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Dans la bibliothèque de mon père…. Précis d’histoire de l’Église

Jules-Marcel Nicole

Éditions de l’institut biblique ; Nogent-sur-Marne. Date inconnue

Voici une autre perle trouvée dans la bibliothèque des anciens. Ce Précis d’Histoire de l’Église rappellera des souvenirs aux étudiants anciens de l’Institut de Nogent-sur-Marne et de la Faculté de théologie Evangélique de Vaux-sur-Seine. En effet il rassemble le contenu des cours sur ce thème que J.M. Nicole a donnés pendant des décennies dans ces écoles. J’en ai entrepris la lecture par curiosité, je l’ai poursuivie et achevée par intérêt. En effet, dans un format de moins de trois cents pages, l’auteur réussit l’exploit de balayer vingt siècles d’histoire des Églises chrétienne. Le singulier du titre fait référence à l’Église universelle telle qu’elle est pensée dans le protestantisme, et non à l’Église romaine, qui se conçoit encore officiellement comme la seule Église.

Ce livre couvre donc les vingt siècles de l’histoire du christianisme à l’échelle de l’Europe. L’auteur a divisé ces 20 siècles en quatre périodes thématiques de durées inégales.

  1. L’Église persécutée (30-313)
  2. L’Église dominatrice (313-1517)
  3. L’Église pendant le déclin du catholicisme (sans dates données, mais en réalité 1517 à nos jours)
  4. L’Église missionnaire, 1792 à nos jours

On pourra bien sûr contester ce découpage, notamment les deux dernières parties. Mais il est tout à fait recevable d’un point de vue protestant. Si on considère ce découpage au plan spirituel, il correspond à des moments caractéristiques de la vie des communautés. La première période est celle de l’Église Primitive, celle donc d’un certain foisonnement et d’interprétations diverses, mais aussi celle sans doute la plus proche de l’esprit initial du christianisme. Elle s’achève au moment de l’Édit de Milan (313), qui est un édit de tolérance  qui va permettre au christianisme de se développer ouvertement. Mais ce développement se paie au prix d’une collusion de plus en plus étroite avec le pouvoir impérial, jusqu’à l’édit de Théodose qui interdit les cultes païens, et fait donc du christianisme la religion officielle de l’Empire (387) . C’est le moment de l’institutionnalisation de la Grande Église, qui règnera sans partage sur la civilisation gréco-romaine occidentale pendant près de 12 siècles. C’est l’ère de la chrétienté. Le troisième moment est celui de la remise en cause de cette suprématie et la naissance d’une deuxième Église chrétienne en Occident, celle de la Réforme. Il y aura donc dès lors une double histoire, celle d’une résistance catholique romaine et celle d’une croissance protestante – c’est la lecture de l’auteur. C’est l’âge des confrontations en tous genres et celui de la montée du rationalisme. Le dernier âge est celui de la diffusion mondiale du christianisme. L’auteur démarre cette période en 1792, mais en fait elle débute en 1492, avec le début des Grandes Découvertes et les premières colonisations. C’est d’ailleurs sur cette périodisation que je suis en désaccord avec lui.

Pour chaque période, il offre une série de chapitres, souvent assez courts mais denses, qui correspondent bien au format d’un cours. Les périodes sont elles-mêmes divisées en sous-périodes qui éclaircissent bien l’approche. À la fin de chaque sous-période, il fait un récapitulatif chronologique de ce qui a été présenté. C’est très succinct mais très pédagogique. Ces aide-mémoire s’avèreront très utiles à tous ceux qui auront à parler d’un moment de l’histoire de l’Église ou, plus couramment, à tout chrétien qui aimera connaître l’histoire de sa famille spirituelle. On trouvera aussi des cartes de géographie historiques à diverses dates (200, 500, 768, …), afin de bien situer les lieux évoqués dans le texte. Très bonne idée, trop rare dans la plupart des livres de pensée ou d’histoire chrétienne, qui ignorent simplement l’espace géographique – alors qu’on trouve des cartes des voyages de Paul dans toutes les Bibles, à juste raison. Certes, ces cartes sont rudimentaires, mais elles sont d’une belle utilité. En annexe de l’ouvrage, une chronologie comparée des divers pays d’Europe par les souverains régnants. Et, très utile, un index des noms propres (lieux ou personnes), avec renvoi aux pages concernées. Bref, une conception intelligente vraiment adaptée à la transmission.

Je suis intimement convaincu que l’histoire de l’Église n’est pas une option réservée aux étudiants d’Instituts Bibliques ou de Facultés de théologie. Ceci constitue une des plus grandes erreurs d’appréciation des communautés chrétiennes contemporaines. Les fidèles n’ont aucune idée de la structuration chronologique de leurs confessions, si ce n’est par des lueurs ponctuelles venant des sermons ou autres rencontres. Les ministres du culte ne font aucune transmission générale de cette histoire ecclésiale. Ils n’ont pas compris, et leurs formateurs n’ont pas pu ou su leur faire comprendre, que cette histoire est en elle-même un outil d’édification spirituelle des croyants. En effet, qu’y-a-t-il de plus encourageant que les exemples de bénédictions passées et de plus utile que de connaître les erreurs des communautés qui nous ont précédés, car « il n’y a rien de nouveau sous le Soleil », comme le dit Qohélet. Pour les protestants et, plus encore les Evangéliques, il serait fort nécessaire de savoir que la foi chrétienne ne naît pas avec Luther, Calvin ou Billy Graham. Nous sommes des héritiers de toute la longue tradition chrétienne, avec ses erreurs, ses horreurs et ses grandeurs. Jacques Ellul ne dit rien d’autre dans son chef d’œuvre, La subversion du christianisme. Le livre de J.M. Nicole remplit fort bien cet office de mémoire collective. Mais il va au-delà.

Il cite des hommes et des femmes de Dieu qui ont joué un rôle important dans leur temps et leur lieu et montre ainsi que la vie de l’Esprit a agi sans cesse et partout, à travers des grandes personnalités et des illustres inconnus. Il rend ainsi justice à cette « nuée de témoins » que l’auteur de la lettre aux Hébreux évoque au début du chapitre 12. Ce faisant il nous enseigne par l’action que nous devrions bien plus conserver et transmettre la mémoire et le nom de nos devanciers, dans nos diverses églises locales. Cette mémoire sera utile aux générations futures pour s’édifier et mesurer la fidélité de Dieu. Mais, si nous avons nous-mêmes perdu ces traces, qui en fera la transmission? Toutes les églises devraient avoir des livres de mémoires et pas seulement des registres des sacrements. Les Juifs ont su faire ce travail de mémoire. Tout simplement parce qu’ils n’avaient que cela pour garder le cap. Nous, les Chrétiens, et, très singulièrement les protestants, et, encore plus particulièrement les Evangéliques, nous ressemblons à un peuple d’amnésiques.

Mais l’auteur fait aussi œuvre de vulgarisation théologique, en évoquant, au fil des temps, les doctrines concurrentes, les « hérésies » et les débats au sein de l’Église. Certes, ce n’est pas le but d’une histoire de l’Église de développer ces aspects, mais il y a cependant pas mal de connaissances simples à glaner dans un tel ouvrage. Bien sûr, le lecteur les goûtera d’autant plus qu’il aura un petit bagage doctrinal, mais cela n’est pas strictement nécessaire ; il s’agit vraiment d’un livre à destination du grand public curieux.

Un des gros atouts de l’ouvrage réside dans les nombreux documents textuels qui sont cités en fin de chapitre. Nous trouvons ainsi près de 90 extraits de textes les plus divers, qui sont aussi une bonne introduction à la littérature chrétienne. Les Pères de l’Église voisinent avec les textes ecclésiastiques, les confessions de foi, les Réformateurs, les hommes de réveil, les précurseurs de la Réforme, les Evangéliques… De quoi donner envie d’aller plus loin.

Vous l’aurez compris, ce livre est un très bel outil pédagogique, dont il est aisé de voir qu’il découle d’une expérience d’enseignant, car il offre une diversité d’approches qui est garantie d’intérêt. On pourra lui reprocher de s’arrêter au milieu du XXe siècle, mais il est assez aisé de trouver des sources pour la période récente. Même si je suis en désaccord sur quelques points de détail, je ne peux que le recommander à tous. Il faut avoir ce livre dans sa bibliothèque, il sera un point de repère utile. Par ailleurs, il donne une bonne culture générale sur l’Église catholique, avec une réelle recherche d’objectivité.

L’édition que je présente est une vieille édition trouvée dans la bibliothèque des anciens. Mais le livre est toujours disponible. Vous pouvez le trouver, sous cette couverture :

Sur les sites suivants :

Amazon : https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9cis-dhistoire-lEglise-J-M-Nicole/dp/2903100217

La FNAC: https://www.fnac.com/a957396/J-M-Nicole-Precis-d-histoire-de-l-eglise

Croisade du Livre chrétien : https://www.clcfrance.com/produit/precis-dhistoire-de-leglise-jules-marcel-nicole-ibnp010-9782903100216

Sur Jules-Marcel Nicole :

Jules-Marcel Nicole, à la fin des années 1980

Voir la notice Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules-Marcel_Nicole

Il est bon de se souvenir des anciens serviteurs de l’Église et de transmettre leur mémoire. Les protestants n’ont pas de saints à canoniser, mais ils ont des hommes et des femmes de Dieu à faire connaître. Puisse ce petit article y aider.

Jean-Michel Dauriac – avril 2023.

Published in les critiques religion et spiritualité

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