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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Voir plus loin que le CPE

Il est entendu que le CPE, comme le CNE ou le CDD senior, est un sale coup pour les pauvres gens et un assassinat programmé du code du travail français. Il est donc souhaitable qu’il soit retiré, ne serait-ce qu’en raison du bonapartisme de son adoption (qui ne diffère pas vraiment de toutes les réformes imposées depuis de longues années, surtout par les gouvernements de droite). L’article 49-3 est une forme de mépris du peuple, qui le rend bien à ses élus, lesquels ne comprennent pas l’abstention ou le vote-sanction reporté sur le candidat fasciste! Quel aveuglement!

Mais il est tout aussi évident que la mobilisation obéit à des motifs très disparates. Du côté des partis de gauche, voici l’occasion rêvée de se poser en défenseur des droits sociaux, après un engagement plus que mesuré lors du conflit des retraites. Là, pas de problème, c’est une idée que les socialistes ou autres n’avaient pas encore eue! Un observateur attentif notera d’ailleurs aussitôt que cette opposition politique n’a aucune idée à opposer au CPE. Le projet présenté par Martine Aubry sous l’acronyme d’EVA ( « Entrée dans la Vie Active » ou un truc comme ça!) est assez pitoyable quant au fond: il s’agit d’une sorte de revenu universel mâtiné de service civique! Original et attirant!(Jacques Attali signe un propos allant dans le même sens pseudo-social et en fait totalement libéralo-capitaliste dans le Monde du 22 mars, sous le titre drôlatique de « CPE: en sortir par le haut ») Les syndicats, devenus les habituels co-gestionnaires du système capitaliste français, voient là une occasion de refaire à bon compte l’unité syndicale, de mettre en évidence leur souci du peuple et de faire oublier leur servilité habituelle. Il sera intéresant de noter que cela ne va pas jusqu’à appeler à la grève générale, seule méthode pour précipiter vraiment l’épreuve de force et faire plier notre premier ministre-hobereau.

Quant aux étudiants et lycéens, cela mérite une analyse spéciale. Côtoyant les uns et les autres depuis bientôt 25 ans, je me crois autorisé à formuler un avis qui vaudra largement celui de nos journalistes-laquais ou de nos sociologues-sondeurs, aussi imaginatifs dans les formulations qu’ils sont stériles dans la pensée.

Le premier point est mon étonnement à chaque fois renouvelé du discours politique tenu au bout de quelques semaines par des gens qui n’y comprennent rien et ne manifestent aucun intérêt pour cela, hormis les quelques jeunes engagés dans un parti ou un groupe militant. (« Le Monde » du 23 mars succombe d’ailleurs à ce piège dans un article délicieux signé Martine Laronche. La pauvre titre son papier: « A la faveur de la mobilisation contre le CPE, les étudiants font leur éducation politique ». Elle présente cinq étudiants, mais pas de chance quatre d’entre eux sont des miltants déjà engagés et la cinquième tient un discours lénifiant d’une apolitique qui se réveille.) Même en croyant aux vertus de l’apprentissage sur le tas, c’est assez miraculeux comme évolution! Le second point, qui découle du premier est que je ne crois absolument pas à la spontanéité initiales de ces mouvements. Il y a au départ impulsion donnée par les relais politisés que sont les syndicats étudiants ou lycéens dont on sait qu’ils sont globalement soumis à deux influences majeures: le parti socialiste et les trotskistes. Que par la suite, le gros des troupes croit avoir décidé seul de se mobiliser, c’est tout à fait certain. Il s’agit d’un cas classique et répété de manipulation et de propagande. Que l’on voit ensuite les leaders politiques ou syndicaux se tenir en fin de cortège pour ne pas « récupérer » le mouvement est très drôle: il n’y a aucun risque de récupération, puisque dès le départ ce mouvement leur est dû! Le troisième point est l’absurdité de la situation en rapport avec le milieu du travail. Un étudiant est, par définition première un « inactif ». Que certains soient contraints de travailler pour financer leurs étude est indéniable. Mais cela ne concerne qu’une partie des effectifs, ceux qui sont issus de milieux où l’on connaît la précarité, la soumission, l’humiliation du prolétaire, des milieux où l’on connaissait aussi autrefois le sens de la lutte et de l’engagement syndical. La majorité des étudiants sont des fils de bourgeois de tout acabit et sont, économiquement parlant, des parasites sociaux qui vivent sur le revenu de leurs parents. Leur rapport à l’argent et à la difficulté de le gagner est totalement irréaliste. Or, voir défiler ces jeunes gens nous expliquant qu’ils seront des victimes du travail, alors qu’ils ne connaissent rien au monde de l’emploi est pour le moins assez cocasse. La pratique réelle des employeurs n’a de toute façon pas besoin du CPE, avec l’intérim, les stages, les CDD et les divers dispositifs d’insertion. Que de très nombreux adultes les rejoignent sur ce discours est proprement stupéfiant. Je ne peux y voir que le culte du « jeunisme » qui n’a pas fini de frapper chez nous! Non, le jeune n’est pas par essence doté de clairvoyance, il n’est pas le détenteur de la pureté et de l’imagination; il est souvent ignorant, inexpérimenté, naïf et influençable. La réalité d’un vrai boulot avec tout ce que cela implique lui échappe totalement, et l’expérience d’un job estival n’est là d’aucune utilité: on sait qu’on arrêtera fin août et que l’on peut partir si c’est trop dur. Le vrai salarié, lui, doit bosser pour survivre et accepter souvent l’inacceptable, car il n’a pas de porte de sortie et pas de parents aux petits oignons derrière. Arrêtons d’idéaliser une jeunesse à laquelle, par ailleurs, nous sommes en train de fabriquer un futur exécrable.

Car le problème réel est bien là. Que le CPE saute ou pas ne changera pas grand chose au fond du probléme. Citation tirée du « Monde » daté du 22 mars, page9:

 » L’assouplissement des règles sur le licenciement, individuel ou collectif, s’inscrit dans une évolution du marché du travail générale à l’Union Européenne. »

Voici un des éléments de réponse. Ce qui se passe en France en ce moment a quelque chose à voir avec l’Europe et sa politique sociale-libérale. Notre combat ne fait que retarder l’échéance, comme notre refus du traité constitutionnel l’an passé. A coups de directives diverses, l’Europe libérale, aux ordres plus ou moins stricts du capitalisme mondialisé, harmonise le droit social en le tirant vers le bas, pour le rendre « compétitif ». Le camarade Attali écrit d’ailleurs dans le même papier:  » De fait, partout dans le monde, la précarité se généralise et la mondialisation aligne vers le bas les conditions de vie des travailleurs. » (comme quoi on peut avoir le diagnostice juste et le traitement faux!) Le coeur du débat est donc au minimum à cet étage-là et plus encore au niveau mondial. Face à une internationale tacite du capital et des firmes transnationales, il n’existe que des intérêts nationaux ou particuliers, sur lesquels les maîtres du jeu surfent allègrement, mettant en concurrence de plus en plus stricte les moins-disants sociaux. A ce jeu-là, la Chine ou la Roumanie sont plus fortes que la France.

Le combat contre le CPE ne sera utile que s’il sert à la prise de conscience de nos fragilités interdépendantes. Eh oui! l’internationalisme des exploités est plus que jamais une necessité puisque l’internationalisme des exploiteurs est bien réel et extrêmement efficace. Il ne s’agit pas de ma part d’une quelconque nostalgie crypto-communiste: j’ai exécré le soviétisme et le maoïsme, car ils étaient attentatoires à la liberté et à la dignité de l’homme, comme leur copie castriste. Mais le capitalisme actuel, déterritorialisé, anonyme et sans pitié, l’est aussi. Il faut donc le combattre. Villepin n’est qu’un laquais dans ce jeu-là, le CPE un amuse-gueule. Espérons que cela sera compris et entendu; sinon une fois le combat terminé, chacun retournera « chez son automobile », comme disait Nougaro, et le show coninuera. Nos petites bourgeois étudiants deviendront des héritiers pour les plus favorisés, les autres des aigris, mais personne ne réfléchira à ce qui fait tourner la planète et au sens à donner à toute notre activité et notre vie.

Ciao bonsoir

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Banania, c’est plus bon!

Bon, ceci est un acte illégal de résistance à la connerie ambiante de la pensée unique!

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Au cas où cela aurait échappé à certains, il y a quelques jours , un tribunal a donné raison à des plaignants émanant de diverses associations anti-racistes en déclarant ce slogan infâmant et en l’interdisant. Moi, qui, durant certains cours, utilisais parfois cette expression, je viens de découvrir avec horreur que j’incitais à la haine raciste depuis des années! D’ailleurs, cette carte postale m’a été envoyée par des étudiants pendant leurs grandes vacances. Ce sont de dangereux racistes, fascistes ordinaires, et je suis prêt, moyennant une petite somme (maintenant la police peut officiellement rémunérer les balances, en leur donnant une fiche de paie pour les impôts! ) à les dénoncer à la justice et à la vindicte des anti-tout qui nous rendent le monde si juste!

Pendant ce temps on se penche sur le dysfonctionnement de la justice à Outreau. Mais il y a heureusement des magistrats qui honorent la France et le droit pénal en traquant la haine sur les boites de chocolat familial. Je leur suggère aussi d’interdire la vente des bandes dessinées de Tintin, d’éplucher les livres pour enfants qui sont truffés d’insultes infâmantes afin de rendre leur dignité à ceux auxquels nous avions fait tant de bien en les colonisant! (c’est de l’humour! NB: ça, c’est pour la police de l’Internet!).

Si on y réfléchit un peu, tout cela est affligeant de superficialité. On donne des cahouètes aux gens que l’on discrimine à longueur d’année dans le métro, au boulot et jusqu’au dodo et, pendant cetemps, notre bonne société avale les CNE, CPE, passeports biométriques et bientôt le signalement judiciaire des enfants de 3 ans. Non, mais des fois, il faudrait pas s’y tromper: Banania doit payer, car Banania a fait tant de tort aux Africains qu’il se pourrait que ce soit cette boisson qui soit responsable du retard de développement, du SIDA, des guerres ethniques, des génocides et des expulsions qui frappent Afrique et Africains!

Bon, Banania, c’est caca (en attendant que les scatologistes fassent un procès). Mais Poulain, c’est sain!

Vive le chocolat libre!

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L’univers concentrationnaire – David Rousset

Ce petit livre fut initialement une série d’articles publiée au milieu de l’année 1945 par Maurice Nadeau et d’autres dans La Revue Internationale qu’ils venaient de créer. Devant le succès rencontré, Maurice Nadeau décidé de l’éditer sous forme de livre. Ce fut le premier témoignage écrit sur les camps nazis. Il est aujourd’hui considéré à juste titre comme un classique sur ce sujet. David Rousset est mort en 1997. Il était philosophe de formation et avait vu le jour dans une famille modeste de confesssion protestante, ce qui a son importance pour ce livre-là. Il fut socialiste puis trotskiste, dénonçant dès le début des années trente à la fois les exactions du nazisme et du stalinisme (ce qu’il faut avoir en tête lorsqu’on lit ce livre et les passages où il rend hommage aux détenus communistes et à leur rectitude, ce qui n’est pas une faveur quand on sait ce séparait communistes et trotskistes à cette époque).

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Son livre est bref (moins de 200 pages) et va à l’essentiel, dans une optique d’urgence: faire saisir ce qu’était un camp de concentration et sa société. Il a conscience de l’incapacité vraie à transmettre l’expérience des camps (il partage ce point de vue avec Primo Levi, qui mettra beaucoup de temps avant d’écrire son témoignage). Ce qui caractérise « L’univers concentrationnaire » est assez bien dit dans le titre. Il nous introduit dans un autre monde. Mais, comme dans tous les grands livres sur ce sujet, il n’y a là aucun jugement moral et pas de sentimentalisme. On est par-dela « le bien et le mal », notions qui n’ont plus cours une fois passée l’enceinte du camp. La seule réalité est la hiérarchie humaine créée par le nazisme. Au sommet les S.S., puis les Allemands, fonctionnaires ou détenus, puis les autres, qui sont tous des sous-hommes, mais avec une subtile hiérarchisation interne. Rousset montre, comme Levi ou Antelme (qui fut un de ses compagnons d’infortune), comment les Seigneurs usaient des leviers psychologiques les plus primaires et comment cela marchait. Il nous présente dans le détail l’organigramme des camps et nous comprenons bien quels sont les lieux stratégiques et ce qui a permis à certains de s’en sortir et pas à d’autres. Au passage David Rousset conte, presque du bout des lèvres, quelques abominations commises par les maîtres nazis, mais on sent une énorme retenue chez lui, sans nul doute par peur de n’être pas cru et aussi par ce sentiment commun à tous, au retour des camps, de l’indicibilité de ce qu’ils avaient affronté. Les titres de chapitre viennent droit de sa culture protestante d’enfance, détournant des expressions bibliques. par exemple: « Dieu a dit qu’il y aurait un soir et un matin », ou « Il existe plusieurs chambres dans la maison du Seigneur »… Cela vient nous rappeler la formidable interrogation que l’exterminantion et les camps adressèrent aux croyants et à laquelle certains répondirent par un déni absolu de Dieu. Le croyant ne peut que se questionner inlassablement à ce sujet.

C’est un livre majeur sur ce thème que nous devons continuer à éclairer afin que la « bête immonde » ne revoit pas le jour. Il rejoint les quelques chefs d’oeuvres incontestés que je rappelle ci-dessous.

L’univers concentrationnaire – David Rousset – Livre de poche, collection  » Pluriel » –
Si c’est un homme – Primo Levi – Presse Pocket

L’espèce humaine – Robert Antelme – Gallimard – Collection « L’imaginaire »

Etre sans destin – Imre Kertéz – 10/18

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