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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Eloge spiritualiste des sens – « Son visage et le tien » d’Alexis Jenni

Alexis Jenni, professeur de sciences de la vie de son métier, a fait une entrée fracassante dans la littérature avec son premier roman primé par le Goncourt en 2011, « L’art français de la guerre ». En 2014, il sort un petit livre, plutôt boudé par la critique, on va dire pourquoi, qui s’intitule « Son visage et le tien ». C’est de cet ouvrage que je voudrais vous entretenir ici.

 

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Etrange livre à vrai dire, qui a eu le malheur, sans nul doute de paraître en même temps que « Le royaume » d’Emmanuel Carrère (voir ma critique à l’adresse suivante : http://musiquesetmots.danslamarge.com/Le-Royaume-La-sincerite-suffit.html ). Le traitement en fut tout à fait asymétrique, et il est aisé de comprendre pourquoi. Sans refaire mon papier sur « Le royaume », disons simplement qu’il narre une conversion réelle mais avortée au catholicisme et le retour au scepticisme nuancé d’un dandy cultivé et talentueux de notre époque sans avenir. Les journalistes, critiques et intellectuels parisiens s’y sont totalement retrouvés, et la Province a suivi, comme toujours, par peur d‘être ringardisée. Un petit tour sur le Net suffira à convaincre mon lecteur de l’enthousiasme concerté qui a accompagné ce livre et de la déception de le voir écarté du Goncourt 2014. Ce livre est un parfait miroir d’une société désabusée qui s’abrite derrière un cynisme sans racines philosophiques. En face de ce livre, celui de Jenni est au contraire un hymne mezzo-voce à la foi chrétienne. Pas de tapage ici, pas de conversion spectaculaire, mais au contraire une approche humble et à hauteur d’homme. Cela ne pouvait plaire aux trompettes de la renommée qui se défient de tout ce qui ressemble à une espérance et à une croyance solide. Le livre fut donc quasiment ignoré, ce qui est un enterrement de première classe critique de nos jours. Mais le public semble avoir suivi et le livre a épuisé son premier tirage en quelques jours. Il a fallu attendre pour l’avoir quand on l’avait raté en premier tirage. Il est ainsi rassurant de voir que malgré le tapage ou l’enterrement médiatique, la communauté informelle mais réelle des lecteurs, cette confrérie noire incernable, est encore capable de faire honneur à un livre intéressant.

 

J’en viens donc à ce que dit ce livre. Il nous parle du rapport d’Alexis Jenni à la foi chrétienne, en commençant par un retour au grand-père, adepte d’une foi sans concession, mais qui ne communiquai rien à ce sujet. Il montre le désert d’éducation spirituelle de son enfance et sa jeunesse et le retour de cette foi sans tapage et avec une grande économie de moyens littéraires, aux antipodes de Carrère qui fictionnise sa propre vie.  La foi advient à un moment de  sa vie. C’est ainsi. Sans doute son enfance n’y est-elle pas pour rien, et notamment cet attachement à l’aïeul. Mais quand on possède cette foi de manière certaine – ce qui semble-t-il, est le cas de l’auteur – qu’en dire vraiment ? C’est le propos du livre. Mais, lecteur, ne t’attends nullement à un traité théologique ou à un récit dogmatique, tu seras amèrement déçu.

 

Ce que dit Jenni est simple et assez imparable au quotidien ; je le cite :

 

«  La foi n’est pas une puissance de consolation, elle n’est pas là pour nous aider à vivre : il ne s’agit pas d’aider mais de permettre, permettre de vivre pleinement. J’aimerais décrire une foi qui serait comme une joie où l’âme développe sans cesse sa puissance d’agir, ce qui est la plus belle chose à espérer, une joie habitée d’une parole que l’on puisse entendre. » (page 46)

 

Assimiler la foi à la joie, c’est en même temps revenir aux grands mystiques ou phares de la chrétienté et passer par la philosophie spinoziste, laquelle fait de la joie une notion centrale de la vie. Je retrouve là les mots qu’écrit le philosophe Robert Misrahi dans sa réflexion sur le Bonheur et la conversion philosophique[1]. Mais ce qu’ajoute Jenni et le chrétien, c’est « la parole que l’on puisse entendre ». Chez Spinoza ou Misrahi, athées ou agnostiques, pas de transcendance, pas de voix venue de l’extérieur, seulement la conscience libre et épanouie. Jenni, lui, offre une approche à al fois spirituelle et sensorielle. Mais c’est bien de Dieu qu’il est question avant tout, et pas de nous. Il y a décentrage absolu par rapport à la philosophie existentielle pré-citée.

 

«  De Dieu, on n’a jamais fait le tour de Dieu, on en voit ja        mais le fond, de Dieu on en connaît jamais rien d’autre que le désir de le connaître. De Dieu on en connaît que le, désir de chercher et de trouver la volonté de Dieu dans l’orientation de sa vie, c’est à dire le désir de vivre » (page 44)

 

Ce que nous avons, et seulement cela, c’est notre corps ; Nous ne disposons que de lui pour sentir et penser Dieu et vivre la foi. Ceci est terriblement évangélique, ceci reprend le sens et les mots de ce qui Jésus tout au long de son ministère rapporté par les quatre évangélistes. Personne ne peut connaître Dieu, seul le Fils le connaît ; il ne sert donc de rien de vouloir connaître l’Inconnaissable ou le Tout Autre, comme disait Lévinas. Ce qui en signifie pas que la théologie est inutile, mais qu’elle ne peut rien dire directement Dieu, malgré l’étymologie de son nom. Elle ne peut fouiller – et c’est ce qu’elle fait depuis deux mille ans – qu’autour, à travers le monde et les textes. Et l’homme, effectivement, au bout du compte, ne dispose que de ce corps, de ses sens et de son esprit propre (lequel est, pour les chrétiens, renouvelé par l’Esprit-Saint). Le projet d’Alexis Jenni est donc de considérer ces sens et de voir ce qu’ils peuvent nous faire ressentir de al foi et de la trace de Dieu, en nous et hors de nous. Beau projet, qui ne sera pas traité théologiquement, mais littérairement. Dans cette recherche, nous sommes hors du domaine du savoir intellectuel.

 

« Le savoir, qui est chose utile en de multiples domaines, qui nourrit la curiosité, fait voler des avions, permet de raconter des histoires, parfois assommantes, parfois amusantes, ne sert de presque rien dans le domaine précis que j’essaie de définir. On ne croit pas parce que l’on sait, car il n’y a pas grand-chose à savoir. » (page 30)

 

En effet, ce qu’il convient de savoir pour adhérer à la foi chrétienne est résumé dans la prédication de Pierre à la Pentecôte suivant la mort et la résurrection de Jésus, et tient en quelques mots, que voici :

 

« Hommes Israélites, écoutez ces paroles! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes; cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies. Dieu l’a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il soit retenu par elle. cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies. » Actes 2 : 22 à 24

 

C’est ce peu de savoir qui rend le christianisme universel. Une vie peut s’ancrer dans la foi avec très peu de savoir doctrinal. La foi en Jésus, crucifié portant nos péchés, ressuscité pour notre justification et intercédant auprès de Dieu et nous réconciliant avec lui par le baptême est suffisante. Ce livre veut explorer ce que tout être humain peut sentir avec son seul corps et sa seule intelligence, quelle qu’elle soit.

Le livre déroule ensuite des chapitres thématiques correspondant à nos sens : « Goûter », « Voir », « Entendre », « Sentir », « Toucher », auquel il ajoute ce qu’il considère comme un sixième sens, « Parler ». Pour chaque sens, il se livre à une promenade littéraire, dont le point commun est d’y retrouver José-Luis Borges : « car il est une nouvelle de Borges pour chaque situation de la vie », offrant une histoire portant à réflexion ou à analogie. Le voyage est troublant, car de Dieu et la foi, il n’est question que par petites remarques. Mais c’est pourtant cela qui arme l’ensemble. Ce livre n’a aucun sens s’il est une simple description admirative des fonctions sensorielles ; Il est plein de sens au contraire, si je saisis que par chacun de ces sens je puis approcher Dieu dans sa manifestation concrète. Car, encore une fois, je n’ai que cela. Je dois me résoudre à ne rien savoir sur ce qui va se passer après la fin de ce corps-là. C’est l’espérance seule qui me porte , mais elle est une conviction, pas un savoir, et ceux qui tentent de lui donner un contenu précis ne sont jamais loin de la secte et du totalitarisme spirituel. Le récit est émaillé de petites expériences personnelles, modeste, comme celles que nous pouvons tous vivre tous, dans nos vies. Une rencontre, un moment d’émerveillement ou de communion dans la nature, une lecture biblique qui prend sens pour nous…

Le dernier chapitre est celui qui donne son titre à l’ouvrage, « Son visage et le tien ». c’est une réflexion qui part du Saint-Suaire de Turin et remonte à ce visage unique qu’est l’humanité et que l’outil informatique a permis de matérialiser avec les outils de traitement d’images actuels. Le visage du Saint-Suaire, pour Jenni, est la somme de tous les visages humains. Il a plus valeur de symbole que d’objet miraculeux, ce qui est une évidence. Qu’il soit fabriqué au Moyen Age ne lui enlève rien de sa valeur de symbole. Et de symbole religieux il devient objet d’ouverture à l’altérité du visage (sans aller jusqu’à la difficile mais essentielle pensée de Lévinas) et à sa signification dans la foi. Le visage d’autrui et celui du Saint-Suaire finissent par se fondre en un seul. Nous sommes bien dans la démarche évangélique, avec toute sa simplicité et son absolu. Rappelons-nous le commande unique de Jésus : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. » Jean13 :34

Ce livre peut surprendre, il peut décevoir ceux qui désireraient y trouver plus de mysticisme ou d’engagement prosélyte. Ce n’est évidemment pas son but. Il appartient à la catégorie des livres qui devraient avoir, quelque part sur leur couverture ou en page de garde, la mention « A relire régulièrement et à méditer ». Un peu comme on doit relire Saint-Exupéry ou Borges, justement.

Un seul reproche. Il est rapidement fatigant de trouver le pronom démonstratif « ceci » en tête de trop nombreuses  phrases. J’en comprend bien le sens particulier, qui est ici de ne pas vouloir et pouvoir donner un nom plus précis à ces aspects de la foi. Mais le procédé lasse vite. Un écrivain de la trempe d’Alexis Jenni avait sans nul doute d’autres moyens d’exprimer « ceci ».

 

Un livre surprenant et courageux, car l’auteur va le traîner comme un boulet auprès de la critique littéraire. Un livre qui ouvre, à la fois sur nous-mêmes et sur le monde, qui nous permet de mieux savourer la vie et son créateur. Un livre de joie donc. L’auteur a donc tenu son pari et sa promesse.

 

Jean-Michel Dauriac

Webmaster du portail danslamarge.com

 

Son visage et le tien – Alexis Jenni – Albin Michel – Paris – 2014 – 175 pages



[1] Le bonheur – essai sur la joie – Robert Misrahi – Editions Cécile Défaut – Nantes, 2011, 143 pages.

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Trouver les mots pour dire l’indicible – La nuit de feu d’E-E SChmitt

Après Emmanuel Carrère et Alexis Jenni, c’est au tour d’Eric-Emmanuel Schmitt de produire un livre sur sa foi. Il affirme que celui-ci vient en ce temps, entre autres raisons, pour affirmer, dans un temps de déliquescence et d‘attaques contre le christianisme, une position spirituelle nette. Mais aussi parce que, vingt-cinq ans après les faits rapportés, il s’autorise enfin à parler de son être le plus intime au travers d’un expérience spirituelle qu’il faut bien nomme :rencontre, révélation ou conversion. Les trois mots peuvent convenir selon la lecture que l’on fait de ce témoignage.

 

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Le récit est construit comme un roman d’aventure, genre que l’écrivain Schmitt maîtrise complètement. Le cadre est suffisamment exotique pour s’y prêter aisément. Il s’agit d’u voyage dans le sud saharien de l’Algérie, afin de préparer la réalisation d’un  documentaire sur Charles de Foucault, grand converti du XXème siècle. Schmitt, alors professeur de philosophie, à l’aube d’une  carrière universitaire comme de nombreux membres de la caste « normaliens », fait aussi œuvre de scénariste. Il se cherche et sait pas vraiment ce qu’il doit choisir comme direction professionnelle pour sa vie. Il a vingt-huit ans et peut, compte tenu de son bagage personnel, choisir plusieurs voies : l’enseignement, l’audio-visuel ou l’écriture. Il compte un peu sur ce voyage pour y voir plus clair.

Tout le début du « roman » est donc le récit de son arrivée et de son approche du terrain, à partir de Tamanrasset. Il doit participer, avec un guide te un petit groupe, à une excursion dans le massif du Hoggar. Leur guide français se fait alors accompagner par un jeune Touareg qui impressionne fortement l’auteur, qui veut gagner son amitié car il sent une force peu commune chez ce jeune homme.

Les onze premiers chapitres sont cette découverte du lieu et des êtres qui participent au voyage. En bon romancier, Schmitt croque fort bien les traits dominants de ces hommes et femmes, qui deviennent parfois de types – il y a ainsi la « catho » charitable et attentionnée. Mais aussi, et surtout, il sème de petits cailloux blancs pour nous amener au point chaud du chapitre , qui ouvre réellement le récit de cette sorte d’hypostase qui va changer sa vie. Mais nous comprenons fort bien que cette manière de raconter est une reconstruction rétroactive. Au moment vécu, les préoccupations spirituelles profondes ne sont pas du tout majeures, elles sont mêmes quasi-absentes. L’auteur a plutôt des interrogations existentielles sur le sens à donner « hic et nunc » à sa vie. La « nuit de feu » – le terme est emprunté à Pascal, autre grand converti – va absolument tout bouleverser.

Les chapitres 12 & 13 sont les seuls qui narrent « l’événement ». Ils sont assez brefs. Le lecteur néophyte en la matière sera sans nul doute touché et emporté par cette expérience très forte. Le lecteur au fait de la mystique et des conversions le sera moins. Qui a lu Saint-Augustin, l’Evangéliste Luc, Charles Péguy, Léon Tolstoï ou d’autres encore (Claudel, Ellul…) est en domaine connu. Aucune conversion ou rencontre avec Dieu n’est exactement semblable à une autre, mais toutes se ressemblent : toutes elles offrent un moment de « décentrage » de l’existence, une ouverture transcendante à l’Autre Parole, un état physique extra-ordinaire. C’est ce qui arrive à Schmitt, perdu dans sa descente du Hoggar et enterré dans le sable pour ne pas souffrir du froid nocturne, dont le corps s’élève hors de lui et vit une extase qu’il tente de décrire le plus précisément possible. Comme très souvent, les termes « lumière », « flamme », « ravissement », « légèreté » sont utilisés. C’est ici que l’auteur toujours, et quel que soit son talent, touche les limites de nos pauvres mots. Tout le charme de l’expérience mystique est à ce point nodal. Nous ne disposons que de termes en nombre limité pour traduire l’illimité. Il faut donc avoir recours à l’image, la métaphore, la poésie. Schmitt s’en sort plutôt pas mal. Mais il a un gros handicap, le même qu’Augustin et Pascal : il est philosophe. Et dès le lendemain matin, son esprit philosophique fait retour. Il doit alors mener une lutte intérieure entre les deux êtres qui le composent. L’expérience est ineffaçable, mais dans l’immédiat de la suite du voyage, elle est inénarrable. Elle l’est demeurée vingt-cinq ans. C4est la raison d’être de ce livre de lever le voile, enfin, sur cette nuit d’exception. Eric-Emmanuel Schmitt a changé. La foi l’a saisi. IL ne peut y échapper. Il s’y est abandonné. Mais il restera très discret jusqu’à sa décision d’écrire ce livre. Il semble qu’il ait été poussé à cela par les attaques violentes contre les croyants et la foi, qui fleurissent partout dans nos médias.

Le livre restera comme un témoignage à ajouter à tous ces récits de rencontre avec Dieu, qui ne prouvent rien, au sens matériel du terme, amis qui interrogent l’honnête homme qui ne saurait se satisfaire de penser que tous ces témoins sont des malades mentaux.

            Ce livre n’est pas exceptionnel, mais il est utile.

Je terminerai par une citation qui n’est pas anodine :

« Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s ‘émerveiller qui manquent, mais les émerveillés. » (page63)

 

Jean-Michel Dauriac

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Dieu, les hommes, la parole et la langue


 


 

Introduction et accueil :

          paroles de bienvenue

          rappel de la raison d’être du culte chrétien

 

première partie du culte : Un Dieu qui parle aux hommes et auquel les hommes parlent

 

L’homme moderne vit aujourd’hui sa vie « libéré » du problème de Dieu, dans une société française vouée à la technique et à la science comme explications du monde. Il n’en a pas toujours été ainsi et cela ne se passe pas partout de cette manière à la surface du globe. Nous avons souvent tendance à croire notre cas français universel et seul légitime. En réalité, toutes les configurations existent face à la question de Dieu. Des peuples vivent encore profondément dans la religion de leurs ancêtres, comme les Indiens avec l’hindouisme ; de vastes espaces comme l’Afrique ou l’Amérique latine sont terres de foi depuis toujours et l’homme y vit au plus près de cette recherche de sens de la vie et de quête de ses origines. Il est d’ailleurs très bien que l’on puisse aujourd‘hui ne pas se poser la question de Dieu (comme l’a fait Albert Camus) ou la combattre au nom d’une autre vision du monde (comme le fait Michel Onfray, notamment avec son dernier livre, « Cosmos ») : la liberté est le plus grand bien de l’homme, et seule celle-ci peut fonder la foi.

Les Protestants sont , parmi les chrétiens, ceux qui mettent la Bible, Parole de Dieu, le plus au centre de leur foi : « Sola scriptura » dit la profession de foi de la Réforme, « une seule parole » et/ou « La parole seule ». C’est ce que je veux mettre au cœur de cette rencontre d’Eglise aujourd’hui. Je vous propose, pour débuter le culte, un petit voyage dans la communication entre Dieu et l’Homme, afin de nous édifier et de nous souvenir.

 

 

Trois hommes de parole :

 

Moïse, la ligne directe avec Dieu.

 

Le livre de l’Exode, deuxième livre du Pentateuque, raconte en son début l’histoire extraordinaire de Moïse, le grand homme fondateur du judaïsme. Passons sur les récits de l’enfance et de la vie égyptienne de Moshé. Retrouvons-le alors que la roue de la fortune a tourné et qu’il n’est plus que le gardien des troupeaux d’une tribu de nomades du désert, les madianites.

 

Lecture : Exode 3 : versets 1 à 6

 

« 1 ¶ Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; il mena le troupeau au-delà du désert et se rendit à la montagne de Dieu, à Horeb. 

2  L’Ange de l’Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d’un buisson. (Moïse) regarda, et voici que le buisson était tout en feu, mais que le buisson ne se consumait point. 

3  Moïse dit: Je vais faire un détour pour voir quel est ce spectacle extraordinaire, et pourquoi le buisson ne brûle pas. 

4  L’Éternel vit qu’il faisait un détour pour voir; et Dieu l’appela de l’intérieur du buisson et dit: Moïse! Moïse! Il répondit: Me voici! 

5  (Dieu) dit: N’approche pas d’ici, ôte tes sandales de tes pieds, car l’endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte. 

6  Et il ajouta: C’est moi le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. »

 

Ce qui caractérise ce passage très « cinématographique » – on songe immédiatement à ce qu’en fit Cecil B. de Mille dans « Les dix commandements » – peut, pour notre thème du jour être ramené à quelques remarques :

          Moïse ne cherche pas Dieu, il ne demande rien, il n’est pas du tout intéressé par une quelconque quête de sens ; il fait son travail, dans sa nouvelle vie, il est berger après avoir fréquenté la cour du pharaon de l’époque.

          La Parole n’est pas première ici ; l’action commence par la combustion du buisson dans laquelle se trouve l’envoyé de Dieu. Donc d’abord la vue, qui intrigue.

          Puis la parole. Mais pas celle de l’envoyé, de l’ange, mais celle du Seigneur, de l’Eternel. Moïse est directement au contact de Dieu, sans aucun intermédiaire, il a la ligne directe qu’il n’a pas demandée. C’est Dieu qui est demandeur de Moïse.

          Dieu se fait connaître par la généalogie de Moïse, afin de ne pas être confondu avec une quelconque divinité locale comme celles que les nomades de sa belle-famille adoraient sans nul doute.

 

Ce sont ces circonstances seules qui m’intéressent ce jour. Elles montrent que Dieu n’a pas déserté la terre après la création, qu’il ne se désintéresse pas du sort des hommes – ici le peuple hébreu – mais qu’il peut à tout moment établir le contact pour mettre en œuvre son plan de salut.

 

Moïse va établir à partir de ce moment un dialogue de 40 années avec Dieu, dont nous lisons la fin :

 

Lecture : Deutéronome 31 :14 et 16

 

« 14 ¶ L’Eternel dit à Moïse: Voici, le moment approche où tu vas mourir. Appelle Josué, et présentez-vous dans la tente d’assignation. Je lui donnerai mes ordres. Moïse et Josué allèrent se présenter dans la tente d’assignation.

15  Et l’Eternel apparut dans la tente dans une colonne de nuée; et la colonne de nuée s’arrêta à l’entrée de la tente.

16  L’Eternel dit à Moïse: Voici, tu vas être couché avec tes pères. Et ce peuple se lèvera, et se prostituera aux dieux étrangers du pays au milieu duquel il entre. Il m’abandonnera, et il violera mon alliance, que j’ai traitée avec lui. »

 

Dieu avertit Moïse de sa mort prochaine et organise la succession. Nous savons que Moïse ne verra la Terre Promise que de loin et mourra avant.

 

Deutéronome 34 : 5 à 7.

 

« 5 ¶ Moïse, serviteur de l’Eternel, mourut là, dans le pays de Moab, selon l’ordre de l’Eternel.

6  Et l’Eternel l’enterra dans la vallée, au pays de Moab, vis-à-vis de Beth-Peor. Personne n’a connu son sépulcre jusqu’à ce jour.

7  Moïse était âgé de cent vingt ans lorsqu’il mourut; sa vue n’était point affaiblie, et sa vigueur n’était point passée. »

 

Il repose dans la terre de Moab, dans un lieu inconnu, nous dit le texte. Quarante années de conversations et de révélations s’achèvent ainsi. Un exemple unique dans toute la Bible de paroles croisées. Moïse fut le seul à voir Dieu face à face et à ne pas mourir. Il nous a laissés un magnifique cantique final (Deutéronome chapitre 32) et des prophéties pour chaque enfant d’Israël (chapitre 33).

 

 

David, l’élu turbulent de Dieu

 

David, tout au long de sa vie, parle avec l’Eternel et l’Eternel lui parle. Mais ici pas de ligne directe. Dieu parle soit par son esprit dans l’esprit de David, soit par la bouche de ses prophètes – dès le début de son histoire.

David, à l’exception de sa royauté, a une vie tout à fait semblable à la nôtre, avec ses hauts et ses bas. Ses faiblesses et hauts faits nous sont rapportés dans le livre II de Samuel et le début du livre I des Rois.

David a commis plusieurs erreurs, dont certaines sont graves ; il porte du sang sur ses mains – c’est ce que Dieu dira pour ne pas l’autoriser à construire lui-même le grand Temple dont il rêve. Mais il a su aussi, et c’est une belle qualité, reconnaître ses erreurs et s’humilier devant Dieu, demander pardon. Car David aimait passionnément l’Eternel. Lisons un des plus beaux textes de repentance jamais écrits :

 

Lecture : Psaume 51 : versets 1 à 19

 

« 1 ¶ (51-1) Au chef des chantres. Psaume de David. (51-2) Lorsque Nathan, le prophète, vint à lui, après que David fut allé vers Bath-Schéba. (51-3) O Dieu! aie pitié de moi dans ta bonté; Selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions;

2  (51-4) Lave-moi complètement de mon iniquité, Et purifie-moi de mon péché.

3  (51-5) Car je reconnais mes transgressions, Et mon péché est constamment devant moi.

4  (51-6) J’ai péché contre toi seul, Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement.

5  (51-7) Voici, je suis né dans l’iniquité, Et ma mère m’a conçu dans le péché.

6  (51-8) Mais tu veux que la vérité soit au fond du coeur: Fais donc pénétrer la sagesse au-dedans de moi!

7 ¶ (51-9) Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige.

8  (51-10) Annonce-moi l’allégresse et la joie, Et les os que tu as brisés se réjouiront.

9  (51-11) Détourne ton regard de mes péchés, Efface toutes mes iniquités.

10  (51-12) O Dieu! crée en moi un coeur pur, Renouvelle en moi un esprit bien disposé.

11  (51-13) Ne me rejette pas loin de ta face, Ne me retire pas ton Esprit saint.

12  (51-14) Rends-moi la joie de ton salut, Et qu’un esprit de bonne volonté me soutienne!

13  (51-15) J’enseignerai tes voies à ceux qui les transgressent, Et les pécheurs reviendront à toi.

14 ¶ (51-16) O Dieu, Dieu de mon salut! délivre-moi du sang versé, Et ma langue célébrera ta miséricorde.

15  (51-17) Seigneur! ouvre mes lèvres, Et ma bouche publiera ta louange.

16  (51-18) Si tu avais voulu des sacrifices, je t’en aurais offert; Mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes.

17  (51-19) Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé: O Dieu! tu ne dédaignes pas un coeur brisé et contrit. »

 

Ce psaume est écrit dans des circonstances tragiques où David a envoyé à la mort un de ses soldats émérites pour lui ravir sa femme qu’il avait déjà séduite. Il est un assassin dans l’intention. Ce repentir est donc à la hauteur de la faute. Il nous est aussi fort utile pour accéder à la repentance qui nous ouvre le salut par Jésus-Christ.

 

Mais David parle aussi à Dieu pour lui dire son amour et sa confiance inébranlable. Il est un homme de foi. Nous connaissons tous par cœur le superbe psaume 23. C’est un autre texte que je veux lire avec vous ce jour.

 

Lecture : Psaume 37 : 25 à 31

 

« 25  J’ai été jeune, j’ai vieilli; Et je n’ai point vu le juste abandonné, Ni sa postérité mendiant son pain.

26  Toujours il est compatissant, et il prête; Et sa postérité est bénie.

27  Détourne-toi du mal, fais le bien, Et possède à jamais ta demeure.

28  Car l’Eternel aime la justice, Et il n’abandonne pas ses fidèles; Ils sont toujours sous sa garde, Mais la postérité des méchants est retranchée.

29  Les justes posséderont le pays, Et ils y demeureront à jamais.

30  La bouche du juste annonce la sagesse, Et sa langue proclame la justice.

31  La loi de son Dieu est dans son coeur; Ses pas ne chancellent point. »

 

Voici un magnifique texte de confiance que nous pouvons faire nôtre et qu’il ne faut pas craindre d’apprendre par cœur et de dire dans notre propre prière.

 

 

Jésus, l’homme qui nous montre comment prier.

 

La nouvelle alliance établie à la Croix – voir la lettre aux Hébreux – nous offre un accès individuel à Dieu.

 

Lecture : Matthieu 6 : 5 à 8

 

« 5 ¶ Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense.

6  Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

7  En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

8  Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. »

 

Jésus nous enseigne sur la prière, et il rompt ici avec la prière collective du judaïsme, chose qu’il met en œuvre lui-même au quotidien lorsqu’il se retire de ses disciples pour prier avant le jour. La parole que nous adressons à Dieu est :

          verset 6 : une parole personnelle et intime. C’est ici une des deux faces de la parole, son intériorité. Je parle avec moi-même et avec Dieu, sans témoins. Il y a un temps pour la prière personnelle, cette conversation en tête-à-tête avec Dieu, que chacun de nous doit inventer. Il y a un temps pour la prière extérieure, publique et collective de l’Eglise.

          Verset 7 : La prière doit être sobre dans ses mots. Méfions-nous des grandes tirades ronflantes et des soliloques interminables.

 

Lecture : 1 Corinthiens 14 : 13 à 19

 

« 13  C’est pourquoi, que celui qui parle en langue prie pour avoir le don d’interpréter.

14  Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile.

15 ¶ Que faire donc? Je prierai par l’esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence; je chanterai par l’esprit, mais je chanterai aussi avec l’intelligence.

16  Autrement, si tu rends grâces par l’esprit, comment celui qui est dans les rangs des simples auditeurs répondra-t-il Amen! à ton action de grâces, puisqu’il ne sait pas ce que tu dis?

17  Tu rends, il est vrai, d’excellentes actions de grâces, mais l’autre n’est pas édifié.

18  Je rends grâces à Dieu de ce que je parle en langue plus que vous tous;

19  mais, dans l’Eglise, j’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d’instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue. »

 

Paul définit le but de la prière du culte :

          l’édification des frères (verset 13)

          La communion par l’amen à la prière d’autrui (verset 16)

          L’instruction pour les autres, par la vertu de la parole inspirée (verset 19)

 

 

 

Dans la suite du texte de Matthieu 6, versets 11 à 13, Jésus donne un exemple, le Notre père.

 

Disons-le ensemble .

 

« 9 ¶ Notre Père qui es aux cieux! Que ton nom soit sanctifié;

10  que ton règne vienne; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

11  Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien;

12  pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés;

13  ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen! »

 

Le dialogue est au cœur de la foi judéo-chrétienne. Dieu parle, les hommes écoutent, obéissent ou non ; les hommes parlent, Dieu, il répond ou ne répond pas, agit ou n’agit pas. A nous de sonder le pourquoi. Faisons un court survol biblique autour de la parole et des mots.

 

 

Sermon : Dieu et les hommes : paroles et langues

 

La Bible est d’abord toute orale, dans sa conception première :

          les Hébreux apprenaient par coeur le texte de la Torah pour l’apprendre à leur famille. Elle ne sera fixée par écrit qu’assez tardivement et par épisodes. Le rédacteur biblique est d‘abord issu d’un peuple de la parole. C’est l’histoire, et notamment la déportation, qui amène à rédiger les textes.

          Les Evangiles sont d’abord des collections de récits oraux utilisés pour l’enseignement des croyants avant d’être rédigés des décennies après la mort du Christ

          Les Epitres sont des lettres qui remplacent une parole rendue impossible par la distance. Paul n’écrit pas de livres, mais des lettres qui sont lues en public aux églises destinatrices ; son style est adapté à cet usage.

 

Je voudrais simplement noter quatre faits de paroles qui traversent la Bible et donnent un sens particulier à la parole.

 

Au commencement… Eden et après :

 

La création est toute innocence. L’homme et la femme sont en contact direct et permanent avec Dieu. Nous connaissons ces descriptions des temps édéniques que portent les débuts de la Genèse. Tout y est parole : « Dieu dit » est le refrain de la création ; mais il est aussi la sanction de la désobéissance.

 

Lecture : Genèse 3 : 8 à 23

 

« 8  Alors ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Eternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.

9 ¶ Mais l’Eternel Dieu appela l’homme, et lui dit: Où es-tu?

10  Il répondit: J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.

11 ¶ Et l’Eternel Dieu dit: Qui t’a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger?

12  L’homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé.

13  Et l’Eternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé.

14 ¶ L’Eternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.

15  Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

16 ¶ Il dit à la femme: J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.

17 ¶ Il dit à l’homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre: Tu n’en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,

18  il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs.

19  C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.

20 ¶ Adam donna à sa femme le nom d’Eve: car elle a été la mère de tous les vivants.

21 ¶ L’Eternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.

22 ¶ L’Eternel Dieu dit: Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre de l’arbre de vie, d’en manger, et de vivre éternellement.

23  Et l’Eternel Dieu le chassa du jardin d’Eden, pour qu’il cultive la terre, d’où il avait été pris. »

 

L’histoire de l’humanité, dans la Bible, commence donc par des fortes paroles de Dieu qui met fin à un état initial sans bien et sans mal. Les paroles sont très dures.

          versets 16 à 19 : la condition de la femme et de l’homme connaît la douleur de puis ce moment. Le travail est nécessaire à la survie. Le monde créé n’est plus docile à l’homme et à sa disposition.

          Versets 22-23 : l’homme est chassé d’Eden, il est doté de la connaissance du bien et du mail, il donc une conscience, donnée capitale dont la philosophie et les sciences de l’esprit n’ont pas fini de débattre.

 

A l’origine des langues : Babel

 

Lecture : Genèse 11 : 1 à 9

 

 

« 1 ¶ Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.

2  Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Schinear, et ils y habitèrent.

3  Ils se dirent l’un à l’autre: Allons! faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment.

4  Ils dirent encore: Allons! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre.

5 ¶ L’Eternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes.

6  Et l’Eternel dit: Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté.

7  Allons! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres.

8  Et l’Eternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre; et ils cessèrent de bâtir la ville.

9  C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Eternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Eternel les dispersa sur la face de toute la terre. »

 

Ce récit, sans doute d’origine mythologique mésopotamienne, donne une explication de la diversité des langues sur la terre habitée.  Le verset 1 établit un constat non remis en cause : une langue unique initiale était parlée par un unique foyer d’apparition de l’homme. La science actuelle ne dit rien d’autre, mais situe ailleurs et dans une autre temporalité cette apparition. Cette unité de langage permettait une compréhension totale entre tous les hommes, peu nombreux à ce moment-là. Le récit est capital pou l’évolution humaine.

          c’est le début de la ville, concentration humaine liée au changement de mode de vie, le nomade devenant sédentaire et agriculteur-éleveur. Verset 4 .

          c’est aussi le début des entités politiques : « faisons-nous un nom », donnons-nous une structure ; c’est au proche-orient que naissent les premiers états embryonnaires, qui sont des villes. Verset 4 aussi.

          L’idée du regroupement au service de la puissance à venir accompagne ce projet.

Dieu comprend cela comme une menace, une volonté qui se veut toute puissante. Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte et sur l’anthropomorphisme qui le structure : Dieu pense comme les hommes.

La réponse de Dieu est donnée aux versets 7 & 9. Fin de la langue unique et début de ce qui est nommé la « confusion des langues » en théologie de l’Ancien Testament. Dispersion des populations à partir d’un foyer unique de naissance. Les migrations humaines attestent de cette dispersion au fil des millénaires du paléolithique.

Les hommes ne se comprennent plus dès qu’ils s’éloignent de leur espace de naissance. Aucune langue unique n’a pu rétablir cela malgré des essais nombreux : le grec de la Koïné, puis le latin, aujourd’hui l’anglais, hier la tentative de création de l’espéranto. L’incompréhension devient un des problèmes de l’humanité et sera source de bien des conflits.

 

Jésus, une parole à double direction

 

Regardons rapidement le cas de Jésus, au regard de la parole.

Son ministère de prédication publique commence par une parole forte.

 

Lecture : Marc 1 : 9 à 11

 

« 9 ¶ En ce temps-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.

10  Au moment où il sortait de l’eau, il vit les cieux s’ouvrir, et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe.

11  Et une voix fit entendre des cieux ces paroles: Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection. »

 

 

La voix de Dieu ne parle pas directement à Jésus, elle atteste de sa filiation divine. Jésus n’est pas Moïse, il n’a pas besoin d‘être formé et guidé pour accomplir sa mission. Tout au long des Evangiles, nous découvrons qu’il sait son destin et qu’il en informe ses disciples. Ce qui ne veut pas dire qu’il accepte cela avec joie ; la souffrance de Gethsémané est immense, celle de la croix est horrible. Mais durant toute sa vie, Jésus parle avec son père. Par la prière quotidienne, par la prière publique, par la supplication (au jardin des Oliviers) et par le cri du mourant sur la croix (les 7 dernières paroles du Christ, mises en musique par plusieurs compositeurs classiques dont Joseph Haydn). Il nous offre un modèle complet de dialogue intérieur et extérieur avec Dieu. La communication passe par l’esprit de Jésus, il n’y a pas de parole rapportée comme pour Moïse, mais l’action engagée confirme l’existence de cette parole.

La période entre la mise au tombeau et l’Ascension est riche de manifestations et de paroles à l’égard des disciples, pour leur donner force et confiance.

          Les femmes au tombeau

          Les pèlerins d’Emmaüs

          L’apparition au bord du lac

 

Lecture : Actes des apôtres : 1 : 3 à 5

 

« 3  Après qu’il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.

4  Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il;

5  car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit. »

 

 

Le ministère se clôt par la promesse de l’envoi du Saint-Esprit, cette personne divine dont Jésus a instruit ses disciples, mais sur lequel ils sont ignorants encore.

 

La Pentecôte, l’esprit anti-Babel

 

Lecture : Actes 2 : 3 à 12

 

« 3  Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux.

4  Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

5 ¶ Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel.

6  Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.

7  Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres: Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens?

8  Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle?

9  Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie,

10  la Phrygie, la Pamphylie, l’Egypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes,

11  Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu?

12  Ils étaient tous dans l’étonnement, et, ne sachant que penser, ils se disaient les uns aux autres: Que veut dire ceci? »

 

La venue du Paraclet, le Saint-Esprit, se manifeste d’abord par un visuel symbolique : les langues de feu individuelles. Purification et force pour chacun des présents.

Puis suit la glossolalie ou « don des langues » ou encore « le parler en langues » : ces trois expressions signifient que les hommes habités par l’Esprit-Saint s’expriment dans des langues qu’ils ne comprennent pas mais que les auditeurs étrangers saisissent. C’est ce que dit le texte avec précision, en citant l’origine des juifs de la diaspora qui entendent ces discours.

 

La venue du Saint-Esprit lève l’incompréhension de Babel. C’est Dieu, par Jésus, qui rétablit une compréhension possible entre les hommes aux langues diverses. L’Eglise Universelle de Christ est cette communion qui abolit la séparation de Babel et nous rétablit dans une communion originelle dont l’objet est Dieu et non la propre gloire de l’homme.

 

Conclusion :

 

La Parole irrigue toute la Bible. Amusez-vous à chercher d’autres circonstances analogues aux quelques exemples que j’ai présentés. Dieu nous parle de diverses manières ; rien n’interdit la parole directe, qui est révélation comme pour les prophètes du premier testament. Mais Dieu utilise aussi les songes, la bouche des autres hommes ou femmes, sa Parole écrite évidemment, la nature même. En retour, nous devons répondre à cette parole de Dieu. Nous devons avoir cet échange permanent qui va bien au-delà de la prière quotidienne ou du culte. Etre en communion avec Dieu passe aussi par le corps, les attitudes, le silence de l’écoute, la contemplation du monde… Nous disposons du don de l’Esprit-Saint, qui nous permet d’être en dialogue avec tous les frères humains de cette terre. Osons expérimenter ces dialogues multiples et donner toute sa force à la parole.

 

 

 

 

Annonces et bénédiction :

 

Bénédiction : Une parole de Dieu adressée aux Hébreux mais tout à fait bonne pour nous.

 

Deutéronome 31 :19-20

 

« 19  … j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,

20  pour aimer l’Eternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t’attacher à lui, car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours. »

 

 

 

Beychac / Les Bordes  fin juillet 2015 – Jean-Michel Dauriac

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