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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Le paraclet, cadeau de Dieu à ses enfants -ses qualités et ses missions

 

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Le culte qui nous rassemble ce matin est tout entier tourné vers le sacrifice de Jésus et la Grâce, sans lesquels nous ne pourrions avoir accès à Dieu le père, qui est, par nature le Tout-Autre, l’inconnaissable. Ce sacrifice permet la réconciliation des hommes avec Dieu et la mise en œuvre des promesses que Jésus nous a faites, dont celle de ne pas nous laisser orphelins sur cette terre.

 

Partie 1

 

. Nous allons revenir sur les propres paroles de Jésus dans l’Evangile de Jean, aux chapitres 14,15 & 16, où il dévoile à la fois son destin et les promesses à ceux qui croiront en lui.

 

Lisons quelques paroles du Christ à ses disciples :

 

Jean 14 : 16-17

 

« 16  Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous,

17  l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous. « 

 

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Ce premier texte nous montre le lien étroit entre les trois composantes de la Trinité. Jésus est celui qui demande au Père de nous envoyer l’Esprit.

Le mot  traduit par consolateur ou défenseur  est « parakletos » en grec, que l’on a d’ailleurs traduit parfois par le mot « Paraclet » en Français. Le sens premier de terme grec est :  celui qui défend, qui console ou qui intercède. Il avait aussi le sens concret d ‘avocat. La promesse de Jésus est donc d’envoyer un « autre » consolateur, pour le remplacer Lui. Jésus ne veut pas laisser ses disciples seuls. Le paraclet est appelé à demeurer pour toujours près des humains, il est un cadeau permanent.

Dans le second verset nous avons deux autres informations capitale : ce paraclet, ou Esprit-Saint est  « L’Esprit de la vérité ». Ici, le mot traduit par esprit est « pneuma » qui est le souffle divin, l’équivalent de ce qui se manifeste au début de la Genèse (Ruah en hébreu). Il y a donc une notion capitale dans cette aide, c’est de nous éloigner du mensonge et de la tromperie ; le paraclet est lui-même porteur du vrai. Car il est animé du souffle créateur de Dieu lui-même.

Cet esprit ne peut être reçu n’importe comment et par n’importe qui. Les non-croyants ne le voient pas (car il est invisible à l’œil humain évidemment), il n’est pas concret, palpable, immatériel, il heurte donc un monde matérialiste qui dénie souvent l’existence du spirituel. Les non-croyants ne le connaissent pas, ils n’ont pas de relation intime possible avec lui, il leur est étranger.

Il y a donc une condition préalable à sa réception, c’est de croire en Jésus. C’est la clé qui permet alors de recevoir à demeure ce paraclet pour toujours et en nous. Cette dernière qualité est extrêmement importante. Elle signifie que l’Esprit réside dans notre propre vie ; Nous somme theophoros « porteurs de Dieu » par le Saint-Esprit qui demeure en nous. Quelle bénédiction, mais aussi quelle responsabilité.

 

Partie 2

 

Jean 14, Verset 26 :

 

Mais le consolateur, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.

 

 

Ce verset nous dévoile un nouvel aspect du paraclet : il « nous enseignera » toutes choses et « nous rappellera » celles qui ont été dites . Le paraclet a donc une double mission en nous : celle de nous enseigner tout ce qui concerne les choses de l’esprit et d’entretenir en nous la mémoire de l’Evangile. Le paraclet est un pédagogue spirituel qui sait former chacun de nous à son niveau.

 

Jean 15 : 26-27

  Quand sera venu le consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi;

27  et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement.

 

 

Ici encore, nous avons à la fois la réaffirmation de l’esprit de la vérité et une nouvelle mission du paraclet pour nous ; Il « rendra témoignage de moi » & « vous rendrez témoignage ». Les deux choses sont étroitement liées. Parce que le paraclet porte en nos vies et nos esprits la preuve vivante de l’existence de Dieu et de Jésus, il nous rend capable à notre tour de porter un témoignage fécond. Souvenons-nous de ce verset bien connu «  Car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle » Matthieu 12 :34 . C’est parce que nous sommes remplis de la certitude de l’esprit que nous pouvons rendre un témoignage vivant.

 

Partie 3

 

Nous arrivons au chapitre 16 de Jean qui synthétise tout ce qui a été dit précédemment.

 

Jean 16 :7-11

 

  Cependant je vous dis la vérité: il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai.

8  Et quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement:

9  en ce qui concerne le péché, parce qu’ils ne croient pas en moi;

10  la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus;

11  le jugement, parce que le prince de ce monde est jugé.

 

 

 

Ici Jésus lie clairement sa mort et le don du paraclet. On peut imaginer la stupeur des disciples à ces paroles, surtout quand Jésus affirme que c’est « avantageux » pour eux. Cela fait partie de ces paroles « scandaleuses  de Jésus qui ne peuvent se comprendre que par l’Esprit. Seule la mort de Jésus a rendu possible la venue du Saint-Esprit sur terre. Jésus s’est incarné pour un temps, puis il est mort et ressuscité, le paraclet nous est donné pour toujours, alors que Christ est pour toujours aussi notre intercesseur invisible auprès du Père. On retrouve d’ailleurs pour désigner Jésus dans le I Jean 2 : 1 le mot « Parakletos »

« Mais si quelqu’un vient à pêcher, nous avons un défenseur (parakleton) auprès du Père, Jésus-Christ, qui est juste ».

Nous avons donc deux défenseurs, un sur terre et en nous le paraclet-Esprit-Saint et un autre près de Dieu, Jésus-Christ.

Et ceci nous ramène à un autre attribut de l’Esprit rencontré dans les deux versets que nous venons de lire : Il doit convaincre le monde de trois choses : de péché par l’ignorance de Jésus, de Justice, car Jésus est le seul juste qui peut intercéder pour nous, ce qui renvoie au verset de l’épitre de Jean ; de jugement, car l’Esprit sépare le bien du mal par la vérité qui l’habite. Le paraclet est une force de conviction pour la conviction de péché et la repentance des hommes éloignés de Dieu. Nous n’avons pas par nous-mêmes cette force de conviction, mais par l’Esprit qui habite en nous nous pouvons la manifester. Mais sachons toujours garder notre humilité.

Partie 4

 

Jean 16 :13-14

 

13 Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir.

14  Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera.

 

Enfin, Jésus explicite un peu ce que peut signifier pour nous « Esprit de vérité ». Il est destiné à nous « conduire dans la vérité ». Le vrai est ce qui est bien aux yeux de Dieu. Marcher dans la vérité et la dire, c’est faire le bien. C’est porter la parole qui nous vient du pneuma, simplement être intermédiaire entre l’esprit-Dieu et les hommes. Ce qui implique une disponibilité et une marche personnelle dans le bien que l’on appelle la sanctification en terme dogmatique, que les philosophes grecs appelaient par exemple, l’ascèse.

Au final, le Saint-Esprit est au service de la glorification de Jésus, dont le sacrifice et l’œuvre incarnée prennent tout leur signification par l’enseignement perpétuel de l’Esprit.
Le Saint-Esprit va se manifester sous des formes particulières à chacun de nous et pour le bien de l’Eglise, par les dons spirituels. Ce doit être l’aspiration permanente de nos vies, comme le dit Paul aux Corinthiens, en 1 Corinthiens 12 :31.

« Aspirez aux dons les meilleurs. »

 

 

 

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L’amour, pilier de la foi chrétienne

 

Introduction

 

La chanteuse Natasha St Pier vient de sortir un album sur les textes écrits par Sainte Thérèse de Lisieux, appelé « Vivre d’amour ». Etrange objet dans un monde comme le nôtre !

 

Mais que de malentendus autour de ce mot !

 

Le mot amour (ou son équivalent mondial love) est mis à toutes les sauces, pour tous les sujets.

L’amour-sentiment est dévalué par sa banalisation, notamment sur les nouveaux médias ; or l’amour est un sentiment fort, voire extrême.

L’amour physique, l’acte d’amour, est humilié par la pornographie omniprésente, première source de gain sur Internet.

L’amour filial et maternel est souvent caricaturé, ridiculisé : la fête des mères aura-t-elle encore un sens, avec la nouvelle loi dite du MPT ? Qu’y-a-t-il de plus fort que l’amour d’une mère pour son enfant et réciproquement ? Où allons-nous avec ces nouvelles règles de l’adoption et du mariage ?

Nous vivons dans un monde qui ignore le vrai sens de l’amour et qui est souvent, très souvent, sans amour du tout.

La foi chrétienne est toute entière fondée sur l’amour.

 

Au commencement du monde, il y a un acte de création qui est amour et confiance.

 

Genèse 1 :31 :  Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici: c’était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un sixième jour. 

 

Dieu est satisfait et confiant dans son œuvre. Il a foi dans sa création. Mais celle-ci chute à travers la créature la plus proche de Dieu. Et Dieu réalise un second acte d’amour : il envoie son fils unique.

 

Jean 3 : 16 : Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle.

 

Son sacrifice est la pus grande preuve d’amour possible :

 

Jean 15 :13 : Il n’y a pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 

 

La NS dit « se défait de sa vie pour ses amis ».

 

Nous avons choisi de servir un Dieu et un Christ qui nous donnent l’exemple de l’amour sublime. Qu’en est-il pour nous ?

Le texte le plus complet et le plus profond sur ce sujet se trouve dans le chapitre 13 de la première épitre aux Corinthiens/. Les théologiens l’ont appelé « L’hymne à l’amour », bien avant Edith Piaf et sa chanson.

 

Avant de le lire, rappelons qu’en Grec il existe deux mots distincts pour l’amour :

 

Agapé qui désigne un amour attentionné, un fort intérêt, quelque chose de profond et de multidimensionnel. C’est le mot biblique des Evangiles et des Epitres.

 

Eros qui est l’amour-passion entre deux êtres, beaucoup plus charnel et moins profond que l’agapé.

 

Lisons ce chapitre 13 en le divisant en sections thématiques :

 

Versets 1 à 3 : l’agapé et mes œuvres personnelles

 

1 Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis du bronze qui résonne ou une cymbale qui retentit. 

2  Et quand j’aurais (le don) de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. 

3                    Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture (des pauvres),  quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour,  cela ne me sert de rien.

 

Je ne puis rien faire qui se substitue à l’amour et qui puisse agir comme lui. Tout ce qui est fait sans cet agapé est creux comme une cymbale qui sonne. Tout le religieux sans amour est de même nature, de même que tout l’humanitaire ou les bonnes œuvres. La clé qui valide tout cela est cet amour spirituel.

 

Versets 4 à 7 : Les qualités propres à l’agapé :

 

4  L’amour est patient, l’amour est serviable, il n’est pas envieux; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, 

5  il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne médite pas le mal, 

6  il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité; 

7  il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. 

 

Cet amour est ici personnifié, on dirait anthropomorphisé, c’est-à-dire traité comme un humain. Le procédé est donc clair ; il s’agit de nous montrer quelle est la conduite de celui qui est habité par cet agapé. C’est l’esprit de ce que Notre Seigneur décrit dans Matthieu 5, au début du Sermon sur la Montagne. Les Béatitudes sont une autre forme de présentation de l’Agapé. Vaste programme !

 

Versets 8 à 12 : L’agapé, seule œuvre vraiment accomplie

 

8  L’amour ne succombe jamais. Que ce soient les prophéties, elles seront abolies; les langues, elles cesseront; la connaissance, elle sera abolie. 

9  Car c’est partiellement que nous connaissons; c’est partiellement que nous prophétisons; 

10  mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel sera aboli. 

11  Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j’ai aboli ce qui était de l’enfant. 

12                Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière confuse, mais alors, nous verrons face à face; aujourd’hui je connais partiellement,  mais alors, je connaîtrai comme j’ai été connu. 

 

Seul l’agapé est à notre portée dans sa plénitude. Tout le reste est partiel et éphémère. Or, nous nous attachons souvent plus à cet éphémère qu’au fondement révélé complet de l’agapé. L’amour seul peut nous introduire dans l’au-delà du miroir dont parle Paul.

 

Verset 13 : Une hiérarchie spirituelle où triomphe l’agapé

 

13                Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l’espérance, l’amour;  mais la plus grande, c’est l’amour. 

 

Les trois piliers de notre vie spirituelle sont là ; et il est formidable de voir que le premier est l’amour, celui qui est accessible à tous par le travail spirituel, celui qui porte les fruits les plus visibles et les plus doux pour nos prochains.

 

Cet hymne extrêmement riche mérite d’être lu et relu régulièrement sans le routiniser. Pourquoi pas l’apprendre par cœur et se le réciter, comme les Béatitudes, le Notre Père ou le psaume 23 ?

 

Thème 2 : Comment accéder à cet amour ?

 

Galates 5 : 19 à 24 

19  Or, les oeuvres de la chair sont évidentes, c’est-à-dire inconduite,  impureté, débauche, 

20  idolâtrie, magie, hostilités, discorde, jalousie, fureurs, rivalités,  divisions, partis-pris, 

21  envie, ivrognerie, orgies, et choses semblables. Je vous préviens comme je l’ai déjà fait: ceux qui se livrent à de telles pratiques n’hériteront pas du royaume de Dieu. 

22  Mais le fruit de l’Esprit est: amour, joie, paix, patience, bonté,  bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi; 

23  la loi n’est pas contre de telles choses. 

24                Ceux qui sont au Christ-Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. 

 

L’amour est le premier fruit de l’Esprit. Il faut donc rechercher la plénitude de l’Esprit pour en manifester les fruits.

 

Ephésiens 3 : 14 à 19

 

14 C’est pourquoi, je fléchis les genoux devant le Père, 

15  de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom, 

16  afin qu’il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans l’homme intérieur; 

17  que le Christ habite dans vos coeurs par la foi et que vous soyez enracinés et fondés dans l’amour, 

18  pour être capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, 

19                et de connaître l’amour du Christ qui surpasse (toute) connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu. 

 

C’est par la connaissance de Jésus que nous pouvons accéder à son amour.

 

Pour aimer de cet agapé, il faut donc cultiver l’Esprit saint et toujours mieux connaître Jésus. Cela passe par deux moyens parallèles et complémentaires :

 

La vie chrétienne personnelle, fondée sur un travail régulier dont les outils sont la prière, la lecture de la Parole de Dieu et uen pensée renouvelée permanente (Romains 12 :1-2)

 

La vie chrétienne communautaire dans l’église locale et le sentiment d’appartenir à l’Ecclesia unique et universelle dont la tête est Jésus-Christ.

 

Si nous avons ces deux piliers, nous sommes sur le chemin de l’amour.

 

 

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Le non-lieu géographique (A propos des gares du TGV Est)

Le non-lieu géographique

 

le TGV fait un bref arrêt dans une gare nouvelle de la ligne Est, la plus récente à l’heure où j’écris. “Lorraine TGV” est son nom.

 

La vision et l’usage de cet endroit me suggèrent quelques réflexions de géographe et de citoyen français

 

En premier lieu, on ne dessert plus une ville mais une région. Nous trouvons là une des conséquences de l’obsession de la vitesse et des contraintes chrono-techniques du train rapide. Les voies doivent aller le plus rectilignement possible afin de permettre ces vitesses de 330 km par heure et bientôt plus. En conséquence, l’essence du tracé est la vitesse, la platitude et l’espace disponible. Cela est grandement lié à l’espace rural. A ce stade-là, la ville est contraignante, mal pratique. Elle doit donc systématiquement être évitée sur les nouvelles lignes, sauf quand elle est un terminus. De là découlent les deux créations de la ligne est, “Lorraine TGV” et “Champagne-Ardennes TGV”. Les usagers et les collectivités doivent se débrouiller à rejoindre et raccorder le lieu de passage dicté par la contrainte chrono-technique. Apparaît donc ici clairement un clivage net entre la Grande Vitesse et le reste du transport ferroviaire. Les trains ordinaires vont d’une ville à l’autre, s’arrêtent dans des gares urbaines qui portent des noms de quartiers (Saint Jean, Matabiau, Montparnasse…) . Les TGV sont des concepts de transport, avec ce que les aménageurs appellent “l’effet tunnel”, déjà expérimenté avec la présence d’autoroutes sans échangeurs. La cicatrice du paysage ne lui rend rien au plan humain. Les sociétés locales vient passer à toute allure TGV et voitures. Rien ne me frappe plus que ces badauds des ponts enjambant les autoroutes qui regardent filer un fleuve métallique qui leur est inutile et étranger. Mais l’obsession de la chronophagie est satisfaite. Bordeaux-Paris en 2 h 30 minutes ou Strasbourg-Paris en 2 heures! Voici les slogans des camelots de la politique, de l’immobilier ou de la culture. Pendant ce temps de plus en plus compressé, les voies de desserte  ferroviaires locales ou régionales sont fermées ou s’enfoncent dans l’archaïsme  technique, la vétusté et le retard (discutez-donc avec les usagers réguliers des T.E.R.!)Mais le TGV se vend (plus ou moins bien!) à l’export, pas le TER! Cette situation découle donc d’un faisceau de logiques où l’homme est assez singulièrement absent. Et peu à peu toute la vie de nos “élites” s’organise sur ce schéma spatio-temporel. TGV le matin – réunion de travail à Paris- TGV soir. Et le lendemain Avion- séminaire à Prague – Avion. Kérosène et bla-bla. Illusion d’efficacité. Coupure et mépris du petit peuple rivé à sa misérable bagnole, mobylette ou rame de métro. Nous  voyons bien ici l’inversion du processus structurant: au commencement (béréchit…) l’homme créa les transports pour le servir et faciliter sa vie moderne. Puis, peu à peu d’abord, et très brutalement ensuite, le système de transport a créé le travail qui lui convenait et l’homo navigans qui va avec. On peut dire la même chose des télé-conférences et de l’ordinateur. Bilan: des gares nulle part.

 

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Et j’en viens au second point de mon propos. Ces gares sont des non-lieux. Il faut alors faire resurgir la langue-mère, le grec et on obtient u topos, avec le u privatif et le mot grec qui désigne le lieu. Cela vous dit quelque chose? Bien sûr! C’est l’origine du mot fabriqué par Thomas More dans son livre “Utopia”, qui décrit la vie idéale dans une île qui n’existe pas, d’où son nom. Ce titre a eu une grand fortune (plus que son auteur exécuté quelques années plus tard pour des raisons peu claires) et a fini par devenir le nom commun qui désigne à la fois l’idéal, l’irréel et l’irréalisable. Le XXème siècle aura été celui de la mise en oeuvre d’utopies totalitaires et diverses, nazisme, communisme, maoïsme…Il sera de bon ton après 1989 et la chute du bloc soviétique de décréter l’utopie mortifère et forcément totalitaire, en même temps que sa fin, pour notre plus grand bonheur. Mais qu’est-ce que ce non-lieu qui s’appelle “Lorraine -TGV”, sinon une utopie? Débarrassée cette fois de toute notion d’idéal et d’irréel. Ce non-lieu existe, en pleine campagne lorraine, entre Metz et Nancy, au milieu des prairies à bovins, des champs de blé et de colza et des villages lorrains groupés, aux jolis toits de tuiles en terre cuite. Un double quai, des halls métalliques et des humains migrants poussant leurs valises à roulettes vers les escalators les portants jusqu’aux bus qui les raménent vers leurs frères humains et leurs agglomérats d’habitats. Temps de l’arrêt: environ 3 minutes. Un non-lieu d’une tristesse peut-être prophétique. Ce qui était de la science-fiction au siècle dernier est déjà notre quotidien et annonce un futur dont nous savons déjà qu’il sera technicisé à outrance ou ne sera plus. Le non-lieu peut devenir la nouvelle norme, il l’est déjà partiellement. Les gigantesques aéroports sont plantés eux aussi dans le désert: voyez l’aéroport “Dallas-Fort Worth” ou pire Nagoya et son aéroport-île artificielle. Il est acquis qu’un  aéroport est artificiel. Il en sera bientôt de même pour une gare ou un port maritime. Couplons cette logique du non-lieu avec celle du “non-humain” ou du trans-humain” et nous avons une perspective assez effrayante d’un avenir à la “Blade Runner”. Voyons à échelle locale comment peu à peu la grande distributions déshumanise les grandes surfaces. Dans un avenir très proche, plus de caissières, plus aucun personnel dans les rayons, des caméras partout. Encore plus cauchemardesque, l’invention du “drive” pour aller faire ses courses. Des clics sur internet et ensuite un saut à l’entrepôt où un être humain (pour l’instant, mais c’est une tâche aisément robotisable) charge en moins de 3 minutes votre marché, et voilà l’affaire! Il ne faut pas être bien malin pour comprendre que d’ici peu un R2D2 dédié viendra pousser votre commande au ras de votre coffre. Notre vie de citoyens se résumera alors à des séries de non-lieux divers dont la ville contemporaine n’est que le plus subtil. même le vote, dans ces démocraties formelles, qui sont des totalitarismes techniques, se fera par internet. Petit à petit, l’homme efface de sa vie les rencontres physiques, soit symboliques comme le vote, soit triviale, comme l’échange marchand. Et l’on met en place des “réseaux sociaux” qui sont de pitoyables ersatz pour ados, enfantés par la technique et plus du tout par le désir, seul moteur vivant de notre espèce.

 

Conclure, ici, serait-ce baisser les bras et se soumettre? J’écris ce texte dans mon fauteuil de TGV première classe Strasbourg-Bordeaux. Je suis donc bénéficiaire-usager de ce TGV, mais aussi complice de cette déshumanisation qui ne dit pas son nom. Peut-être n’y-a-t-il ni problème ni solution? S’il y a solution, elle est tout sauf simple et surtout pas individuelle. Mais dès que le mot “collectif” est prononcé, l’impuissance d’une part et la peur collectiviste d’autre part inhibent toute action. Ainsi il faudrait se résigner à ces non-lieux et à cette non-humanité en gestation. Non, mille fois non. “Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le” dit le livre du Qohélet dans la Bible. Ma vocation d’humain est la liberté et la sociabilité Voilà le programme de lutte.

 

Jean-Michel Dauriac – 16 juin 2012

Article paru dans la revue « L’écologiste n° 38 – octobre-décembre 2012

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Le site du magazine est là: http://www.ecologiste.org/

 

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