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Chronique des temps spectaculaires

Serge Ayrinhac – The bookEdition.com. 15 €.

Depuis plus de 60 ans, les « situs » nous emmerdent ! Voilà, en clair, ce que la bonne gauche parlementaire et asservie hier en partie à Moscou pense de ce qu’il faut appeler les situationnistes. Pour ceux qui ignoreraient complètement ce mot et ce qu’il englobe, u tout petit rappel. Le mouvement situationniste se déploie du milieu des années 1950 au début des années 1970. Il est étroitement lié à une personnalité intellectuelle a une personnalité assez exceptionnelle appelée Guy Debord (1931-1994) et à son livre La société du spectacle[1]. Le situationnisme est un mouvement (qui n’a surtout jamais voulu de venir un parti politique) d’analyse politique critique qui se situe par rapport au marxisme alors dominant, dans un refus du marxisme-léninisme et du soviétisme, avec un recul certain face aux attitudes partisanes et une volonté de réagir en fonction de chaque situation précise et non selon la ligne d’un parti. Debord en est le théoricien et l’animateur. La structure créée s’appelle L’Internationale situationniste (elle fait suite à une Internationale lettriste déjà animée en partie par Debord). Elle sera un foyer bouillonnant des années dominées par la culture stalinienne et le PCF, auxquels elle s’opposera avec force arguments. Les « situs » comme on les appelait alors étaient les ennemis à la fois des communistes et des groupuscules gauchistes. Leurs analyses, d’une pertinence aigüe et d’une impertinence tout aussi acérée, rejoignaient souvent les positions de grands penseurs libres comme Castoriadis ou Ellul. Le situationnisme (terme totalement récusé par les situs qui refusaient un -isme de plus), disons donc l’approche situationniste, avait une incontestable démarche artistique et esthétique, surtout à ses débuts. Debord a réalisé plusieurs films expérimentaux  qui témoignent de cette esthétique. Bon, alors, me direz-vous, quel rapport avec le livre d’Ayrinhac ? Eh bien, dans ce cas-là relisez le titre : le mot « spectaculaires » renvoie directement au concept-livre de Debord. Serge Ayrinhac défend avec brio et mordant l’idée que nous sommes plus que jamais dans la société du spectacle et en apporte la preuve en une collection de chroniques écrites depuis la période du Covid.

La notion de « société du spectacle » a été théorisée par Debord ans son livre éponyme. L’idée centrale en est que nous vivons dans un monde où les cadres techniques et le jeu industriel, politique et culturel nous livrent des mises en scène et des discours théâtraux en guise de réalité. Et, il faut bien admettre que ce concept n’était pas du tout évident lors de la parution du livre de Debord, mais que cela est devenu la grille de lecture utile en nos temps. C’est le propre des grands livres et des grandes pensées d’avoir raison trop tôt. Debord, qui s’est suicidé en 1994, n’aura pas assisté au triomphe du Spectacle et donc, de ses idées.

Le Spectacle qui constitue la chair de ces chroniques est le monde au temps du Covid. Cet épisode unique dans l’histoire contemporaine est décrit et critiqué dans quarante chroniques et cinq pamphlets. J’avoue que la distinction entre les deux types de textes m’a paru un peu spécieuse, tant le ton pamphlétaire est commun à tous les écrits. Serge Ayrinhac mélange portraits au vitriol et critique factuelle, sans épargner qui que ce soit. Il pointe, avec un style extrêmement acéré, l’ensemble des absurdités que ces deux années hors normes nous ont donné de découvrir.

Evidemment, le lecteur ne sera pas surpris que la question des vaccins soit au tout premier plan. N’importe quel observateur un peu attentif rejoindra facilement les positions de l’auteur : ces vaccins ne pouvaient pas être efficaces, car trop vite livrés, et ce sont les milliards d’humains auxquels on les a imposés qui en furent les cobayes, grandeur nature. L’obligation vaccinale et ses conséquences sont dénoncées en des termes très directs. L’attitude des dirigeants divers est également fustigée, avec un amour particulier pour Bill Gates, bienfaiteur de l’humanité s’il en est. Tout ce que ces chroniques dénoncent au fil de la pandémie s’avère aujourd’hui être confirmé et les faits réels commencent à sortir dans la presse. Même l’Union européenne vient de mettre en cause sa présidente pour manque de transparence dans les marchés des vaccins. Le temps vient où nous saurons enfin vraiment quels effets mortels eurent ces vaccins sur certaines populations fragiles, ce n’est qu’une question de temps.

L’assignation à résidence est également très vertement remise en cause. Il faut ben reconnaître que nous fûmes très nombreux à accepter l’inacceptable ou, du moins, à faire semblant de jouer le jeu, quitte à tricher avec les fameuses attestations. Pour l’auteur, ces injonctions policières ne sont qu’une étape dans la prise de contrôle total de nos vies. Or, le contrôle total porte un nom, qu’Hannah Arendt a popularisé et étudié : le « totalitarisme ». Ce que Macron et ses séides ont fait à partir de mars 2020 relève d’une démarche totalitaire et dictatoriale. Mais le plus étrange est que la plus large majorité de la population a gobé cette propagande sur les masques, les vaccins, la distanciation sociale et autres billevesées macroniennes validées par le pseudo-Conseil Scientifique. Cela, Serge Ayrinhac l’a compris dès le début et n’a eu de cesse de le dénoncer, lors des envois de ces chroniques à ses amis. Quand on les trouve toutes rassemblées et que l’on en fait une lecture linéaire, l’absurdité de ce monde éclate à nos yeux et, en même temps, la facilité avec laquelle nous avons accepté la servitude volontaire.

Ayrinhac est un disciple de Debord, il le prouve avec ce livre. Bien sûr, l’occasion était trop belle de dénoncer ces manœuvres, de renverser l’accusation de complotisme et de ridiculiser les marionnettes du pouvoir. L’auteur le fait avec une écriture très personnelle, un vrai style de pamphlétaire. L’ironie est cinglante et moque autant les instigateurs que les victimes consentantes. Ayrinhac aime particulièrement les mots anciens, dont il parsème ses textes. Il s’inscrit ainsi dans une longue tradition d’irrespect des puissants qui démarre, en littérature française, avec Rabelais et n’a jamais cessé d’exister.

La seule question que je me pose à l’issue de cette lecture roborative est celle de sa pérennité. Qu’en sera-t-il de ces chroniques dans vingt ou trente ans ? Elles sont tellement liées à un contexte exceptionnel qu’elles risquent de mal vieillir. Mais c’est le propre de tous les pamphlets, qui sont des produits à consommer frais.

Il est cependant également possible que ces textes demeurent valides, à titre de témoignage, de documents à charge et de pièces du dossier de ce qui deviendra sans nul doute un épisode marquant du XXIe siècle. Cela, seul l’avenir nous le dira et, comme le disait l’Autre, ce grand auteur populaire : « L’avenir dure longtemps[2] ».

Jean-Michel Dauriac – Les Bordes – Juillet 2024.


[1] Pour une information détaillée et précise, je renvoie au long article de Wikipédia : https://we.tl/t-ZZAIaUtlcw

[2] En l’occurrence, ici, l’Autre s’appelle Louis Althusser et ce titre est celui de ses mémoires, rédigées en 1985.

Published in les critiques les livres: essais

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