Voici le lien pour l’écoute audio:
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Lecture de base : Job 42 : 5
« Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. » (version NBS)
« Par ouï-dire je te connaissais, mais maintenant mon œil t’a vu. » (version Ostie-Trinquet)
Notre méditation de cette semaine nous amène dans ce formidable et étrange livre de Job. Voici un texte proprement unique dans la Bible juive. Son originalité saute aux yeux du lecteur, comme celle, par exemple, du Cantique des Cantiques. De Job nous ne savons rien d’autre que ce que le livre nous en dit, dans le chapitre 1 du prologue. C’est un grand propriétaire, éleveur très pourvu et chef de famille comblé, avec dix enfants, trois filles et sept fils. Il a aussi « un très grand nombre de serviteurs », comprenez d’esclaves. Rien ne nous permet de dire que c’est un israélite, surtout pas le lieu de sa résidence, le pays d’Outs, que l’on n’a pas réussi à localiser avec précision (Ammon, Syrie ?), qui n’est pas en Palestine, mais en Arabie selon les dénominations antiques.
Nous avons là une première interrogation : pourquoi cette histoire d’un oriental, sémite mais non hébreu, est-elle dans le canon de la Bible juive ? Le livre est écrit en hébreu, par un israélite, il a un langage totalement israélite, mais l’histoire remonte au temps des Patriarches : Job est un patriarche non hébreu des temps lointains. Or, il est très rare que le héros d’un livre de la Bible hébraïque ne soit pas un hébreu. Une clé de compréhension nous est donnée au chapitre 1, verset 1 : « Il y avait au pays d’Outs un homme nommé Job. Cet homme était intègre et droit ; il craignait Dieu et s’écartait du mal. » (version NBS)
Job connaissait Elohim, le Dieu des patriarches et du début de la Genèse. Sa vie était marquée par l’honnêteté et la droiture, donc l’amour de la vérité, c’était un homme de bien, car « il s’écartait du mal ».
Nous trouvons ici un premier enseignement : se tenir éloigné du mal, c’est manifester la crainte biblique de Dieu, donc le respecter comme un père, ce qui est le sens réel du mot « crainte », dans le contexte vétéro-testamentaire. Nul n’a besoin pour cela d’appartenir au peuple d’Israël. Job est le type du croyant issu du monde païen. Il ne se rattache pas concrètement à la religion du Sinaï. Cependant, il pratique le sacrifice d’expiation pour ses fils (chapitre 1, verset 5) et le Seigneur, à la fin du livre en fait l’intercesseur par la prière, sur le sacrifice de ses trois amis, qui ont mal parlé de Dieu (chapitre 42, versets 7 à 9). C’est dans la Bible juive la preuve du salut universel qu’Elohim offre à tous les hommes, un peu comme il a offert le pardon aux Ninivites dans le petit livre de Jonas (voir ma méditation sur ce sujet).
Le prologue nous raconte aussi la discussion qui eut lieu « devant le Seigneur », verset 6 du chapitre 1 et 1 du chapitre 2. L’Adversaire, ou le Satan, l’accusateur en hébreu, pose une question cruciale au Seigneur (le mot employé n’est ici plus Elohim, mais YHWE, tétragramme imprononçable pour un juif) : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? » (verset 9). Il est le spécialiste des question ambigües. Souvenons-nous du « Dieu a-t-il vraiment dit ? » de Genèse 3 :1.
Cette question, Dieu l’entend bien et accepte qu’elle soit l’enjeu de son affrontement avec l’accusateur, par la personne interposée de Job. Dieu est certain de l’amour pur de Job, mais le Mauvais est là pour suggérer un amour intéressé, lié aux grandes bénédictions accordées à Job. Il va donc obtenir de Dieu la permission de ruiner la vie et la santé de Job, afin de démontrer que sa foi est intéressée. C’est tout le sens du livre. Car le livre de Job est autant un livre sur la relation de foi solide à Dieu qu’un livre sur la douleur et l’épreuve.
Job et ses amis – Gillot Saint Evre (1791_-1858)
Entendons-nous la question du Satan ? Pourquoi donc craignons-nous Dieu ? Pourquoi affirmons-nous que nous avons la foi ? Cette question, nous ne pouvons l’éluder, il nous faut y répondre. Ceux qui sont les adversaires du christianisme, je pense ici aux philosophes Nietzsche et Marx, disent que c’est contre la promesse d’une vie éternelle paradisiaque que les hommes acceptent cette « religion d’esclaves », comme dit Nietzsche et s’enivrent de cet « opium du peuple » comme le formule Marx. Ont-ils toujours tort ? Chez certains d’entre nous, n’y-a-t-il pas dans notre religion une sorte d’ « assurance contre la mort » ? Or, si nous sommes dans cette position, notre foi ne pourra pas résister à l’épreuve. C’est tout le défi proposé à Job. Sa femme ne lui est pas vraiment un soutien, quand elle lui dit, à la suite de tous ses malheurs « Maudis Dieu et meurs ! », au verset 9 du chapitre 2. Madame Job ne semble pas partager la foi de son époux ! Il lui répond très sèchement : « Tu parles comme une folle ! Nous recevrions de Dieu le bonheur, et nous ne recevrions pas aussi le malheur ! » (verset 10). Il y aurait beaucoup à dire sur cette réponse, mais contentons-nous de dire que Job sait que la vie humaine est toute entière dans cette liberté face à ce qui nous arrive. Job refuse cette tentation du reniement. Sa foi n’est pas basée sur des avantages attendus. Ce qui se résume à son propos, devenu proverbial, du chapitre 1, verset 21 : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; que le nom du Seigneur soit béni. » Je vois dans cette formule bien plus que le fatalisme chrétien ou oriental qu’on a voulu y voir. J’y lis au contraire la vraie foi de Job, tournée vers Dieu seulement, une détermination à toute épreuve, à proprement parler.
Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de Job pour sonder notre foi. Croyons-nous seulement quand tout va bien ou, au contraire, quand ça va mal et que nous avons besoin de la béquille de Dieu pour continuer à marcher ? La foi est indépendante de la météo de notre existence, des circonstances, car elle est don et révélation de Dieu. Relisez le passage de Matthieu 16-13-17 : « 13 Jésus, arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander à ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?
14 Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie, ou l’un des prophètes.
15 — Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?
16 Simon Pierre répondit : Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.
17 Jésus lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! »
Venons-en maintenant au verset lu au début de notre partage. Nous enjambons tous les échanges de discours, qui sont le cœur de ce livre, du chapitre 3 au chapitre 37. A partir du chapitre 38, le dialogue se noue directement entre Dieu et Job. Dieu ramène Job à sa condition humaine, en lui montrant toutes les choses qu’il ne peut comprendre et maîtriser. Ce sont les superbes chapitres 38 et 39, que tous les scientifiques, politiques et grands esprits autoproclamés devraient lire et relire régulièrement. Job répond très humblement à Dieu, au début du chapitre 40. Dieu « enfonce le clou » de la faiblesse humaine dans ces descriptions extraordinaires du Béhémoth et du Léviathan. L’homme n’est rien face à ces créatures divines. Et nous arrivons à ce début du chapitre 42, qu’il faut alors relire :
« 1 Job répondit au SEIGNEUR :
2 Je sais que tu peux tout, et qu’aucune pensée ne t’échappe.
3 […]Ainsi j’ai parlé, sans comprendre, de choses étonnantes qui me dépassent et que je ne connais pas.
4 […]
5 Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu.
6 C’est pourquoi je renonce : je me repens sur la poussière et la cendre. (version NBS). »
Nous pouvons mesurer combien l’épreuve a formé Job. Il a énormément progressé, tandis qu’il restait confiné à son tas de fumier, à gratter ses ulcères. Il sort du confinement avec une véritable vision de Dieu. Jusqu’alors, il reconnaît avoir eu une foi de tradition, fondée sur le ouï-dire. C’est la foi dont nous héritons par tradition familiale et culturelle. Mais par son cheminement, ses errements, reconnus dans le verste 3, Job a pu arriver à une vision : son œil spirituel a vu Dieu, il a dialogué en direct avec lui. Sa foi est maintenant personnelle, en prise directe avec Dieu.
Saurons-nous agir comme Job ? Ce temps de retrait imposé face à la maladie, parfois pour certains, dans la maladie elle-même, est l’occasion de faire évoluer notre foi. Qui n’a pas envie de pouvoir dire comme Job : « Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. » Et la bénédiction suit. Job est restauré, par la grâce de Dieu. Faisons nôtre l’affirmation de Proverbes 1 : 22 :
« C’est la bénédiction de l’Eternel qui enrichit, Et il ne la fait suivre d’aucun chagrin. (version NEG) »
Jean-Michel Dauriac
21 avril 2020
Merci Jean-Michel de nous avoir rappelé Job et ce cheminement extraordinaire!
Bien à vous deux
Annemarie et Marc
Bonjour Jean Michel,
quelques mots pour
1- te remercier dans ce cheminement de réflexion biblique. A ton école j’apprends à marcher et à parler avec et sur ce j’ai lu je maintiens l’équilibre et j’arrive à formuler. Quant à mémoriser, je manquais d’entrainement au préalable.
2- Entre la soumission de la religion d’esclaves, l’anesthésie sous opium pour une recherche d’une quête auprès de Dieu d’une vie éternelle paradisiaque il peut y avoir une vie simplement conforme à l’application des 10 commandements (à ce sujet Chavouot tombe quasiment synchro avec la fin du confinement), comme la vrai imprégnation du Notre Père, comme celle Credo répétés avec puissance. Ils sont mes piliers solides de la construction inachevée de ma foi personnelle
3- Là ou j’en suis pour le pays d’Outs accorde moi le copier coller qui arrive, suggéré suite à des conversations avec une relation d’origine iranienne : La Biographie courte de Zarathoustra – Zarathoustra (aussi orthographié Zoroastre) est un grand penseur du monde antique. Il serait né dans une région correspondant à l’Iran ou à l’Afghanistan actuels, au VIIe siècle av. J.-C. Il est le créateur du zoroastrisme, une religion monothéiste. On sait peu de choses de ce personnage considéré comme un prophète et à l’origine de nombreux mythes. Zarathoustra se battit notamment contre le culte de dieux multiples et pour une foi plus pure, centrée autour de la lutte entre le bien et le mal. Selon Zarathoustra, il y a en tout homme une part de bien et une part de mal, et que c’est à chacun de choisir le côté du bien. Selon la légende, il aurait été assassiné à l’âge de 77 ans, alors qu’il était en plein recueillement.
Merci
Dur à suivre spirituellement ton petit frère
Jacques