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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

La pensée-magazine a encore frappé ! Civilisation – comment nous sommes devenus américains

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Civilisation – comment nous sommes devenus américains

 

Régis Debray                                                              NRF – Gallimard

                                                                                Avril 2017 – 231 pages

 

Un titre accrocheur, et un sous titre encore plus ! Un auteur dont on connaît le parcours et l’intelligence. Pourquoi pas se laisser tenter (et ce malgré des expériences antérieures décevantes), en ces temps de disette de vraie réflexion ?

 

Autant le dire d’emblée, je regrette mon achat et le temps passé à aller au bout de ce livre que j’ai eu envie de laisser tomber – au sens propre – après une cinquantaine de pages. Car je ne voyais pas encore l’entrée dans le sujet. En fait, quand on arrive à la page 231 et au dernier point de la dernière phrase, c’est encore la même attente exaspérée. Tout ça pour ça ! suis-je tenté d’écrire.

 

Ce livre est écrit par quelqu’un qui a le véritable talent de l’écriture. Il sait tenir son lecteur, le faire sourire, établir une connivence avec lui, le surprendre…Bref, la question purement technique est sans objet. On ne saurait rejeter ce livre par un défaut d’écriture.

 

Ce livre est écrit par quelqu’un qui a une véritable culture. Les citations sont nombreuses, les références judicieuses abondent. Dans le choix argumentaire fait, pas de faute de goût. Le recours à Paul Valéry est très bon, comme celui fait de Samuel Huntington. Je n’ai pas senti trop fortement l’habituel pédantisme des marquis de la République, si prompts à dégainer références et mépris de classe en même temps. Nous avons affaire à un bon connaisseur des Etats-Unis, qui ne tombe pas dans le piège facile que son titre pouvait lui offrir. L’américanisation dont il traite n’est pas superficielle, elle ne se borne pas à dénoncer Coca-Cola et Nike, mais analyse les faits en profondeur. La comparaison avec Rome, qui arme le dernier chapitre est tout à fait intéressante et juste.

 

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Mais ce livre est écrit par quelqu’un qui n’arrive pas à penser sur le sujet qu’il a choisi. L’impression finale ressemblerait un peu à celle qu’on peut avoir après la lecture d’un bon blog ou de carnets de notes. Les éléments de recherche et d’observation sont bien là, les exemples de choix, les hommes à citer, les domaines concernés. Tout y est, mais rien ne se passe. Quel est donc ce mystère ? Je ne puis l’expliquer clairement ; simplement donner mon sentiment de lecteur. L’impression finale est celle d’un gâchis et d’un inachèvement, pour ne pas dire d’une construction qui n’a pas dépassé les fondations. Un peu la même impression qu’avec un livre de Jacques Attali ou de Bernard-Henri Lévy : tant d’intelligence pour si peu de pensée…

 

Celui qui lira cette critique me trouvera sans doute d’une prétention extrême face à l’œuvre publiée de Régis Debray et à son parcours. Je persiste et signe : l’idée est bonne, voire même excellente, mais le breuvage final ne tient pas les promesses de la vendange. J’ai le sentiment d’avoir lu une série d’articles de magazines du jeudi, les fameux News du week-end pour hommes d’affaires pressés. De la pensée-magazine, voilà la meilleure définition que je trouve pour le moment. Il y a toujours quelque chose à retenir de la lecture de ces longs articles qui font les dossiers de l’Express ou du Point, mais cela ce résume en trois lignes et deux idées. Pour être définitivement cruel, je ferais ici référence à l’entretien qu’a donné Régis Debray au Figaro Magazine quelques semaines après la parution de son livre. J’avais déjà lu le dit-livre. En deux pages et demi, il présente tout le contenu de l’ouvrage. Cela suffit et il ne méritait pas plus d’être développé.

 

Les Bordes, le 30 juillet 2017 – Jean-Michel Dauriac

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Communauté et individu : le mystère de l’Eglise de Jésus-Christ

 

 


 

Le culte de ce matin est le rassemblement de l’église locale, ce que l’on peut appeler une communauté de croyants. Une communauté est un ensemble de gens qui ont des choses en commun, ce qui est le cas des chrétiens, protestants évangéliques, comme ici.

 

Cette communauté n’est pas une invention des hommes, un moyen de contrôle des chefs, même si cela s’avère aussi réel. Cette communauté est une institution de notre Seigneur. Nous allons, dans cette première partie, nous remémorer certaines de ses paroles et leurs conséquences pour nous.

 

Dès le début de son minstère, Jésus s’entoure d’un collectif, d’une équipe dirions-nous aujourd’hui. Les Evangiles racontent tous l’appel des disciples :

Jean 1 : 35-50 ; Matthieu 4 : 18-22 ; Marc 1 : 16-20 ; Luc 5 : 8-11. Les textes évangéliques les appellent « les disciples » de manière indistincte la plupart du temps.

Qu’est-ce qu’un disciple ? littéralement, d’après le sens grec, c’est « celui qui apprend, qui se rend familier de quelque chose ou quelqu’un ». Tout croyant est donc appelé à être disciple et doit être appelé ainsi : « disciple du Christ », tel est notre titre spirituel.

 

Il annonce à ses disciples qu’il va les rassembler en une assemblée : Matthieu 16 : 16-20 fait le récit de cette institution prophétique.. Jésus n’instaure pas un système, une adminsitration, fusse-t-elle spirituelle. Le mot grec ekklésia désigne simplement l’assemblée. Ce que Jésus instaure est donc la communauté rassemblée des croyants. Il ne donne aucune forme, ce sont les hommes qui ont construits, à leur image, des structures de plus en plus complexes. Ce qui inétresse Jésus, c’est le rassemblement communautaire pour le culte, ce que nous faisons ce matin.

 

 

Il va aller plus loin dans ce souci de la communauté de ses disciples ; il va prier pour eux, nous laissant sans doute la plus belle prière fraternelle de toute la Bible, dans ce chapitre merveilleur de Jean 17, que l’on appelle « La prière sacerdotale ». Jean 17 : 6-9 ;20-23.

Nous voyons Jésus prier en deux temps : d’abord pour les disciples qui sont auprès de lui, verset 6-9, puis prophétiquement prier pour nous, verset 20-23. Nous sommes déjà inclus dans cette prière faite il y a deux millénaires : « pour ceux qui croiront en moi par leur parole ». La communauté s’agrandit par la parole : la prédication oui, mais pas seulement et loin de là la seule manière ; le témoignage personnel, la prière avec celui qui souffre, la parole de connaissance apportée à une âme perdue…

 

Après sa mort et sa résurrection, il apparaît à des groupes importants : Jean chapitres 20 & 21 sont consacrés à ces apparitions collectives. Le Nouvea Testament dit que 500 personnes le virent lors des quarante jours entre la résurrection et l’ascension, mais toujours collectivement, pour fortifier le témoignage des disciples. L’Eglise est d’abord l’assemblée de ceux qui ont vu de leurs yeux le christ ressuscité ; elle est est aujourd’hui l’assemblée de ceux qui proclament chaque année à Pâques : « il est vraiment ressuscité ! Ceci crée une véritable famille, qui célèbre le miracle de la résurection et de la rédemption..

 

 

Avant d’obéir jusqu’à la mort de la Croix, Jésus a tenu à partager le repas de la Pâque avec ses disciples, leur laissant un mémorial pour tous les temps, avec sa symbolique ; C’est le sacrement de la Sainte Cène. Ce mémorial est au cœur du culte chrétien, il est l’apogée du rassemblement, ce qui explique tout, ce qui déverouille tout et ouvre à toutes les perspectives.

Matthieu 26 :26-29 en fait un récit succinct mais très clair. On ne communie jamais seul, cela n’a aucun sens. La communion aux souffrances du Christ est associée à la xommunion fraternelle des commensaux. La dimension verticale, de l’homme vers Dieu, est inséparable de la dimension horizontale, les humains entre eux. La communauté est donc transfiguré par le partage du pain et du vin. Non que ce pain et ce vin soient magiques – nous n’admettons pas la transsubstantiation soutenue par l’Eglise catholique – mais ils sont des symboles au sens premier de mot, c’est à dire des liens avec le miracle de la résurrection. Dès l’église primitive, cette sainte cène a été en scandale aux incroyants, comme la prédication de la Croix est une folie pour ceux qui périssent. Lorsque je participe au repas du Seigneur, j’affirme que j’appartiens à la communauté des croyants, que je crois à cette folie qu’est la mort du Christ pour nos péchés et à celle de sa Résurrection pour notre justification ; Romains 6 : 4 résume parfaitement cette position.

 

 

 

Transition avec la prédication : de la communauté à la personne individuelle

 

Cette communauté de croyants est un peuple de rachetés, dont l’Ancien testament, a Bible juive nous donne une image tout au long de ses livres historiques. Le salut des Juifs a été collectif. « Si mon peuple s’humilie.. » dit Dieu en 2 Chroniques 7 : 14.

La venue de Jésus change la donne. Le salut devient une affaire individuelle/ Jean 3 :16 doit être lu ainsi : le « quiconque » est une personne unique et distincte de toutes les autres, même si elle appartient au même peuple. Ce n’est plus la communauté qui sauve. Le Nouveau Testament est clair, sans aucune ambiguité là-dessus ; la prédication de Pierre est le repère le plus connu : Actes 2 : 37-39.

La communauté découle du salut individuel et des commandements de la Parole. Elle est là pour notre croissance personnelle et notre sécurité spirituelle.

Mais chacun de nous est responsable de sa vie chrétienne.

 

Message

 

La lecture d’un magazine durant ce mois de juillet m’a interpelé et a servi de déclencheur à ce court message.

L’article traité d’une notion apparue assez récemment dans la psychologie et devenue un outil utilisé par les recruteurs de cadres ou les coaches de tout poil. Il s’agit du QE, le quotient émotionnel, qui vient aujourd’hui contester ou compléter le fameux ou quotient intellectuel, qui a été le Saint Graal des psychologues-recruteurs.

Je ne veux pas rentrer dans le détail de cette notion, dont je ne suis pas spécialiste, mais simplement présenter la chose. Le QE est l’ensemble des qualités qui définissent ce que l’on appelle l’intelligence émotionnelle. On est train de se rendre compte au niveau des entreprises que le QI ne suffit pas et peut aboutir à de grosses erreurs de recrutement de nomination. Quelles sont les qualités de cette intelligence émotionnelle ? j’emprunte au psychologue Daniel Goleman les caractères cités ci-dessous.

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Il distingue cinq éléments à l’intelligence émotionnelle.

 

 

CONSCIENCE DE SOI

Les personnes douées d’une bonne conscience d’elles-mêmes sont « conscientes de leurs humeurs au moment où elles lesvivent » Concentrez-vous sur le présent, sur ce que vous ressentez. Tenez un journal pour analyser vos forces et faiblesses émotionnelles. Demandez l’avis de ceux que vous estimez.

 

AUTOREGULATION

L’autorégulation s’appelle aussi maîtrise de soi. Pour développer cette compé­tence, apprenez à gérer vos émotions. Si vous vous énervez souvent, notez ce qui déclenche ce senti­ment. Employez des tech­niques comme la respiration profonde et prenez une pause avant de répondre aux demandes d’une manière que vous pourriez regretter.

 

MOTIVATION

Quand vous êtes distrait par vos émotions, vous trouvez peut-être certaines tâches difficiles. Regonflez votre motivation par l’auto-discipline et en célébrant les petites victoires qui vous donnent un senti­ment d’accomplissement. Établissez aussi des objec­tifs à plus long terme. Se concentrer sur ce qui vous importe vraiment est très motivant.

 

EMPATHIE

Songez au point de vue des autres. Imaginez ce qu’ils éprouvent, et entraînez-vous à les écou­ter lorsqu’ils partagent leurs émotions. Ne les interrompez pas et soyez attentif à leur langage corporel. Si vous les regar­dez et les écoutez, vous serez bientôt sensible à ce qu’ils ressentent.

 

APTITUDES SOCIALES

Même si vous n’êtes pas naturellement sociable, vous pouvez vous amélio­rer. Apprenez à gérer les conflits et autres situations négatives. Travaillez à augmenter votre confiance en vous tranquillement, puis recherchez des occa­sions d’entraîner vos apti­tudes dans de plus grands groupes

 

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Tout ceci participe de ce qui s’appelle depuis une vingtaine d’années, le « développement personnel », notion uniquement marchande, qui remplit des rayons entiers de librairie. Les Grecs ont inventé uen méthode remarquable de développement personnel il y a vingt-cinq siècles au moins, qui s’appelle la philosophie. Rien de nouveau sous le soleil, sauf l’étiquette donc. Mais voyons cela d’un point de vue chrétien, ce qui est le cœur de ce message.

 

Lecture biblique :  1 philippiens 4 :13 :

« Je puis tout par celui qui me fortifie »

 

Cette phrase peut paraître extrêmement prétentieuse ou utopique si on la lit mal.

         la clé est « par celui qui me fortifie » et on peut inverser la phrase pour en goûter le sens chrétien. Celui qui nous fortifie est celui que Paul a entendu sur le chemin de Damas, celui que les cinq cents ont vu après sa résurrection. Paul nous donnera la raison de ce « par » dans un autre texte où il écrit : « car vous êtes mort, et votre vie est cachée en Christ avec Dieu » (colossiens 3 :3). Rien qui nous permette de nous glorifier personellement

         « Je puis tout » est plus ici à prendre comme l’affirmation d’une liberté nouvelle face à nos limites et au péché que le fait concret. Puis-je faire décoller un immeuble ? puis-je dire à une montagne d’aller se jeter dans la mer ?(Marc 11 :23). Jésus lui-même qui a formulé cet exemple savait que cela n’avait aucun intérêt en soi, si cen’est justement de montrer que l’impossible devient possible. Le « tout » évoqué » ici est principalement lié à notre vie intérieure, à notre « développement personnel » de chrétien. Il n’y a plus rien qui puisse nous barrer la route du progrès, la marche vers le Bien. Mais ce travail est long et demande une vraie persévérance. Ce n’est pas de la magie.

 

Pour terminer, je voudrais reprendre les cinq éléments présentés auparavant et montrer en quoi la vie chrétienne pourvoit depuis l’origine à cette intelligence émotionnelle que l’on croit découvrir aujourd’hui.

 

         « conscience de soi » : c’est le christianisme qui a développé l’idée de conscience en même temps que celle de Bien et de Mal et de péché. La philosophie antique connaissait l’âme, mais pas la conscience. La conscience est cette capacité psychique à savoir ce que l’on fait, vit et à le rapporter à la notion de bien et de mal, sous diverses appelations. D’où la notion double de « bonne conscience » et de « mauvaise conscience ». Chaque chrétien qui s’est engagé avec Jésus reçoit l’Esprit qui éveille alors sa conscience. Nous somme conscients parce que nous avons une vie de l’Esprit. La même notion existe dans toutes les religions ou sagesse. C’est un invariant psychique. Etre conscient ne signifie pas, hélas, toujours bien agir. Mais cela nous aide à faire le point et à corriger notrecomportement. Et là, la prière et les autres chrétiens sont très utiles.

         « Autorégulation » : elle déroule du précedent. La « maîtrise de soi » est présentée par Paul comme un des fruits de l’Esprit. Il faut donc cultiver la relation avec l’Esprit Saint pour qu’il porte du fruit en nous. Cette maîtrise de soi n’est jamais complètement acquise. On peut « craquer »  à tout moment. Dans une très belle nouvelle intitulée « Le Père Serge », Léon Tolstoï raconte l’histoire d’un ermite orthodoxe très révéré qui, après des années de vie d’ascèce a brutalement cédé au désir sexuel, voyant ainsi toute sa vie d’efforts ruinés. Il faut avoir conscience justement que nous ne sommes et ne serons jamais maîtres de nous à 100% !

         « Motivation » : Le salut reçu par grâce donne envie de la partager ; de même, la réalité des expériences spirituelles que l’on peut faire est une puissante motivation de partage. La motivation principale s’appelle l’amour, et plus particulièrement la compassion des âmes, ce sentiment que Jésus manifestait en étant ému jusqu’aux entrailles face aux malheureux de tous types. Nous sommes les messagers terrestres du Christ et cela doit nous motiver sans cesse à tendre vers le mieux, à aimer le prochain, à passer par dessus les mesquineries, les jalousies, les méchancetés, la calomnie, la haine parfois… On garde sa motivation par la prière, la lecture de la Parole et la communion fraternelle , qui rechercge nos batteries souvent fatiguées

         « Empathie » : la capacité à comprendre ce qui se passe en l’autre et à l’écouter, est une belle qualité qui repose sur l’attention, ce que les juifs appellent le « souci de l’autre ». Si j’ai souci de lautre, alors je puis l’écouter et el comprendre, me mettre à sa place sans être lui. Cette belle qualité mène ensuite à la sympathie, étape plus profonde, qui marque un attachement, une capacité à partager les épreuves. N’est-ce pas là ce que la Parole nous enseigne à vivre les uns avec les autres . Paul a écrit là-dessus de forts beaux passages. « Si ton frère… » est une formule-clé du Lévitique, livre de la Loi qui établit une société fraternelle, donc empathique et sympathique. Un chrétien ne saurait rester indifférent à ce qui arrive à autrui. Sans pour autant, par excès se croire seul le sauveur de tous. Il y a un équilibre à respecter entre égoïsme et mégalomanie.

         « Aptitudes sociales » : Cette aptitude tient à deux choses que nous devons concilier, notre nature et hisoire personnelle et la vocation chrétienne. Certains sont plus naturellement portés vers les autres, sont plus sociables que d’autres, renfermés, timides, un peu sauvages. Il faut alors travailler à partir de notre motivation, l’amour du prochain et la compassion des âmes. Chacun de nous a un parcours propre à réaliser et il ne faut jamais imiter, mais trouver sa voie, son équilibre. La communauté ecclésiale est un bon moyen de développer ses aptitudes sciales, de même que le travail bénévole associatif. Il y des moments où il faut savoir se faire violence pour ensuite recevoir les fruits de son travail sur soi.

 

On le voir, la foi chrétienne authentique –que j’oppose à la religion sociale – mise sur « l’intelligence émotionnelle » bien avant qu’elle n’existe. Chacun de ces aspects participe au « je puis tout.. » de notre verset du jour. Nous avons une marge de progression spirituelle qui occupera toute notre vie. Donc un potentiel, donc une volonté de pouvoir toujours. Mais rappelons-nous que c’est toujours en passant « par celui qui me fortifie » que ce potentiel illimité existe. A Lui soit toute la gloire !

 

 

Jean-Michel Dauriac

Août 2017

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Etre « Charlie » ou ne pas être « Charlie »: « Nous sommes la France » de Natacha Polony

Nous sommes la France

 

Natacha Polony

 

J’ai lu – 2016 –217 pages

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C’est entendu : Natacha Polony n’est pas fréquentable ni recommandable, puisque chroniqueuse au « Figaro », journal de droite notoire de Serge Dassault. Son cas est ainsi réglé pour toute une intelligentsia de gauche ou se prétendant telle. Si vous en êtes, avec un petit clic simple, vous pouvez aisément aller sur le site de Libération ou Les Inrocks, en suivant ce lien.

 

Pour ceux qui sont restés, buvons un coup à la santé de l’ouverture d’esprit et à l’intelligence ! Je lis toujours avec plaisir les chroniques hebdomadaires du Figaro de Natacha Polony – je suis abonné au Figaro de fin de semaine, quelle horreur pour un chrétien libertaire ! – justement parce qu’elles changent des autres chroniques du même journal, dont certaines sont carrément réactionnaires au sens le plus étroit du terme. Jamais chez elle. Le lecteur curieux aura remarqué que c’est maintenant dans les pages débats du Figaro que les voix libres de la pensée de gauche s’expriment, puisqu’ils sont vilipendés et ostracisés par la presse de gauche bobo-capitalo.

 

Ce petit livre est une très stimulante réflexion sur l’après-attentat de Charlie Hebdo et la manifestation monstre du 11 janvier qui suivit. Autant dire que c’est un livre nécessaire, tant il y eut de malentendus et d’inepties proférées à ce moment-là.

 

Avec un très beau style, qui rappelle sa formation de professeur de lettres, elle nous fait d’abord réfléchir sur ce moment particulier et le sens qu’il porte, riche de contradictions et d’ambiguïtés. Il faut se souvenir cet élan moutonnier du « Je suis Charlie » pour apprécier la finesse de son travail. Elle ne se range nullement dans un camp, celui des pro-Charlie absolutistes ou celui des anti, tout aussi virulent. Elle énonce des faits troublants et met en avant, à tête reposée des éléments qui sont passés inaperçus et acceptables sur le moment. Surtout, elle comprend parfaitement la position de beaucoup d’absents –dont j’étais – qui refusaient l’enrôlement grégaire et la fausseté d’une union de papier.

 

Mais au-delà de cette première analyse critique, elle pousse ensuite à réfléchir à ce qui pourrait valider une affirmation comme celle vue sur une pancarte : « nous sommes la France ». Qu’est-ce qu’être ou prétendre être la France ? Elle mène donc un retour au source de la nation, en repassant à juste titre par la superbe réflexion d’Ernest Renan dans sa conférence en Sorbonne de 1882 (à lire ici).

 

Puis elle pose ce qui n’est pas négociable pour que la France ne se délite pas, qu’elle reste ce qu’elle est par son histoire. Discours de bon sens mais pas du tout politiquement correct aujourd’hui. On est vite taxé de « nationaliste », de « fasciste », de « réactionnaire » etc.. dès qu’on aborde ce sujet central.  Tout est dit avec précision, clarté, dans le respect de tous, mais en étant ferme sur ce qu’est la laïcité –le rappel est nécessaire et fort bien fait -, en insistant évidemment sur le rôle central de l’école et son abandon catastrophique en la matière malgré tous les discours officiels. Elle se positionne aussi clairement contre cette mondialisation qu’elle résume par la magnifique formule du « droit des peuples à disposer d’un écran plat ».

 

C’est un livre intelligent, comme son auteur. C’est un livre à faire connaître, car il va bien au-delà du contexte de son écriture et sort des petites considérations électorales, des combines boutiquières de la bande des partis de pouvoir ou aspirant à en faire partie. C’est un livre de combat optimiste. Bravo et merci, madame Polony !

 

Jean-Michel Dauriac

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