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Catégorie : Bible et vie

La Colombe et l’Olivier – Méditations de confinement 8

Lectures de base : Genèse 6 : 9 et 11 – 7 :23-24 – 8 : 11-16 – 9 :1.

6 :9 et 11. « Noé était un homme juste et intègre. […] La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. »

7 :23-24. « Dieu effaça tous les êtres qui étaient à la surface de la terre : ils furent effacés de la terre. Il ne resta que Noé et ce qui était avec lui dans l’arche. Les eaux grossirent sur la terre pendant cent cinquante jours. »

8 :11-16. « La colombe revint à lui sur le soir, elle tenait dans son bec une feuille arrachée à l’olivier. Noé sut ainsi que les eaux avaient baissé sur la terre. Il prit encore patience sept autres jours, puis il lâcha la colombe. Mais elle ne revint plus à lui. L’an 601, le premier du 1er mois, les eaux avaient séché sur la terre. Noé écarta la couverture de l’Arche : il regarda, et voici au la surface du sol avait séché. Le second mois, le 27ème jour du mois, la terre était sèche.

Alors Dieu parla à Noé en ces termes : Sors de l’arche, toi, ta femme, tes fils et tes belles-filles. » 

9 :1. « Dieu bénit Noé, ainsi que ses fils, et leur dit : soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre. » (version Segond révisée)

La version audio est là:

Quand le gouvernement français a instauré le confinement, j’ai aussitôt pensé à l’histoire de Noé. Car je savais qu’il y aurait une sortie du confinement et c’est elle qui m’a renvoyé à Noé. Théoriquement, nous y sommes, puisque la semaine prochaine, à partir du lundi 11 mai, les mesures les plus contraignantes cesseront. Nous allons sortir de l’arche où nous avons vécu durant 8 semaines. C’est moins long que Noé et sa tribu, puisque, si l’on suit le texte biblique, leur séjour a duré près de 11 mois. Mais avouons que nous voyons arriver la libération avec plaisir.

Que peut nous apprendre l’histoire de Noé ?

Une remarque théologique ; peu importe que cela se soit passé exactement comme c’est écrit ou que ce soit un mythe (ce sont les deux positions possibles en théologie) : cela ne change rien au message que Dieu a voulu transmettre à l’humanité.

Voyons le cadre et les personnages : ch. 6, verset 9, nous trouvons une description morale qui est quasiment la même que celle utilisée pour caractériser Job – je vous renvoie à la méditation 6 – : « Noé était un homme juste et intègre dans son temps. » Donc Noé est un homme comme Dieu les aime, un homme droit.

En face et autour de lui, le verset 11 nous décrit un monde qui ressemble pas mal au nôtre : « La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. » Evidemment, la formulation désigne les hommes, car la terre ne saurait ni se corrompre ni exercer la violence avec volonté. A nouveau, le Bien contre le Mal, l’homme intègre seul face à une société mauvaise. Dieu choisit de garder le bien et de détruire le mal.

Passons à l’action décrite. Nul besoin de revenir en détail sur ce qui arrive. Noé reçoit de Dieu des instructions pour construire un grand bateau, y embarquer  des spécimens de tout ce qui vit dans l’air et sur la terre, y stocker des provisions pour sa famille et attendre le signal de Dieu pour fermer les portes. Notons que Dieu parle – il ne nous est pas dit de quelle manière – à l’homme intègre qui suit sa loi, c’est une constante de la Bible.

Commence alors le déluge : le verset 11 du chapitre 7 dit cela en termes très poétiques : « … toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s’ouvrirent. » Et c’est parti pour des mois de pluie battante. Tout est submergé, plus aucune topographie n’est visible. Les versets 23 et 24 de ce même chapitre 7 nous donnent le résultat : extermination de toute vie sur terre et dans le ciel, ne subsiste que la vie aquatique. Plus de cinq mois de submersion totale.

Transposons à ce que nous vivons : depuis maintenant plus de cinq mois (ou peut-être plus), ce virus inconnu est apparu en Chine et, peu à peu, par le jeu des voyageurs, il a submergé le monde, comme la pluie pour les contemporains de Noé. La menace d’une extermination massive de la population humaine est bien réelle. Si on laissait courir le virus, ce serait une fraction énorme de la population qui disparaîtrait. Le Covid-19 est notre déluge. Combien de temps avant que les eaux baissent ? Nous n’en savons absolument rien, pas plus que Noé ne le savait.

Le déconfinement lent de Noé. Le chapitre 8 raconte un déconfinement très progressif. Noé voit bien l’eau baisser, mais il ne voit pas apparaître le sol. Alors il fait des tests : d’abord il lâche le corbeau, qui va et vient, puis ne rentre pas. Puis il envoie la colombe. Il y aura trois tests avec elle. Au deuxième test, elle ramènera une feuille d’olivier. Au troisième test, elle ne revient pas.

Comment là aussi ne pas faire le  parallèle avec notre situation. On nous parle de première et de deuxième vague, de pic, puis de plateau. Tout ce que décrivent les chapitres 7 et 8 de la Genèse. Il faut être sage et patient, c’est ce qu’on nous demande avec insistance. Les tests sont la clé du déconfinement, vous l’avez entendu comme moi. Pour Noé aussi, ils furent ce qui lui a permis de savoir qu’il pouvait « ôter la couverture de l’arche » pour laisser l’air et la lumière  pénétrer. Soyons prudent comme Noé. Attendons le signe de l’olivier, ce double symbole de la paix revenue avec la colombe. Il y aura une fin à cette « guerre sanitaire », l’olivier sera le vaccin ou le traitement. Mais tant qu’il n’est pas revenu avec la colombe, pas question de quitter nos abris sans assurance.

Le « retour à la normale ». 8 : 15-16 et 9 :1. Dieu a envoyé le signe de l’olivier, puis il a parlé à Noé et donné l’ordre de sortie. Cet ordre est donné car au chapitre 8, verset 14, il est dit : « Le second mois, le vingt-septième jour du mois, la terre fut sèche. » Nous devons attendre que la terre soit sèche, que toute trace de cette inondation virale ait disparu. Jusque là, pas question de revenir à la vie d’avant.

D’ailleurs le récit nous confirme bien qu’il y a un nouveau départ, selon ce  que Dieu souhaite. Le chapitre 9 est le compte-rendu d’une nouvelle alliance entre Dieu et la famille de Noé. Dieu s’engage à ne plus produire de déluge et donne le signe de l’arc-en-ciel. Lisez le contenu de cette alliance dans tout le chapitre 9 jusqu’au verset 19. C’est bien une base nouvelle que Dieu pose. Il ne revient pas à la condition d’Adam en Eden, mais il modifie la vie, dans le sens d’un respect plus grand et d’une responsabilité accrue. Il est demandé à Noé et aux siens de peupler cette terre : voici la mission première, peupler et remplir la terre.

Alors, tout est bien qui finit bien ? Pas tout à fait. Si l’histoire s’arrêtait en Genèse 9 :19, ce serait ce que les Américains appellent une « happy end », un beau conte moral. Mais il y a les versets 20 à 24 de ce chapitre.

La première cuite de l’histoire biblique. 9 :20-24. Ces cinq versets douchent notre enthousiasme. Noé plante de la vigne, en tire du raisin et fait du vin, et il se saôule. Et comme toutes les personnes ivres, il fait n’importe quoi. Il se dénude dans sa tente. Son fils Cham le voit et va le dire à ses deux frères Sem et Japhet.

Nous avons alors cette scène très cinématographique, qui prouve le grand talent du rédacteur : les deux garçons rentrent à reculons dans la tente, en portant le manteau de leur père et le recouvrent, sans voir sa nudité. Il faudrait une méditation entière pour étudier ce moment. Ce que je veux retenir pour nous est plutôt l’enseignement que l’on peut en retirer.

Dieu a conclu une nouvelle alliance avec les hommes, posé un cadre de respect de la vie (9 :2-11). Tout pourrait repartir à zéro. Mais voilà, Noé a réussi, il est heureux et il fait la fête, seul, et perd le contrôle. Il perd alors sa dignité devant son fils. Cet homme juste et intègre offre une image de lui très dégradante, malgré toute la grandeur de ce qu’il a  fait avant.

Nous venons de faire la démonstration que le peuple français pouvait respecter des règles très dures. Mais ne risquons-nous pas de finir comme Noé, et pour fêter la liberté retrouvée, perdre la tête. La nudité est ici le symbole de la vulnérabilité, pas de l’innocence édénique. Ivre, Noé redevient un homme ordinaire, qui peut être très fragile. Soyons donc rusés comme le serpent et prudents comme la colombe, en ces moments où l’ivresse de la liberté peut faire tourner la tête à notre peuple.

Il est dommage que cette belle histoire de Noé finisse sous la double faute du père et du fils. Elle est là non pour nous dire qu’il est fatal que cela finisse ainsi, mais pour nous exhorter à veiller sur notre intégrité, à garder notre dignité d’enfant de Dieu. La  vraie joie n’a pas besoin de l’ivresse pour exister.

Il faut que nos vies soient orientées par la colombe et l’olivier dans la prudence et la sagesse. L’apôtre Paul a pu dire : en « Ephésiens 5:18 Ne vous enivrez pas de vin : c’est de la débauche. Soyez, au contraire, remplis de l’Esprit » . Ce n’est pas le vin qui est mauvais – il est le sang du Christ dans la Sainte Cène -, c’est son abus. Tout est dans la mesure et la tempérance.

Jean-Michel Dauriac – 10 mai 2020

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Réveiller l’esprit -Méditations de sortie de l’arche 1

Méditations de sortie de l’Arche: le principe

Le cycle de 8 méditations du confinement a ouvert une réflexion sur l’intériorité, tant personnelle que claustrale, avec l’assignation à résidence de tout le peuple français (sauf les métiers nécessaires et vitaux).

Débuté avec le souvenir lointain de Jérusalem dans l’exil babylonien, par le début du psaume 137, il s’est clos par Noé et la fin du déluge, assortie d’une nouvelle alliance et mission : peupler et remplir la terre.

Les circonstances changeant, le contenu et le but des méditations devait changer et s’adapter à ce nouveau contexte, qui n’est plus le confinement mais n’est pas le retour à la liberté antérieure. L’image de la sortie de l’Arche symbolise bien ce qui se passe : retour sur la terre d’avant, mais avec un nouveau contrat entre Dieu et l’humanité. Donc, tout se ressemble mais rien ne devrait être pareil. C’est maintenant le défi de l’extériorité qui s’offre à notre intériorité, renouvelée par le temps de la remise en question profonde que le retrait a pu permettre. Qu’allons-nous faire de ces semaines, de ces mois qui s’ouvrent devant nous ? Je ne veux évidemment pas parler du trivial qui refait surface aussitôt : l’apéro, la fête, la consommation, les vacances, l’inconséquence des comportements en public… Mon but est de réfléchir sur la traduction concrète des aspects spirituels que nous avons abordés dans les méditations précédentes, la foi, la prière, le salut, la volonté de Dieu, le rapport au prochain…

Un chrétien se doit de tenir un équilibre entre la spiritualité, la mystique,  et l’incarnation accomplie, la vie du corps et des sensations ; un équilibre, par définition instable et difficile entre la vie intérieure, la solitude nécessaire et le souci permanent du prochain et les mains dans le cambouis de la vraie vie. Il est tellement facile de n’avoir pas de mains pour ne pas risquer de les salir. Le message de Jésus est sans aucune ambiguïté ni concession : relisons le Sermon sur la Montagne ou Jean chapitre 17 pour en raviver le souvenir.

Que devons-nous et pouvons-nous faire dans le monde où nous revenons après deux mois d’apesanteur ? Ce sera le défi que je vais vous proposer : partir d’une parole biblique, (car la Bible est pour moi Parole de Dieu révélée aux Hommes par les hommes), pour nous aider dans cette recherche d’équilibre. Je n’ai pas de réponses préalables. Je vous propose de les chercher ensemble. Puisse Dieu m’aider par vos remarques et réactions. Seuls l’échange et le débat pourront construire la liberté et la vie vraie et bonne en Christ.

Jean-Michel Dauriac – Dimanche 17 mai 20

Réveiller l’esprit

Lecture de base : Esdras 1 :1-5 – version NEG.

« 1 ¶  La première année de Cyrus, roi de Perse, afin que s’accomplisse la parole de l’Eternel prononcée par la bouche de Jérémie, l’Eternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, qui fit faire de vive voix et par écrit cette publication dans tout son royaume :

2  Ainsi parle Cyrus, roi des Perses : L’Eternel, le Dieu des cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem en Juda.

3  Qui d’entre vous est de son peuple ? Que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem en Juda et bâtisse la maison de l’Eternel, le Dieu d’Israël ! C’est le Dieu qui est à Jérusalem.

4  Dans tout lieu où séjournent des restes du peuple de l’Eternel, les gens du lieu leur donneront de l’argent, de l’or, des effets, et du bétail, avec des offrandes volontaires pour la maison de Dieu qui est à Jérusalem.

5 ¶  Les chefs de famille de Juda et de Benjamin, les sacrificateurs et les Lévites, tous ceux dont Dieu réveilla l’esprit, se levèrent pour aller bâtir la maison de l’Eternel à Jérusalem. »

La version audio de cette méditation est là:

Nous avons débuté ce cycle de méditation avec un psaume « babylonien » où l’on trouve une des phrases capitales du judaïsme : « Si je t’oublie Jérusalem… ». Je vous renvoie à la méditation 1 sur le psaume 137.

Nous y avons trouvé le peuple Hébreux en exil et n’ayant plus que sa mémoire pour pratiquer sa religion et garder sa foi.  J’avais pris appui sur cette situation pour nous exhorter à cultiver une vie d’église, malgré les circonstances absolument nouvelles et brutale du confinement de toute la nation française.

Les versets d’Esdras que je propose de partager avec vous poursuivent cette histoire d’Israël, et donc la nôtre symboliquement puisque, comme le dit Paul dans les chapitres 9 à 11 de l’Epître aux Romains, nous sommes « l’Israël spirituel » qui doit permettre le salut final de l’Israël historique. Tout ce qui est dit d’Israël dans la Bible est donc, selon la théologie chrétienne depuis l’origine, transposable aux Chrétiens, l’Israël spirituel né de la loi de Jésus.

Depuis 50 à 70 ans, les Israélites, du Royaume du Nord, comme de Juda,  sont déportés à Babylone. C’est donc deux ou trois générations qui sont nées sur cette terre étrangère et idolâtre. Nous savons combien l’émigration change les gens qui émigrent et comment leurs enfants, quelles que soient les circonstances de leur venue, s’imprègnent de la langue et de la culture du pays d’accueil : on appelle cela l’intégration. A terme, celle-ci peut devenir de l’assimilation, c’est-à-dire que toute trace de la culture originelle a disparu. Nous avons assisté à ce phénomène en France au XXème siècle, avec les Polonais, les Espagnols, les Portugais, les Italiens et la majeure partie des maghrébins et africains venus en France.

Les Hébreux n’y ont pas échappé non plus. On peut penser qu’il en fut ainsi lors de cet exil à Babylone. En –550 ou –540, une bonne partie des enfants hébreux nés en Mésopotamie étaient intégrés et faisaient leur chemin dans ce pays et cette société (le livre de Daniel nous en donne un exemple indirect).

Est-ce une faute pour les Hébreux de s’être intégré chez les vainqueurs ? Si on lit la Torah, sans nul doute oui, car elle établit une séparation entre le peuple élu et les autres nations, pour des raisons de fidélité à Dieu et ses commandements. S’intégrer, est-ce oublier Dieu et ses paroles ? Ma question n’est pas innocente, elle nous concerne au premier chef. Nous connaissons les paroles de Jésus et de Paul à ce propos.

« Jean 17 : 15  Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du malin.

  1. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. »

Ce passage établit clairement la différence entre « dans le monde » et « du monde ».

« Actes 2 : 40 : 40  Et, par plusieurs autres paroles, il les conjurait et les exhortait, disant : Sauvez-vous de cette génération perverse. »

« Philippiens 2 : 15  afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d’une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde… »

Pierre et Paul donnent la consigne de se sauver d’une « génération perverse et corrompue ». Donc d’éviter l’intégration complète.

Or, voici que survient un événement extraordinaire, résumé dans les versets 1 et 2 de notre texte. Dieu suscite chez Cyrus, empereur de Perse, une décision totalement inattendue et improbable. Celui-ci veut obéir à L’Eternel, qui lui a commandé de lui bâtir un temple à Jérusalem. En lisant ces lignes, nous devrions être abasourdis et frappés presque d’incrédulité. Récapitulons :

  • Cyrus II le Grand n’est pas un roi quelconque comparable aux roitelets cités dans les livres historiques de la Bible. Il est le fondateur de l’Empire Perse, qui a vaincu Babylone et les royaumes alentours et qui installe une domination de plusieurs siècles. (A cette époque les Romains sont des paysans sans puissance et les Grecs règnent sur des cités aux pouvoirs limités). Cyrus est le maître du monde de l’époque, comme les pharaons le furent en leurs temps.
  • Ce souverain appartient au monde païen, selon les critères de la Bible – en réalité, nous savons par l’histoire des religions que la Perse avait des religions monothéistes ou dualistes, comme le mazdéisme ou le zoroastrisme. La notion de Dieu unique ne leur était donc pas étrangère.
  • Mais Dieu s’adresse directement à Cyrus, et lui donne un programme totalement surprenant pour un roi non-hébreux : construire un temple à Jérusalem. Il s’agit en fait de reconstruire le temple qui a été détruit par les Babyloniens en 587-86. Ce sera donc le second temple.
  • Nous avons là une pratique divine qui trouble les hommes religieux et qui se retrouve à plusieurs reprises dans la Bible juive : Dieu se suscite un serviteur pour son œuvre, parmi les païens : on pourrait dire que cela commence par Moïse et se poursuit jusque dans le Nouveau Testament, avec Corneille et sa famille ou le centenier romain. Nous devons savoir et croire que Dieu choisit qui il veut, où il veut, quand il veut, même si cela nous étonne ou nous déplait. Il a bien choisi Saul de Tarse, un persécuteur de la jeune église chrétienne, pour en faire le plus grand des évangélistes et des docteurs chrétiens. Nous avons déjà vu cela avec Job, qui n’était pas israélite. Dans le cas de Cyrus, Dieu avait déjà annoncé ce qu’il ferait des siècles auparavant, avec une précision accablante pour Israël. Lisons deux versets dans Esaïe 44-28 et 45 :1. « 28  Je dis de Cyrus : Il est mon berger, Et il accomplira toute ma volonté ; Il dira de Jérusalem : Qu’elle soit rebâtie ! Et du temple : Qu’il soit fondé ! 1 ¶  Ainsi parle l’Eternel à son oint, à Cyrus… » Il faut noter l’emploi du mot traduit par « oint » dans le dernier verset, qui est le terme messiah en hébreux, soit le messie ; il est rarissime que ce terme soit donné à un non-hébreux.Les sages d’Israël n’ont donc pas dû être surpris, eux, de cet épisode, mais ont pu louer l’Eternel pour la fidélité de ses promesses.
  • Nous ne saurons rien de plus de la relation de Cyrus avec l’Eternel. C’est son affaire et celle de Dieu. Mais il est dit une chose remarquable au verset 1 : « L’Eternel réveilla (ou éveilla) l’esprit de Cyrus. » Voici comment Dieu agit : il réveille en l’homme l’esprit originel mis en lui (à travers la création) et qui dort. Cet esprit est présent chez tous les hommes depuis les origines. Et là, c’est Dieu qui prend la décision, sans quête apparente de Cyrus. Le projet du second temple vient de Dieu lui-même, alors que celui du premier temple était une idée de David que Dieu avait acceptée, mais avec des conditions restrictives – David ne put le réaliser lui-même car il avait trop de sang sur les mains. Dieu suscite donc ce projet par Cyrus, qui s’adresse aux Hébreux pour être les réalisateurs de ce vœu de Dieu. Il s’adresse aussi à son peuple et le sollicite pour qu’il fasse des dons aux Hébreux pour le Temple. Evidemment Cyrus n’envisageait pas de ne pas être obéi, et c’est sans doute d’ailleurs une des raisons du choix de Dieu : Cyrus a le pouvoir de faire exécuter ce plan.
Jérusalem détruite par les Babyloniens en -587

Sommes-nous capables d’imaginer ce qui a bien pu se passer chez les Hébreux quand ils eurent connaissance de cet édit de l’Empereur ? Incrédulité, crainte, surprise, désintérêt ou joie en Dieu, je pense que tout cela a existé chez eux. Les Hébreux étaient installés, ils avaient fait leurs vies à Babylone, les premiers déportés étaient morts depuis longtemps, c’était de l’histoire maintenant. Et voici que Dieu chamboulait toute leur existence. Mais cela n’aurait pas dû les surprendre, car ces faits arrivent, comme le dit le verset 1, en accomplissement de la prophétie de Jérémie, que nous lisons au chapitre 25, 11 à 14 et 29 :10.

« 25 : 11  Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.

12  Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone et cette nation, dit l’Eternel, à cause de leurs iniquités ; je punirai le pays des Chaldéens, et j’en ferai des ruines éternelles.

13  Je ferai venir sur ce pays toutes les choses que j’ai annoncées sur lui, tout ce qui est écrit dans ce livre, ce que Jérémie a prophétisé sur toutes les nations.

14 Car des nations puissantes et de grands rois les asserviront, eux aussi, et je leur rendrai selon leurs œuvres et selon l’ouvrage de leurs mains. 

29 : 10  Mais voici ce que dit l’Eternel : Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. »

Dieu avait donc déjà tout planifié et tout annoncé. Mais pour que le plan fonctionne, il fallait deux choses : que Cyrus entende et obéisse, et que les Hébreux se mettent en marche. Tous les Hébreux n’ont pas réagi à l’appel de Dieu. Certains avaient trop à perdre, ils étaient trop intégrés à Babylone. Le texte, dans le verset 5 dit : « tous ceux dont Dieu réveilla l’esprit » se levèrent pour obéir à l’appel de Cyrus et de Dieu. Les autres sont restés dans leur vie ordinaire.

Quand Dieu veut faire connaître sa gloire et être célébré, il est tout puissant sur le choix des moyens. Mais il ne peut contraindre qui que ce soit à faire sa volonté. L’esprit donné par Dieu, le pneuma divin, est en chacun de nous. Il veut le réveiller, lui rendre sa dynamique. Mais cela ne se fera nullement contre notre gré.

Comme les Hébreux après l’exil, nous revenons au monde d’avant la closure. Mais pourquoi y revenons-nous ? Servirons-nous Babylone, dans la continuité d’une intégration au monde païen (sans Dieu), ou voulons-nous construire le Temple de Dieu, sous l’impulsion du grand roi ?

Les Hébreux qui sont restés à Babylone n’ont pas renié Dieu, ils ont gardé la tradition et, plus tard, après la destruction de ce Temple, en 70 après JC, ils rédigeront un des deux Talmuds de référence du judaïsme (avec celui de Tibériade). Mais ils n’ont pas vécu la riche expérience de ceux qui sont revenus à Jérusalem, après le réveil de leur esprit. Partir, c’est accepter de se remettre en question. C’est vouloir que le retour soit différent. C’est à nous de choisir ce que sera demain pour nous, à Babylone ou à Jérusalem.

Dans la prochaine méditation, nous verrons ce qu’ont vécu ceux qui ont accepté le réveil de leur esprit et ce que cela peut signifier pour nous. Jean-Michel Dauriac – 17 mai 2020

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De l’oreille à l’œil Méditations de confinement 6

Voici le lien pour l’écoute audio:

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Lecture de base : Job 42 : 5

 

«  Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. » (version NBS)

«  Par ouï-dire je te connaissais, mais maintenant mon œil t’a vu. » (version Ostie-Trinquet)

 

Notre méditation de cette semaine nous amène dans ce formidable et étrange livre de Job. Voici un texte proprement unique dans la Bible juive. Son originalité saute aux yeux du lecteur, comme celle, par exemple, du Cantique des Cantiques. De Job nous ne savons rien d’autre que ce que le livre nous en dit, dans le chapitre 1 du prologue. C’est un grand propriétaire, éleveur très pourvu et chef de famille comblé, avec dix enfants, trois filles et sept fils. Il a aussi « un très grand nombre de serviteurs », comprenez d’esclaves. Rien ne nous permet de dire que c’est un israélite, surtout pas le lieu de sa résidence, le pays d’Outs, que l’on n’a pas réussi à localiser avec précision (Ammon, Syrie ?), qui n’est pas en Palestine, mais en Arabie selon les dénominations antiques.

Nous avons là une première interrogation : pourquoi cette histoire d’un oriental, sémite mais non hébreu, est-elle dans le canon de la Bible juive ? Le livre est écrit en hébreu, par un israélite, il a un langage totalement israélite, mais l’histoire remonte au temps des Patriarches : Job est un patriarche non hébreu des temps lointains. Or, il est très rare que le héros d’un livre de la Bible hébraïque ne soit pas un hébreu. Une clé de compréhension nous est donnée au chapitre 1, verset 1 : «  Il y avait au pays d’Outs un homme nommé Job. Cet homme était intègre et droit ; il craignait Dieu et s’écartait du mal. » (version NBS)

Job connaissait Elohim, le Dieu des patriarches et du début de la Genèse. Sa vie était marquée par l’honnêteté et la droiture, donc l’amour de la vérité, c’était un homme de bien, car « il s’écartait du mal ».

Nous trouvons ici un premier enseignement : se tenir éloigné du mal, c’est manifester la crainte biblique de Dieu, donc le respecter comme un père, ce qui est le sens réel du mot « crainte », dans le contexte vétéro-testamentaire. Nul n’a besoin pour cela d’appartenir au peuple d’Israël. Job est le type du croyant issu du monde païen. Il ne se rattache pas concrètement à la religion du Sinaï. Cependant, il pratique le sacrifice d’expiation pour ses fils (chapitre 1, verset 5) et le Seigneur, à la fin du livre en fait l’intercesseur par la prière, sur le sacrifice de ses trois amis, qui ont mal parlé de Dieu (chapitre 42, versets 7 à 9). C’est dans la Bible juive la preuve du salut universel qu’Elohim offre à tous les hommes, un peu comme il a offert le pardon aux Ninivites dans le petit livre de Jonas (voir ma méditation sur ce sujet).

 

Le prologue nous raconte aussi la discussion qui eut lieu « devant le Seigneur », verset 6 du chapitre 1 et 1 du chapitre 2. L’Adversaire, ou le Satan, l’accusateur en hébreu, pose une question cruciale au Seigneur (le mot employé n’est ici plus Elohim, mais YHWE, tétragramme imprononçable pour un juif) : «  Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? » (verset 9). Il est le spécialiste des question ambigües. Souvenons-nous du « Dieu a-t-il vraiment dit ? » de Genèse  3 :1.

Cette question, Dieu l’entend bien et accepte qu’elle soit l’enjeu de son affrontement avec l’accusateur, par la personne interposée de Job. Dieu est certain de l’amour pur de Job, mais le Mauvais est là pour suggérer un amour intéressé, lié aux grandes bénédictions accordées à Job. Il va donc obtenir de Dieu la permission de ruiner la vie et la santé de Job, afin de démontrer que sa foi est intéressée. C’est tout le sens du livre. Car le livre de Job est autant un livre sur la relation de foi solide à Dieu qu’un livre sur la douleur et l’épreuve.

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Job et ses amis – Gillot Saint Evre (1791_-1858)

Entendons-nous la question du Satan ? Pourquoi donc craignons-nous Dieu ? Pourquoi affirmons-nous que nous avons la foi ? Cette question, nous ne pouvons l’éluder, il nous faut y répondre. Ceux qui sont les adversaires du christianisme, je pense ici aux philosophes Nietzsche et Marx, disent que c’est contre la promesse d’une vie éternelle paradisiaque que les hommes acceptent cette « religion d’esclaves », comme dit Nietzsche et s’enivrent de cet « opium du peuple » comme le formule Marx. Ont-ils toujours tort ? Chez certains d’entre nous, n’y-a-t-il pas dans notre religion une sorte d’ « assurance contre la mort » ? Or, si nous sommes dans cette position, notre foi ne pourra pas résister à l’épreuve. C’est tout le défi proposé à Job. Sa femme ne lui est pas vraiment un soutien, quand elle lui dit, à la suite de tous ses malheurs « Maudis Dieu et meurs ! », au verset 9 du chapitre 2. Madame Job ne semble pas partager la foi de son époux ! Il lui répond très sèchement : «  Tu parles comme une folle ! Nous recevrions de Dieu le bonheur, et nous ne recevrions pas aussi le malheur ! » (verset 10). Il y aurait beaucoup à dire sur cette réponse, mais contentons-nous de dire que Job sait que la vie humaine est toute entière dans cette liberté face à ce qui nous arrive. Job refuse cette tentation du reniement. Sa foi n’est pas basée sur des avantages attendus. Ce qui se résume à son propos, devenu proverbial, du chapitre 1, verset 21 : «  Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; que le nom du Seigneur soit béni. » Je vois dans cette formule bien plus que le fatalisme chrétien ou oriental qu’on a voulu y voir. J’y lis au contraire la vraie foi de Job, tournée vers Dieu seulement, une détermination à toute épreuve, à proprement parler.

Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de Job pour sonder notre foi. Croyons-nous seulement quand tout va bien ou, au contraire, quand ça va mal et que nous avons besoin de la béquille de Dieu pour continuer à marcher ? La foi est indépendante de la météo de notre existence, des circonstances, car elle est don et révélation de Dieu. Relisez le passage de Matthieu 16-13-17 : « 13   Jésus, arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander à ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?

14  Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie, ou l’un des prophètes.

15  — Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?

16  Simon Pierre répondit : Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.

17  Jésus lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! »

 

Venons-en maintenant au verset lu au début de notre partage. Nous enjambons tous les échanges de discours, qui sont le cœur de ce livre, du chapitre 3 au chapitre 37. A partir du chapitre 38, le dialogue se noue directement entre Dieu et Job. Dieu ramène Job à sa condition humaine, en lui montrant toutes les choses qu’il ne peut comprendre et maîtriser. Ce sont les superbes chapitres 38 et 39, que tous les scientifiques, politiques et grands esprits autoproclamés devraient lire et relire régulièrement. Job répond très humblement à Dieu, au début du chapitre 40. Dieu « enfonce le clou » de la faiblesse humaine dans ces descriptions extraordinaires du Béhémoth et du Léviathan. L’homme n’est rien face à ces créatures divines. Et nous arrivons à ce début du chapitre 42, qu’il faut alors relire :

« 1  Job répondit au SEIGNEUR :

2  Je sais que tu peux tout, et qu’aucune pensée ne t’échappe.

3   […]Ainsi j’ai parlé, sans comprendre, de choses étonnantes qui me dépassent et que je ne connais pas.

4   […] 

5  Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu.

6  C’est pourquoi je renonce : je me repens sur la poussière et la cendre. (version NBS). »

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Nous pouvons mesurer combien l’épreuve a formé Job. Il a énormément progressé, tandis qu’il restait confiné à son tas de fumier, à gratter ses ulcères. Il sort du confinement avec une véritable vision de Dieu. Jusqu’alors, il reconnaît avoir eu une foi de tradition, fondée sur le ouï-dire. C’est la foi dont nous héritons par tradition familiale et culturelle. Mais par son cheminement, ses errements, reconnus dans le verste 3, Job a pu arriver à une vision : son œil spirituel a vu Dieu, il a dialogué en direct avec lui. Sa foi est maintenant personnelle, en prise directe avec Dieu.

 

Saurons-nous agir comme Job ? Ce temps de retrait imposé face à la maladie, parfois pour certains, dans la maladie elle-même, est l’occasion de faire évoluer notre foi. Qui n’a pas envie de pouvoir dire comme Job : « Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. » Et la bénédiction suit. Job est restauré, par la grâce de Dieu. Faisons nôtre l’affirmation de Proverbes 1 : 22 :

«  C’est la bénédiction de l’Eternel qui enrichit, Et il ne la fait suivre d’aucun chagrin. (version NEG) »

 

Jean-Michel Dauriac

21 avril 2020

 

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