L’enregistrement audio de la méditation est ici:
Nous allons aujourd’hui méditer sur des paroles de Jésus qui sont rapportées dans les trois Evangiles synoptiques. Une étude serrée devrait être menée comparativement sur les trois textes. Le format de ces méditations ne permet pas cet approfondissement. Mais rien en vous empêche d’effectuer ce travail, puisque je vais fournir les références précises des trois textes. J’ai retenu celui de Matthieu. Celui de Marc est très lapidaire et manque donc de précision. Celui de Luc est proche de Matthieu. Mais ce sont les formulation du premier Evangile qui ont motivé mon choix, nous allons le voir ci-dessous.
Lectures de base :
Marc 6 : 7-12
Luc 9 : 1-6 & 10 : 11-12
Matthieu 10 : 5-15.
« 5 Tels sont les douze que Jésus envoya après leur avoir donné les recommandations suivantes :
6 N’allez pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.
7 En chemin, prêchez que le royaume des cieux est proche.
8 Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.
9 Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie dans vos ceintures,
10 ni sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton, car l’ouvrier mérite sa nourriture.
11 Dans quelque ville ou village que vous entriez, informez-vous s’il s’y trouve quelqu’un qui soit digne (de vous recevoir), et demeurez chez lui jusqu’à ce que vous partiez.
12 En entrant dans la maison, saluez-la,
13 et, si la maison en est digne, que votre paix vienne sur elle ; mais si elle n’en est pas digne, que votre paix retourne à vous.
14 Lorsqu’on ne vous recevra pas et qu’on n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds.
15 En vérité je vous le dis : Au jour du jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins rigoureusement que cette ville-là. » Version La Colombe.
Les Evangiles nous rapportent deux envois en mission effectués par Jésus : d’abord les douze apôtres, puis un contingent de soixante-dix disciples. Nous ne savons pas quel intervalle de temps sépare ces deux missions, nous ne pouvons pas déduire de leur enchaînement en Luc qu’elles soient consécutives. Les formules qui nous intéressent aujourd’hui sont dans les deux ordres de mission.
La mission des douze
Elle est définie juste avant le passage que nous avons lu, en Matthieu 10 :1. « Puis (Jésus) appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir de chasser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité. » C’est une mission centrée sur deux actions seulement :
- -chasser les esprits impurs ;
- -guérir toute maladie et toute infirmité.
On ne peut qu’être surpris par le but à la fois grandiose et très limité de cette mission. C’est une mission de « miracles », tels que les Evangiles les définissent : pratiquer ce que l’on appelle aujourd’hui l’exorcisme et guérir toutes affections des hommes (maladies et infirmités).
Il n’est nullement question du salut, du pardon des péchés, de la foi ou de tout autre aspect religieux. Jésus envoie des guérisseurs. Pourquoi limiter ainsi l’œuvre ?
La réponse première est dans la liste des douze que donnent les versets 2 à 4 du même chapitre 10. Ce sont des hommes simples, qui exerçaient des métiers manuels. Il n’y a là aucun scribe ni savant de la Loi. Leur seule référence est la religion de leurs pères et Jésus. Or, ils accompagnent Jésus et participent, en spectateurs le plus souvent, à ses actions. Le verset 35 du chapitre 9 nous donne le programme de Jésus : « Jésus parcourait toutes les villes et les villages, il enseignait dans leurs synagogues, prêchait l’Évangile du royaume et guérissait toute maladie et toute infirmité. »
Il enseigne dans les synagogues, il prêche l’Evangile (la bonne nouvelle) du Royaume et il guérit. Or, il ne demande aux douze envoyés que de guérir. Pas de prédication de la bonne nouvelle du Royaume : ils n’en savent pas encore assez sur ce message. Ils peuvent seulement mettre en œuvre le pouvoir que Jésus leur donne.
Leur mission est très cadrée : le verset 6 écarte tout contact avec les païens et les Samaritains. C’est donc uniquement vers les Juifs qu’ils sont envoyés. Ce n’est pas un travail missionnaire au sens propre, c’est une affaire interne, entre Juifs.
Mais en 6b nous trouvons une mention singulière, celle des « brebis perdues de la Maison d’Israël ». Ceci, évidemment, nous fait songer à la parabole du bon berger et de la brebis perdue. Mais, ici, comment faut-il comprendre cette mention ?
Les disciples ne visent-ils que les égarés ou, au contraire, tout Israël est-il brebis perdue ? D’après le texte de Matthieu, il ne nous est pas possible de le dire. Il semble cependant, d’après le verset 11, que toute ville ou village soit concernée. Jésus considérerait donc que tout Israël s’est éloigné de Dieu. En se positionnant ainsi, il manifeste une attitude prophétique, à l’instar des anciens prophètes de la Bible juive.
Au verset 7, nous voyons le seul élément de prédication qui leur est conseillé : « le Royaume de Dieu est proche » ; Luc dit : « Le royaume de Dieu s’est approché » (Luc 10 : 11b). On peut aussi traduire le « règne de Dieu », ce qui est peut-être plus parlant. Ce message est le message messianique de tous les prophètes antérieurs, notamment Esaïe. C’est l’événement qui doit être annoncé. Les disciples ne peuvent aller plus loin, ils n’ont pas encore la connaissance suffisante. Je dirais que cette mission est leur stage pratique de fin de troisième, le moment où les jeunes découvrent un métier dans une approche rapide.
Les douze marchaient avec Jésus et assistaient à son ministère, mais ils ne comprenaient pas grand-chose, ou en tout cas, n’avaient vraiment pas une formation suffisante pour aller au-delà de cette mission.
Concrètement, pour nous aujourd’hui, cet envoi limité peut être un encouragement : nul besoin d’avoir acquis grand savoir et expérience. Il suffit d’annoncer, que, par Jésus, le règne de Dieu s’est approché. Il faut susciter la curiosité ou la perplexité de ceux qui veulent bien nous recevoir et nous écouter. Pour en savoir plus, il faut alors les conduire à ceux qui savent, ceux qui ont côtoyé Jésus plus longtemps.
Acceptation ou rejet : que faire ?
Ce sont là les versets 11 à 15 de Matthieu qui nous intéressent. Jésus présente les deux accueils possibles et y prépare ses disciples.
- -versets 11 à 13 : l’accueil est favorable. Vous noterez que Jésus considère ses envoyés comme des personnages importants. L’expression « digne de vous recevoir » le montre clairement. Ce n’est pas la noblesse des disciples qui est digne d’accueil, mais celui qui les envoie et le message qu’ils portent. Nous-mêmes, disciples du Christ, nous avons ce statut de « dignitaires ». Il ne faut jamais galvauder le message de Jésus et la mission qui est la nôtre.
- -Les versets 14-15 montrent un rejet ou une forme de mépris du message : « lorsqu’on n’écoutera pas vos paroles », la mission est, ici, en cette ville ou ce village, un échec. Malgré la puissance de Celui qui nous envoie et la Bonne Nouvelle du Royaume proche, il y aura toujours des refus. Ceci atteste de la liberté de conscience des hommes (au moins en apparence). Le message, nous le proposons seulement. Rien ne servirait de l’imposer, comme l’Eglise l’a fait dans certains périodes historiques et certains contextes. Grâce au texte de Luc 10 : 9 et 11, nous savons que dans les deux cas le « Royaume s’est approché ». Et il faut le dire, les hommes doivent savoir ce qu’ils rejettent, pas des disciples limités, mais le Royaume de Dieu.
Aux deux modalités d’accueil correspondent deux attitudes : rester chez ceux qui sont dignes de recevoir ou sortir de ce lieu en secouant la poussière de ses sandales.
Rester, c’est partager la guérison et le témoignage. Aux soixante-dix, Jésus dit (Luc 10 :7) de manger et boire dans cette maison (ou ce village). Jésus ajoute : « n’allez pas de maison en maison », ce qui semble condamner la pratique du porte-à-porte que certains chrétiens pratiquent intensivement. Pourquoi ?
Pour que ce soient les habitants, curieux, qui viennent vers les disciples. Ce sera leur choix et leur démarche, un acte de volonté.
N’oublions pas cet aspect, dans notre démarche d’évangélisation[1] ou de témoignage : non aller déranger autrui chez lui, mais le laisser librement et volontairement venir vers la source de la Parole de Dieu. Il nous suffit de faire connaître cette possibilité de la manière la plus adaptée.
Sortir des lieux de refus est un ordre de Jésus. Il ne sert à rien d’insister. Quand l’annonce a été faite de manière claire, le travail du disciple est accompli. Le reste est oeuvre de l’Esprit Saint et décision des femmes et des hommes qui ont entendu.
Mais il y a aussi la formule finale, « Secouez la poussière de vos pieds » (verset 14 de Matthieu). C’est le texte de Luc 10 :11 qui donne l’explication : « Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos pieds ; sachez pourtant que le royaume de Dieu s’est approché. »
Il n’y aura plus rien de commun entre les disciples et ceux qui refusent de les accueillir et de les entendre. Cela signifie qu’il faut savoir passer à autre chose. Rien ne sert de persister, de revenir à la charge, d’argumenter et, parfois, de harceler le récalcitrant. Il a eu l’occasion de connaître le Royaume, il l’a refuse, c’est fini pour lui de la part du disciple. Il faut aller annoncer le Royaume à tous les autres ignorants, à toutes le autres brebis perdues[2].
Voici donc une illustration, que nous pouvons méditer, sur notre travail d’envoyé, sur le message diffusé et sur l’attitude à adopter. Il y a bien sûr tout un travail d’adaptation à accomplir, mais les principes que j’ai évoqués ci-dessus demeurent intangibles.
Jean-Michel Dauriac – Avril 2021.
[1] Je continue à employer ce terme qui est considéré comme néfaste par certains, comme une preuve de prosélytisme agressif. C’est méconnaître son sens profond qui est « annonce de la Bonne nouvelle du Christ ». Il y a bien des façons de dire cela, mais c’est le cœur de la vie et de la mission du chrétien. On peut « évangéliser » muettement, simplement en vivant au mieux les préceptes du Christ.
[2] Cela signifie-t-il que le salut est définitivement hors de portée de ceux qui ont refusé et même combattu l’Evangile ? Ce serait outrepasser le contenu du Nouveau Testament. Je pense à ce verset de Paul, en 1 Corinthiens 3:15 « Si l’œuvre de quelqu’un est brûlée, il en subira la perte ; lui, certes, il sera sauvé, mais comme au travers du feu. » La possibilité du salut demeure tant qu’il ya de la vie en l’humain.
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