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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Le dépérissement de l’Etat enfin d ‘actualité!


Et si la chiraquie agonisante offrait au peuple ce que le marxisme attend depuis cent cinquante ans?

La crise des banlieues à l’automne, le conflit éternisé du CPE au printemps ont sapé durablement l’autorité de l’Etat, mettant en évidence des carences et défauts majeurs jusque là superbement ignorés par les « experts » qui fabriquent l’opinion. La coupure totale de nos dirigeants avec les « vrais gens » est apparue lors de ces deux moments de tension de manière éclatante. Que les populations reléguées dans des cités à l’abandon ou communautarisées puissent souffrir à la fois de leur marginalité et de la répression policière n’avait pas interpellé les ministres (l’interpellation c’est pour les délinquants et criminels!). Qu’elles n’aient pas, pour la jeunesse d’autre exutoire que le cramage de voitures et de poubelles, peut choquer mais ne surprend pas celui qui a gardé un contact ordinaire avec les gens ordinaires de notre pays. Quand on propose, avec une morgue de fin de race, de faire le bonheur des gens sans les consulter, par l’octroi régalien d’un contrat de travail qui n’en est pas un, faut-il s’étonner du pavé qu’on prend dans la vitrine? Lorsque les deux « présidentiables « de l’UMP se livrent à tout propos une guerre médiatique, sont-ils conscients qu’ils enfoncent encore un peu plus sous l’eau la tête de l’Etat qu’ils ont confisqué et veulent gérer pour eux et leurs affidés? Quand le pôle alternatif, la fameuse gauche de gouvernement (et ses alliés timides de l’extrême-gauche), ridiculise le débat politique en situant l’enjeu au niveau du sexe de leur candidat (ce qui évite de montrer le vide sidéral du non-projet de société), les « progressistes » comprennent-ils qu’ils agissent également pour la destruction de l’Etat? Envisagent-ils de faire encore plus vite le lit de l’extrême droite raciste et fasciste? Evidemment non; puisque leur réflexion n’envisage pas que l’Etat puisse disparaître…

Si l’on ajoute ce qui va être le scandale de l’été naissant, « l’affaire Clearstream », on atteint des sommets dans cet art destructif. Que le bas peuple, les gueux comprennent que, de toute part, leurs élus se gobergent, détournent des sommes colossales, pratiquent népotisme et corruption sans être inquiété, cela va finir par avoir une conséquence ultime connue: un antiparlementarisme jusqu’auboutiste, qui fait le lit du Front National ou du MPF. Or ce sont toujours les partisans du totalitarisme qui tirent profit de l’antiparlementarisme, pas les anti-étatistes. Car la pulsion autoritaire est plus commode que la démarche autogestionnaire.

Il est clair que l’Etat est dans une phase de décrépitude, de dépérissement avancé; les Français apprennent à survivre sans lui, mais continuent à subir ses outrages policiers. Les forces vives de la nation ne sont pas au Sénat, ce refuge de gérontocrates pour aristocrates reconvertis. Pas plus au Palais-Bourbon où siègent des députés-godillots qui n’ont souci du cochon votant que quelques mois avant le renouvellement de leur chèque en blanc. Le jeu stérile des ministres montre aussi toute leur inutilité foncière. A quoi sert Thierry Breton, par exemple? A Rien, si ce n’est à enfoncer le clou du grand patronat dans l’esprit crétinisé des spectateurs du 20 heures de TF1..

Oui, cet Etat qui pourrait trouver un semblant de justification dans le bonheur, la justice et la sécurité qu’il offrirait à tous ceux qui ont envie de résider en France (et pas aux seuls indigènes), cet Etat est stalinien dans ses procédures et profondément inique dans son traitement du peuple (souvenez-vous, camarades -c’est un joli nom -, des retraites bradées, de la sécurité sociale laminée, de la santé privatisée à outrance, de l’école à plusieurs vitesses…). Alors le voir affaibli et ridicule doit-il nous faire peur et nous amener à choisir le pire (le Front national ou Sarkozy)? Non, nous n’avons rien à perdre à son effondrement, à la différence de ceux qui le vampirisent sans vergogne de l’intérieur et de l’extérieur, ceux qui nous ont convaincu que sans eux il n’y pas de vie possible, que sans leur expertise technocratique rien ne pourrait fonctionner. Le peuple de France ce n’est pas l’énarchie, c’est l’ensemble des travailleurs de toutes conditions mais d’égale dignité. On peut encore rêver d’une société plus juste, plus fraternelle, plus libre, où chacun pourrait trouver « son » bonheur, et pas nécessairement, voire pas du tout dans la seule marchandisation. L’affaiblissement de cet Etat injuste et de plus en plus inutile ne m’attriste pas. Mais je ne raisonne pas en libéral, je ne crois pas à la régulation par la main « invisible » du marché. Un vieux slogan jeté aux orties disait « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre de travailleurs eux-mêmes ». Le veulent-ils? Comprennent-ils que l’autre alternative à l’Etat ultra-sécuritaire s’appelle le fédéralisme, le mutuellisme, le solidarisme et non le capitalisme? Ou bien, les beaux jours arrivant, préfèreront-ils Paris-sur-Plage ou les petits week-ends au vert? Et tout continuera comme avant.

Dormez! Je le veux!

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Les gens de Chiusa

Les gens de Chiusa – Andreas Maier – traduction de Florence Tenenbaum – 197 pages – Actes Sud – 2006

Une vallée de montagne dans le Tyrol du Sud ou Haut Adige (selon les points de vue, et cela est capital dans ce roman). Une petite ville appelée Chiusa. Une population germanophone très largement dominante mais italienne, dans un espace qui fut l’enjeu de rivalités guerrières entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie. Quelques jours de la vie de cette communauté. Le genre choisi : la farce littéraire.

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Voici comment on pourrait situer rapidement ce roman allemand. De l’intrigue, il est difficile de faire un résumé. Car il ne se passe pratiquement rien de réel. Tout le contenu du livre rapporte des rumeurs, propos insipides de taverne ou supputations d’imbéciles. Les personnages sont des ectoplasmes caricaturaux, des sortes de vignettes de BD. Si l’on veut cependant donner un thème au lecteur, il serait le suivant. Il semble que la vallée soit partagée entre partisans d’une croissance économique moderne destructrice de l’environnement spécifique, dont le symbole serait l’autoroute du Brenner et son viaduc, et adversaires de celle-ci, défenseur d’une virginité montagnarde idéalisée. Le clivage est également ethno-linguistique, puisque les « nostalgiques » sont germanophones et se sentent toujours autrichiens alors que les « progressistes » sont italiens ou collaborateurs de ceux-ci. L’acte suprême de l’action sera une tentative ridicule de faire sauter le viaduc autoroutier. Le toute st raconté sous la forme littéraire de la farce. Il est donc légitime que les traits soient grossis à l’excès et que tout soit caricatural.

Ce qui me gêne vraiment dans ce roman réside dans un double défaut, du moins de mon seul point de vue de lecteur assez chevronné.

D’abord, le parti pris formel. Tout le roman est écrit au style indirect, d’une seule traite, sans aucun chapitre. Ce double choix rend la lecture indigeste, ne permet pas de faire des pauses repérables, comme dans un texte chapitré. Mais comme l’essentiel du livre consiste en des échanges de propos, le procédé devient rapidement insupportable. Andreas Maier n’est pas G. Pérec, capable de maîtriser un procédé aussi contraignant que l’absence des « e » dans « La disparition » ; très vite la lecture est pénible. En plus, le style n’est guère alléchant, assez pauvre, peu varié dans ses ressources. Je ne crois d’ailleurs pas ici que ce soit un défaut de la traduction. Plutôt une marque de fabrique et un choix de l’auteur.

Ensuite le contenu du livre . On a bien vite compris que nous sommes à la croisée des chemins entre « Clochemerle » et « La guerre des boutons », mais en beaucoup moins drôle. La répétition incessante des mêmes portraits ridicules lasse très vite. Et j’avoue n’être allé au bout que pour savoir s’il n’y avait pas une rédemption finale de l’auteur. Eh bien non ! Personnages caricaturaux et absence d’intrigue réelle sont certes des éléments de post-modernité, mais que c’est ennuyeux ! Alors vive Flaubert, Blazac ou Tolstoï. La fascination évidente que Kafka exerce sur Maier est hélas ! improductive. On n’écrit pas « Le procès » comme cela ! L’absurde monde de la vallée de Chiusa ne nous interpelle pas ; il est ridicule, il ne suscite aucune peur, aucune réminiscence en nous. On peut légitimement être vite indisposé par ce mépris affiché des discussions banales qui font le quotidien des gens ordinaires. On ne peut pas passer sa vie à disserter au café sur « l’ontologie d’Heidegger », comme aurait pu le faire Zanetti, un des protagonistes italiens du roman.

Au total, si je devais résumer trivialement mon opinion sur ce livre : un roman chiant ! Un bon reflet de la diarrhée éditoriale française. On peut éviter ce roman sans aucun remords.

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Révolte consommée – le mythe de la contre-culture –

Révolte consommée – le mythe de la contre-culture –

Joseph Heath & Andrew Potter – traduction deMichel Saint-Germain et Elise de Bellefeuille

Editions Naïve collection “débats?? – 2006 – 431 pages

Voici d’abord un beau livre, au sens esthétique du terme. Soit un livre que l’on a envie de tenir en mains, que l’on aime feuilleter et qui reste un bel objet une fois qu’on en a achevé la lecture. Trop de livres sont de simples bouquins mal conçus qu’il est légitime de signaler le travail de conception de l’éditeur. J’attire particulièrement l’attention sur la police de caractère et la mise en page, qui permettent une lecture aisée, d’un volume assez épais par sa pagination.

 

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C’est aussi un livre tout à fait estimable par son propos. Le choix de la collection, « débats », est ici tout à fait justifié. Ce livre ne devrait pas laisser indifférent tout lecteur de l’âge des auteurs ou plus (soit 35 ans). La postface détaille d’ailleurs clairement les critiques que les auteurs ont reçues, via internet, après la publication leur ouvrage en anglais. Fort instructif pour le lecteur français qui peut ainsi comparer sa perception à la réception de l’autre côté de l’Atlantique, où la contre-culture a pesé socialement beaucoup plus lourd que chez nous. Car le propos est une analyse critique de la notion de contre-culture, notion forgée en Amérique du Nord par l’observation sociale à partir du milieu des années cinquante du précédent siècle.

La thèse semblera iconoclaste à un lectorat non-spécialiste : les contre-culture sont des mythes en tant que révolutions mentales et/ou comportementales. Non seulement elles sont toutes récupérées mais elles sont encore plus de puissants moteurs de la consommation marginale, très lucrative, de leurs emblèmes et produits-phares. Pour un spécialiste aguerri, ce n’est pas du tout un scoop ; de très nombreux travaux publiés depuis une trentaine d’années permettaient assez aisément d’arriver à cette conclusion, sans doute beaucoup plus évidente en France qu’outre-atlantique. Car chez nous les contre-cultures furent beaucoup moins prégnantes que là-bas et parvinrent dans notre pays déjà sous leur forme consommable. L’exemple du rock’n roll ou du mouvement hippy est exemplaire.

La démonstration est assez souvent brillante et menée avec une alacrité moqueuse roborative. Les deux auteurs ont l’art d’appuyer là où ça fait mal et égratignent aussi bien les fans des Coccinelles Volskwagen devenus conducteurs de gros 4×4 que les consommateurs de produits bio, les fans de vêtements de sport comme les supporters des groupes rock les plus inaudibles… En tant que critique de ce qu’on appela jadis le « snobisme », leur livre est parfaitement réussi. Les références à Bourdieu font mouche. La « distinction » est démasquée derrière l’apparente révolte. Le rebelle rentre chez lui manger dans sa vaisselle en porcelaine ! Intéressante aussi la probe démonstration qui vise à fustiger l’alter-consommation ou la réduction volontaire de la consommation comme soi-disant protection de l’environnement et aide au développement durable. J’applaudis très fort quand ils écrivent :

« La compression de vos dépenses ne diminuera la consommation que si cela vous permet de réduire votre revenu » page 193.

On touche là à une des seules idées vraiment révolutionnaires de nos jours (mais pas neuve du tout !) : pour partager les fruits du progrès et faire durer notre « vaisseau Terre » (notion empruntée à Richard Buckminster Fuller : « Piloter le vaisseau spatial Terre » Covivia éditions, Montréal, 2005), il nous faut exclusivement envisager d’accepter de nous appauvrir volontairement afin que les plus pauvres puissent s’enrichir un peu. Ce faisant nous réduirons alors vraiment notre consommation et offriront à nos contemporains des pays pauvres la possibilité de consommer plus.

Le livre fourmille ainsi de bonnes formules et de dévoilements lucides. Mais il a malheureusement tendance à trop se répéter. Il aurait été extrêmement plus percutant en 300 pages maximum.

Au plan négatif, on pourra reprocher aux auteurs d’être devenus tristement réalistes après avoir été punks ! Leurs propositions concrètes sont très rares et consistent à des retouches personnelles d’un système qui leur apparaît comme finalement assez bon puisqu’il répond à la demande de la grande majorité des consommateurs . Acheter un véhicule hybride ou mettre au point un système d’impôt progressif n’est pas vraiment enthousiasmant. Certes c’est tout à fait positif dans le cadre de leur argumentation. Mais je m’autorise la question suivante : le monde et les hommes sont-ils si désenchantés qu’ils renoncent à toute réflexion de fond sur leurs sociétés. Si les auteurs ont des enfants et qu’ils les élèvent selon les principes évoqués dans leur livre, j’ai peur du résultat final. D’anciens punks auront donné naissance à des bobos responsables.

Ce n’est donc pas un chef d’œuvre fondamental, et je le regrette, car il y a la matière pour le faire. Le thème est fort ; le propos est personnel, critique et politiquement incorrect. Mais le tout est trop délayé ; une édition revue et raccourcie musclerait l’ouvrage. Le principal reproche porte sur la finalité réelle de ce livre : a quoi vise-t-il ? J’avoue ne pas le savoir après l’avoir lu très attentivement. Tel quel il ouvre un débat nécessaire mais ne le fait pas avancer. Sa manière cynique de renvoyer dos à dos Ivan Illitch et les « fashion victim » me gêne profondément. Est-ce de la lâcheté intellectuelle ou déjà de la résignation de la part des jeunes auteurs ? Est-ce une posture ? Pour l’heure je n’ai pas la réponse, mais le livre me permet de m’interroger aussi sur les auteurs. Il y a évidemment un autre livre à écrire sur les recherches réelles d’alternatives et ce qu’elles supposent d’efforts, de rigueur et d’honnêteté, voire d’altruisme. Ce livre est déjà écrit, il est dans tous ces livres qui ont tenté la démarche critique et utopique. Peut-on se contenter d’acheter une Toyota Prius ? Je ne puis le croire…

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