C.S. Lewis
Editions Empreintes temps présent 2020
Tout le monde ou presque connaît le livre des Psaumes, au moins par le célébrissime Psaume 23, souvent lu lors des cérémonies de funérailles. (« L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien… »). Toutes les Eglises chrétiennes en usent abondamment, notamment dans les diverses liturgies et homélies. On les assimile souvent à l’œuvre littéraire du roi hébreu David, car beaucoup lui sont attribués. C’est en réalité une oeuvre collective, écrite par des prêtres le plus souvent, pour des cérémonies au Tabernacle ou au Temple. Il y a 150 Psaumes, c’est le livre le plus volumineux de la Bibliathèque nommée Bible. C’est aussi le plus original, tant il s’agit d’un genre poétique particulier : le Psaume est une prière ou une proclamation à Dieu ou devant Dieu. Mais la lecture complète et attentive de ces Psaumes n’est pas sans surprendre, voir horrifier le lecteur. Dans aucun autre livre de la Bible le vocabulaire n’est aussi agressif contre les ennemis de Dieu. Ils contiennent des appels à la mise à mort, à la destruction, à la ruine… demandés à Dieu par les auteurs. On se trouve aux antipodes du message d’amour des Evangiles. Les Psaumes sont souvent évoqués par les adversaires de Dieu pour montrer la cruauté de la religion et des croyants ; et il est vrai que certains passages ne sont pas inférieurs à ceux du Coran traitant des Infidèles. Alors ? Intolérance contre intolérance ? Haine contre haine ?
C’est à ces questions délicates que répond l’ouvrage de Lewis. Car il a été également choqué par ces formules et n’a pas mis le cadavre dans le placard. Son essai n’est pas œuvre de dogmaticien ou de théologien, et c’est tant mieux, car il est beaucoup plus agréable à lire que les productions de ces spécialistes. C’est l’écrit d’un lecteur assidu doublé d’un écrivain (et accessoirement d’un linguiste). En onze chapitres assez courts, il aborde des thèmes qui traversent tout le recueil. Et il commence par ces questions de diatribes violentes, qui donnent la matière des trois premiers chapitres : Le « jugement dans les psaumes, Les malédiction, La mort dans les psaumes. S’il n’épuise évidemment pas ces sujets, il donne cependant assez d’exemples pour bien situer le débat. Il ramène ainsi dans le contexte historiques ces textes (ils seraient pour ceux de David, du XIème siècle avant JC), ce qui rend tout à fait compréhensible le vocabulaire et les conflits évoqués. Les Psaumes sont en continuité avec le « Dieu jaloux » du Pentateuque, ils correspondent à une époque où le petit peuple monothéiste hébreux devait guerroyer contre tous les autres peuples de Palestine polythéistes ou païens et, en même temps, lutter contre lui-même et la tentation, si souvent montrée dans la Bible, de revenir aux idoles et à leurs rites. C’est une guerre sans merci entre ces deux mondes. Et il faut bien se garder de juger de ces contenus avec notre mentalité de Bisounours du XXIème siècle – Bisounours qui commettent chaque jour des féminicides, des parricides, des infanticides, usent d’armes chimiques, du viol en masse, etc . Lewis reconnaît bien que cette approche de Dieu choque le croyante n Christ, car la révélation par Jésus a établi une autre alliance, ce qui confirme le fait que la révélation n’est pas donnée une fois pour toute, mais est un phénomène continue, du Sinaï au Golgotha. On ne peut reprocher aux hommes qui vivaient il y a trois mille ans de ne pas avoir connaissance de ce qui s’est passé mille ans après eux. Mais il est tout aussi évident qu’il est impossible aujourd’hui de reprendre les termes des Psaumes pour parler des non-croyants et tout aussi impossible de demander le feu de Dieu sur eux après le « Aimez vos ennemis » de Jésus.
Les chapitres suivants de ce livre sont beaucoup plus « légers ». Ils célèbrent ainsi la « beauté du Seigneur » (chapitre 4), sa douceur (5) ou la nature (7). L’auteur s’interroge aussi sur le sens second des Psaumes (11), qui est, pour nous, très important, ou sur la place des Ecritures (10), sans oublier bien sûr ce qui saute aux yeux du lecteur, la louange ((8). Ce livre ne prétend nullement être exhaustif, il est au contraire très lacunaire, et ceci volontairement. Il faut le voir comme pouvant jouer un double rôle : celui d’une introduction, pour le lecteur découvrant les Psaumes, car il oblige celui qui veut l’aborder sérieusement à parcourir l’ensemble du livre pour chercher les références citées ou évoquées ; mais il est aussi une synthèse utile après lecture du livre entier, car il remémore bien des thèmes. Il incombe à chacun de choisir comment en user.
Voici l’exemple parfait d’un ouvrage qui trouvera sa place dans toutes les bibliothèques, qui est à la fois une réflexion sur les psaumes et un témoignage personnel de l’auteur. Ajoutons que sa lecture est très facile car il est écrit dans une langue fluide, selon moi bien rendue par la traduction. Enfin, il n’est pas dénué de pointes d’humour et d’autodérision.
Jean-Michel Dauriac – 28 mai 2021
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