Skip to content →

Le Blog à Jean-Mi ! Posts

L’enthousiaste et le craintif – Prédication du 17 mai 2015

 

 

La Bible offre une formidable galerie de portraits, ce que l’on appelle des « types ». Nous nous intéressons aujourd’hui à deux types opposés ;

Au cœur de notre méditation : comment réagissons-nous aux injonctions ou paroles de Dieu ? Que ce soit un appel, un envoi, une mise en garde ou une interdiction, il y a diverses façons de réagir illustrées par la Bible.

Cette façon de réagir est-elle importante ? Si oui, pourquoi ? Mon salut est-il en jeu ? Ou s’agit-il d’un autre type d’importance ?

Nous allons considérer deux réactions opposées face à une mission confiée par Dieu et nous demander, à partir de grands exemples bibliques, en quoi cela me concerne personnellement. Nous conclurons sur la bonne attitude à avoir selon cet enseignement biblique.

 

Le craintif face à l’appel de Dieu

 

Lecture biblique :

Jonas 1 :1-3

 

1 ¶ La parole de l’Eternel fut adressée à Jonas, fils d’Amitthaï, en ces mots:

2  Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle! car sa méchanceté est montée jusqu’à moi.

3  Et Jonas se leva pour s’enfuir à Tarsis, loin de la face de l’Eternel. Il descendit à Japho, et il trouva un navire qui allait à Tarsis; il paya le prix du transport, et s’embarqua pour aller avec les passagers à Tarsis, loin de la face de l’Eternel.

 

Sans doute le cas le plus connu de peur face à une mission divine. Cette histoire est une sorte de compilation de récits que l’on peut aussi rencontrer dans d’autres pays du proche-orient, preuve des influences réciproques entre les cultures et du fait que Dieu n’a pas dicté la Bible à ses auteurs, mais l’a inspirée. Jonas n’est pas un prophète au sens classique et sa place dans le recueil des prophètes de la Torah est déjà une surprise. L’histoire de Jonas appartient à ce que la culture religieuse juive appelle la Hagada, collection d’histoires édifiantes à fins morales.

 

Ce qui nous intéresse aujourd’hui dans ce que nous venons de lire consiste en trois points précis :

  • La parole de l’Eternel est adressée à Jonas et il la reconnaît en tant que telle. Il est donc habitué à l’identifier, ce qui peut le classer effectivement parmi les prophètes.
  • Un ordre de mission précis est établi. Il est assez incroyable : Dieu envoie un obscur petit prophète hébreu prêcher la fin et la repentance aux habitants de Ninive , la puissante capitale assyrienne, qui sera complètement détruite par les Mèdes et Babyloniens en 612 BC. Le texte biblique parle de 120 000 habitants, les archéologues penchent plutôt pour 75 000, ce qui en fait une très grande ville à cette époque.
  • La peur saisit Jonas lorsqu’il entend et comprend le sens de sa mission. Il s’enfuit dans la direction opposée, vers l’Espagne actuelle.

 

Il nous arrive sans doute parfois de clairement entendre Dieu nous parler – de différentes manières -, nous savons, par le Saint-Esprit, dont c’est une des fonctions, reconnaître sa voix en nous ou pour nous. Parfois ce qui nous est demandé paraît hors de portée ou  dangereux. Nous refusons la mission et, courageusement, nous fuyons.

Jonas avait des raisons objectives d’avoir peur, et nous pouvons aussi être tout à fait raisonnablement effrayé par certains aspects de la mission que Dieu veut nous confier. Nous avons, humainement, raison, mais nous avons chrétiennement tort. Ce qui implique de se poser la question de ces deux ordres distincts.

Ne reprenons pas tout le récit de Jonas, mais posons simplement la question : comment cette mission précise sera-t-elle accomplie, si celui qui est envoyé, Jonas dans l’histoire, ou moi, la refuse ? Ajoutons une autre question : Comment pourrais-je passer outre ma peur et aller ?

 

Complétons rapidement par deux autres exemples célèbres.

Moïse et l’envoi par l’Eternel en Egypte :

 

Lecture biblique :

Exode 3 :10 à 4 :14

 

10  Maintenant, va, je t’enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les enfants d’Israël.

11 ¶ Moïse dit à Dieu: Qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d’Egypte les enfants d’Israël?

12  Dieu dit: Je serai avec toi; et ceci sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie: quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne.

13  Moïse dit à Dieu: J’irai donc vers les enfants d’Israël, et je leur dirai: Le Dieu de vos pères m’envoie vers vous. Mais, s’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je?

14  Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël: Celui qui s’appelle ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous.

15  Dieu dit encore à Moïse: Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël: L’Eternel, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous. Voilà mon nom pour l’éternité, voilà mon nom de génération en génération.

16 ¶ Va, rassemble les anciens d’Israël, et dis-leur: L’Eternel, le Dieu de vos pères, m’est apparu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il a dit: Je vous ai vus, et j’ai vu ce qu’on vous fait en Egypte,

17  et j’ai dit: Je vous ferai monter de l’Egypte, où vous souffrez, dans le pays des Cananéens, des Héthiens, des Amoréens, des Phéréziens, des Héviens et des Jébusiens, dans un pays où coulent le lait et le miel.

18  Ils écouteront ta voix; et tu iras, toi et les anciens d’Israël, auprès du roi d’Egypte, et vous lui direz: L’Eternel, le Dieu des Hébreux, nous est apparu. Permets-nous de faire trois journées de marche dans le désert, pour offrir des sacrifices à l’Eternel, notre Dieu.

19  Je sais que le roi d’Egypte ne vous laissera point aller, si ce n’est par une main puissante.

20  J’étendrai ma main, et je frapperai l’Egypte par toutes sortes de prodiges que je ferai au milieu d’elle. Après quoi, il vous laissera aller.

21  Je ferai même trouver grâce à ce peuple aux yeux des Egyptiens, et quand vous partirez, vous ne partirez point à vide.

22  Chaque femme demandera à sa voisine et à celle qui demeure dans sa maison des vases d’argent, des vases d’or, et des vêtements, que vous mettrez sur vos fils et vos filles. Et vous dépouillerez les Egyptiens.

Chapitre 4 :1 ¶ Moïse répondit, et dit: Voici, ils ne me croiront point, et ils n’écouteront point ma voix. Mais ils diront: L’Eternel ne t’est point apparu.

2  L’Eternel lui dit: Qu’y a-t-il dans ta main? Il répondit: Une verge.

3  L’Eternel dit: Jette-la par terre. Il la jeta par terre, et elle devint un serpent. Moïse fuyait devant lui.

4  L’Eternel dit à Moïse: Etends ta main, et saisis-le par la queue. Il étendit la main et le saisit; et le serpent redevint une verge dans sa main.

5  C’est là, dit l’Eternel, ce que tu feras, afin qu’ils croient que l’Eternel, le Dieu de leurs pères, t’est apparu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.

6  L’Eternel lui dit encore: Mets ta main dans ton sein. Il mit sa main dans son sein; puis il la retira, et voici, sa main était couverte de lèpre, blanche comme la neige.

7  L’Eternel dit: Remets ta main dans ton sein. Il remit sa main dans son sein; puis il la retira de son sein, et voici, elle était redevenue comme sa chair.

8  S’ils ne te croient pas, dit l’Eternel, et n’écoutent pas la voix du premier signe, ils croiront à la voix du dernier signe.

9  S’ils ne croient pas même à ces deux signes, et n’écoutent pas ta voix, tu prendras de l’eau du fleuve, tu la répandras sur la terre, et l’eau que tu auras prise du fleuve deviendra du sang sur la terre.

10 ¶ Moïse dit à l’Eternel: Ah! Seigneur, je ne suis pas un homme qui ait la parole facile, et ce n’est ni d’hier ni d’avant-hier, ni même depuis que tu parles à ton serviteur; car j’ai la bouche et la langue embarrassées.

11  L’Eternel lui dit: Qui a fait la bouche de l’homme? et qui rend muet ou sourd, voyant ou aveugle? N’est-ce pas moi, l’Eternel?

12  Va donc, je serai avec ta bouche, et je t’enseignerai ce que tu auras à dire.

13  Moïse dit: Ah! Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer.

14  Alors la colère de l’Eternel s’enflamma contre Moïse, et il dit: N’y a-t-il pas ton frère Aaron, le Lévite? Je sais qu’il parlera facilement. Le voici lui-même, qui vient au-devant de toi; et, quand il te verra, il se réjouira dans son coeur.

 

Nous sommes là face à une autre technique : celle qui consiste à rechercher des excuses et à se déclarer soi-même inapte. Moïse déploie un talent certain dans ce sens. Comme pour Jonas, la mission est lourde, impossible et périlleuse (Moïse a tué un égyptien et s’est enfui ensuite).

Verset 10 du chapitre 3 : la mission est claire. Elle est humainement suicidaire. A quoi Moïse oppose toute une série d’arguments personnels, sans nul doute recevables :

  • Qui suis-je pour accomplir cela ? Verset 11 chapitre 3.
  • Quel est ton nom, à toi qui veux m’envoyer ? Verset 13 chapitre  3.
  • Ils en me croiront pas et me prendront pour un menteur. Verset 1 chapitre 4
  • J’ai la « parole pesante », je ne sais pas m’exprimer. Verset 10 chapitre 4

Ces objection finissent par irriter Dieu : verset 14 chapitre 4. A chaque objection Dieu répond clairement, et Moïse n’a plus d’arguments ; mais il n’est pas vraiment convaincu et rassuré

Moïse nous offre un petit catalogue des objections universelles pour qui veut se « débiner » face à une tâche délicate. Il faut reconnaître, quand on lit la suite du récit que Moïse a raison sur plusieurs points. Sa défense n’est donc pas absurde, mais elle est strictement humaine. C’est son unique et majeur défaut. Nous jouons souvent à ce jeu, même si nous ne le disons pas ouvertement. Nous cherchons des faux-fuyant, nous mettons en avant nos faiblesses, nous mobilisons toutes nos capacités critiques et intellectuelles pour échapper à la demande divine. Nous restons dans notre sphère humaine, Paul dirait « charnelle », ici sans notation péjorative, mais dans un sens biologique.

 

Gédéon, l’incrédule :

 

Lecture biblique :

Juges 6 : 11-23 et 36-40

 

11 ¶ Puis vint l’ange de l’Eternel, et il s’assit sous le térébinthe d’Ophra, qui appartenait à Joas, de la famille d’Abiézer. Gédéon, son fils, battait du froment au pressoir, pour le mettre à l’abri de Madian.

12  L’ange de l’Eternel lui apparut, et lui dit: L’Eternel est avec toi, vaillant héros!

13  Gédéon lui dit: Ah! mon seigneur, si l’Eternel est avec nous, pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées? Et où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent, quand ils disent: L’Eternel ne nous a-t-il pas fait monter hors d’Egypte? Maintenant l’Eternel nous abandonne, et il nous livre entre les mains de Madian!

14  L’Eternel se tourna vers lui, et dit: Va avec cette force que tu as, et délivre Israël de la main de Madian; n’est-ce pas moi qui t’envoie?

15  Gédéon lui dit: Ah! mon seigneur, avec quoi délivrerai-je Israël? Voici, ma famille est la plus pauvre en Manassé, et je suis le plus petit dans la maison de mon père.

16  L’Eternel lui dit: Mais je serai avec toi, et tu battras Madian comme un seul homme.

17  Gédéon lui dit: Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, donne-moi un signe pour montrer que c’est toi qui me parles.

18  Ne t’éloigne point d’ici jusqu’à ce que je revienne auprès de toi, que j’apporte mon offrande, et que je la dépose devant toi. Et l’Eternel dit: Je resterai jusqu’à ce que tu reviennes.

19  Gédéon entra, prépara un chevreau, et fit avec un épha de farine des pains sans levain. Il mit la chair dans un panier et le jus dans un pot, les lui apporta sous le térébinthe, et les présenta.

20  L’ange de Dieu lui dit: Prends la chair et les pains sans levain, pose-les sur ce rocher, et répands le jus. Et il fit ainsi.

21  L’ange de l’Eternel avança l’extrémité du bâton qu’il avait à la main, et toucha la chair et les pains sans levain. Alors il s’éleva du rocher un feu qui consuma la chair et les pains sans levain. Et l’ange de l’Eternel disparut à ses yeux.

22  Gédéon, voyant que c’était l’ange de l’Eternel, dit: Malheur à moi, Seigneur Eternel! car j’ai vu l’ange de l’Eternel face à face.

23  Et l’Eternel lui dit: Sois en paix, ne crains point, tu ne mourras pas. […]

36  Gédéon dit à Dieu: Si tu veux délivrer Israël par ma main, comme tu l’as dit,

37  voici, je vais mettre une toison de laine dans l’aire; si la toison seule se couvre de rosée et que tout le terrain reste sec, je connaîtrai que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l’as dit.

38  Et il arriva ainsi. Le jour suivant, il se leva de bon matin, pressa la toison, et en fit sortir la rosée, qui donna de l’eau plein une coupe.

39  Gédéon dit à Dieu: Que ta colère ne s’enflamme point contre moi, et je ne parlerai plus que cette fois, Je voudrais seulement faire encore une épreuve avec la toison: que la toison seule reste sèche et que tout le terrain se couvre de rosée.

40  Et Dieu fit ainsi cette nuit-là. La toison seule resta sèche, et tout le terrain se couvrit de rosée.

 

 

Gédéon veut confirmation. La parole divine de l’ange de Dieu ne lui suffit pas, il se méfie, un peu comme Thomas face au Christ ressuscité. Cette attitude s’appelle l’incrédulité, elle est une composante importante de notre nature humaine ; nous y sommes tous confrontés un jour ou l’autre, quelle que soit la nature du moment. Gédéon va donc soumettre Dieu à des « tests », des épreuves.

  • D’abord, il va voir se consumer entièrement et instantanément son offrande : verset 21 chapitre 6.
  • Puis il posera le double signe de la toison, humide et sèche tour à tour : versets 36-40 du chapitre 6

Gédéon représente une sorte de synthèse de la peur et de l’incrédulité, car sa mission est tout aussi périlleuse que celle de Moïse ou Jonas : verset 14 chapitre 6. Il présente des arguments « à la Moïse », en se minorisant au maximum. Puis il pose les tests. Mais il finira par obtempérer, comme Moïse, et accomplir sa mission.

 

Nous sommes si souvent comme Gédéon. Face à la parole précise de Dieu, nous ne pouvons simplement croire et faire confiance. Toute notre petitesse nous rattrape. Nous voulons être sûrs avant de partir au combat. C’est strictement le contraire de la définition de la foi donnée dans la Bible : Hébreux 11 :1

« Or, la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. »

Gédéon veut voir, il ne peut faire confiance. Combien de fois sommes-nous ainsi ? Il est si difficile de cultiver l’espérance spirituelle quand tout autour de nous va contre.

Hébreux 6 :19 :

« Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide ; elle pénètre au-delà du voile. »

 

Mais il existe une solution à ce doute. La bible nous décrit une autre attitude, opposée et conforme à la foi.

 

L’enthousiaste et le serviteur zélé

 

Trois exemples-types :

  • Celui qui entend l’appel et y répond ;
  • Celui qui accomplit sa mission avec joie ;
  • Celui qui vit une communion fraternelle active et joyeuse.

 

Celui qui entend l’appel et y répond avec empressement :

Lecture biblique : Esaïe 6 : 8

« J’entendis la voix du Seigneur disant : Qui enverrais-je, et qui marchera pour nous ?

je répondis : me voici, envoie-moi. »

Dieu appelle et Esaïe répond simplement. Il se met à disposition, sans savoir si sa mission sera dangereuse ou aisée. Il fait confiance au Seigneur.

Psaume 69 :10

« Car le zèle de ta maison me dévore, et les outrages de ceux qui t’insultent tombent sur moi. »

Ce psaume décrit le serviteur du Seigneur (et pas seulement le Christ, relisez-le !), celui qu’il agrée. Celui-ci est habité par le zèle.

Voici un mot à considérer : il vient du grec zelos, puis latin zelus et signifie, jalousie, zèle, mais aussi émulation, rivalité et au final aussi, ferveur et ambition. Le zèle est un empressement humain, une bonne volonté joyeuse mise au service d’une cause.

 

Celui qui accomplit sa mission avec joie :

Lecture biblique : Luc 10 :1-20, surtout le verset 17.

 

1 ¶ Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller.

2  Il leur dit: La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson.

3  Partez; voici, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.

4  Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers, et ne saluez personne en chemin.

5  Dans quelque maison que vous entriez, dites d’abord: Que la paix soit sur cette maison!

6  Et s’il se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur lui; sinon, elle reviendra à vous.

7  Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce qu’on vous donnera; car l’ouvrier mérite son salaire. N’allez pas de maison en maison.

8  Dans quelque ville que vous entriez, et où l’on vous recevra, mangez ce qui vous sera présenté,

9  guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur: Le royaume de Dieu s’est approché de vous.

10  Mais dans quelque ville que vous entriez, et où l’on ne vous recevra pas, allez dans ses rues, et dites:

11  Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos pieds; sachez cependant que le royaume de Dieu s’est approché.

12  Je vous dis qu’en ce jour Sodome sera traitée moins rigoureusement que cette ville-là.

13  Malheur à toi, Chorazin! malheur à toi, Bethsaïda! car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et la cendre.

14  C’est pourquoi, au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous.

15  Et toi, Capernaüm, qui as été élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissée jusqu’au séjour des morts.

16  Celui qui vous écoute m’écoute, et celui qui vous rejette me rejette; et celui qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé.

17 ¶ Les soixante-dix revinrent avec joie, disant: Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom.

18  Jésus leur dit: Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair.

19  Voici, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi; et rien ne pourra vous nuire.

20  Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.

 

Les soixante-dix ont vécu une expérience heureuse, celle de la puissance agissante de Dieu (guérison, délivrance…), communiquée par Jésus. Ils sont dans la joie, un état contraire à la peur. Ils ont fait confiance à celui qu’ils suivent et sont partis sans douter. Dieu a tenu ses promesses et ils peuvent donc profiter de la joie d’une mission accomplie réussie.

Nous avons tous connus, je l’espère, ces moments où, après avoir obéi à Dieu, nous avons eu la joie de la réussite dans notre mission, que ce soit dans le témoignage, dans les visites ou dans une victoire spirituelle.

 

Ceux qui vivent la joie d’une communion fraternelle active :

Lecture biblique : Actes 2 :42-46, verset 46 surtout.

 

42 ¶ Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières.

43  La crainte s’emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres.

44  Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun.

45  Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun.

46  Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur,

47  louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.

 

L’église première de Jérusalem est une église joyeuse, après la Pentecôte, car elle expérimente la puissance du Saint-Esprit. Elle est ainsi encouragée à persévérer (verstes42 & 46), malgré les épreuves qui vont advenir ensuite. C’est la vie commune autour de la pratique du culte et de la charité qui soude les croyants et els rend heureux. La communion fraternelle est un atout considérable dont je sui toujours attristé de voir des chrétiens se priver.

 

Mais cette joie ne se limite pas aux moments de réussite et de bénédiction.

Paul et Silas chantent au fond de leur prison :

Lecture biblique : Actes 16 :16-34, verset 25 surtout . (Thyatire ou Philippes)

 

24  Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit les ceps aux pieds.

25 ¶ Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les entendaient.

26  Tout à coup il se fit un grand tremblement de terre, en sorte que les fondements de la prison furent ébranlés; au même instant, toutes les portes s’ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers furent rompus.

27  Le geôlier se réveilla, et, lorsqu’il vit les portes de la prison ouvertes, il tira son épée et allait se tuer, pensant que les prisonniers s’étaient enfuis.

28  Mais Paul cria d’une voix forte: Ne te fais point de mal, nous sommes tous ici.

29  Alors le geôlier, ayant demandé de la lumière, entra précipitamment, et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas;

30  il les fit sortir, et dit: Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé?

31  Paul et Silas répondirent: Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille.

32  Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient dans sa maison.

33  Il les prit avec lui, à cette heure même de la nuit, il lava leurs plaies, et aussitôt il fut baptisé, lui et tous les siens.

34  Les ayant conduits dans son logement, il leur servit à manger, et il se réjouit avec toute sa famille de ce qu’il avait cru en Dieu.

 

Ce texte décrit une situation paradoxale :

         Paul et Silas ont été torturés et emprisonnés parce qu’ils annoncent l’Evangile : verset 23 ;

         Mais, en pleine nuit, ils chantent les louanges de  Dieu et prient dans leur prison : verset 25 .

Cette confiance n’est pas due à leur stupidité naïve, mais à leur foi qui leur dit qu’ils agissent pour Dieu et qu’il ne les laissera pas choir, où qu’ils soient. La suite du récit manifeste cela de manière grandiose : le geôlier, et toute sa maison, les soigne et se fait baptiser, acceptant le message du salut de Paul et Silas.

 

Les disciples d’Emmaüs expérimentent l’enthousiasme :

Lecture biblique : Luc 24 : 13-32, verset 32 surtout.

 

13 ¶ Et voici, ce même jour, deux disciples allaient à un village nommé Emmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades;

14  et ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé.

15  Pendant qu’ils parlaient et discutaient, Jésus s’approcha, et fit route avec eux.

16  Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

17  Il leur dit: De quoi vous entretenez-vous en marchant? Et ils s’arrêtèrent, l’air attristé.

18  L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu le seul qui, séjournant à Jérusalem ne sache pas ce qui y est arrivé ces jours-ci- Quoi? leur dit-il. –

19  Et ils lui répondirent: Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple,

20  et comment les principaux sacrificateurs et nos magistrats l’on livré pour le faire condamner à mort et l’ont crucifié.

21  Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël; mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées.

22  Il est vrai que quelques femmes d’entre nous nous ont fort étonnés; s’étant rendues de grand matin au sépulcre

23  et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leurs sont apparus et ont annoncé qu’il est vivant.

24  Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au sépulcre, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit; mais lui, ils ne l’ont point vu.

25  Alors Jésus leur dit: O hommes sans intelligence, et dont le coeur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes!

26  Ne fallait-il pas que le Christ souffre ces choses, et qu’il entre dans sa gloire?

27  Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

28  Lorsqu’ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.

29  Mais ils le pressèrent, en disant: Reste avec nous, car le soir approche, le jour est sur son déclin. Et il entra, pour rester avec eux.

30  Pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna.

31  Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent; mais il disparut de devant eux.

32  Et ils se dirent l’un à l’autre: Notre coeur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?

 

 

Les deux disciples sont au fond du trou, ils remettent en question toute l’œuvre de Jésus, ils ne croient pas à sa résurrection. Ils sont dans le découragement et l’incrédulité. La rencontre avec Jésus et le dessillement de leur yeux spirituels bouleverse tout cela et le verset 32 traduit leur état spirituel personnel :

« Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans… »

Le feu est ici le symbole de la vie surnaturelle, de la lumière dans les ténèbres, de la chaleur dans le froid de la tourmente, de ce qui purifie…

 

Que tirer ici et maintenant pour nous, en église et individuellement, de tous ces textes ?

 

Je retiendrai deux éléments essentiels : le zèle et l’enthousiasme.

Ces deux comportements sont positifs et contrastent avec la crainte, le découragement, l’incrédulité ou la faiblesse, mais ils sont différents.

         Le zèle est une attitude humaine, nous dirions aujourd’hui une « motivation » sans faille, dont les racines peuvent être multiples, parfois spirituelles (amour de Dieu, du prochain, reconnaissance, foi…), parfois strictement charnelles (refus de l’échec, émulation, compétition, ambitions…). Le zèle est la part de l’homme, avec ses ambiguïtés.

         L’enthousiasme est d‘une autre nature. C’est la part de Dieu. Le mot vient directement du Grec « enthousiasmos » qui signifie « transport divin », et du verbe « enthousiazein », « être inspiré par la divinité ». Le terme était appliqué aux desservants des cultes et a été repris pour le christianisme ensuite.

 

Il est bien évident qu’il est préférable d’agir comme les derniers évoqués que comme Jonas, Moïse ou Gédéon, face à l’appel. Mais nous devons considérer plusieurs points :

         Moïse, Gédéon ou Jonas sont des hommes de Dieu, qui ont accompli, à leur échelle, des grandes choses pour Dieu. Il ne leur a pas demandé à tous trois la même chose. Les missions sont plus ou moins complexes et durables. Mais, une fois surmontée leur réticence, ils ont été de bons serviteurs. Or, ce qui compte est la fin d’une chose et non son commencement.

         Il est préférable d’être enthousiaste et zélé, car cela signifie une communion spirituelle avec Dieu.

         La peur, la crainte, la faiblesse, l’incrédulité sont notre part à tous aussi. Elles sont notre humanité. Ce que nous apprenons ici est qu’elles peuvent être dépassées en Dieu et par Jésus-Christ. Et, qu’une fois dépassés, ces comportements n’empêchent nullement Dieu d’agir par nous et de nous faire connaître le succès dans nos missions pour Lui.

 

Il nous faut désirer et cultiver l’enthousiasme. Par la prière et la vie de l’Esprit au quotidien. C’est le plus beau des comportements. Mais quand nous nous conduisons simplement comme des hommes, rappelons-nous ce verset :

 

« L’amour parfait bannit la crainte » : Première épitre de Jean 4 :18

 

Leave a Comment

Les trois fin de l’humanité et la civilisation

 

 

Un tel article n’aurait pas pu être écrit avant la période contemporaine récente (depuis la fin de XIXe siècle). Des millénaires durant, l’être humain n’a craint qu’une fin cosmique de l’espèce, mettant derrière le cosmos des forces plus ou moins nombreuses et précises (des divers panthéons au Dieu Unique des trois monothéismes). Cette crainte ne s’est pas dissipée. La science moderne de l’astrophysique tentant même de donner des dates à la fin de notre univers. Ces dates, très lointaines, parlent moins aux hommes que le risque infinitésimal et concret d’un choc avec une météorite géante. Grain de sable dans l’univers, pour reprendre un cliché rebattu, l’être humain sait, de manière plus ou moins nette, sa fragilité et sa contingence et devine le jeu des forces qui peuvent le rayer de la vie à tout moment.

Ce que je veux évoquer ici relève d’une autre réalité de la fin humaine, moins perceptible sans doute, mais paradoxalement sur laquelle l’homme à la possibilité d’être acteur. J’identifie trois scénarios de disparition possible de l’humanité. Les deux premiers sont incontestables et tout individu sensé se doit de réfléchir. Le troisième relève d’un choix spirituel et peut donc être écarté par ceux qui ne le font pas.

 

 

La première fin de l’humanité peut être écologique. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les hommes sont capables de saccager leur milieu jusqu’à l’extinction de l’espèce. La seconde fin est biologique. Pour la première fois, des auteurs, penseurs et scientifiques ont en main de quoi changer l’homme au point qu’il ne soit plus un Homo sapiens. Les biotechnologies et le courant de pensée appelé « transhumanisme » sont les armes de cette potentielle destruction. Enfin une troisième fin est annoncée depuis longtemps par les trois monothéismes, une « fin du monde » terrestre qui ouvrirait sur une autre vie et une autre organisation que le Moyen Âge appelait le Paradis et que l’on nomme prudemment aujourd’hui l’au-delà. J’appelle cette fin eschatologique. Ces trois fins peuvent interagir dans leurs facteurs, ce qui peut donner toutes sortes de discours et de position. Mon propos ici n’est point d’entrer dans le détail, mais de faire un point synthétique sur ces trois fins annoncées et de voir comment le même homme qui les fabrique pourrait y échapper par ce que j’appelle la civilisation.

 

 

* * * * *

 

La fin écologique est perçue depuis environ 150 ans par quelques esprits perspicaces. Ainsi D. H Thoreau parsème ses écrits d’avertissement sur la destruction de la nature et les risques terminaux qu’il entrevoit. Il analyse la société américaine et saisit la révolution technique que son peuple est en train de mettre en oeuvre. Mais, à côté d’artistes hyper-sensibles qui sentent le danger, l’immense majorité des terriennes se préoccupe pas de ce sujet. Il reste des terres à explorer et à atteindre jusqu’en 1953, date à laquelle Sir Edmund Hillary plante son piolet sur le toit du monde, l’Everest. À partir de cette date, le monde est fini et ne va pas cesser de rétrécir. Sous deux pressions qui s’additionnent : celle de la vitesse de déplacement des hommes et des informations et celle de l’augmentation de la population. De 3 milliards d’humains à la fin des années 1950 on passe à 6 milliards au début des années 2000. Il faut de l’espace et des ressources pour tous ces habitants. La course est lancée depuis plus de cinquante ans. La Terre nourricière, l’antique Gé, est devenue une mine d’où il faut tout extraire. Mais elle devient aussi le jardin commun de la maison commune, avec le partage des bons et des mauvais côtés. La pollution, sous ses diverses formes, la prédation sans fin sur certaines espèces, le massacre de la biodiversité et d’autres thèmes associés (réchauffement climatique, énergie…) deviennent « grand public » depuis 1992 et le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro. De ce sommet surgit un des plus beaux hochets de la pensée commune et unique des deux dernières décennies : le « développement durable ». Pourtant, l’idée initiale était belle, celle du Club de Rome ou du rapport Brundtland : réfléchir à la pérennité des hommes et à la qualité de la transmission de la « maison commune » entre les générations. Mais une première trahison fut l’oeuvre de la traduction (comme souvent) : de « sustainable devlopment » (développement soutenable) on en arrive à « développement durable ». Mon propos n’est nullement ici de discuter et polémiquer sur ce concept mou, il me semble s’être suffisamment détruit aux yeux de ceux qui prennent le temps de réfléchir : aujourd’hui l’industrie pétrolière est durable, la chimie de synthèse est durable, même la restauration fast-food est durable… Le seul intérêt de la notion de « développement durable » est d’avoir ouvert un débat de fond. Celui-ci permet ainsi de faire resurgir des auteurs oubliés ou mal compris. Et de poser la question systémique de l’humanité sur la Terre. Car les voix qui prêchent dans le désert ne sont pas celles de fou mais des Jean-Baptiste annonciateurs, tel Jean Dorst et « Avant que nature meure »[1] en 1965 ou «Silent spring »[2] de Rachel Carson en 1962. Des analystes lucides, il y a plus de 50 ans, ont déjà averti que le choix de fonctionnement de nos sociétés était suicidaire. Et il n’y a eu aucune différence sur ce point entre le communisme et le capitalisme, si ce n’est, peut-être, que le marxisme-léninisme soviétique ou chinois a encore plus saccagé la nature que son adversaire idéologique.

Comment peut-on envisager la fin écologique de l’humanité ? Rien de plus facile. Quelques pistes pour nous faire réfléchir.

Tout d’abord, il est infiniment plus logique au regard de l’histoire de parier sur la folie collective que sur la sagesse. Aujourd’hui, la folie est le nom que l’on doit donner à la propagande, au décervelage médiatique, au matérialisme effréné ambiant et à tant d’aspects de notre vie. Je pense aux arguments présentés par le géographe américain Jared Diamond dans « Effondrement »[3] et à ce que la bonne connaissance du passé nous enseigne. Il serait très surprenant que les sociétés mondiales prennent rapidement les orientations qui s’imposent. Ensuite, il nous suffit de consulter sérieusement les très nombreuses données énergétiques, médicale, alimentaire, environnementales, pour voir que l’avenir est mal engagé. La simple poursuite des tendances actuelles nous mène à une crise très grave qui peut, au pire, entraîné l’auto-destruction humaine, au mieux, une réduction drastique et dramatique de la population et un recul du niveau de vie. Pensons que nous sommes assis sur une capacité de destruction de N fois la Terre, avec les nucléaires civils et militaires. Tchernobyl et Fukushima nous donnent un petit aperçu de la catastrophe que le nucléaire porte en lui. Sans évoquer le problème du stockage des déchet dudit nucléaire. Nous sommes dans un TGV lancé à pleine vitesse et sans conducteur. Un moment ou un autre marquera la fin de la ligne. La guerre, sous toutes ses formes, peut se coupler au facteur précédent. Notre monde ne connaît nullement la paix depuis 1945. Le discours lénifiant de type onusien est un leurre, un pieux mensonge. Il est également faux de dire que nous allons vers un métissage généralisé et harmonieux. Ceci est le rêve martelé de certaines élites bien-pensantes qui croient servir ainsi la cause de l’humanité. Les haines religieuses et sociales (pour n’en prendre que deux !) sont porteuses de lourds nuages dont l’horizon se rapproche. Superposé à la destruction terrestre et aux inégalités croissantes, le mélange devient explosif et incontrôlable.

Enfin, nous devons revenir à plus de modestie et savoir que la Terre peut très bien se passer de l’homme[4]. Il y a eu (quelle que soit l’hypothèse retenue, scientifiques ou créationnistes) un AVANT l’homme, il peut très bien y avoir un APRES l’homme. Notre philosophie platonicienne, couplée avec les monothéismes, a produit des effets désastreux, convaincant l’homme de sa supériorité sur l’animal-machine et sur la nature mise à disposition. Aujourd’hui, ce discours autiste est repris par la science et la technique. La disparition totale ou majeure de l’humanité ne serait un drame que pour les humains, pas pour les chênes, les poissons, les oiseaux ou les insectes. Cessons de cultiver un nombrilisme de supériorité qui nous rend complètement stupide.

Il est urgent de comprendre que nous sommes des êtres vivants aux côtés de multitudes d’autres êtres vivants et que, si( ?) nous avons un avantage, celui du langage de la pensée, il doit nous servir à penser ce tout. Nous devons aussi accepter la réalité du bilan des ressources et des besoins. La poursuite de la croissance est suicidaire. Les 9 milliards d’humains annoncés pour 2050 peuvent vivre correctement sur cette planète, à condition de devenir sobres et partageux. À nous, les riches occidentaux, d’impulser l’exemple d’un renversement de vapeur. Montrons au reste du monde que l’on peut adopter la sobriété volontaire et sachons faire pousser des fruits d’une sociabilité apaisée. Nos modes de vie doivent changer, et pour cela, nos modes de pensée doivent d’abord changer : changeons l’école, son discours et sa finalité, modifions notre vision politique du monde, supprimons les pouvoirs, remplaçons-les par des coopérations à tous niveaux. Remettons le bonheur au centre de nos préoccupations. Voici le seul chemin qui permet d’envisager une humanité pacifiée et pérenne.

 

 

* * * * * *

 

Parler de fin « biologique » de l’humanité peut paraître un pléonasme ou un oxymore. Car « bios », c’est la vie. Il semblerait y avoir redondance avec ce qui vient d’être dit sur la fin écologique. Il faut entendre ici le mot « biologie » au sens propre de la science de la vie. Il faut en effet parler du risque que la biologie présente (et future, a fortiori) fait courir à l’espèce humaine. Cette menace est née au XXe siècle. Sa prémonition avait été formulée au XIXe siècle, d’abord par la théorie de l’évolution de Charles Darwin, de manière indirecte, puis plus directement par des théoriciens racistes comme Gobineau qui devaient influencer Hitler et le nazisme. En simplifiant, nous pouvons dire que ce sont les médecins de la mort, dans les camps nazis, qui ont levé le tabou biologique. Là, en toute impunité, ils ont pu disposer d’un matériau humain en grande quantité et se livrer à des expériences, certes inabouties, mais qui préfiguraient la suite. La science biologique soviétique a fait de même, disposant dans les camps du goulag d’un réservoir expérimental humain sans contrôle. Mais c’est à l’ouest, en toute légalité, que les étapes majeures ont été franchies. La biologie et les biologistes ont bricolé le vivant, les cellules, décryptant les ADN et ARN et joué aux apprentis-sorciers[5]. Nous ne savons pas tout car une bonne partie de ces recherches est liée au complexe militaro-industriel et donc, couvert par le secret-défense. Mais il suffit de lire la presse quotidienne de référence et les journaux de vulgarisation scientifique (en France : Science et Vie, Science et Avenir, la Recherche…) pour suivre l’évolution fulgurante de ce domaine de recherche. On sait maintenant cloner un organisme, introduire ou retirer des chromosomes ou des gènes, identifier les caractères génétiques des organismes. En parallèle, la science informatique travaille sur l’intelligence artificielle, la robotisation, alors que les nanotechnologies ouvrent des perspectives vertigineuses. Si tout ceci est croisé, et ce le sera si ce n’est déjà fait,  et mis en synergie, il est réaliste de penser que des organismes autonomes pourront être fabriqués et programmés très rapidement. La seule limite reste, pour l’heure, l’incapacité des scientifiques à créer la vie. Mais à partir du vivant, ils savent réaliser de plus en plus de prouesses. Ce que le bon docteur Frankenstein nous offrait comme frissons avec sa créature est devenu la réalité d’aujourd’hui.

Or il existe un courant de pensée qui milite depuis plusieurs décennies pour le dépassement des limites de l’homme par la science. Ceci porte le doux nom de « transhumanisme ». Ce courant de pensée rejette l’humanisme et son éthique. Il s’appuie sur la convergence des sciences et la « singularité » de l’époque exceptionnelle que nous vivons. On peut ici citer un des penseurs de ce courant, Gilbert Hottois (né en 1946), d’abord ellulien, puis changeant radicalement de position et devenant technophile : « les technosciences ouvrent sur une transendance opératoire de l’espèce : elles permettent de dépasser effectivement des limites naturelles associées à loa condition humaine. » Je ne puis m’empêcher de penser à la parole du serpent en Genèse 3 :5 : « …et que vous serez comme Dieu. » . Je renvoie mon lecteur au chapitre de synthèse consacré par Jean-Claude Guillebaud dans son dernier ouvrage, « La vie vivante »[6]. Pour la première fois dans l’histoire (à la fois courte et longue) de l’espèce humaine, l’Homo Sapiens – qui porte ici bien mal son nom – est en mesure de mettre fin scientifiquement à sa propre génération.

Cette fin  biologique  pourra prendre plusieurs aspects selon ce que nos sociétés permettront ou pas. Si nous laissons la bride sur le cou du couple infernal chercheurs/entreprises de biotechnologies, tout peut aller très vite et très loin. Dans quelques dizaines d’années ou, au mieux, deux ou trois siècles, l’humain de la famille Homo Sapiens basique sera dans les musées aux côtés de Neandertal ou de Lucy. Le cerveau pourra être entièrement programmé, les foetus sélectionnés et améliorés génétiquement (des êtres OGM), les élites clonées et les organismes rénovés, réhabilités et auto-réparés. Tout cela à la poursuite du double but de l’immortalité et de la toute-puissance. Bien sûr il y aura des perdants. D’abord, « les hommes sans qualités », les humains ordinaires, un peu lents, stupides, obèses, vicieux ou paresseux… Ce seront les laissés-pour-compte de ce formidable progrès. Quel sera leur sort ? Nul ne le sait, mais on peut envisager une hiérarchie stricte qui ne sera pas sans rappeler les maîtres et les esclaves. Ensuite, les rêveurs, les créateurs, les poètes, les anarchistes, brefs tous les marginaux. Leur cas est plus problématique, car ils s’opposent et proposent des alternatives. On peut être pessimiste sur leur avenir. Quant à la masse indifférenciée qui constitue l’immense majorité des populations, elle sera lobotomisée de manière systématique, soit chimiquement, soit médiatiquement comme c’est déjà en partie le cas actuellement. Ce système binaire ne peut, par définition, accepter de tierce catégorie. À mort donc tous les originaux. Peut-être pas encore génocidés, mais sûrement intériorisés ou relégués. Après cela, il n’est pas idiot évidemment de se poser la question de toutes « les ratées » de l’humanité. Handicapés, trisomiques, malades de maladies orphelines, vieillards atteints de maladies dégénératives et pauvres déficients… Avec cette évolution scientifique, l’eugénisme ne peut que faire retour. Mais il se parera d’autres noms et de justification plus acceptable. La fin de l’humanité homogène est déjà en marche. Quoi de commun entre un homme et une femme d’Afrique subsaharienne, à l’espérance de vie inférieure à 50 ans, et un homme ou une femme de la jet-set internationale, bardés de prothèse au fur et à mesure de son avancée en âge, liftés, liposucés et redessinés par la chirurgie esthétique, assistés par un pacemaker et entourés de tous les esclaves-machines ou humains possibles ? Rien à voir avec les Rois de France et les serfs de l’Ancien Régime, car la peste ou la grippe pouvaient les faucher indifféremment. Aujourd’hui déjà, au moment où je trace ses mots sur la feuille, la vie n’a presque rien en commun entre ces deux hommes ou femmes. Sauf le pneuma, le souffle vital, que nous ne savons pas encore influer et qui est la pierre philosophale, objet de toutes les attentions des chercheurs en biologie du monde entier. La fin de ce phylum commun est pour bientôt, si nous ne réagissons pas très vite. Peut-être est-il déjà trop tard ! Le « savant fou » a cédé la place aux chercheurs efficaces et appointés grassement par des firmes multinationales sans autre morale que le chiffre positif du bilan comptable annuel.

Que faire ? Limiter la science avant qu’elle ne conduise à la catastrophe finale. Mettre un terme à ce discours positiviste irresponsable issu de la révolution technique du XIXe siècle. Tout progrès n’est pas bon et même souhaitable. La science, et la technique qui en découle, doivent revenir à une position strictement subordonnée aux besoins pérennes de l’humanité. Il faut donc que la société, via les hommes et les femmes qui la composent, dans tous les pays du monde, reprennent le contrôle de la recherche et déterminent où chercher et jusqu’où. Et que l’on ne vienne pas me parler de dictature, d’atteintes aux libertés et aux droits de l’homme. C’est l’inverse qui a lieu aujourd’hui. Les droits de l’humanité sont bafoués par la science et le capitalisme qui la finance. La plupart des scientifiques sont aveugles sur ce point, refusant de poser toute question morale à propos de leurs travaux. Il faut oser repenser le bien et le mal, le vrai et le faux, l’utile dangereux, particulièrement dans ce domaine de la biologie. Ce n’est pas une attitude réactionnaire et archaïque, c’est la seule condition de la survie de l’humanité. Songeons, dans l’analogie de la parabole, à « La planète des singes » de Pierre Boule. Voulons-nous un monde qui va toujours de l’avant, au nom d’une trompeuse liberté et d’un illusoire progrès, ou sommes-nous collectivement capables de fixer des limites et des buts, en accord avec une philosophie humaine qui fasse sens ? La fin  biologique  de l’humanité pourrait correspondre avec la fin  écologique . Tout se jouera sur une échelle de temps assez courte. Le couplage des deux peut être redoutable. Ne repoussons pas ses idées d’un revers de main, au simple fait qu’elles contredisent la Vulgate dominante. Il faut prendre vraiment conscience que l’homme peut détruire son milieu très rapidement et se détruire, lui, en se transformant, au nom d’un progrès qui n’est qu’aveuglement.

La résistance sur ces deux fronts de rassembler tous les amis de l’humanité, quelles que soient leurs opinions par ailleurs. Il faut avertir, avertir sans cesse, décrypter l’information, faire oeuvre de pédagogie, protéger la liberté par la vie humaine. Bref, tout un programme de combat.

 

 

* * * * * *

 

La fin  eschatologique de l’humanité relève de la foi chrétienne. Elle est commune, sous des formes variées, au judaïsme, à l’islam et au christianisme. Nous entrons ici dans le champ de la foi, de la croyance. Il est donc normal que certains lecteurs ne puissent me suivre. Je leur demande cependant de bien vouloir lire jusqu’au bout car cette partie n’annule nullement les deux précédentes et les rapide propositions de lutte. Disons que, selon la position du lecteur, il s’agit d’une fusée à deux ou trois étages.

Que dit la Bible à propos de la Terre et de l’humanité ? Elle contient de très nombreuses déclarations sur les hommes et les femmes. Son registre est très souvent moral (ou éthique, puisque ces deux mots sont strictement synonymes, n’en déplaise à toute une partie de la France intellectuelle progressiste) : elle distingue le bon comportement du mauvais, elle parle clairement du bien et du mal. Le bien est associé à Dieu, et à la vie (bios revient), le mal est associé à Satan et au diable, et à la mort. Le texte le plus clair et le plus intemporel et dans le livre du Deutéronome, dans le Pentateuque initial, au chapitre 30, versets 15 à 20. Voici quelques extraits significatifs :

« Vois, j’ai placé aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur. Si tu obéis aux commandements de Yahvé, ton Dieu, en marchant dans ses voies […], Tu vivras […]. Mais si ton coeur se détourne et que tu n’écoutes pas […] : Vous périrez sûrement […] ; C’est la vie et la mort que j’ai placées devant toi, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin de vivre, toi et ta descendance… »

Ce propos adresse au peuple hébreu il y a plus de 3000 ans, mais les monothéismes successifs l’ont universalisé. Il y a un choix et nous trouvons, dès le début du texte, une association double et antithétique, vie égale bonheur/mort également malheur.

Ceci nous ramène à la finalité de la vie humaine individuelle et en société. La vie est liée au bonheur, le malheur, son contraire, à la mort. La suite du texte enrichit cette opposition d’un troisième terme, largement explicité par les comportements qui l’ accompagnent. Nous avons alors une triple opposition : vie, bonheur, bénédiction/mort, malheur, malédiction . Le troisième terme introduit explicitement le bien et le mal, qui sont dans l’étymologie directe des deux mots. Bénédiction égale « propos qui disent le bien pour quelqu’un ou quelque chose » ; malédiction égale « propos qui disent le mal pour quelqu’un ou quelque chose ».

Ainsi l’histoire de l’humanité qui se reconnaît en un Dieu unique démarre sur la nécessité d’un choix. Il n’est pas question ici de définir tous les termes de ce choix, ni de les étudier théologiquement. Mais de faire apparaître une humanité scindée en deux par ses choix. Cela choque les bien-pensants athées ou simplement mièvres. Tout le monde vaut tout le monde. On ne saurait ainsi discriminer. Toutes les pratiques et tous les comportements se valent. Et pour le bien et le mal, il y a la loi ! Ce relativisme moral est sans aucun doute un des facteurs qui conduit actuellement l’humanité à sa perte. Prenons simplement le cas de la science et de la recherche évoqué plus haut. En ne posant aucune limite (au nom d’une hypothétique et fausse liberté), nous refusons de faire le choix. Nous disons que faire des armes chimiques et fabriquer un détergent ou un médicament, c’est toujours faire de la chimie, et que ce sont des emplois qui sont en jeu, que c’est l’utilisateur final qui doit faire le choix. Mais si les chimistes allemands n’avaient pas pu fabriquer le zyklon B à cause d’un interdit de la société, il n’y aurait pas eu de gazages de masse dans les camps. Même chose pour la bombe atomique ou l’agent orange. Pas d’Hiroshima-Nagasaki, et pas de Vietnam défolié et de petites filles brûlées. Cessons de nous voiler la face. Tout est affaire de choix dans la vie. Et le christianisme pose des bases claires pour faire ces choix. Le bonheur et le bien face au malheur et au mal. La vie face à la mort.

Notons aussi que les deux fins qui nous menacent, écologique et biologique, le font parce que nous refusons le choix de la vie et du bonheur. Il peut y avoir là un point d’action commun entre tous les hommes, à condition de poser les bonnes définitions et les bonnes questions. Le XXe siècle nous a éclairés sur toutes les facettes du mal et si l’on veut être cynique, le bilan humain du communisme ou du nazisme, comme celui des guerres coloniales est autrement lourd que celui de l’inquisition, que le bon mécréant croit malin d’opposer aux chrétiens. Soyons donc réalistes, puisqu’il faut en passer par là. Le XXe siècle a tué des centaines de millions d’humains sous divers prétextes dont nous savons pertinemment qu’ils étaient le mal. Et nous refuserions aujourd’hui de prendre position à tout propos, nous réfugiant derrière des paravents libéraux (tous les sens du mot) qui ne sont que le pâle voile de notre lâcheté et de notre manque de conviction personnelle et de conscience.

La fin eschatologique du monde présent est dans ce refus de choisir, que le christianisme appelle « péché » et qui, ainsi présenté, ne nous fait pas honneur et efface la caricature trop facile que le discours commun colporte sur cette notion. Le péché est à la fois le refus de choisir le bien la vie et Dieu. Le non-choix amène de fait à laisser le champ libre au mal, à la mort et au néant. Ne pas choisir, c’est devenir un « allié objectif » du mal, pour reprendre une expression qui fleure bon la répression communiste. On peut choisir le bien et la vie sans accepter Dieu. Il y a une morale laïque et athée[7]. Elle est loin d’être celle qui règne dans nos sociétés. Ce qui règne aujourd’hui ne peut se définir en termes négatifs, comme le non-voyant par rapport à l’homme normal. Nos sociétés occidentales, et singulièrement européennes, sont dans le non-choix, la non-conviction et le non-engagement. Et tout le tapage médiatique du landerneau intellectuel parisianiste vise à cacher ce vide sous des arguments spécieux. On use ainsi de l’influence des Lumières. En les réduisant d’ailleurs à notre quarteron de « philosophes » du XVIIIe siècle (Rousseau, Voltaire, Diderot, Montesquieu). Nous oublions au passage tout le reste du mouvement, notamment en Europe du Nord et du Sud. Pourquoi ? Parce qu’il pourrait nous gêner aux entournures, idéologiquement. Nous nous sommes fabriqués un contenu sur mesure de nos Lumières, en occultant tout ce qui peut nous forcer à bouger. Mais relisons donc ces quatre auteurs et nous verrons à quel point nous les trahissons quotidiennement. Ce qui règne aujourd’hui est en fait l’esprit consumériste égoïste hédoniste d’un certain capitalisme. Mais il nous est difficile d’admettre que notre pensée et notre morale découlent d’un simple mode de production (rappelons que le capitalisme n’est nullement une pensée, une philosophie, mais simplement un système de finance et de production).

La fin eschatologique vient alors sanctionner l’échec de l’humanité à faire les bons choix dans la durée. Et la Bible se clôt par un livre nommé « Apocalypse ». Sans doute le plus mal connu et déformé de tous. « Apocalypse », en grec, ne veut pas dire « catastrophe » mais « révélation » ou « dévoilement ». Ce livre ultime lève le voile sur la fin de la présente humanité. Il se termine par deux chapitres qui décrivent l’après-humanité. Ainsi, le chapitre 21, débute par ces mots très célèbres qui ont inspiré tant d’artistes :

« Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre s’en étaient allée et la mer n’est plus. »

L’espérance chrétienne n’est pas dans la fin du présent système, car aucun homme, aucune femme ne peut souhaiter la disparition de sa propre espèce, de sa propre descendance ou lignée. L’espérance chrétienne est dans le ciel nouveau et la terre nouvelle. Car là, les choix sont faits :

« Voici le séjour de Dieu avec les hommes, et il séjournera avec eux et seront ses peuples, et Dieu lui-même sera avec eux. Et il essuiera toute larme de leurs yeux ; et la mort ne sera plus ; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus ; car les premières choses s’en sont allées. » Versets trois et quatre du chapitre 21.

Qui ne voudrait vivre cela, avec ou sans Dieu, avec ou sans la foi où la religion ? La fin eschatologique sanctionne un échec, je l’ai dit : celui du bon choix présenté à l’homme antique. Mais elle offre un remède à ce choix défectueux pour ceux qui font le choix de la foi, c’est-à-dire de l’espérance chrétienne.

La fin écologique ou biologique n’offre aucune porte de sortie. Théodore Monod a écrit à plusieurs reprises que le calmar géant et les animaux de sa famille étaient, d’après lui, les mieux placés pour nous succéder, après notre disparition. Mais le poulpe n’est ni l’espérance, ni l’avenir de l’homme. Il est une autre espèce. Voici la seule issue que laissent les fins écologiques et biologiques. (Pour la fin biologique, l’avenir et le robot ou l’homme ou femme bionique, un non-humain également).

 

 

* * * * * *

 

En face de ces périls et de ces défis, je n’ai à proposer qu’un seul mot : civilisation. Il faut refonder ensemble cette structure complexe que Fernand Braudel a merveilleusement étudié dans sa « Grammaire des civilisations »[8].

La civilisation, ce concept qui a si largement fait débat à la fin du XXe siècle lors des décolonisations et des recompositions qui ont suivi, ne doit pas être ignorée. Il est le seul qui convienne pour brosser le programme qui nous attend. La civilisation est le contraire de la barbarie. Je sais parfaitement les critiques anthropologiques ou philosophiques qui peuvent accompagner cette notion de « barbares », définie par les Grecs initialement. J’accepte le risque de dire, qu’aujourd’hui, les barbares sont ceux qui ne parlent plus le langage de l’humanité. Ceux qui détruisent notre maison commune et préparent la modification de l’humain sont des barbares. Ils ont pourtant le progrès, la recherche et une certaine science de leur côté. Ils ont aussi la puissance financière capitaliste et son arsenal médiatique. Mais ils sont ceux qui portent depuis plus de 100 ans les coups les plus rudes aux divers aspects de la civilisation humaine. Ils sont les barbares du XXIe siècle, aux côtés des terroristes intégristes de tout poil. Ils ne valent pas mieux qu’eux, même s’ils ont des manières exquises et de l’érudition.

Sans doute faut-il accepter que la civilisation dominante actuelle, celle de l’Occident mondialiste, ou disparaisse ou passe par une crise aiguë. Cet enjeu n’a rien à voir avec la fin de l’humanité que j’ai évoquée précédemment. Aller dans les pâturages interdits de la bio génétique ce n’est pas entamer une « crise », c’est tourner définitivement la page de l’histoire humaine. La seule réaction possible est la civilisation. Dans deux de ses livres[9], Jean-Claude Guillebaud évoque cette nécessité et les bases sur lesquelles cela peut se faire. Cette réflexion est précieuse même si elle est inachevée. Nous avons, par la grâce de l’histoire humaine et de ses acteurs, tous les éléments qui doivent servir à construire cette civilisation. En négatif, l’histoire permet de connaître les temps de folie, les utopies mortifères ou les crises qui ont mis à mal des peuples entiers. En positif, nous avons aujourd’hui à notre disposition la pensée et la création de tous ceux qui nous ont précédés, les grands moments de fièvre de l’humanité, la trace féconde des temps forts de notre passé.

Le futur se construit dans le présent sur les leçons du passé. Seul ce qui est advenu est vraiment à nous. La seule histoire d’amour que personne ne peut m’oter est celle que j’ai déjà complètement vécue. C’est l’indestructible force du souvenir. C’est pour cela que la phrase la plus forte du judaïsme est : « Shema Israêl ! » – Souviens-toi, Israël !… Ce qui a permis à ce petit peuple sémite de survivre à la dispersion et à la destruction tient en ces deux mots hébreux. Ce qui doit permettre de tenir bon aujourd’hui pour avoir un demain désirable est la mémoire. Si l’histoire et la mémoire ne servent à rien, alors, oui, l’humain mérite ce qui lui arrive. Mais cela peut ne pas advenir.

On ne décrète pas l’édification d’une civilisation. Seuls les tyrans destructeurs et les utopistes peuvent oser tenter la table rase. Nous savons, car cela est encore frais dans nos mémoires, l’échec de « l’homme nouveau » qu’on prétendait créer à l’Est de l’Europe. Il faut donc partir de ce que nous avons déjà, de ce que nous croyons perdu, de ce que nous estimons dangereux et nuisible. Il s’agit, par principe, de la tâche des penseurs et des intellectuels. Mais la situation est trop grave pour leur laisser cette seule responsabilité. Cet pseudo-élite s’est tellement coupée du réel et tellement compromise avec ceux qui voguent vers la fin qu’il faut un travail collectif de tous. Le temps n’est plus à l’Antiquité grecque ou à la Chrétienté médiévale des clercs. Les peuples sont de plus en plus instruits et aptes à mener la réflexion. Le rôle du penseur ou de l’intellectuel doit demeurer, mais il a changé. Sans doute sommes-nous arrivés près de ce point de non retour parce que nous avons laissé une classe dirigeante tout décider.

La civilisation de la pérennité doit être sans classe et sans monopole de pouvoir. Les classes sont l’assurance d’une lutte, larvée ou déclarée. Il faut inventer une ou des sociétés où les distinctions de classe ne soient ni financières, ni intellectuelles ni matérielles. Servons-nous de tout ce qui a marché et échoué pour inventer le modèle futur. Les monopoles de pouvoir sont la plus grande source de nos mots. Visiblement, la démocratie représentative n’est pas la bonne solution. Elle nous a livrés à des politiciens kleptomanes qui se sont associés aux patrons kleptomanes pour fabriquer le désordre socio-politique actuel. Là aussi, la recette n’existe pas, toute prête dans un quelconque grimoire. Elle doit naître de la réflexion, conjointe à l’expérimentation. La civilisation de la pérennité doit ni un retour à l’obscurantisme pseudo-religieux, ni un abandon  au  simili-progrès inéluctable des scientifiques et des économistes. Peut-être pourrions-nous regarder humblement ce que la vie naturelle autour de nous fait, dans les forêts, les lacs, les mers, les montagnes, ce que les peuples primitifs ou premiers ont construit avant que nous les détruisions. Nous ne sommes pas « les seigneurs et maîtres » de la nature. Nous sommes partis prenante de toute cette vie. Retrouvons notre place dans ce système terrestre en gardant toute notre spécificité et notre histoire, ce que les biologistes appellent la spéciation. Il n’y aura de pérennité qu’en harmonie avec le végétal, l’animal et le minéral. La Terre n’est pas une mine à ciel ouvert, un terrain de chasse ou un vaste champ agricole. Elle est le berceau de l’humanité. Elle était là avant nous, comme le berceau est avant le nouveau-né. Elle pourrait devenir notre tombeau. Le tombeau survit toujours au défunt.

 

 

* * * * * *

 

 

Pour autant, est-ce à dire qu’il faut choisir entre les deux types de fin, avec ou sans recommencement ? Bien évidemment, la réponse n’est pas aussi simple et le retrait du monde pour attendre tranquillement sa fin, en s’appuyant sur sa foi chrétienne est une lâcheté comparable à celle du non-choix. Il n’est pas plus question d’opposer la lucidité et l’espérance. La seule alternative positive et de lutter ensemble pour que ces fins n’adviennent pas. On peut encore infléchir la course destructrice du capitalisme, en revenant à du vrai « durable » et non à son ersatz rémunérateur. Durer, c’est se donner du temps et pas n’importe lequel. Le temps de ne rien faire ou peu (pourquoi pas la semaine de vingt heures si tout le monde a un emploi ?). Le temps d’aimer nos femmes, nos hommes et nos enfants. De leur transmettre le respect de l’autre et de la vie. Leur apprendre qu’il y a un bien commun et un mal commun et que nulle compagnie ne dure sans morale. Nous pouvons aussi nous dresser résolument contre le transhumanisme et la génétique et exiger des limites et des règles. Nos descendants méritent que nous menions ce combat, pour eux et pour nous. Cela signifie accepter de vieillir, de se dégrader peu ou prou, et de mourir (en laissant la liberté du moment de cette mort à ceux qui le désirent). Refuser les artifices et les prothèses qui, peu à peu, nous conduisent à franchir la ligne rouge. La fin biologique de l’humanité est probable, mais elle n’est pas certaine. Elle n’est écrite nulle part. Elle dépend seulement de nous. Ces deux combats sont à mener ensemble car ils sont l’avers et le revers d’une même pièce.

Quant à la fin eschatologique, elle relève de la foi personnelle. Elle ne m’empêche nullement de mener l’autre combat, elle m’y engage même formellement, si je prétends appliquer le seul commandement formulé par Jésus : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il précise, en disant que tout est là. Si j’aime l’autre, alors je ne puis le laisser se détruire et être détruit. Qu’il y ait une fin de ce monde présent à un moment que nul ne connaît, est-ce bien différent que de voir les humains se suicider collectivement par un mauvais choix de société ?

Décidément, tout est affaire de choix et des convictions qui les motivent.

 

Jean Michel Dauriac

 

Bibliographie indicative

 

Ouvrages cités dans le texte dans leur ordre de citation

 

1.      Avant que nature meure, pour une écologie politique : pour que nature vive – Jean Dorst – Delachaux et Niestlé – 2012 – (première édition 1965) –

2.      Printemps silencieux Rachel Carlson – Wildproject édition – 2012 – (première édition 1962)

3.      Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie – Jared Diamond – éditions Gallimard , collection NRF – 2006 (réédition Folio 2009)

4.      L’homme disparaîtra, bon débarras – Yves Paccalet – Editions J’ai lu – 2007 (première édition 2006)

5.      La vie vivante : contre les nouveaux pudibonds – Jean-Claude Guillebaud – Les Arènes – 2011

6.      La Bible, version TOB – Bibli’o & Le Cerf – 2010

7.      La morale anarchiste – Pierre Kropotkine – Editions Mille et une nuits – 2004 (première édition 1889)

8.      Grammaire des civilisations – Fernand Braudel – Editions Flammarion, collection Champs – 2008 (première édition 1992)

9.      La refondation du monde – Jean-Claude Guillebaud – Le Seuil, collection poche – 2008 (première édition 1999)

10.  Le commencement d’un monde – Jean-Claude Guillebaud –  Editions du Seuil – 2008

 

Ouvrages complémentaires

1.      Sobriété volontaire : En quête de nouveaux modes de vie – direction : Dominique Bourg & Philippe Roche – édition Labor et Fides – 2012

2 . La décroissance, une idée pour demain : Une alternative au capitalisme  -Synthèse des mouvementsTimothée Duverger – Editions Le sang de la terre – 2011

3 .  Et si l’aventure humaine devait échouer – Théodore Monod – Editions Grasset et Fasquelle – 2000 ( première édition 1991 sous le titre « Sortie de secours)

4 . Le capitalisme est-il durable ? – Bernard Perret – Editions Carnets nord – 2008

5 .  La voie – Pour l’avenir de l’humanité – Edgar Morin – Editions Fayard – 2011

 

 

 

 

 



 

[1] « avant que nature meure, pour une écologie politique : pour que nature vive » – Jean Dorst –Delachaux et Niestlé – réédition de 2012 (1965)

 

[2] « Printemps silencieux » – Rachel Carlson – Wildproject edition – réédition de 2012 (1962)

 

[3] « Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie » – Jared Diamond –éditions Gallimard, collection Folio – 2009 (2006)

 

[4] « L’homme disparaîtra, bon débarras » – Yves Paccalet – édition J’ai Lu – 2007

 

[5] Je prends le risque d’une simplification extrême, sachant bien que tous les scientifiques ne sont pas inconscients des dangers de leurs travaux. Mais il suffit d’une minorité agissante pour entraîner une majorité silencieuse.

 

[6] « La vie vivante : Contre les nouveaux pudibonds » – Jean-Claude Guillebaud – édition Les Arènes – 2011. J’emprunte à celui-ci les éléments évoqués ci-dessus.

 

[7] Voir , à titre d’exemple, « La morale anarchiste » de Pierre Kropotkine – Editions Mille et une nuits

 

[8] « Grammaire des civilisations » – Fernand Braudel – édition Flammarion, collection Champs

 

[9] « La Refondation du monde » & « Le commencement d’un monde » – Jean-Claude Guillebaud – éditions du Seuil

Leave a Comment

La ligne rouge de l’humanité: le combat contre le transhumanisme

 

Au départ, un numéro de Sciences Humaines âgé de quelques mois[1] et titré : « Et si on repensait tout ? » Un tel titre ne peut que m’attirer, moi qui réfléchis et agis très modestement à mon niveau, pour que cela advienne. Comme très souvent dans ce magazine, le dossier est consistant, varié et accessible -d’où le succès mérité de ce mensuel. Au milieu du dossier, un article, « Bienvenue chez les posthumains » attire particulièrement mon attention. Il s’agit d’une synthèse sur le courant transhumaniste. J’ai découvert ce courant de pensée en lisant le livre de Jean-Claude Guillebaud « La vie vivante – contre les nouveaux pudibonds », où il leur consacre un long chapitre, très bien documenté, comme dans chacune de ses enquêtes. J’ai déjà écrit à de multiples reprises tout le travail qu’il a accompli et tout le bien que je pense de celui-ci ; que cela soit fait encore une fois ici. Guillebaud a fourni un énorme travail de lecture et de synthèse très pointilleuse sur le champ des Sciences Humaines dans une série de près de 10 ouvrages qui resteront comme un point assez complet de la pensée au tournant du XXe et du XXIe siècle. Son ouvrage m’a donc alerté sur un sujet très « ellulien » s’il en est : l’alliance des techniques les plus pointues, du corps humain et de l’intelligence de notre espèce. Si Jacques Ellul vivait encore aujourd’hui, nul doute qu’il n’aurait pas eu de mots assez durs pour mettre en garde contre ce projet qui vise, ni plus ni moins, à dépasser les limites de l’humain par l’adjonction de prothèses techniques embarquées. À terme, il s’agit de créer ce que la télévision a popularisé avec un dessin animé appelé « Docteur Gadget » et une série comme « WonderWoman ». Mais ce qui était de la science-fiction est devenu aujourd’hui déjà en partie réel. Le dossier de Sciences Humaines présente quelques exemples connus : « Robocop » et « Terminator » au cinéma, les jambes en carbone de l’athlète handisport Oscar Pistorius[2] qui a couru avec les athlètes valides lors des jeux olympiques de Londres en 2012, ou bien le pacemaker et le sonotone.

 

 Pathos et manipulation de l’opinion

 

Car la grande ruse infâme du transhumanisme est d’avancer masqué derrière la philanthropie ou, pour le moins, le souci de l’homme et de la femme. Tout ce qui nous est présenté l’est sous l’angle de l’amélioration de la vie quotidienne et de l’allongement de notre existence. Et voici que l’actualité éditoriale vient de nous le rappeler par le moyen de la chronique hebdomadaire de Jean-Luc Porquet « Plouf », dans « Le Canard Enchaîné » en date du 17 octobre.

Il s’agit de l’annonce d’un documentaire diffusé sur Arte, « Un monde sans humains ? »[3] De Philippe Borel où un  futurologue américain du nom de John Smart (ça ne s’invente pas !) fait l’apologie de cette alliance ainsi définie : « Le transhumanisme, c’est l’idée que les humains et la technologie sont en train de fusionner ». Et notre expert de se lancer dans l’apologie des puces qui, d’ici peu, pourront contrôler notre corps, après y avoir été implantées, et le rendre interactif avec tout un univers électronique. Rousseau, reviens, ils sont devenus fous !

Ayant vanté tous les bienfaits de la dite-puce, capable de nous livrer des analyses médicales en temps réel et de corriger les déséquilibres par ses prescriptions affichées sur votre mobile (en attendant de les expédier directement à notre cerveau !), il conclut simplement : « Je pense qu’un grand nombre de gens se laisseront convaincre de l’essayer ». Eh oui ! Bien évidemment que, présentée ainsi, la « populas »[4], comme on disait du peuple au XVIe siècle, va se ruer sur ces objets sans réfléchir un seul instant aux conséquences éthiques, sociales, politiques et spirituelles. Il en a été de même pour la génétique au service du couple, du clonage ou de la carte à puce. La grande différence est que, là, il est porté atteinte à l’humanité même de l’être humain.

Dans le New York International Weekly, je lis un article intitulé « Le corps humain robotisé », avec comme sous-titre : « Des marines amputés testent un bras artificiel qui déchiffre les ordres du cerveau ». Un reportage du journal télévisé de la semaine suivante raconte la même histoire à travers le prisme d’une tétraplégique. De quoi est-il question ? Là encore, de prouesses techniques de la recherche en robotique, avec la mise au point d’un bras artificiel qui peut être directement connecté via des électrodes aux terminaisons du membre amputé. La prothèse est ensuite mise en place et la personne doit alors commencer un apprentissage de commande à son cerveau qui met ensuite en marche, via des processeurs, le bras et les doigts. On imagine sans peine l’avantage pour ces handicapés. Comment le bon peuple (et nous-mêmes) ne se réjouirait-il pas de cette avance technico-médicale ? Et voilà vendue la robotisation du corps humain, encore une fois sous un prétexte humanitaire quasi impossible à condamner. Il nous faut donc aller au-delà du pathos et de la manipulation émotionnelle médiatique pour atteindre le coeur du débat.

 

Le combat pour l’humanité de l’homme

 

Sans être alarmiste ou catastrophiste, je suis intimement convaincu qu’il y a là une véritable guerre à mener. À la fois guerre de position et guerre d’offensive. Il ne faut pas se contenter de « comité d’éthique » et de débat public dont nous savons pertinemment par expérience qu’ils sont organisés quand la messe est déjà dite. À ce propos, l’exemple du « mariage pour tous » est révélateur de la manière habituelle de notre pseudo-élite dirigeante et parisienne de prendre son microcosme et ses avis pour une image du pays et de confisquer absolument tout vrai débat. Le débat sur ce sujet-là aura lieu quand la loi sera en discussion au Parlement et assurée d’être votée. Cela ressemble au système politique du Directoire et du Consulat, où une assemblée discutait les lois sans les voter alors que notre les voter sans les discuter (ce n’est pas un gag, reprenez vos cours d’histoire vous y trouverez cela). Donc, éclairé par les multiples viols de la pseudo-démocratie où nous vivons, il y a urgence à mener contre le projet transhumain un combat impitoyable. Nous ne sommes pas là dans une configuration droite/gauche ou à athées/croyants mais dans l’opposition fondamentale humain/non-humain. Car le transhumanisme, qui se nomme aussi parfois post-humanisme, est la négation de l’humanité. Peu importe que ce soit par une sortie « vers le haut » comme il  le prétend pour mieux appâter le chaland. Il faut avoir conscience que l’enjeu réel et notre condition humaine. Jouer ce jeu consiste à tirer un trait sur l’histoire de l’Homo sapiens (et de ses prédécesseurs), depuis le Moustérien jusqu’à l’an 2000. Ce qui nous fait hommes et femmes est un alliage d’atouts et de faiblesses, de qualités et de défauts. Ce qui nous unit est notre mortalité universelle. Même la vieillesse et son cortège de maladies sont constitutifs de notre humanité. Évidemment, personne ne souhaite finir dément et grabataire. La recherche médicale a changé nos vies, surtout le troisième et le quatrième âge. Il faut donc penser la limite et la défendre par tous les moyens légaux (ou non, si nécessaire) en notre possession, sachant combien les puissances de l’argent ont métastasé la société et nos dirigeants.

Sur cette question, il est impossible de rester dans le camp des «bofistes ». Tout le monde est ou sera concerné. La communication (oh ! Le vilain mot) sur ce combat est donc essentielle : il faut travailler la prise de conscience individuelle et collective. Mais il est également impératif de réfléchir à des propositions concrètes. Le travail sur la ligne rouge doit être fait avec des spécialistes de médecine, de philosophie, d’informatique, d’électronique, d’alimentation… Tous les secteurs concernés doivent être balayés pour faire surgir les lignes de partage. En effet, nos concitoyens, selon leur mode de vie, leur formation, leur croyance et leurs histoires seront plus ou moins sensibilisées à l’un ou l’autre thème. Il est donc important de ne rien omettre dans l’analyse, la critique et la proposition.

Les adversaires sont puissants, riches et sans aucun scrupule éthique. Il nous faut donc être plus malins, plus persuasifs et imaginatifs. En luttant contre le transhumanisme, nous mettrons aussi à jour ce qui nous est constitutif et nécessaire. Ce n’est pas une lutte négative mais existentielle. Tout homme et toute femme peut et doit s’y retrouver. Il y va avant tout de l’avenir de nos enfants, petits-enfants et bien au-delà. Cette lutte rejoint celle de l’écologie, car comme elle, elle s’oppose à la pensée technicienne et à la gestion technocratique ; comme elle, elle vise la prolongation de l’humanité en sa maison. Nous sommes là au coeur de ce que j’appelle la « civilisation de la pérennité », par opposition à un « développement durable » qui a cessé de faire illusion.

 

La civilisation de la pérennité est un humanisme. Le transhumanisme est un non-humanisme, il le dit lui-même. Le choix a le mérite d’être clair.

 A lire pour approfondir vraiment la réflexion, l’excellent numéro de la revue « Foi & vie » consacré à ce sujet.

 

 

foi-et-vie-couv-transhumanisme.jpg

Jean-Michel Dauriac

 

P.S : découvert depuis la rédaction de ce texte, un article dans « »The Good Life » n° 7 – mars-avril 2013, pages 140-142 : « Au-delà de l’humain, le bonheur de l’humanité ? » de Yvan de Kevorguen.



 

[1] Et si on repensait tout – Sciences Humaines – n° 233s – janvier 2012

 

[2] Devenu depuis la vedette sombre d’un homicide sordide perpétré sur sa compagne.

 

[3] Documentaire de Philippe Borrel – Sur une idée originale de Noël Mamère – Coproduction : ARTE France, Cinétévé – voir des extraits à l’adresse suivante : http://www.arte.tv/fr/un-monde-sans-humains/6968904.html

 

 

[4] La Boétie in « Discours sur la servitude volontaire ».

Leave a Comment