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Réveiller l’esprit -Méditations de sortie de l’arche 1

Méditations de sortie de l’Arche: le principe

Le cycle de 8 méditations du confinement a ouvert une réflexion sur l’intériorité, tant personnelle que claustrale, avec l’assignation à résidence de tout le peuple français (sauf les métiers nécessaires et vitaux).

Débuté avec le souvenir lointain de Jérusalem dans l’exil babylonien, par le début du psaume 137, il s’est clos par Noé et la fin du déluge, assortie d’une nouvelle alliance et mission : peupler et remplir la terre.

Les circonstances changeant, le contenu et le but des méditations devait changer et s’adapter à ce nouveau contexte, qui n’est plus le confinement mais n’est pas le retour à la liberté antérieure. L’image de la sortie de l’Arche symbolise bien ce qui se passe : retour sur la terre d’avant, mais avec un nouveau contrat entre Dieu et l’humanité. Donc, tout se ressemble mais rien ne devrait être pareil. C’est maintenant le défi de l’extériorité qui s’offre à notre intériorité, renouvelée par le temps de la remise en question profonde que le retrait a pu permettre. Qu’allons-nous faire de ces semaines, de ces mois qui s’ouvrent devant nous ? Je ne veux évidemment pas parler du trivial qui refait surface aussitôt : l’apéro, la fête, la consommation, les vacances, l’inconséquence des comportements en public… Mon but est de réfléchir sur la traduction concrète des aspects spirituels que nous avons abordés dans les méditations précédentes, la foi, la prière, le salut, la volonté de Dieu, le rapport au prochain…

Un chrétien se doit de tenir un équilibre entre la spiritualité, la mystique,  et l’incarnation accomplie, la vie du corps et des sensations ; un équilibre, par définition instable et difficile entre la vie intérieure, la solitude nécessaire et le souci permanent du prochain et les mains dans le cambouis de la vraie vie. Il est tellement facile de n’avoir pas de mains pour ne pas risquer de les salir. Le message de Jésus est sans aucune ambiguïté ni concession : relisons le Sermon sur la Montagne ou Jean chapitre 17 pour en raviver le souvenir.

Que devons-nous et pouvons-nous faire dans le monde où nous revenons après deux mois d’apesanteur ? Ce sera le défi que je vais vous proposer : partir d’une parole biblique, (car la Bible est pour moi Parole de Dieu révélée aux Hommes par les hommes), pour nous aider dans cette recherche d’équilibre. Je n’ai pas de réponses préalables. Je vous propose de les chercher ensemble. Puisse Dieu m’aider par vos remarques et réactions. Seuls l’échange et le débat pourront construire la liberté et la vie vraie et bonne en Christ.

Jean-Michel Dauriac – Dimanche 17 mai 20

Réveiller l’esprit

Lecture de base : Esdras 1 :1-5 – version NEG.

« 1 ¶  La première année de Cyrus, roi de Perse, afin que s’accomplisse la parole de l’Eternel prononcée par la bouche de Jérémie, l’Eternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, qui fit faire de vive voix et par écrit cette publication dans tout son royaume :

2  Ainsi parle Cyrus, roi des Perses : L’Eternel, le Dieu des cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem en Juda.

3  Qui d’entre vous est de son peuple ? Que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem en Juda et bâtisse la maison de l’Eternel, le Dieu d’Israël ! C’est le Dieu qui est à Jérusalem.

4  Dans tout lieu où séjournent des restes du peuple de l’Eternel, les gens du lieu leur donneront de l’argent, de l’or, des effets, et du bétail, avec des offrandes volontaires pour la maison de Dieu qui est à Jérusalem.

5 ¶  Les chefs de famille de Juda et de Benjamin, les sacrificateurs et les Lévites, tous ceux dont Dieu réveilla l’esprit, se levèrent pour aller bâtir la maison de l’Eternel à Jérusalem. »

La version audio de cette méditation est là:

Nous avons débuté ce cycle de méditation avec un psaume « babylonien » où l’on trouve une des phrases capitales du judaïsme : « Si je t’oublie Jérusalem… ». Je vous renvoie à la méditation 1 sur le psaume 137.

Nous y avons trouvé le peuple Hébreux en exil et n’ayant plus que sa mémoire pour pratiquer sa religion et garder sa foi.  J’avais pris appui sur cette situation pour nous exhorter à cultiver une vie d’église, malgré les circonstances absolument nouvelles et brutale du confinement de toute la nation française.

Les versets d’Esdras que je propose de partager avec vous poursuivent cette histoire d’Israël, et donc la nôtre symboliquement puisque, comme le dit Paul dans les chapitres 9 à 11 de l’Epître aux Romains, nous sommes « l’Israël spirituel » qui doit permettre le salut final de l’Israël historique. Tout ce qui est dit d’Israël dans la Bible est donc, selon la théologie chrétienne depuis l’origine, transposable aux Chrétiens, l’Israël spirituel né de la loi de Jésus.

Depuis 50 à 70 ans, les Israélites, du Royaume du Nord, comme de Juda,  sont déportés à Babylone. C’est donc deux ou trois générations qui sont nées sur cette terre étrangère et idolâtre. Nous savons combien l’émigration change les gens qui émigrent et comment leurs enfants, quelles que soient les circonstances de leur venue, s’imprègnent de la langue et de la culture du pays d’accueil : on appelle cela l’intégration. A terme, celle-ci peut devenir de l’assimilation, c’est-à-dire que toute trace de la culture originelle a disparu. Nous avons assisté à ce phénomène en France au XXème siècle, avec les Polonais, les Espagnols, les Portugais, les Italiens et la majeure partie des maghrébins et africains venus en France.

Les Hébreux n’y ont pas échappé non plus. On peut penser qu’il en fut ainsi lors de cet exil à Babylone. En –550 ou –540, une bonne partie des enfants hébreux nés en Mésopotamie étaient intégrés et faisaient leur chemin dans ce pays et cette société (le livre de Daniel nous en donne un exemple indirect).

Est-ce une faute pour les Hébreux de s’être intégré chez les vainqueurs ? Si on lit la Torah, sans nul doute oui, car elle établit une séparation entre le peuple élu et les autres nations, pour des raisons de fidélité à Dieu et ses commandements. S’intégrer, est-ce oublier Dieu et ses paroles ? Ma question n’est pas innocente, elle nous concerne au premier chef. Nous connaissons les paroles de Jésus et de Paul à ce propos.

« Jean 17 : 15  Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du malin.

  1. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. »

Ce passage établit clairement la différence entre « dans le monde » et « du monde ».

« Actes 2 : 40 : 40  Et, par plusieurs autres paroles, il les conjurait et les exhortait, disant : Sauvez-vous de cette génération perverse. »

« Philippiens 2 : 15  afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d’une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde… »

Pierre et Paul donnent la consigne de se sauver d’une « génération perverse et corrompue ». Donc d’éviter l’intégration complète.

Or, voici que survient un événement extraordinaire, résumé dans les versets 1 et 2 de notre texte. Dieu suscite chez Cyrus, empereur de Perse, une décision totalement inattendue et improbable. Celui-ci veut obéir à L’Eternel, qui lui a commandé de lui bâtir un temple à Jérusalem. En lisant ces lignes, nous devrions être abasourdis et frappés presque d’incrédulité. Récapitulons :

  • Cyrus II le Grand n’est pas un roi quelconque comparable aux roitelets cités dans les livres historiques de la Bible. Il est le fondateur de l’Empire Perse, qui a vaincu Babylone et les royaumes alentours et qui installe une domination de plusieurs siècles. (A cette époque les Romains sont des paysans sans puissance et les Grecs règnent sur des cités aux pouvoirs limités). Cyrus est le maître du monde de l’époque, comme les pharaons le furent en leurs temps.
  • Ce souverain appartient au monde païen, selon les critères de la Bible – en réalité, nous savons par l’histoire des religions que la Perse avait des religions monothéistes ou dualistes, comme le mazdéisme ou le zoroastrisme. La notion de Dieu unique ne leur était donc pas étrangère.
  • Mais Dieu s’adresse directement à Cyrus, et lui donne un programme totalement surprenant pour un roi non-hébreux : construire un temple à Jérusalem. Il s’agit en fait de reconstruire le temple qui a été détruit par les Babyloniens en 587-86. Ce sera donc le second temple.
  • Nous avons là une pratique divine qui trouble les hommes religieux et qui se retrouve à plusieurs reprises dans la Bible juive : Dieu se suscite un serviteur pour son œuvre, parmi les païens : on pourrait dire que cela commence par Moïse et se poursuit jusque dans le Nouveau Testament, avec Corneille et sa famille ou le centenier romain. Nous devons savoir et croire que Dieu choisit qui il veut, où il veut, quand il veut, même si cela nous étonne ou nous déplait. Il a bien choisi Saul de Tarse, un persécuteur de la jeune église chrétienne, pour en faire le plus grand des évangélistes et des docteurs chrétiens. Nous avons déjà vu cela avec Job, qui n’était pas israélite. Dans le cas de Cyrus, Dieu avait déjà annoncé ce qu’il ferait des siècles auparavant, avec une précision accablante pour Israël. Lisons deux versets dans Esaïe 44-28 et 45 :1. « 28  Je dis de Cyrus : Il est mon berger, Et il accomplira toute ma volonté ; Il dira de Jérusalem : Qu’elle soit rebâtie ! Et du temple : Qu’il soit fondé ! 1 ¶  Ainsi parle l’Eternel à son oint, à Cyrus… » Il faut noter l’emploi du mot traduit par « oint » dans le dernier verset, qui est le terme messiah en hébreux, soit le messie ; il est rarissime que ce terme soit donné à un non-hébreux.Les sages d’Israël n’ont donc pas dû être surpris, eux, de cet épisode, mais ont pu louer l’Eternel pour la fidélité de ses promesses.
  • Nous ne saurons rien de plus de la relation de Cyrus avec l’Eternel. C’est son affaire et celle de Dieu. Mais il est dit une chose remarquable au verset 1 : « L’Eternel réveilla (ou éveilla) l’esprit de Cyrus. » Voici comment Dieu agit : il réveille en l’homme l’esprit originel mis en lui (à travers la création) et qui dort. Cet esprit est présent chez tous les hommes depuis les origines. Et là, c’est Dieu qui prend la décision, sans quête apparente de Cyrus. Le projet du second temple vient de Dieu lui-même, alors que celui du premier temple était une idée de David que Dieu avait acceptée, mais avec des conditions restrictives – David ne put le réaliser lui-même car il avait trop de sang sur les mains. Dieu suscite donc ce projet par Cyrus, qui s’adresse aux Hébreux pour être les réalisateurs de ce vœu de Dieu. Il s’adresse aussi à son peuple et le sollicite pour qu’il fasse des dons aux Hébreux pour le Temple. Evidemment Cyrus n’envisageait pas de ne pas être obéi, et c’est sans doute d’ailleurs une des raisons du choix de Dieu : Cyrus a le pouvoir de faire exécuter ce plan.
Jérusalem détruite par les Babyloniens en -587

Sommes-nous capables d’imaginer ce qui a bien pu se passer chez les Hébreux quand ils eurent connaissance de cet édit de l’Empereur ? Incrédulité, crainte, surprise, désintérêt ou joie en Dieu, je pense que tout cela a existé chez eux. Les Hébreux étaient installés, ils avaient fait leurs vies à Babylone, les premiers déportés étaient morts depuis longtemps, c’était de l’histoire maintenant. Et voici que Dieu chamboulait toute leur existence. Mais cela n’aurait pas dû les surprendre, car ces faits arrivent, comme le dit le verset 1, en accomplissement de la prophétie de Jérémie, que nous lisons au chapitre 25, 11 à 14 et 29 :10.

« 25 : 11  Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.

12  Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone et cette nation, dit l’Eternel, à cause de leurs iniquités ; je punirai le pays des Chaldéens, et j’en ferai des ruines éternelles.

13  Je ferai venir sur ce pays toutes les choses que j’ai annoncées sur lui, tout ce qui est écrit dans ce livre, ce que Jérémie a prophétisé sur toutes les nations.

14 Car des nations puissantes et de grands rois les asserviront, eux aussi, et je leur rendrai selon leurs œuvres et selon l’ouvrage de leurs mains. 

29 : 10  Mais voici ce que dit l’Eternel : Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. »

Dieu avait donc déjà tout planifié et tout annoncé. Mais pour que le plan fonctionne, il fallait deux choses : que Cyrus entende et obéisse, et que les Hébreux se mettent en marche. Tous les Hébreux n’ont pas réagi à l’appel de Dieu. Certains avaient trop à perdre, ils étaient trop intégrés à Babylone. Le texte, dans le verset 5 dit : « tous ceux dont Dieu réveilla l’esprit » se levèrent pour obéir à l’appel de Cyrus et de Dieu. Les autres sont restés dans leur vie ordinaire.

Quand Dieu veut faire connaître sa gloire et être célébré, il est tout puissant sur le choix des moyens. Mais il ne peut contraindre qui que ce soit à faire sa volonté. L’esprit donné par Dieu, le pneuma divin, est en chacun de nous. Il veut le réveiller, lui rendre sa dynamique. Mais cela ne se fera nullement contre notre gré.

Comme les Hébreux après l’exil, nous revenons au monde d’avant la closure. Mais pourquoi y revenons-nous ? Servirons-nous Babylone, dans la continuité d’une intégration au monde païen (sans Dieu), ou voulons-nous construire le Temple de Dieu, sous l’impulsion du grand roi ?

Les Hébreux qui sont restés à Babylone n’ont pas renié Dieu, ils ont gardé la tradition et, plus tard, après la destruction de ce Temple, en 70 après JC, ils rédigeront un des deux Talmuds de référence du judaïsme (avec celui de Tibériade). Mais ils n’ont pas vécu la riche expérience de ceux qui sont revenus à Jérusalem, après le réveil de leur esprit. Partir, c’est accepter de se remettre en question. C’est vouloir que le retour soit différent. C’est à nous de choisir ce que sera demain pour nous, à Babylone ou à Jérusalem.

Dans la prochaine méditation, nous verrons ce qu’ont vécu ceux qui ont accepté le réveil de leur esprit et ce que cela peut signifier pour nous. Jean-Michel Dauriac – 17 mai 2020

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De l’oreille à l’œil Méditations de confinement 6

Voici le lien pour l’écoute audio:

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Lecture de base : Job 42 : 5

 

«  Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. » (version NBS)

«  Par ouï-dire je te connaissais, mais maintenant mon œil t’a vu. » (version Ostie-Trinquet)

 

Notre méditation de cette semaine nous amène dans ce formidable et étrange livre de Job. Voici un texte proprement unique dans la Bible juive. Son originalité saute aux yeux du lecteur, comme celle, par exemple, du Cantique des Cantiques. De Job nous ne savons rien d’autre que ce que le livre nous en dit, dans le chapitre 1 du prologue. C’est un grand propriétaire, éleveur très pourvu et chef de famille comblé, avec dix enfants, trois filles et sept fils. Il a aussi « un très grand nombre de serviteurs », comprenez d’esclaves. Rien ne nous permet de dire que c’est un israélite, surtout pas le lieu de sa résidence, le pays d’Outs, que l’on n’a pas réussi à localiser avec précision (Ammon, Syrie ?), qui n’est pas en Palestine, mais en Arabie selon les dénominations antiques.

Nous avons là une première interrogation : pourquoi cette histoire d’un oriental, sémite mais non hébreu, est-elle dans le canon de la Bible juive ? Le livre est écrit en hébreu, par un israélite, il a un langage totalement israélite, mais l’histoire remonte au temps des Patriarches : Job est un patriarche non hébreu des temps lointains. Or, il est très rare que le héros d’un livre de la Bible hébraïque ne soit pas un hébreu. Une clé de compréhension nous est donnée au chapitre 1, verset 1 : «  Il y avait au pays d’Outs un homme nommé Job. Cet homme était intègre et droit ; il craignait Dieu et s’écartait du mal. » (version NBS)

Job connaissait Elohim, le Dieu des patriarches et du début de la Genèse. Sa vie était marquée par l’honnêteté et la droiture, donc l’amour de la vérité, c’était un homme de bien, car « il s’écartait du mal ».

Nous trouvons ici un premier enseignement : se tenir éloigné du mal, c’est manifester la crainte biblique de Dieu, donc le respecter comme un père, ce qui est le sens réel du mot « crainte », dans le contexte vétéro-testamentaire. Nul n’a besoin pour cela d’appartenir au peuple d’Israël. Job est le type du croyant issu du monde païen. Il ne se rattache pas concrètement à la religion du Sinaï. Cependant, il pratique le sacrifice d’expiation pour ses fils (chapitre 1, verset 5) et le Seigneur, à la fin du livre en fait l’intercesseur par la prière, sur le sacrifice de ses trois amis, qui ont mal parlé de Dieu (chapitre 42, versets 7 à 9). C’est dans la Bible juive la preuve du salut universel qu’Elohim offre à tous les hommes, un peu comme il a offert le pardon aux Ninivites dans le petit livre de Jonas (voir ma méditation sur ce sujet).

 

Le prologue nous raconte aussi la discussion qui eut lieu « devant le Seigneur », verset 6 du chapitre 1 et 1 du chapitre 2. L’Adversaire, ou le Satan, l’accusateur en hébreu, pose une question cruciale au Seigneur (le mot employé n’est ici plus Elohim, mais YHWE, tétragramme imprononçable pour un juif) : «  Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? » (verset 9). Il est le spécialiste des question ambigües. Souvenons-nous du « Dieu a-t-il vraiment dit ? » de Genèse  3 :1.

Cette question, Dieu l’entend bien et accepte qu’elle soit l’enjeu de son affrontement avec l’accusateur, par la personne interposée de Job. Dieu est certain de l’amour pur de Job, mais le Mauvais est là pour suggérer un amour intéressé, lié aux grandes bénédictions accordées à Job. Il va donc obtenir de Dieu la permission de ruiner la vie et la santé de Job, afin de démontrer que sa foi est intéressée. C’est tout le sens du livre. Car le livre de Job est autant un livre sur la relation de foi solide à Dieu qu’un livre sur la douleur et l’épreuve.

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Job et ses amis – Gillot Saint Evre (1791_-1858)

Entendons-nous la question du Satan ? Pourquoi donc craignons-nous Dieu ? Pourquoi affirmons-nous que nous avons la foi ? Cette question, nous ne pouvons l’éluder, il nous faut y répondre. Ceux qui sont les adversaires du christianisme, je pense ici aux philosophes Nietzsche et Marx, disent que c’est contre la promesse d’une vie éternelle paradisiaque que les hommes acceptent cette « religion d’esclaves », comme dit Nietzsche et s’enivrent de cet « opium du peuple » comme le formule Marx. Ont-ils toujours tort ? Chez certains d’entre nous, n’y-a-t-il pas dans notre religion une sorte d’ « assurance contre la mort » ? Or, si nous sommes dans cette position, notre foi ne pourra pas résister à l’épreuve. C’est tout le défi proposé à Job. Sa femme ne lui est pas vraiment un soutien, quand elle lui dit, à la suite de tous ses malheurs « Maudis Dieu et meurs ! », au verset 9 du chapitre 2. Madame Job ne semble pas partager la foi de son époux ! Il lui répond très sèchement : «  Tu parles comme une folle ! Nous recevrions de Dieu le bonheur, et nous ne recevrions pas aussi le malheur ! » (verset 10). Il y aurait beaucoup à dire sur cette réponse, mais contentons-nous de dire que Job sait que la vie humaine est toute entière dans cette liberté face à ce qui nous arrive. Job refuse cette tentation du reniement. Sa foi n’est pas basée sur des avantages attendus. Ce qui se résume à son propos, devenu proverbial, du chapitre 1, verset 21 : «  Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; que le nom du Seigneur soit béni. » Je vois dans cette formule bien plus que le fatalisme chrétien ou oriental qu’on a voulu y voir. J’y lis au contraire la vraie foi de Job, tournée vers Dieu seulement, une détermination à toute épreuve, à proprement parler.

Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de Job pour sonder notre foi. Croyons-nous seulement quand tout va bien ou, au contraire, quand ça va mal et que nous avons besoin de la béquille de Dieu pour continuer à marcher ? La foi est indépendante de la météo de notre existence, des circonstances, car elle est don et révélation de Dieu. Relisez le passage de Matthieu 16-13-17 : « 13   Jésus, arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander à ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?

14  Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie, ou l’un des prophètes.

15  — Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?

16  Simon Pierre répondit : Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.

17  Jésus lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! »

 

Venons-en maintenant au verset lu au début de notre partage. Nous enjambons tous les échanges de discours, qui sont le cœur de ce livre, du chapitre 3 au chapitre 37. A partir du chapitre 38, le dialogue se noue directement entre Dieu et Job. Dieu ramène Job à sa condition humaine, en lui montrant toutes les choses qu’il ne peut comprendre et maîtriser. Ce sont les superbes chapitres 38 et 39, que tous les scientifiques, politiques et grands esprits autoproclamés devraient lire et relire régulièrement. Job répond très humblement à Dieu, au début du chapitre 40. Dieu « enfonce le clou » de la faiblesse humaine dans ces descriptions extraordinaires du Béhémoth et du Léviathan. L’homme n’est rien face à ces créatures divines. Et nous arrivons à ce début du chapitre 42, qu’il faut alors relire :

« 1  Job répondit au SEIGNEUR :

2  Je sais que tu peux tout, et qu’aucune pensée ne t’échappe.

3   […]Ainsi j’ai parlé, sans comprendre, de choses étonnantes qui me dépassent et que je ne connais pas.

4   […] 

5  Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu.

6  C’est pourquoi je renonce : je me repens sur la poussière et la cendre. (version NBS). »

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Nous pouvons mesurer combien l’épreuve a formé Job. Il a énormément progressé, tandis qu’il restait confiné à son tas de fumier, à gratter ses ulcères. Il sort du confinement avec une véritable vision de Dieu. Jusqu’alors, il reconnaît avoir eu une foi de tradition, fondée sur le ouï-dire. C’est la foi dont nous héritons par tradition familiale et culturelle. Mais par son cheminement, ses errements, reconnus dans le verste 3, Job a pu arriver à une vision : son œil spirituel a vu Dieu, il a dialogué en direct avec lui. Sa foi est maintenant personnelle, en prise directe avec Dieu.

 

Saurons-nous agir comme Job ? Ce temps de retrait imposé face à la maladie, parfois pour certains, dans la maladie elle-même, est l’occasion de faire évoluer notre foi. Qui n’a pas envie de pouvoir dire comme Job : « Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. » Et la bénédiction suit. Job est restauré, par la grâce de Dieu. Faisons nôtre l’affirmation de Proverbes 1 : 22 :

«  C’est la bénédiction de l’Eternel qui enrichit, Et il ne la fait suivre d’aucun chagrin. (version NEG) »

 

Jean-Michel Dauriac

21 avril 2020

 

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La double libération Méditations de confinement 5

La version audio est ici:

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Lecture de base : Marc 2 :1-12 (version NEG)

 

« 1  Quelques jours après, Jésus revint à Capernaüm. On apprit qu’il était à la maison,

2  et il s’assembla un si grand nombre de personnes que l’espace devant la porte ne pouvait plus les contenir. Il leur annonçait la parole.

3  Des gens vinrent à lui, amenant un paralytique porté par quatre hommes.

4  Comme ils ne pouvaient l’aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit de la maison où il était, et ils descendirent par cette ouverture le lit sur lequel le paralytique était couché.

5  Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés sont pardonnés.

6  Il y avait là quelques scribes, qui étaient assis, et qui se disaient au-dedans d’eux :

7  Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul ?

8  Jésus, ayant aussitôt connu par son esprit ce qu’ils pensaient au-dedans d’eux, leur dit : Pourquoi avez-vous de telles pensées dans vos cœurs ?

9  Lequel est le plus aisé, de dire au paralytique : Tes péchés sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, prends ton lit, et marche ?

10  Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés :

11  Je te l’ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton lit, et va dans ta maison.

12  Et, à l’instant, il se leva, prit son lit, et sortit en présence de tout le monde, de sorte qu’ils étaient tous dans l’étonnement et glorifiaient Dieu, disant : Nous n’avons jamais rien vu de pareil. (version NEG) »

 

Voici un récit qui illustre parfaitement l’art de l’auteur de l’Evangile selon Marc. Dans une forme très ramassée, il réussit à communiquer un message fort riche. Nous sommes au début du ministère de Jésus, quand il commence à parcourir la Galilée. Il procède de manière itinérante, mais possède des points de chute : on lit le verset 1 comme un retour « à la maison ». Il est donc déjà en terrain connu et le début du récit le prouve : le verset 2 nous précise que des personnes si nombreuses viennent l’écouter « annoncer la parole » qu’on ne peut plus entrer dans la maison ni s’en approcher. Marc possède un vrai talent pour nous faire vivre l’action. Nous visualisons très bien ce qui se passe.

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Ici, c’est Jésus qui est en quelque sorte confiné dans la maison par la petite foule venue l’écouter. Le foule ne peut s’approcher de lui, sans doute seuls quelques-uns sont directement à son contact. Voici qu’arrive un brancard porté par quatre hommes, avec un paralytique couché dessus.

Cet homme n’est pas seul ; il n’aurait jamais pu venir près de Jésus sans ses quatre amis dont nous ne saurons rien, sauf ce qu’ils ont accompli (ce sont les humbles qui font que le malade peut aller au devant de la guérison : toute ressemblance avec la situation actuelle  et « l’héroïsme des humbles », comme l’a si bien dit le philosophe Robert Redeker[1], est tout à fait intentionnelle). Leur motivation est très forte, ils ont le souci du prochain, donc manifestent une forme d’amour. Ils savent que Jésus guérit, car il a rétabli la belle-mère de Simon (Marc, chapitre 1, versets 29 à 31) et chassé un démon dans la synagogue, dans la même bourgade, et le téléphone sémite a bien fonctionné.

Le paralytique est ses amis viennent voir celui qui guérit. C’est le faiseur de miracles qui les attire, car ils ne savent que cela de lui. Cet attrait a toujours fonctionné, et toutes les religions chrétiennes ont valorisé les miracles et le merveilleux, y compris dans le culte des saints et des grands hommes de Dieu, après la résurrection de Jésus ; je renvoie l’auditeur-lecteur au livre La légende dorée du dominicain Jacques de Voragine. Les quatre amis sont vraiment convaincus que leur ami paralytique doit être mis en présence de Jésus et qu’il en sera guéri. Ils ont donc la foi, une belle foi, qui se traduit par leur prise d’initiative. Devant l’obstacle infranchissable de la foule, ils ne rebroussent pas chemin mais ils inventent une stratégie alternative de réussite. Le verset 4 est tout a fait surprenant : nous les voyons qui découvrent la toiture de la maison. L’architecture simple de l’époque permet de faire cela rapidement. On peut imaginer la surprise de ceux qui sont à l’intérieur, en voyant apparaître le ciel et un brancard qui descend un paralytique que beaucoup connaissaient. Il y a une totale inversion : d’habitude, c’est la grâce ou le signe de Dieu qui descend du ciel : songeons au baptême de Jésus ou, dans la bible juive, au songe de Jacob et son échelle reliant ciel et terre. Ici, c’est exactement l’inverse qui se produit. C’est la condition humaine et la maladie qui descendent vers la grâce incarnée sur terre par Jésus. La foi permet à ces hommes de manifester quelque chose de Dieu dans leur comportement. Leur foi et leur amitié sont des sentiments qui font triompher le bien, pour le vaincre le mal. C’est cette trace de Dieu en eux qui descend du toit de la maison.

 

Jésus reconnaît immédiatement leur foi, le verset 5 le dit clairement. Et, à partir de là, le récit bascule de l’histoire sainte du catéchisme, ce qui n’est pas du tout péjoratif, à la théologie évangélique. Capernaüm n’est pas choisie par hasard comme lieu de cet épisode . Il y avait dans cette ville une communauté juive savante et active et une synagogue réputée (après la destruction de Jérusalem et du Temple, en 70 par Titus, les érudits juifs réfugiés dans cette ville y rédigeront l’un des deux Talmuds de référence). Ceci explique la présence de quelques scribes dans la troupe venu écouter Jésus. Car son début de ministère intriguait ces savants de l’écriture, ceux-ci étant les véritables gardiens de la Torah et des textes qui l’accompagnaient (Haggadah, Michna, Gemara…). Ils connaissaient la Bible sur le bout de leur plume ou de leur stylet.

Et voici que Jésus prononce une parole proprement incroyable : « Tes péchés sont pardonnés ». C’est la première affirmation de puissance divine de Jésus dans cet Evangile. Et les scribes comprennent parfaitement ce qui se passe : cet homme dit quelque chose que seul  Dieu peut dire. Le verset 7 montre bien leur affolement. : cet homme blasphème, il se prend pour Dieu..

Essayons de ne pas rester enfermés dans la tradition de nos Eglises et mettons-nous un instant à la place des scribes et des gens qui sont là. Que pourrions-nous penser d’un Galiléen comme nous qui prétend pardonner les péchés, ce qui pour les juifs relève de toute une ritualisation fixée par la Loi, de sacrifices et de gestes de purification ? N’est-ce pas une pure provocation ? Jésus n’aurait-il pas pu guérir ce paralytique comme il avait guéri la belle-mère de Simon ? Tout le monde aurait été content et sa réputation en aurait encore été grandie. Pourquoi cette phrase blasphématoire ? La réponse est partiellement donnée dans les versets qui suivent.

Au verset 8, Jésus connaît « par son esprit » ce que pensent les scribes. Il a cette capacité surnaturelle de savoir immédiatement leurs pensées et il le leur dit. Voici une deuxième preuve de son ministère. Cela relève de ce que les juifs appelaient le voyant ou le prophète. Jésus prouve par cette simple parole qu’il a un ministère d’origine divine.

Mais il va plus loin et prend les scribes dans un piège rhétorique terrible. Le verset 9 l’énonce : « Lequel est le plus aisé, de dire au paralytique : tes péchés sont pardonnés, ou de dire : lève-toi et marche ? »

Les scribes ne pourraient que répondre que la première phrase est la plus facile à prononcer, car elle n’a pas besoin de preuve matérielle à fournir. La seconde phrase oblige à un résultat, les scribes ne peuvent donc rien dire. Et Jésus fait alors ce que les quatre amis, le paralytique et la foule venue attendent : il prononce une parole d’autorité : « Lève-toi, prends ton lit et marche ! »  et, grâce au talent de Marc, nous voyons véritablement cet homme se lever, prendre son brancard et rentrer chez lui.

Jésus ne lui dit rien de personnel ou de spécial. Il sait que cet homme à la foi : à lui de la cultiver à la suite de ce qu’il vient de vivre.

Le verset 10 donne la raison du miracle : «  Or afin que vous sachiez que le fils de l’homme a  sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés… »  C’est un miracle strictement théologique. Face à des scribes sidérés et figés dans leur tradition, Jésus prouve par la guérison la validité de la question du verset 9. Il peut guérir le paralytique, ce qui semble le plus difficile aux hommes, donc, à plus forte raison, peut-il pardonner les péchés. Le vrai miracle, celui du pardon des péchés, est caché derrière le miracle de guérison.

Qu’est-ce que pardonner les péchés ? C’est supprimer la séparation qui existe entre Dieu et les hommes à cause de l’existence du Mal dans leurs comportements. Tout le message de Jésus vise à cela. Le christianisme n’est que cela. Tous les dogmes, les commentaires, les rites, les sacrements, que sais-je encore, ne sont que des outils dans cette œuvre de Jésus, pour pardonner les péchés.

 

Que venons-nous voir et entendre quand nous venons écouter la parole ? Nous devrions venir écouter le message de salut. Mais, souvent, nous préférons voir le miracle visible plutôt que le miracle caché. Le paralytique a été doublement libéré, mais sa première délivrance est spirituelle, c’est la plus capitale, celle du corps est venue après, elle ne concerne que sa vie présente. Sa liberté retrouvée lui a permis de sortir de la maison par la porte, sans le soutien de ses quatre amis. Ce temps de retrait que nous vivons actuellement est l’occasion de venir écouter Jésus. Même si l’accès est difficile, ne nous décourageons pas. Nous avons des amis qui peuvent nous porter près de Jésus. Ce sont les pasteurs, les prêtres, les diacres et tous ceux qui ont reçu la grâce et la répandent. De ce temps, nous pouvons sortir debout, en portant les vestiges de notre infirmité. Jésus a encore, par le Saint-Esprit, le pouvoir de pardonner nos péchés, en intercédant auprès du Père pour nous et en offrant sa vie en gage de notre pardon.

 

Jean-Michel Dauriac – 15 avril 2020.



[1] Dans un article du Figaro Magazine, en date du 27 mars 2020.

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