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Catégorie : coups de gueule

A ceux qui ignorent le sens des mots: « distanciation sociale », un monstre sémantique

Durant deux mois de claustration sanitaire, nous avons subi, au travers des journaux d’informations, papier ou autre, un bombardement de néologismes, de termes anglais adoptés sans aucun discernement et des formules totémiques absurdes.

L’expression « distanciation sociale » est sans doute l’exemple le plus frappant de l’absurdité médiatique. mais il est aussi significatif que cela ait été repris par tous sans aucune analyse. le panurgisme de nos pseudo-élites est impressionnant.

La notion de « distanciation » est claire: ils ‘agit du fait de mettre à distance. le terme a beaucoup été utilisé à propos du théâtre de Bertold Brecht. Un entomologiste met à distance l’insecte qu’il étudie pour l’observer au microscope ou dans un milieu quelconque. On juge de tel ou tel événement avec distanciation, si l’on est peu impliqué dedans ou si l’on a suffisamment de maîtrise de soi pour prendre du recul. Bref, la distanciation implique l’acrt, l’éloignement objectif.

Le mot « social » est relatif à ce qui touche une société; une société se sont des gens qui vivent en proximité car ils ont et veulent avoir des rapports humains? Un ermite se place hors ud jeu social, un prisonnier mis en isolement est désocialisé par sanction. Le social implique la proximité et la relation.

Cette expression est sans doute un emprunt stupide à l’anglais

Mais mettez ensemble « distanciation » et « social », et vous obtenez un non-sens sémantique, ce que l’on nomme dans le catalogue des figures de style, un oxymore. Sauf que l’oxymore est le plus souvent volontaire, pour produire un effet. Là, dans le contexte de l’épidémie, nul effet n’était recherché, les gens à la manoeuvre n’étant pas des poètes et des littérateurs. Ils ont simplement accolé ensemble deux termes qu’il ne faut pas marier et ont commencé à diffuser cette consigne débile. Si on les comprend, pour protéger l’autre, le « socius », mon partenaire de société, il faut s’éloigner de lui. il faut rompre le social pour manifester un comportement altruiste. La distanciation est la mort du social, son exact contraire. Et voilà comment des millions de gens ont usé d’une expression qui dit exactement le contraire de ce qu’elle est censée vouloir dire. Et ce n’est qu’un petit exemple entre milles de la bêtise ordinaire démultipliée par la loup médiatique.

Quand une fois de plus, l’absurde est garanti par le gouvernement!

Veillons donc, d’abord, au sens des mots. Nous savons qu’ils peuvent caresser comme blesser ou tuer. un mésusage des termes peut avoir de très graves conséquences: des livres savants entiers ont été écrits sur ce sujet. La tourmente médiatique nous emporte sans cesse et nous ôte notre capacité à vivre justement la distanciation nécessaire avec ces termes et ces expressions En son temps Léon Bloy, le génial imprécateur catholique a écrit une brillante « Exégèse des lieux communs »; des décennies plus tard, Jacques Ellul a produit, dans son sillage, une « Nouvelle exégèse des lieux communs ». Ces livres sont en evnte libre, on peut et on doit les lire pour se prémunir.

Depuis la fin du confinement, sans doute alertés par un quelconque académicien jovial, les crocodiles du marigot médiatique et politique parlent, à juste titre de « distance physique » à respecter. Ils se seraient honorés d’y réfléchir avant.

One Comment

A ceux qui ont rêvé d’un monde d’après…

A vous qui avez rêvé un instant que l’épisode que nous venons de vivre puisse amener à un monde meilleur, voici la preuve que le monde d’après sera le même que le monde d’avant, peut-être même en pire. Cet article était en page une du supplément éco du Figaro jeudi dernier. Savourez le comme un morceau de choix de l’absurdité de notre monde :

La décence ordinaire imposerait au moins de taire cette monstruosité, et surtout, de conclure par cette dernière phrase qui est une grande claque dans la gueule des travailleurs qui ont fait vivre la France pendant le confinement.

Oui, la lutte continue plus que jamais pour ceux qui croient qu’un monde plus juste est nécessaire, quel que soit leur drapeau. Le mien est évangélique et regarde du côté du Sermon sur la Montagne : à cette aune-là ce petit article est un skandalon que Jésus condamne.

Jean-Michel Dauriac

Le Figaro – jeudi 4 juin 2020

UNE-ECO

Pour la première fois, le PDG le mieux rémunéré du S&P 500 est une femme

INGRID VERGARA

Son nom ne vous dit peut être rien. Lisa Su (photo) dirige pourtant l’une des plus grandes sociétés américaines, le fabricant de semi-conducteurs Advanced Micro Devices (AMD), dont les puces équipent ordinateurs et smartphones dans le monde entier. En octobre 2014, cette femme, ingénieure, formée au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), d’origine taïwanaise, a été nommée PDG, un fait déjà notable en soi, tant les femmes occupant un poste de ce niveau dans les grands groupes, a fortiori technologiques sont rares. En 2019, elle est même devenue la PDG la mieux rémunérée du S&P 500, l’indice qui rassemble les plus grandes sociétés cotées tous secteurs confondus. D’après un classement annuel réalisé par la société Equilar, Lisa Su a touché 58,5 millions de dollars, soit quatre fois plus qu’un an auparavant. Pourquoi un tel

bond ? En 2019, l’essentiel de son « package » salarial a reposé sur une attribution unique basée sur les performances de la société. Or, lorsque Lisa Su a pris les rênes de cette société rivale d’Intel, AMD était en perte de vitesse, faute d’un positionnement adapté à l’évolution du marché. En quatre ans, AMD a su redresser la barre en créant des puces et cartes graphiques pour le secteur porteur des consoles de jeux vidéo, pour la réalité virtuelle et pour les serveurs, avec ses processeurs Ryzen. Résultat, depuis son arrivée à la direction de l’entreprise, l’action AMD a gagné 1 900 %. Les résultats 2019 ont été les meilleurs depuis 2011, et le groupe gagne des parts de marché. À 50 ans, Lisa Su récolte les fruits de son travail[1]. Et entre dans l’histoire des nouvelles technologies. INGRID VERGARA

note : [1] Que doivent penser les travailleurs ordinaires du fruit de leur travail, face à ces chiffres ; les personnels de santé réclament au moins 300€ d’augmentation par mois ! 58 M de $, ça en fait des 300 € 

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La ligne rouge de l’humanité: le combat contre le transhumanisme

 

Au départ, un numéro de Sciences Humaines âgé de quelques mois[1] et titré : « Et si on repensait tout ? » Un tel titre ne peut que m’attirer, moi qui réfléchis et agis très modestement à mon niveau, pour que cela advienne. Comme très souvent dans ce magazine, le dossier est consistant, varié et accessible -d’où le succès mérité de ce mensuel. Au milieu du dossier, un article, « Bienvenue chez les posthumains » attire particulièrement mon attention. Il s’agit d’une synthèse sur le courant transhumaniste. J’ai découvert ce courant de pensée en lisant le livre de Jean-Claude Guillebaud « La vie vivante – contre les nouveaux pudibonds », où il leur consacre un long chapitre, très bien documenté, comme dans chacune de ses enquêtes. J’ai déjà écrit à de multiples reprises tout le travail qu’il a accompli et tout le bien que je pense de celui-ci ; que cela soit fait encore une fois ici. Guillebaud a fourni un énorme travail de lecture et de synthèse très pointilleuse sur le champ des Sciences Humaines dans une série de près de 10 ouvrages qui resteront comme un point assez complet de la pensée au tournant du XXe et du XXIe siècle. Son ouvrage m’a donc alerté sur un sujet très « ellulien » s’il en est : l’alliance des techniques les plus pointues, du corps humain et de l’intelligence de notre espèce. Si Jacques Ellul vivait encore aujourd’hui, nul doute qu’il n’aurait pas eu de mots assez durs pour mettre en garde contre ce projet qui vise, ni plus ni moins, à dépasser les limites de l’humain par l’adjonction de prothèses techniques embarquées. À terme, il s’agit de créer ce que la télévision a popularisé avec un dessin animé appelé « Docteur Gadget » et une série comme « WonderWoman ». Mais ce qui était de la science-fiction est devenu aujourd’hui déjà en partie réel. Le dossier de Sciences Humaines présente quelques exemples connus : « Robocop » et « Terminator » au cinéma, les jambes en carbone de l’athlète handisport Oscar Pistorius[2] qui a couru avec les athlètes valides lors des jeux olympiques de Londres en 2012, ou bien le pacemaker et le sonotone.

 

 Pathos et manipulation de l’opinion

 

Car la grande ruse infâme du transhumanisme est d’avancer masqué derrière la philanthropie ou, pour le moins, le souci de l’homme et de la femme. Tout ce qui nous est présenté l’est sous l’angle de l’amélioration de la vie quotidienne et de l’allongement de notre existence. Et voici que l’actualité éditoriale vient de nous le rappeler par le moyen de la chronique hebdomadaire de Jean-Luc Porquet « Plouf », dans « Le Canard Enchaîné » en date du 17 octobre.

Il s’agit de l’annonce d’un documentaire diffusé sur Arte, « Un monde sans humains ? »[3] De Philippe Borel où un  futurologue américain du nom de John Smart (ça ne s’invente pas !) fait l’apologie de cette alliance ainsi définie : « Le transhumanisme, c’est l’idée que les humains et la technologie sont en train de fusionner ». Et notre expert de se lancer dans l’apologie des puces qui, d’ici peu, pourront contrôler notre corps, après y avoir été implantées, et le rendre interactif avec tout un univers électronique. Rousseau, reviens, ils sont devenus fous !

Ayant vanté tous les bienfaits de la dite-puce, capable de nous livrer des analyses médicales en temps réel et de corriger les déséquilibres par ses prescriptions affichées sur votre mobile (en attendant de les expédier directement à notre cerveau !), il conclut simplement : « Je pense qu’un grand nombre de gens se laisseront convaincre de l’essayer ». Eh oui ! Bien évidemment que, présentée ainsi, la « populas »[4], comme on disait du peuple au XVIe siècle, va se ruer sur ces objets sans réfléchir un seul instant aux conséquences éthiques, sociales, politiques et spirituelles. Il en a été de même pour la génétique au service du couple, du clonage ou de la carte à puce. La grande différence est que, là, il est porté atteinte à l’humanité même de l’être humain.

Dans le New York International Weekly, je lis un article intitulé « Le corps humain robotisé », avec comme sous-titre : « Des marines amputés testent un bras artificiel qui déchiffre les ordres du cerveau ». Un reportage du journal télévisé de la semaine suivante raconte la même histoire à travers le prisme d’une tétraplégique. De quoi est-il question ? Là encore, de prouesses techniques de la recherche en robotique, avec la mise au point d’un bras artificiel qui peut être directement connecté via des électrodes aux terminaisons du membre amputé. La prothèse est ensuite mise en place et la personne doit alors commencer un apprentissage de commande à son cerveau qui met ensuite en marche, via des processeurs, le bras et les doigts. On imagine sans peine l’avantage pour ces handicapés. Comment le bon peuple (et nous-mêmes) ne se réjouirait-il pas de cette avance technico-médicale ? Et voilà vendue la robotisation du corps humain, encore une fois sous un prétexte humanitaire quasi impossible à condamner. Il nous faut donc aller au-delà du pathos et de la manipulation émotionnelle médiatique pour atteindre le coeur du débat.

 

Le combat pour l’humanité de l’homme

 

Sans être alarmiste ou catastrophiste, je suis intimement convaincu qu’il y a là une véritable guerre à mener. À la fois guerre de position et guerre d’offensive. Il ne faut pas se contenter de « comité d’éthique » et de débat public dont nous savons pertinemment par expérience qu’ils sont organisés quand la messe est déjà dite. À ce propos, l’exemple du « mariage pour tous » est révélateur de la manière habituelle de notre pseudo-élite dirigeante et parisienne de prendre son microcosme et ses avis pour une image du pays et de confisquer absolument tout vrai débat. Le débat sur ce sujet-là aura lieu quand la loi sera en discussion au Parlement et assurée d’être votée. Cela ressemble au système politique du Directoire et du Consulat, où une assemblée discutait les lois sans les voter alors que notre les voter sans les discuter (ce n’est pas un gag, reprenez vos cours d’histoire vous y trouverez cela). Donc, éclairé par les multiples viols de la pseudo-démocratie où nous vivons, il y a urgence à mener contre le projet transhumain un combat impitoyable. Nous ne sommes pas là dans une configuration droite/gauche ou à athées/croyants mais dans l’opposition fondamentale humain/non-humain. Car le transhumanisme, qui se nomme aussi parfois post-humanisme, est la négation de l’humanité. Peu importe que ce soit par une sortie « vers le haut » comme il  le prétend pour mieux appâter le chaland. Il faut avoir conscience que l’enjeu réel et notre condition humaine. Jouer ce jeu consiste à tirer un trait sur l’histoire de l’Homo sapiens (et de ses prédécesseurs), depuis le Moustérien jusqu’à l’an 2000. Ce qui nous fait hommes et femmes est un alliage d’atouts et de faiblesses, de qualités et de défauts. Ce qui nous unit est notre mortalité universelle. Même la vieillesse et son cortège de maladies sont constitutifs de notre humanité. Évidemment, personne ne souhaite finir dément et grabataire. La recherche médicale a changé nos vies, surtout le troisième et le quatrième âge. Il faut donc penser la limite et la défendre par tous les moyens légaux (ou non, si nécessaire) en notre possession, sachant combien les puissances de l’argent ont métastasé la société et nos dirigeants.

Sur cette question, il est impossible de rester dans le camp des «bofistes ». Tout le monde est ou sera concerné. La communication (oh ! Le vilain mot) sur ce combat est donc essentielle : il faut travailler la prise de conscience individuelle et collective. Mais il est également impératif de réfléchir à des propositions concrètes. Le travail sur la ligne rouge doit être fait avec des spécialistes de médecine, de philosophie, d’informatique, d’électronique, d’alimentation… Tous les secteurs concernés doivent être balayés pour faire surgir les lignes de partage. En effet, nos concitoyens, selon leur mode de vie, leur formation, leur croyance et leurs histoires seront plus ou moins sensibilisées à l’un ou l’autre thème. Il est donc important de ne rien omettre dans l’analyse, la critique et la proposition.

Les adversaires sont puissants, riches et sans aucun scrupule éthique. Il nous faut donc être plus malins, plus persuasifs et imaginatifs. En luttant contre le transhumanisme, nous mettrons aussi à jour ce qui nous est constitutif et nécessaire. Ce n’est pas une lutte négative mais existentielle. Tout homme et toute femme peut et doit s’y retrouver. Il y va avant tout de l’avenir de nos enfants, petits-enfants et bien au-delà. Cette lutte rejoint celle de l’écologie, car comme elle, elle s’oppose à la pensée technicienne et à la gestion technocratique ; comme elle, elle vise la prolongation de l’humanité en sa maison. Nous sommes là au coeur de ce que j’appelle la « civilisation de la pérennité », par opposition à un « développement durable » qui a cessé de faire illusion.

 

La civilisation de la pérennité est un humanisme. Le transhumanisme est un non-humanisme, il le dit lui-même. Le choix a le mérite d’être clair.

 A lire pour approfondir vraiment la réflexion, l’excellent numéro de la revue « Foi & vie » consacré à ce sujet.

 

 

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Jean-Michel Dauriac

 

P.S : découvert depuis la rédaction de ce texte, un article dans « »The Good Life » n° 7 – mars-avril 2013, pages 140-142 : « Au-delà de l’humain, le bonheur de l’humanité ? » de Yvan de Kevorguen.



 

[1] Et si on repensait tout – Sciences Humaines – n° 233s – janvier 2012

 

[2] Devenu depuis la vedette sombre d’un homicide sordide perpétré sur sa compagne.

 

[3] Documentaire de Philippe Borrel – Sur une idée originale de Noël Mamère – Coproduction : ARTE France, Cinétévé – voir des extraits à l’adresse suivante : http://www.arte.tv/fr/un-monde-sans-humains/6968904.html

 

 

[4] La Boétie in « Discours sur la servitude volontaire ».

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