable ainsi, car c’est une lecture satisfaisante d’un enfant de dix ans.

 

L’adulte qui lira la Ferme des animaux, s’il a trouvé ce livre sans avoir jamais entendu parler de lui, sera surpris de cette histoire qui démarre comme le dessin animé « Chicken », où la volaille d’une ferme se révolte Il faut évidemment dire qu’ils se sont inspirés d’Orwell, dont le livre est édité pour la première fois en 1945. Mais assez vite, il comprendra le double sens politique de la fable. Et il sera pris au piège d’Orwell, qui nous fait adhérer complètement à son propos.

 

Il n’est pas question ici de résumer l’histoire, mais de comprendre ce que l’auteur, en 1945 veut dire aux lecteurs anglais. Il s’agit d’une réflexion sans concession ni aveuglement sur l’utopie révolutionnaire communiste.  On pourrait bien sûr relever les expressions directement empruntées à la rhétorique soviétique. Ce qui est passionnant dans ce court récit, c’est de voir les diverses approches que le lecteur peut en faire.

 

Il y a d’abord le récit dans sa globalité ; Il commence par la révolte utopique et optimiste des animaux et se termine par le retour à une situation de domination et exploitation, mais avec la différence notable que les nouveaux maîtres sont les anciens dirigeants de la révolte, qui finissent par devenir comme leurs voisins jadis honnis. Les cochons, leaders de la révolution animale, à un moment donné se mettent à marcher sur leur pattes arrières, puis à se vêtir des fringues de l’ancien propriétaire. A la fin, dans un épilogue d’une cruauté sans pareille, Orwell achève sur cette phrase :

« Dehors, les yeux des animaux allaient du cochon à l’homme et de l’homme au cochon, et de  nouveau du cochon à l’homme ; mais il était déjà impossible de distinguer l’un de l’autre. » (p.151)

La révolution s’achève dans une retour à l’identique, c’est bien le sens premier du terme « révolution », terme astronomique désignant le tour complet d‘une orbite d’un satellite ou d‘une planète autour de son soleil. Pour l’avoir oublié ou ignoré, des centaines de millions d’hommes ont été leurrés comme les animaux de la ferme du Manoir. Mais avant ce retour, Orwell aura eu le temps de nous faire voir les trahisons aux faits historiques (comment on réécrit l’histoire de la bataille de l’étable et on transforme le rôle de Boule de neige, le vrai héros de la révolte initiale. Boule de neige, c’est l’image de tous les héros de la Révolution de 17 trahis peu à peu par Lénine et Staline). La modification cachée des commandements initiaux de la Révolution animale est une belle trouvaille qui matérialise les trahisons successives des cochons. L’ultime maxime unique qui remplace les autres est magnifique et devenue depuis proverbiale, sans savoir que c’est à Orwell qu’on la doit :

 

« Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que les autres ». (p. 144.)

 

Il nous aura, entre temps, fait vivre l’espoir fou des premiers moments où tout semblait possible et où l’honnêteté régnait vraiment, puis les premiers renoncements au nom du réalisme et de l’adaptation au réel.  Il faut bien comprendre tout ce que cette œuvre a de prophétique pour son époque. En 1945, l’URSS est auréolée de sa victoire sur le nazisme, Staline est déifié et « petit père des peuples », et George Orwell balance son pavé dans la mare de  la ferme européenne. Beaucoup n’ont pas voulu entendre. D’autres n’ont pas pu. Ecouter Orwell était reconnaître que le rêve de révolution socialiste en Russie était une imposture tragique, une bouffonnerie. Evidemment le cochon Napoléon nous rappelle Staline, mais il est le nom de tous les dictateurs ridicules, tels que Chaplin en 1942 les a ridiculisés dans le film « Le dictateur ».

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C’est donc un livre majeur que ce petit opuscule au titre inoffensif. Preuve, s’il en était besoin, de l’immense talent de son auteur, il l’est aussi de sa lucidité. Orwell reste une des grandes consciences de ce XXème siècle si tragique. Et d’autant plus qu’il n’a jamais renoncé à être socialiste, mais pas de celui des dictateurs. Il faut lire, relire Orwell et le faire lire. Si vous avez des enfants, offrez-leur ce petit roman et voyez comment ils réagissent.  Mais faîtes-le surtout lire autour de vous, car ce livre ne parle pas du passé, il nous conte aussi comment l’utopie numérique va finir. A ce titre il reste prophétique.

 

JM Dauriac – Août 2018 

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