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Ma vérité sur la planète – Claude Allègre – Plon/Fayard : une vérité qui dérange mais par son incongruité

Ma vérité sur la planète

Claude Allègre                                     Plon/Fayard 2007 – Paris – 237 pages

 

 

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Voici donc le dernier ouvrage de notre unique grand savant national, le dernier mammouth du savoir solide. Le titre à lui tout seul est un poème. « Ma vérité » affiche d’emblée une certitude de l’auteur, qui est confirmée par le contenu du premier chapitre, qui je dois le dire m’a estomaqué. Stupidement titré « Terre patrie », il devrait en fait s’appeler « Exercice d’autocélébration ». J’ai déjà derrière moi une longue vie de lecteur, mais je n’ai pas souvenance d’avoir lu un tel chapitre de valorisation personnelle dans aucun des livres lus. La personnalité de son altesse sérénissime Allègre Ier y éclate au grand jour. Voici donc un monsieur qui a vraiment fait tout ce qui est important dans le domaine des sciences de la Terre qui ne pourraient avoir avancé sans son aide. Qui plus est, depuis tout petit, le génialissime Claude aime la nature, la connaît et la comprend. Il adore aussi les cartes et le désert. Ce ne doit pas être le même désert que son ancien collègue Théodore Monod, car le moins que l’on puisse dire est qu’il n’en a pas retiré les mêmes leçons ! On est loin de l’humilité de Monod, qui avance sur la pointe des lèvres ses rencontres ou ses publications (1000 en tout !). Là, faites place, Monseigneur Allègre arrive ! Un chapitre bouffi d’orgueil, qui m’a donné envie de jeter immédiatement le livre, mais, hormis le fait qu’il m’a été prêté, je me dois de poursuivre la lecture pour en connaître le contenu et le discuter. Je ne nie pas que, dans sa spécilaité, Monsieur Allègre soit une « pointure », mais cela nous apporte la preuve que le savoir et l’intelligence sont deux choses dissociables.Après s’être autocélébré dix pages durant, le ci-devant auteur conclut son chapitre par ce petit paragraphe :

« La Terre est ma Patrie. Je me suis battu pour la connaître ; voilà pourquoi je me battrai contre ceux qui voudraient, sous prétexte de la défendre, détruire notre civilisation. » page 20

Le chevalier blanc qui a pour mission de sauver la civilisation, c’est donc lui ! Face à Claude Allègre, seul ou presque, vaillant Bayard du XXIème siècle, se dresse une horde d’écologistes, d’économistes, de dangereux gauchistes, altermondialistes, croyants divers qui veulent détruire l’Homme et sa civilisation ! Rien que ça !

Après ce morceau de bravoure personnelle, notre héros embraye sur un chapitre deux appelé « N’ayons pas la mémoire trop courte » où il entreprend de nous narrer quelques histoires de savants dont il compte tirer des principes moraux qui le confortent. Successivement sont décrites les recherches et les vies de Wegener, Patterson, les forfaits du Club de Rome, la délicieuse histoire du trou dans la couche d’ozone et l’amiante de Jussieu. C’est une litote que de dire que les versions données sont tournées de manière à aboutir à la conclusion recherchée. C’est d’ailleurs une pratique courante, et on ne peut plus surprenante d’Allègre que de conclure après l’introduction, sans avoir rien démontré. Bizarre pour un scientifique de ce niveau. Il en fait une belle démonstration dans le chapitre 3, pages 48-49. De ce chapitre d’histoires choisies (les histoires de l’oncle Claude), il tire la conclusion que la Science est pure et constitue la seule réponse aux problèmes de nos sociétés, face à la puissance d’une économie prête à changer d’avis si elle y trouve son profit. Dans cette optique, la morale, la culture, les mentalités et oserais-je le dire, le bonheur, n’ont pas de rôle à jouer. Le savant détient la clé, il suffit de lui laisser les rênes et si on le fait pas , ce n’est que temps perdu. Passons sur le fait que ses récits sont parfois erronés sur des détails, tout le monde, même Claude Allègre a le droit à l’erreur.

Le chapitre trois permet à nouveau de mieux cerner la personnalité de l’auteur qui, de mon point de vue, comme le dirait un autre grand penseur du siècle passé, Thierry Rolland, ne donne pas envie de « partir en vacances avec lui ».Nous découvrons un Allègre plein d’humour qui titre ce chapitre « Les vacances de Monsieur Hulot ». Il n’a pas pu résister à ce qu’il doit tenir pour un trait d’esprit, mais qui s’avère n’avoir pas de vrai rapport avec le contenu, car de vacances pour Nicolas Hulot, il n’est nulle part question ! Ce chapitre est un démolition systématique de l’animateur-écologiste, de son livre et de son « pacte écologique ».Certains des reproches faits à Hulot sont tout à fait justifiés, notamment sur la faiblesse réelle des propositions et le refus de prendre position en termes politiques. C’est toute la limite de la démarche de Nicolas Hulot ! Mais Allègre en profite pour répéter de manière circulaire que le programme de Hulot ramènerait la France au Moyen Age et créerait des centaines de milliers de chômeurs par an. On y trouve de belles saillies qui en disent long sur l’argumentation, comme celle-ci, page 54 :

« Pour arrêter les émissions de méthane, va-t-on équiper le cul des vaches de filtres absorbants ou va-t-on simplement les éliminer ? »

Ce genre de propos subtil voisine avec des contre-vérités très parisiennes, comme :

« L’agriculture bio de proximité généralisée ne fera qu’accentuer l’exode rural et notre dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur » page 55

Dommage qu’il n’ait pas eu connaissance des conclusions de la Conférence Internationale « Agriculture biologique et sécurité alimentaire » tenue en mai 2006 sous l’égide de la FAO, qui conclue que la conversion totale de l’agriculture mondiale en biologique permettrait d’augmenter les rendements de 56%, nonobstant les arrêts de pollution et les maladies liées à l’empoisonnement lent consécutif à l’agriculture productiviste chimique ! Mais la FAO doit appartenir au complot judéo-maçonnique mondial qui se dresse contre la clairvoyance d’Allègre ! Je vous fais grâce d’autres attaques contre Hulot et les membres de sa fondation, présentés comme de vrais imbéciles ou des ayatollahs, c’est selon ! Je suis d’accord avec Claude Allègre que la démarche d’Hulot a plutôt stérilisé le débat environnemental des dernières présidentielles, car un pacte signé par tous perd toute pertinence, il ramène la discussion à un consensus mou qui ne peut amener des choix discriminants. De même, certaines propositions concernant le passage de la route au rail sont réalistes. Par contre l’intransigeance vis-à-vis de la croissance est grave. Voilà un monsieur qui n’accepte pas de discuter des points nodaux du débat, alors même qu’il écrit ailleurs dans ce livre que le propre de la discussion scientifique est de comparer des arguments et de trancher après sans chercher le consensus. Cela signifie donc que Claude Allègre considère que la croissance et le profit capitaliste ne sont même pas discutables ; intéressant pour un militant du parti socialiste (mais en fait pas du tout surprenant) !

« Car, sans croissance, il n’y a aucune politique de l’emploi ni aucune politique socilae possible, ni même aucune politique qui serait accpetée par les citoyens. » page 51

La pensée unique totalitaire est là, pas dans le fait de proposer un arrêt de croissance. Allègre n’est absolument pas compétent en économie, mais il se permet d’asséner ce propos comme un vérité révélée, reprenant ainsi l’antienne de tous les hommes politiques, tous formatés par les diverses formes de groupes de pression des dirigeants du capitalisme. Et pour détourner le propos, il se permet même d’écrire en concluant le chapitre 3 :

« L’idéal serait-il un régime écolo-totalitaire ? Certes, je ne pense pas que Nicolas Hulot ait en tête l’instauration d’un tel régime, mais je dis que la logique de son programme y conduit. Vladimir Illitch Oulianov ne pensait probablement pas, en 1917, que le régime qu’il instaurait allait devenir un régime de fer, privant les citoyens de liberté. C’est la logique des programmes qui donne ce genre de résultats. » page 56

Bravo, monsieur Allègre, cela s’appelle l’amalgame, c’est un procédé de tyran classique pour anéantir un adversaire en évitant de débattre du fond. Non, Hulot n’est pas Lénine, cette comparaison est scandaleuse de la part de quelqu’un qui se gargarise de la démocratie (mais que les manifestation démocratiques de ses administrés ont fait virer de son ministère, à la suite d’amalgames multiples stigamtisant le milieu enseignant !). La dernière phrase, si je la comprends bien, monsieur Allègre, dit clairement que pour éviter le risque de totalitarisme, il vaut mieux éviter d’avoir un programme. De ce côté-là vous êtes paré, votre seul programme est votre glorification.

« La secte verte », c’est le titre du chapitre suivant. Après s’être acharné sur Nicolas Hulot, notre savant s’en prend à l’ensemble du mouvement écologiste. Il commence par poser le principe d’équivalence entre la religion, qu’il exècre (voir un autre de ses chefs d’œuvre « Dieu et la science ») et l’écologie et ses adeptes. Le moins que l’on puisse dire est que c’est une démarche discutable. Mais il a besoin de cela pour développer ensuite sa vindicte. Il attaque donc le mouvement écologiste sur la supériorité accordée à la nature sur l’homme, reprend son refrain sur le retour à l’âge des cavernes, retape un coup sur la décroissance, ridiculise la position anti-nucléaire en apportant comme argument la seule distinction entre le nucléaire militaire, très dangereux, et le nucléaire civil inoffensif. Argument totalement fallacieux quand on voit les cas coréens et iraniens. Argument qui fait absolument fi des risques d’accident et du probléme de la rémanence des déchets. Il s’en prend ensuite aux OGM et balance là toute son agressivité primitive et finit pas s’en prendre à l’aspect religieux de l’écologie et propose même les futurs Dix Commandements qui seront appris par cœur à l’école dès que la secte verte aura pris le contrôle de l’Education Nationale. C’est un peu long mais je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce morceau de bravoure :

« Les Dix Commandements (selon le pacte de M. Hulot)

La nature tu aimeras, plus que l’Homme assurément,

Nucléaire tu combattras, sans relâche continûment,

OGM tu détruiras, sans coup férir obstinément,

Effet de serre tu abhoreras, sans comprendre évidemment,

Désormais tu mangeras légumes bio uniquement,

Le mouton tu sacrifieras pour les loups et ours sauvagement ;

Economie : tu ignoreras ses contraintes naturellement,

Du bois tu te chaufferas en croyant bien faire tout bonnement,

Progrès technique tu combattras, sans états d’âme et constamment,

la Planète tu vénéreras, sans les Humains évidemment.

A apprendre par cœur, obligatoire au bac ! »

Je crois que cela se passe de commentaires détaillés ; le lecteur remarquera simplement à la fois le mépris pour les écologistes censés ne rien comprendre et la pratique de l’amalgame de la totalité du mouvement écologiste à sa fraction la plus dure, effectivement totalitaires, la Deep Ecology, très bien identifiée mais minoritaire.

Il s’en prend ensuite à ceux qu’ il appellent les gourous de l’écologie. Avec son incomparable humour, il parodie Sergio Leone et les surnomme « Le bon, la brute et le truand ». ils sont donc trois à subir son ire. Le bon, c’est Nicolas Hulot, dont il déjà réglé le cas dans le chapitre précdent. Il va donc s’occuper des deux autres : José Bové et Al Gore. Bové, pour lui, c’est la brute. Le casseur violent, l’abruti anti-OGM. Visiblement, ce puits de culture qu’est Claude Allègre n’a pas lu les livres de José Bové, sinon il saurait qu’il est capable de penser et parfois fort subtilement. Le truand, c’est Al Gore, pour lequel il a le plus profond mépris, qu’il considère comme un nul. Certes sur l’aspect financier de la démarche de Gore, il n’a pas fondamentalement tort : Al Gore a trouvé un créneau porteur, créé des sociétés de conseil environnemental, délivre des conférence facturées au prix fort, consomme de l’énergie à tour de bras et compense carbone des pérégrinations incessantes. Bref, pour lui, comme pour moi, ce n’est pas vraiment le modèle à suivre. Mais au-delà de cet avis, il y a la forme de la mise en cause, tant pour Bové que pour Gore ; On retrouve dans ces lignes la caractéristique principale de Claude Allègre, la rusticité. Que cet homme aussi fruste, rustre et sans courtoisie aucune ait pu atteindre les sphères les plus hautes de l’Etat laisse perplexe, mais en même temps confirme la piètre opinion que l’on a des dirigeants politiques quand on se met à gratter sous le vernis public. Lui n’a même pas le vernis.

« La brute, c’est sans conteste José Bové. Son mode d’expression, c’est d’abord et avant tout la violence. Il a hérité cela de l’activisme qu’il pratique depuis mai 68. [Bové avait 14 ans en 68 !]… Bové c’est le far west écologique….Il doit être en prison et y rester. » pages 65-66

Voilà comme Allègre traite les gens avec qui il n’est pas d’accord ! Sans commentaires !

Ensuite Allègre glose sur l’agressivité des Verts qui seraient des dangereux terroristes menaçant de mort tous les gens en désaccord avec eux, semant la peur partout… Et évidemment la victime innocente est ce malheureux Claude Allègre, persécuté depuis sa chronique de l’Express où il remettait en cause la part anthropique du réchauffement climatique. Il s’autorise ensuite à faire une petit histoire de l’écologie où il n’y a que deux camps, ses amis, comme Edgar Morin ou George Charpak, et les autres, tous des intégristes ! Ces pages sont malhonnêtes et nauséabondes, encore plus que ce qui précède, ce qui n’est pas peu dire. Enfin nous arrivons à la partie élégamment titrée : « Principe de précaution : piège à cons ». Ca a au moins le mérite d’être clair et révélateur, encore une fois, de la finesse argumentative du personnage. Pour lui, il ne sert à rien de se méfier, la science ne peut errer, il n’est visiblement pas assez intelligent pour associer en même temps deux idées, comme la science et le capitalisme et voir que c’est l’alliance des deux, couplée à l’impuissance politique assumée qui rendent le principe de précaution nécessaire ; Il n’est pas assez cultivé non plus pour savoir que la réflexion sur le principe de précaution émane de deux penseurs français d’un autre calibre que lui, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, et ce dès les années cinquante. Pour lui, il est né en Allemagne en 1976 ! Bref, il fait preuve dans cette partie d’une stupidité éclatante mais pas innocente, car elle établit clairement qu’il est en fait tout à fait réactionnaire, libéral et donc un pur produit de la droite classique, ce qui rend tout à fait légitime ses contacts récents avec Nicolas Sarkozy. Enfin, ce merveilleux chapitre se clôt sur des considérations sur l’inutilité des élus et hommes politiques écolos, surtout en France. Bref, si Allègre souhaite se faire des amis, il n’a pas vraiment la manière. Un chapitre-poubelle qui devrait être distribué aux lycéens et étudiants en début de cours de biologie ! Au total quatre-vingt pages ahurissantes de vanité grenouillesque et de haine primaire, le tout écrit sans aucune grâce, car entre autres défauts, Claude Allègre n’a aucun talent d’écriture, il se contente d’aligner les phrases, les jeux de mots grotesques et les insultes basiques. Et ça se vend, grâce à la complicité du système médiatique pour lequel Allègre est un bon « client », car capable de dire quasiment n’importe quoi à n’importe qui en direct ! Après ces quatre-vingts pages minables, il attaque enfin le contenu réel du livre.

Le chapitre 4 aborde donc enfin un thème précis, il s’agit du réchauffement climatique. C’est un chapitre assez volumineux de 40 pages qui présente nettement deux parties. La première est à la fois une charge contre ceux qui croient au « Global Warming » et les médias qui diffusent cette croyance. Allègre y fait l’éloge du doute scientifique. Certes, on retrouve la propension du savantissime à mépriser les autres, mais ce qu’il écrit sur le doute et les méthodes de calcul des faits climatiques est intéressant. Il cite évidemment en priorité ceux qui remettent en cause le phénomène anthropique, mais son propos est ici plus nuancé que dans certains entretiens qu’il a pu donner récemment. Il n’évite pas les approximations et les bourdes, ou bien tranche des questions en débat depuis des années, comme lorsqu’il affirme :

« Songez qu’il y a 65 millions d’années, une énorme éruption volcanique en Inde fut le principal responsable d’une extinction énorme des espèces, dont les fameux dinosaures. » page 107

Ceci est la position de Claude Allègre, absolument pas un fait établi scientifiquement. Il n’existe en la matière que des hypothèses. Dans cette première partie, il critique le GIEC, groupe de travail international sur l’étude du climat, à l’initiative de l’ONU. Seuls ceux qui en ont démissionné ont eu raison. La charge est lourde, mais elle n’est pas fausse, surtout quand on se souvient des tractations récentes pour arriver à publier une synthèse pour les décideurs qui soit acceptée par les grands pays ! La critique de Kyoto est tout à fait valide sur le fond, mais la forme est toujours aussi peu raffinée. Dans la seconde partie de ce chapitre, il évoque à la fois les faits incontestables et les remèdes possibles. Sur les faits, il est assez précis et exact, hormis le long débat qu’il a mené sur le C02 dont il conteste la montée anthropique (ce qui est une absurdité au moins partielle, quand on connaît les chiffres produits annuellement par notre mode de vie occidental). Sur les solutions proposées, je suis assez en accord avec lui lorsqu’il dit que la meilleure stratégie est de s’adapter aux changements en cours. Il écarte ainsi les hypothèses farfelues de certains savants. Il a même cette phrase assez étonnante :

« Ces propositions sont à classer avec celle de l’homme démiurge. L’homme est assezpuissant pour menacer les équilibres naturels, donc l’homme est assez puissant pour les contrôler ! L’homme est un dieu. » page 126

Les propositions évoquées sont celles qui consisteraient à envoyer des composés souffrés dans la stratosphères, à répandre du fer dans les océans, à mettre des pompes sur le trajet du Gulf Stream… Je suis heureux qu’il n’adhère pas à ces projets complètements fous. Les solutions qu’il propose dans les pages de fin du chapitre sont censées et se retrouvent dans de très nombreuses démarches écologiques. La seule exception notable est ce culte de la croissance qu’il ne peut visiblement pas remettre en cause. Il répète encore plusieurs fois qu’il est hors de question de changer le mode de vie des Français et d’empêcher les pays émergents d’y accéder, alors que tous les calculs d’empreinte écologqiue démontrent le contraire, mais sans doute ne croit-il pas non plus à l’empreinte écologique ? Dans le bilan que l’on peut tirer de ce chapitre il faut dire que le contenu infiormatif est assez correct, que la discussion sur le doute est salubre et que les propositions sont à considérer. Au total, ce chapitre n’est pas du tout iconoclaste, sauf sur la question du lien CO2/élévation de température, qui est effectivement discutable. Et pourtant il essaie à tout prix, par un style agressif parfois de mettre en avant sa perspicacité et son originalité. Dans ce cas précis c’est raté.

Nous trouvons ensuite un chapitre titré « L’énergie: quelles mutations? Quelles échéances? ». Dans ce développement, Claude Allègre énumère les réserves supposées en pétrole, gaz, charcon, uranium et analyse à peu près correctement l’avenir proche. Il est d’accord pour dire que le pétrole commencera à faire défaut vers 2070, que le charbon est garanti plus longtemps mais pose un problème de CO². Les énergies renouvelables ne l’emballent pas, sauf la géothermie(réflexe de géologue) et le solaire. Il ne compte pas sur elles pour prendre le relais.Il appuie son argumentation personnelle sur trois points: la séquestration du CO², les voitures hybrides et le nucléaire. Sur le premier point, il est plus solide que sur les autres car il est réellement compétent dans l’étude des lieux où séquestrer le CO² sous terre. Il soutient l’enfouissement souterrain de CO² combiné avec des solutions salines pour fabriquer ainsi du calcaire. Ce n’est pas une mauvaise solution, même si elle ne saurait être exclusive du mainitient d’un boisement important et d’un océan propre et actif. Sur la consommation d’énergie en automobile, sa seule réponse est la voiture hybride, car il pense que la voiture à hydrogène est pour dans pas mal de temps. Le développement des transports en commun n’est guère évoqué car une des obsessions du bon Professeur Allègre est de ne pas toucher au niveau de vie des Français qui doit toujours progresser (donc la croissance est obligatoire). La voiture hybride est donc la panacée. C’est quand même un argument un peu court face à l’importance de la crise énergétique en vue. De plus, il n’est jamais fait une seule allusion aux générations futures dont il semble se battre l’oeil éperdument. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’encombre pas de soucis moraux! C’est d’ailleurs ce qui fait de lui un fan du nucléaire; il propose même que l’on motorise les super-tanker au nucléaire. Il évacue d’une périphrase les risques d’accident qui ne sont jamais sérieusement évoqués, pour lui Tchernobyl n’existe pas! Quand au délicat problème des déchets à longue durée de radiation, on les enterre, mais mieux encore, grâce aux surgénérateurs il n’y en a plus: tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes d’Areva. Ce chapitre surprend par la faiblesse de son analyse de fond et son absence de considérations éthiques.

Le suivant, sobrement titré « Organismes génétiquement modifiés », est du même tonneau. Allègre nous a déjà dit très crûment ce qu’il pensait du principe de précaution, il ne sera donc jamais évoqué ici. Les OGM sont posés comme absolument non problématiques, alors que de très nombreux autres savants, dont Jean-Marie Pelt, qui n’est pas un âne, sont très prudents et ont des arguments réels pour cela. Pour Allègre, l’OGM est quasiment miraculeux. Son texte mène deux tâches de front: ridiculiser les faucheurs et les opposants d’une part, et de l’autre faire l’apologie du futur estampillé OGM.Il présente donc l’ensemble de l’argumentaire des industriels du secteur, à tel point que l’on peut s’interroger sur d’éventuels liens financiers entre eux et lui, tant la flagornerie est forte. Ce chapitre est sans nul doute celui qui montre le mieux le caractère scientiste borné de notre savant. Le doute dont il fait un argument pour son livre ne l’effleure pas une seule fois. Il n’a visiblement pas eu connaissance des cas de barrière des espèces qui ont été franchies, de modifications perverses. Il croit dur comme fer que la famine sera éradiquée par les OGM (cela a-t-il été le cas lors de la Révolution Verte?), que les savants cherchent avant tout à guérir les maladies orphelines par la génétique. Il n’ccepte donc aucun compromis en la matière. Son argument le plus fort est que la France ne doit pas être distancée dans la course à l’innovation et à la production agricole. Qu’il y ait des risques absolument non soupçonnables et soupçonnés ne le concerne pas. Il écarte d’un revers de main l’argument de « Terminator » qui oblige les paysans à racheter chaque année leurs semences, en niant le fait que cela soit très grave pour des millions de paysans pauvres. Il prétend que toute l’histoire de l’agriculture est OGM, mettant sur le même plan les croisements-sélections des paysans depuis le néolithique et les manipulations génétiques de laboratoire des dernières décennies. Voici un vrai mensonge proféré sans vergogne. Dans ce chapitre-là aussi, l’argumentation relève plus de l’incantation que de la démonstration et néglige tous les points qui fâchent.

Le chapitre suivant, « L’eau et la Terre » est de loin un des meilleurs, avec celui qui le suit, « Biosphère, biodiversité ». là, notre grand homme ne peut nier les évidences. Il donne donc, assez sobrement des informations connues qu’il n’altère pas et propose des solutions non-originales qui font largement consensus dans le milieu écologique. Ce n’est pas du vrai Allègre comme on l’aime!

Il écrit ensuite un chapitre sur l’ « Ecologie des villes », qui reprend un livre de lui paru en 1993. Ce chapitre est à vrai dire assez insignifiant. Il reprend des thématiques ultra-connues, commes les diverses pollutions urbaines de l’air, de l’eau, des sols et sous-sols, ainsi que le problème des déchets urbains. Cela ressemble à un assez laborieux devoir imposé. Il n’y a, là aussi, pas l’ombre d’une réflexion de fond sur la ville et l’urbanité comme signifiant. Visiblement cela dépasse ses capacités spéculatives et ne l’intéresse nullement. Il y a pourtant une vraie réflexion à mener sur ce qui est en passe de devenir le modèle dominant mondial..

Mais le meilleur est pour la fin, avec le chapitre « L’économie écologique ». En soi, Claude Allègre n’innove nullement, je dirais même qu’il est un peu ringard par rapport à ses grands amis américains qui ont pris en 2006 le grand virage vert de leur industrie et adopté comme slogan explicite « Green is gold » (ce qui est vert est de l’or!). Il veut démontrer que la croissance à venir va se faire sur le besoin écologique et que la solution à tous les problèmes évoqués précédemment est simplement technologique. Pour ce faire, il se lance dans un exercice qu’il ne maîtrise absolument pas, celui d’unedémonstration à partir d’auteurs de la discipline. Là on est carrément dans le ridicule lorsqu’il essaie d’utiliser Léontief pour étayer sa démarche. Visiblement il n’a lu que Daniel Cohen (ce qui est une excellente référence), mais seulement son dernier livre, ce qui est bien dommage! Le chapitre se termine par une liste des secteurs industriels qui vont se développer sur les bases de l’écologie allégrienne. C’est un simple résumé des quelques propositions qui ont été faites au cours des chapitres précédents. Rien d’original, juste les obsessions du monsieur, déjà citées. Il termine par des conseils politiques au plus haut niveau, lui qui s’est avéré être un fin tacticien quand il fut ministre!

Faisons le bilan de ce livre que je vous déconseille d’acheter, car il vaut mieux protéger la forêt que d’enrichir Claude Allègre (il n’a même pas fait imprimer son livre sur du papier recyclé, le bougre!). Un livre dont le premier tiers est un vil règlement de compte avec tous ceux qu’il méprise, et ça fait du monde. Des pages-torchons. Ensuite 150 pages sur des thèmes où il se borne à reprendre des faits extrêment bien connus, à procéder parfois à des approximations, à promouvoir des positions sans démonstration. Bref, un livre vraiment pas rigoureux, surprenant pour un aussi grand savant. Il y a vraiment de nombreux livres que je vous conseille de lire à la place de celui-ci si vous êtes concernés par l’avenir de notre espèce et de notre planète.

Jean-Michel Dauriac – juillet 2007

Published in les critiques les livres: essais

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