Le principe de cette série d’articles est de présenter des livres trouvés dans la bibliothèque de mon père après sa mort, ou dans les bibliothèques de vieux chrétiens disparus. La plupart de ces ouvrages ne sont plus édités, mais peuvent se trouver d’occasion en cherchant sur le net ou à l’adresse suivante : https://chezcarpus.com/ . Ces ouvrages abordent des sujets souvent laissés de côté par la littérature chrétienne actuelle. Ils donnent aussi bien des positions évangéliques que calvinistes ou luthériennes selon les auteurs. Il me semble utile de cultiver ainsi la mémoire de l’Eglise et des générations antérieures, car une Eglise sans passé n’existe pas et c’est tant mieux !
Comme l’indique son titre, ce livre traite de la question des relations interéglises après le Concile Vatican II, qui a donné une impulsion très forte à la démarche œcuménique. Il est l’œuvre d’Edmond Itty, pasteur missionnaire baptiste.
C’est un ouvrage de combat, strictement sur les positions évangéliques strictes, qui ne cherche pas à faire de compromis[1]. L’auteur défend une position qui existe depuis la Réforme chez les protestants : l’erreur dans la quelle persiste l’Eglise Catholique romaine et, en conséquence, l’impossibilité de se rapprocher d’elle an doctrinal et pratique.
Le discours que tient le pasteur Itty était le discours dominant dans les années 1960-70 dans les congrégations évangéliques, de type baptiste ou pentecôtiste. Rome était le synonyme de l’erreur et des pratiques anti-bibliques. L’adversaire le plus ciblé était le pape, qui représentait le comble de la trahison, en se proclamant vicaire du Christ. L’Eglise avait également inventé tout le système sacramentel que les protestants rejettent en en retenant que les deux institués par le Christ lui-même. Il est donc impossible de se rapprocher d’une telle somme d’erreurs incarnée par le catholicisme. Et l’ouverture de Vatican II et les appels à faire l’unité sont de dangereux pièges dans lesquels les protestants historiques tombent, mais pas les évangéliques, qui sont les gardiens de la vraie doctrine biblique.
La charge est également très lourde sur les sacrements et la fonction qu’ils ont prise dans la vie des fidèles. Ils les privent de toute initiative et assurent une automaticité de résultats par le sacerdoce des prêtres. Il est donc impossible de pratiquer avec de telles personnes.
Une des cibles de ce traité est l’oecuménisme, symbolisé par le Conseil Œcuménique des Eglises. Il s’agit là d’une tentation satanique de faire chuter les vrais chrétiens. Il faut donc s’opposer à toute démarche de ce type. Fort logiquement, la communauté de Taizé est alors vilipendée, comme exemple du reniement protestant.
En contrepoint, l’auteur termine son livre par des témoignages de conversion de plusieurs personnes, issues de milieux différents. L’intention est claire : opposer le christianisme de conversion au christianisme de masse de Rome.
Certes, on ne peut qu’être gêné aujourd’hui en lisant ce texte très virulent, car les conditions mêmes de la foi chrétienne dans le monde ont changé. L’Eglise catholique est devenue minoritaire dans notre pays et connaît de graves problèmes de vocations sacerdotales et de renouvellement des générations. L’irrépressible sécularisation et laïcisation du monde est passée par là. Mais il faudra noter que l’auteur s’est renseigné et a travaillé son sujet, car il cite de nombreuses sources catholiques, à bon escient. Il prend aussi la peine de distinguer l’institution romaine, pour laquelle il est impitoyable, et les vrais chrétiens qui en sont membres, dont il reconnaît la foi et la sincérité.
Ce texte est intéressant, de mon point de vue à deux titres : d’abord, comme témoignage d’une époque et d’un courant protestant, hier minoritaire, mais aujourd’hui en passe de devenir le premier, celui des évangéliques fondamentalistes. Ce mouvement se construit en opposition au catholicisme et, assez souvent, aux Eglises protestantes historiques. C’est la rhétorique habituelle des revivalistes. Ils réinventent tous l’Eglise primitive !
Mais ce texte est également utile en ce qu’il nous rappelle qu’il y a des propositions inacceptables pour un protestant chez les catholiques et que cela ne saurait être passé par pertes et profits dans la démarche oecuménique. Nous pouvons nous rapprocher des autres Eglises chrétiennes, faire des actions communes, mais il y a encore des lignes rouges doctrinales infranchissables, notamment l’organisation ecclésiastique et certaines pratiques inventées au cours des siècles pour fidéliser la religiosité populaire (culte marial, culte des saints, culte des reliques, indulgences…). Fermer les yeux sur ces réelles différences serait renoncer à ce qui fait la nature même du protestantisme.
On peut parfaitement rejeter ce livre au nom de son intolérance et de son fondamentalisme. C’est le sens de la notule que j’ai citée en note. Mais on peut aussi essayer de bien comprendre cette attitude et ses racines, sans condamner les gens qui adhèrent à ce courant. Tout ce qu’ils disent n’est pas faux, même si c’est outrancier et, parfois, inconsciemment extrêmement prétentieux. C’est une source argumentaire à ne pas négliger pour nourrir de vrais débats contradictoires.
Jean-Michel Dauriac – août 2023
[1] Voici un compte-rendu bibliographique tiré de la Revue de Théologie et de Philosophie : « Ecrit du point de vue « évangélique» des fondamentalistes antioecuméniques, cette brochure n’est qu’un pamphlet manquant de la plus élémentaire charité contre tout le renouveau biblique et ecclésial de notre siècle. Les Eglises historiques, tant protestantes que catholiques, sont exécutées en un tournemain. La passion anticonstantinienne, la phobie du romanisme et de l’oecuménisme y tiennent lieu d’argument, à défaut d’intelligence véritable des problèmes. Retenons seulement, comme élément positif, une mise en garde contre le risque de négliger la puissance du Saint-Esprit en voulant revaloriser les sacrements. » source : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003%3A1969%3A19%3A%3A497
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