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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Cheminer avec le Sermon sur la Montagne

Présentation de la première partie : un petit parcours sélectif, pour notre édification personnelle et communautaire, dans ce grand discours de Jésus. Il y a dans ces trois chapitres de Matthieu (5 à 7) tout le code éthique et spirituel pour nous aider à diriger notre vie en disciple.

Commençons notre parcours en cinq étapes :

Le Seigneur nous appelle à être des hommes et des femmes de pardon

Lecture : Matthieu 6 : 14-15

« 14  Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi,

15  mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes. » – Tous les textes sont tirés de la version La Colombe.

Quand nous venons rencontrer Dieu dans sa maison, retrouver les frères, les sœurs, les amis de l’Église, les visiteurs, les nouveaux venus, nous devons venir dans cet esprit de pardon. N’oublions pas que le pardon est omniprésent dans le salut en Christ. Christ est venu nous annoncer le pardon du Père, nous l’offrir, mais il est aussi venu nous apprendre à le vivre. L’un ne va pas sans l’autre. Il y a un lien systémique entre notre pardon et le pardon de Dieu. Ce n’est pas ici le moment de développer cela, mais rappelons-nous que Jésus a donné des paraboles sur ce sujet et qu’il a insisté sur le pardon des péchés et des fautes de toute créature. Le chemin du pardon est celui de la réconciliation et de la sanctification. Il est impossible de progresser sur le chemin de la consécration et de l’intimité avec Dieu si nous gardons des haines et des rancœurs, elles feront obstacle à toute progression spirituelle et nous rendront malheureux. Saisissons ce matin encore l’occasion de demander pardon et de pardonner.

Le Seigneur nous appelle à être des hommes et des femmes de prière

Lecture : Matthieu 6 :7-8

« 7  En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

8  Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. »

La prière est l’hygiène de vie du chrétien. Et souvent, malheureusement, nous avons une mauvaise hygiène de vie ! Jésus appelle ici à la sobriété dans la prière. Il y a cumul de deux difficultés : d’abord celle de prier, puis celle de ne pas bavarder en priant.

Prier, c’est parler et écouter le Père et Jésus-Christ. Nous, protestants, ne reconnaissons aucun intermédiaire dans la prière, ni les saints, ni la Vierge Marie, conformément au témoignage des Écritures. Notre prière est directement adressée au Père, au nom de Jésus-Christ. Mais il nous faut nous souvenir de deux choses complémentaires : Dieu est un grand Dieu qui attend notre prière, elle est un de nos devoirs filiaux et Dieu est notre Dieu personnel. C’est ce que Jésus rappelle quand il dit « Votre Père sait de quoi vous avez besoin ». Prenons donc l’habitude de nous remettre entre les mains du Père sans faire la liste de nos besoins : il sait. Rendons grâce et écoutons aussi la voix de l’Esprit. Seul le silence permet cela. Engageons-nous dans la régularité du rendez-vous.

Disons le Notre Père ensemble :

Matthieu 6 : 9 : « Notre Père qui es aux cieux !

10  Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne ; Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

11  Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien,

12  Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

13  Ne nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-nous du Malin. Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, Le règne, la puissance et la gloire. Amen ! »

Le Seigneur nous appelle à être des hommes et des femmes de foi

Lecture : Matthieu 6 : 31-34

« 31  Ne vous inquiétez donc pas, en disant : Que mangerons-nous ?ou : Que boirons-nous ?ou : De quoi serons-nous vêtus ?

32  Car cela, ce sont les païens qui le recherchent. Or votre Père céleste sait que vous en avez besoin.

33  Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus.

34  Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. »

La foi, c’est la confiance. Le contraire de la confiance, c’est le doute, le souci, l’inquiétude. Si je fais confiance à quelqu’un, je ne doute pas de lui. Jésus continue à enseigner ses disciples sur la connaissance qu’a le Père de nos besoins : « Car le Père céleste sait que vous en avez besoin ». De quoi ? De tout ce qui est nécessaire à notre vie, ici la nourriture, la boisson, le vêtement, mais on peut y ajouter le logement et ce qui est vital. La recette de Jésus est simple, mais exigeante : mettre en premier la quête du Royaume. Privilégier son service et la croissance spirituelle. Le reste suivra selon les promesses claires de Jésus et du Père. Posons-nous la question, chacun pour soi : Qu’est-ce qui occupe la première place dans ma vie ? Et en fonction de la réponse, agissons comme il convient. L’exercice de la foi est permanent, quotidien, dans les petites choses comme dans les grandes.

Le sermon sur la montagne , Carl Heinrich Bloch

Le Seigneur nous appelle à être des hommes et des femmes en action

Lecture : Matthieu 7 : 24-25

« 24  Ainsi, quiconque entend de moi ces paroles et les met en pratique sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc.

25  La pluie est tombée les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont portés sur cette maison : elle n’est pas tombée, car elle était fondée sur le roc. »

La vie chrétienne est une mise en pratique, une marche avec Jésus. C’est le sens de cette parole : l’écoute et la compréhension, voire l’adhésion aux paroles du Christ ne suffisent pas, il faut les actions qui vont avec. Cette mise en parole peut être hésitante, maladroite, pleine d’erreurs, ce n’est pas grave, ce qui est important, c’est qu’elle soit réelle et persévérante. Dès lors, nous avons cette belle promesse : nous sommes fondés sur le roc de notre salut, Jésus-Christ. Cela ne supprime pas les intempéries et les tempêtes, mais permet de les affronter en paix : la base est solide et ne rompra pas. Comment avons-nous bâti notre maison ? Le culte est le temps de faire le point et de se remettre sur le rocher.

Le Seigneur nous appelle à être lumière du monde

Lecture : Matthieu 5 :13-16

« 13   C’est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes.

14  C’est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.

15  On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.

16  Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient votre Père qui est dans les cieux. »

J’ai gardé le meilleur pour la fin. Si nous mettons en œuvre tout ce qui a été vu auparavant, voici ce que nous devenons : sel de la terre et lumière du monde. Il nous faut veiller à la pureté de notre sel et au rayonnement de notre lampe. Nous ne devons pas cacher la lampe, par crainte des railleries ou des épreuves. La lumière éclaire le monde et, en même temps, elle manifeste notre bonne vie en Christ. Et ainsi nous glorifions notre Père qui est dans les cieux. Alléluia !

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Une grande dame du XIIe siècle: Hildegarde von Bingen

Hildegarde de Bingen –  Conscience inspirée du XIIe siècle

Régine Pernoud – Livre de poche

Hildegarde de Bingen serait restée parfaitement inconnue du grand public si la mode du bio et de l’alternatif ne s’était pas développée. En effet, ce sont ses écrits « médicaux » qui ont été portés à la connaissance du public et utilisés par des artisans du bricolage ésotérico-naturaliste. Or, ce serait une grave erreur de réduire cette femme à cette catégorie d’écrits et d’en faire une sorte de coach de bien-vivre médiéval. C’est pourtant ce qui lui est arrivé. Essayons de lui rendre justice, à partir du livre de Régine Pernoud, historienne  médiéviste reconnue.

Régine Pernoud (1909-1998), au soir de sa vie

Le XIIe siècle est celui d’une première Renaissance européenne, éclipsée par celle des XV et XVIe siècle. Des personnages de premier plan pour l’histoire spirituelle et culturelle de notre continent vivent à cette époque. Je donne ci-dessous une liste incomplète de quelques noms importants :

  • Pierre Abélard (1079-1142) – Philosophe, théologien et logicien, il est connu pour ses débats intellectuels avec Bernard de Clairvaux et pour sa relation avec Héloïse. Il est l’un des plus grands penseurs du Moyen Âge, ayant influencé la philosophie scolastique.
  • Bernard de Clairvaux (1090-1153) – Moine cistercien, mystique et réformateur, il est un acteur clé dans le renouveau monastique au XIIe siècle. Il est aussi un ardent défenseur de la deuxième croisade et joue un rôle important dans la propagation de l’ordre cistercien.
  • Hildegarde de Bingen (1098-1179) – Mystique, abbesse et érudite allemande, Hildegarde a influencé la pensée religieuse et scientifique du Moyen Âge. Ses œuvres théologiques et ses compositions musicales ont traversé les frontières et inspiré la France médiévale.
  • Héloïse (1100-1164) – Philosophe et abbesse, elle est surtout connue pour sa correspondance avec Pierre Abélard. Elle dirige l’abbaye du Paraclet et est une figure emblématique des intellectuelles du Moyen Âge, ayant laissé des écrits influents.
  • Jean de Salisbury (1115-1180) – Philosophe et évêque de Chartres, il est un écrivain influent du Moyen Âge et un ardent défenseur de la philosophie scolastique. Il est l’auteur de Policraticus, une des premières œuvres de philosophie politique.
  • Thomas Becket (1119-1170) – Archevêque de Canterbury, il est une figure religieuse marquante du Moyen Âge, bien qu’il soit anglais, ses relations avec la France sont importantes. Il s’oppose à Henri II d’Angleterre, ce qui entraîne son martyre et sa canonisation.

Source : https://www.histourismo.fr/grands-personnages/les-grands-personnages-du-moyen-age-en-france/

Nous notons que tous sont des religieux, car la vie culturelle se résume à l’œuvre des religieux, sauf en poésie. Hildegarde de Bingen est donc comptée parmi ces grands personnages, la seule femme de la liste (on pourrait lui adjoindre Aliénor d’Aquitaine). Elle est ici signalée pour ses œuvres théologiques et ses compositions musicales, elles aussi devenues fort à la mode.

Le sous-titre du livre de R. Pernoud est important : conscience inspirée du XIIe siècle. Cela laisse entendre que cette femme fut un grand témoin du siècle, que sa voix portait et qu’elle est reconnue pour être une des grandes « inspirées » du Moyen Âge. Le livre va développer ces trois aspects et tiendra donc toutes les promesses de son sous-titre.

Initialement pourtant, rien ne prédestinait cette fille de la petite noblesse du Palatinat à devenir ce qu’elle fut.

Le Palatinat est la région qui correspondrait actuellement à la Sarre et une partie de la Rhénanie. Trèves, Cologne et Aix-La -Chapelle seront les limites extrêmes des voyages d’Hildegarde. A la différence de Bernard de Clairvaux, elle ne parcourra pas l’Europe et quittera rarement le monastère qu’elle dirige, dans la petite ville de Bingen Am Rhein. Hildegarde est confiée à un monastère à 9 ans par sa famille, elle vivra en religieuse jusqu’à sa mort. Il est très clair qu’elle n’a pas choisi son destin, mais qu’elle a subi un sort très commun pour les filles de la noblesse au Moyen Âge. C’était le monastère ou le mariage forcé dès la sortie de l’enfance. Le choix de ses parents fut peut-être le meilleur pour leur fille, car les unions étaient souvent malheureuses et les femmes forcées et cloitrées au château. Cloitrée pour cloitrée, elle fut plus libre au monastère.

L’ouvrage ne vise pas à être une biographie exhaustive de la moniale du XIIe siècle. Tout d’abord, parce que nous ne sommes pas renseignés sur tous les détails de cette vie, qu’il y a de nombreuses lacunes. Nous connaissons surtout sa vie religieuse, par les récits de ses contemporains et les lettres qui nous sont parvenues. Sa vie personnelle semble d’ailleurs s’être confondue avec sa vie de moniale, ce qui se comprend aisément quand on sait que depuis l’âge de neuf ans elle a vécu en monastère. De même, nous ne savons rien de sérieux sur son apparence physique, mais il semble qu’elle ait été assez petite et de santé problématique – ce dont nous sommes certains par ses écrits -,  ce qui l’a conduite à s’intéresser à la manière de se soigner et lui fera développer toute sa connaissance de naturopathe avant l’heure. Elle a passé une bonne partie de sa vie alitée, entourée du soin de ses sœurs. Elle a donc, durant sa vie de moniale et de mère supérieure de ses monastères, mené une double existence dont les deux faces sont intimement imbriquées. Elle fut religieuse chrétienne, engagée totalement dans la voie du Christ et, en même temps, une grande créatrice dans plusieurs domaines.

Sa vie religieuse est éminente et a largement contribué à sa renommée dans la chrétienté médiévale. Ses seules sorties furent d’ailleurs pour se rendre à des conclaves ou des assemblées religieuses où elle intervenait à la demande des religieux, abbés ou évêques. Elle était en effet connue pour sa grande sagesse : les hommes et les femmes de son temps, y compris les plus puissants, la consultèrent pour avoir son conseil en des moments délicats. De plus, elle avait reçu des visions prophétiques qu’elle avait transcrites et dont elle a publié les textes. Ce sont ces textes qui ont inscrit Hildegarde dans le grand ordre des mystiques … R. Pernoud donne de larges extraits commentés de ces visions, souvent eschatologiques -c’est-à-dire en lien avec les temps de la fin de ce monde, selon la tradition judéo-chrétienne -, et bien situées dans la ligne des grands prophètes des derniers temps de la Bible juive (Ezéchiel et Daniel, surtout). Ces visions ont été reconnues authentiquement chrétiennes par les papes de son époque et lui ont donné une grande autorité spirituelle. Bernard de Clairvaux lui-même lui a écrit en reconnaissant la valeur de ses charismes. De plus, Hildegarde fut une abbesse particulièrement attentive à ses sœurs et très aimée d’elles. Elle a donc eu, au sens le plus large une sainte vie, ce qui n’est pas nécessairement une vie de sainte[1].

En parallèle, avec cette très riche vie de foi, elle a su développer une vie de culture personnelle très originale et profonde. La (re)découverte de ses compositions musicales, il y a une trentaine d’années, en a fait une compositrice d’avant-garde, dans une civilisation qui invisibilisait facilement les femmes. En réalité, ses compositions ne sont pas vraiment novatrices, mais s’inscrivent dans la tradition du chant liturgique, avec une grande fraîcheur. On en trouve maintenant pas mal d’enregistrements ( à titre d’exemple, la page de la FNAC correspondant à son nom : https://www.fnac.com/ia142803/Hildegard-Von-Bingen ) de ses compositions.

C’est sans doute dans le domaine de la santé qu’elle a connu le succès populaire el plus net. Là aussi, la mode des médecines douces et alternatives lui a rendu un grand service : ses écrits sur la santé, les plantes et leurs propriétés sont maintenant considérés comme les premiers écrits médicaux du Moyen Âge. Ils ont donc envahi les rayons de naturopathie et de développement personnel, la mettant en quelque sorte en position de coach de vie bonne et bio. Il faut raison garder : elle n’a pas inventé la phytothérapie ! elle a consigné des recettes de l’époque et a su observer et innover dans cette tradition.

Enfin, elle fut aussi poétesse : Pernoud achève son livre par trois poèmes de notre auteur. Sa poésie est entièrement chrétienne, baignant dans le climat de renaissance spirituelle du XIIe siècle dont elle fut une actrice majeure.

Le petit livre de Régine Pernoud est une excellente introduction à l’univers de l’abbesse allemande. Il permet d’aborder toutes les facettes de cette vie à la fois minuscule et gigantesque. Libre ensuite à chacun d’en rester là ou d’aller approfondir par des lectures directes de la sainte catholique. Je conseille donc vivement ce livre aux lecteurs curieux de mieux connaître la réalité intellectuelle et sensible du Moyen Âge, au-delà des clichés sur les châteaux forts, tournois et autres croisades.

Jean-Michel Dauriac – juin 2025 – Les Bordes.


[1] La théologie biblique ne connaît pas les saints au sens catholique des termes, avec un processus de béatification et de canonisation, des miracles et un culte qui en découle. Le « saint » du Nouveau Testament (au sens paulinien et pétrinien du terme) est un « mis à part » pour Dieu, ce qui est la condition commune du converti-baptisé qui marche selon la foi du Christ. Il n’est évidemment pas inutile de reconnaître les vies les plus édifiantes et justes et de les donner en exemple, mais en aucun cas un culte ne doit leur être rendu et ils ne jouent aucun rôle d’intermédiaire dans la prière : on prie seulement le Père, au nom du Fils dans une saine lecture des Ecritures. Tout le reste est tradition humaine surajoutée.

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Sacrée Fête de la musique 2025 !

S’il ne devait rester qu’une seule chose des années Mitterrand, ce serait la Fête de la musique. L’idée géniale de coupler ce grand moment populaire au solstice d’été est une façon de renouer avec les rites païens cosmiques. Bien qu’elle ait été largement récupérée par le monde du business, cette fête reste ce qu’elle était au départ : la célébration populaire de la musique, à laquelle tout le monde peut participer, quel que soit son niveau musical. De plus, ce moment de communion ne s’est pas cantonné au monde urbain, comme c’est souvent le cas des pratiques culturelles, mais il marque aussi profondément la France rurale, celle des territoires et des gens oubliés, ceux que le géographe Christophe Guilluy appelle « les oubliés ». J’ai longtemps pratiqué la Fête de la musique comme musicien de jazz, avec mon groupe Jazzpotes, puis Jazzéthic. Depuis le Covid, je me borne à la faire en auditeur-spectateur, en attendant de redevenir acteur. J’ai aussi choisi de la vivre dans ma patrie d’adoption, la Creuse et sud du Berry, autour de chez moi. J’ai déjà rendu compte dans une série d’articles de la vitalité de la vie culturelle en milieu rural profond (liens). Cette édition 2025 a été pour moi l’occasion de vérifier cette vitalité. C’est ce que je veux partager avec vous.

Cette année, la Fête de la musique tombait idéalement un week-end – c’est beaucoup moins pratique en semaine ! -, qui plus est avec un temps au beau (et très chaud !) fixe. C’est d’ailleurs sans doute cette chaleur étouffante qui m’a poussé à choisir deux concerts dans des églises du coin. Les architectes médiévaux savaient fort bien « climatiser » leurs constructions. Dans ma petite patrie, il existe un hebdomadaire plus que centenaire, L’écho du Berry, qui fait très bien son travail d’information locale, notamment au plan culturel. Il dresse une liste de toutes les manifestations proposées dans son périmètre. C’est par lui que j’ai pu choisir mes deux concerts du samedi et du dimanche. Il s’agissait donc de deux concerts dans des églises et avec des chorales, autour du répertoire de musique dite « sacrée[1] ». Il faut distinguer d’emblée cette musique de la musique ou du chant liturgique, qui sont des composants du culte. Les compositions peuvent être incorporées à certaines cérémonies, mais elles ne sont pas partie prenante de la liturgie ordinaire des cultes. Reconnaissons cependant que les compositeurs ont le plus souvent pris comme base textuelle des textes d’église, en latin dans la plus grande partie des cas. Mais ce choix a été rejeté par un compositeur comme J.S. Bach qui a composé sur des textes en allemand, ou Brahms avec son Requiem allemand. Le latin n’est pas la langue officielle de la musique sacrée, mais il y joue, historiquement, un rôle majeur.

Deux concerts, deux lieux différents, deux ambiances différentes et deux qualités musicales différentes, mais un même amour-passion de la musique chez les exécutants : on est donc bien dans l’esprit de la Fête de la musique.

Samedi soir 21 juin, 20 h 30, Basilique de Neuvy Saint Sépulchre (Indre), la maîtrise de la cathédrale d’Angers se produit gratuitement avec un répertoire historique allant du XIIe siècle à nos jours. Le décor est somptueux : la basilique est une des rares églises rondes de France, une belle copie de celle de Jérusalem, datant du XIIe siècle. Evidemment la rotonde n’est pas la forme qui facilite le plus la vision durant les concerts, comme le montre la photographie ci-dessus. Par contre, l’acoustique de cette salle, avec son étage et sa coupole très haute, est exceptionnelle, ce que les choristes et leur chef ont bien senti est exploité. Ainsi firent-ils une entrée scénarisée en tournant, en deux groupes de sens opposés, autour des douze énormes piliers. Le résultat sonore était extraordinaire, on eût dit une longue volée de cloches, durant le chant du motet inaugural. C’était gagné dès le départ : une telle entrée en matière sonore ne pouvait laisser personne indifférent. L’assistance était nombreuse et captivée. La Maîtrise de la cathédrale d’Angers est un des plus vieux chœurs de France, sa fondation remontant au XIVe siècle. Son but premier est l’accompagnement des offices dans la cathédrale. Mais son activité va bien au-delà. Elle se produit en concert, à domicile et à l’extérieur, dans un répertoire de musique sacrée. Son actuel chef de chœur est aussi maître de chapelle de la cathédrale, c’est Sylvain Rousseau. Le chœur dispose aussi d’une accompagnatrice au piano pour certaines pièces plutôt modernes, Camille Pineau.

La formation venue à Neuvy était composée d’un peu plus d’une vingtaine de chanteurs et chanteuses, réparties dans les quatre pupitres habituels. Si les chanteurs sont amateurs dans leur état social, ils sont bien du niveau professionnel dans leur exécution. Le répertoire leur a donné l’occasion de chanter un panorama du chant sacré du Moyen Âge au XXIe siècle, ce qui permettait à l’auditeur attentif de bien mesurer les changements, jamais brutaux, dans un genre très cadré par définition. C’est surtout le répertoire du XXe siècle qui acte l’évolution. Les six oeuvres interprétées (voir le programme ci-joint) rendaient compte d’un changement réel dans la continuité qu’impose la relative permanence des offices.

La direction du chœur autorise un très jeu de nuances, particulièrement mises en valeur dans l’écrin roman de la basilique : les fortissimo étaient vraiment impressionnants, enveloppant dans une pâte sonore tout le lieu, embarquant de ce fait les auditeurs, les détachant pour une heure des pesanteurs de la vie ordinaire, tant il est vrai que cette musique élève l’âme et allège le poids du corps quotidien. Le final fut étincelant, avec un phrasé staccato des hommes établissant une basse continue sous le drapage des voix féminines de l’Exultate de Carl Jeankins. L’exécution impeccable laissait passer toute la sensibilité spirituelle de ces morceaux. Le public l’a bien compris, qui a fait un triomphe aux chanteurs, lesquels ont promis de revenir, séduits par l’acoustique sublime du lieu.

Dimanche 22 juin, 17 h 00, Eglise Saint -Pierre-ès-liens de Châtelus-Malvaleix,  Creuse. Le décor est plus modeste, c’est une église de village assez ordinaire, mais que le public a rempli. Les chanteurs sont venus en voisin, de Guéret, la préfecture microscopique du département. Initialement le concert comportait deux parties : le Quatuor vocal Canthem ouvrait avec un répertoire éclectique allant de Palestrina à Poulenc. Mais avant le début du dit concert, les organisateurs annoncèrent que le quatuor en se produirait pas, la soprano étant en rupture de voix. Il ne restait donc que la deuxième partie, assurée par l’Ensemble vocal de Guéret, sous la direction de Marie-Christine Josset. Cet ensemble est soutenu par le Conservatoire de Guéret qui lui fournit chefs de chœurs et locaux de répétition. Il comprend une quarantaine de chanteurs répartis sur les quatre pupitres, avec une dizaine d’hommes, ce qui est assez remarquable pour être signalé, tant le déséquilibre est grand dans les chorales dont certaines se passent carrément de voix masculines, faute de recrues.

Compte tenu des circonstances, l’Ensemble n’avait prévu qu’une moitié de programmation, soit sept morceaux, donc une durée plutôt brève. La cheffe de chœur eut la présence d’esprit de présenter chaque morceau assez précisément, ce qui allongea un peu l’ensemble. Le répertoire était hétérogène, avec des pièces religieuses, mais aussi des chansons d’origines diverses, dont une version française de La Cumparsita, célébrissime tango, qui fut la tortue de certains jeunes accordéonistes de ma génération. Il serait malséant de comparer cet ensemble avec la Maîtrise de la Cathédrale d’Angers : comme le disait un grand philosophe du XXe siècle, Thierry Rolland, ils ne boxent pas dans la même catégorie. La Maîtrise sélectionne et exige un niveau de lecture et de chant de tous ses membres ; l’Ensemble vocal cherche avant tout à continuer de chanter et, pour cela, recrute avec beaucoup moins d’exigence. C’est le lot de la plupart des chorales. Ce qui ne veut pas dire que le résultat sera mauvais, car en chant choral la totalité vaut plus que la somme des parties. Autrement dit, on peut obtenir un résultat tout à fait honorable avec des chanteurs très moyens, ce qui compte alors étant l’unité de l’ensemble et le talent du chef de chœur pour faire monter la mayonnaise. De ce point de vue là, le concert de l’Ensemble vocal de Guéret est tout à fait correct. La masse collective existe et arrive à bien chanter ensemble. Les solos sont évités, remplacés par des solos de pupitre, plus sécurisant. En effet, l’âge moyen des choristes est assez élevé, comme dans la très grande majorité des chorales[2], et on sait que la voix ne s’améliore pas en vieillissant, son maintien étant déjà une belle chose. Les choristes s’en sortent bien, portés par leur désir de chanter et leur application. Le spectacle était donc tout à fait estimable et a fait la joie du public, qui en a redemandé, obtenant un bis de La Cumparsita.

Evidemment, si l’on mettait les deux ensembles côte à côte, il n’y aurait pas de doute : la Maîtrise d’Angers évolue à un niveau bien plus élevé, professionnel dans son exigence. C’est particulièrement sensible dans le jeu des nuances, beaucoup plus ouvert pour eux que pour l’ensemble de Guéret. Mais il faut aussi attribuer cela à l’âge des chanteurs, bien plus jeunes à Angers, donc plus puissants. Un autre facteur différentiel est sans nul doute également le niveau musical. Celui-ci permet à la Maîtrise d’aborder des pièces plus complexes que l’Ensemble vocal de Guéret. Mais je ne retiendrai pas ces différences de niveau, évidentes et incompressibles. Je ne veux garder que les deux moments de plaisir que j’ai vécus lors de ces deux concerts. Il y avait là la rencontre de deux mondes culturels : celui de la grande ville et de ses moyens et celui du monde rural, moins fourni. Mais la passion est la même et l’Ensemble vocal de Guéret apporte la preuve qu’on peut arriver à un résultat satisfaisant avec des gens ordinaires qui sont assidus et passionnés. C’est la définition de l’art populaire, celui que je défends dans ces colonnes.

Merci donc à ces deux ensembles de chanteurs pour la joie qu’ils ont donnée au public de la France périphérique venu les écouter et les apprécier de toute leur attention.

Pour en savoir plus sur la Maîtrise d’Angers : https://maitrisecathedrale-angers.fr/le-choeur.html

L’Ensemble vocal de Guéret est sur Facebook : https://www.facebook.com/ensemblevocaldegueret/?locale=fr_FR

Jean-Michel Dauriac – 23 juin 2025


[1] Je n’aime pas cette appellation qui laisse croire qu’il y aurait sur ces morceaux une inspiration particulière qui les distinguerait d’une musique triviale. Je préfère parler de musique d’inspiration religieuse, ce qui en qualifie le champ, mais ne discrimine pas la musique en elle-même.

[2] Le chant choral est la première activité des retraités, selon toutes les enquêtes.

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