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Catégorie : les livres: divers

Martin Luther King – La force d’aimer (préface de Sébastien Fath) Paris, Editions Empreinte temps présent – 2013 – 254 pages

Paris, Editions Empreinte temps présent – 2013 – 254 pages

Dans la série : « dans la bibliothèque de mon père »

J’avais dû lire ce livre, dans la foulée de l’assassinat de King, alors que j’étais adolescent : je ne m’en souviens pas du tout et peut-être ne l’avais-je même pas fini, car à ce moment-là de ma vie, j’étais plus intéressé par la littérature et la politique que par la religion, qui représentait le conformisme familial et, par le milieu évangélique où j’ai été élevé, la contrainte culpabilisante. Il aura donc fallu attendre cinquante années, pour qu’à l’occasion du tri et rangement de la bibliothèque paternelle, je décide de le lire vraiment.

La première des choses à dire est que je comprends évidemment pourquoi ce livre ne m’a pas marqué et m’a même ennuyé : il demande un minimum de maturité et d’expérience de la vie. Un adolescent français du début des seventies ne pouvait pas disposer de cette base, et ce livre devenait donc un objet incongru. Mon admiration pour MLK n’a pas suffi à me le faire lire, aimer et comprendre.

La deuxième remarque porte sur la nature du livre lui-même. Dans l’édition ancienne que j’ai (Casterman1964), la préface est écrite par le traducteur, Jean Bruls, prêtre catholique, ce qui est assez surprenant à cette époque, mais s’avère, avec le recul historique, un des premiers fruits du Concile Vatican II : les protestants n’étaient plus seulement des hérétiques à éviter ! Bruls présente ce qui constitue la matière de l’ouvrage, soit des sermons. On y retrouvera donc le style oratoire et des adresses directes à l’auditoire. Bien entendu, ces sermons ont été préalablement écrits et travaillés et passent ainsi fort bien la barrière de la publication. Dans la préface de MLK qui ouvre le livre, il dit sa réticence première à voir ses sermons publiés, mais aussi la réalité de la demande. Il met en contexte les textes et en fait une brève catégorisation. Ce livre n’est donc pas initialement pensé comme tel, mais il est un recueil constitué a posteriori. Et pourtant il possède une incontestable unité, qui atteste de la cohérence de la pensée de l’auteur autant que de ses convictions. Car ce livre est avant tout une proclamation chrétienne et évangélique. On y découvre au fil des chapitres, et en reconstruisant le puzzle personnel que l’auteur délivre par petits fragments, une existence marquée par la foi et l’engagement. Ce n’est pas le livre d’un super-héros – il faut lire le texte où il parle de la peur -, mais celui d’un homme qui met sa confiance en Dieu et fixe son modèle, Jésus-Christ. Ce livre de prédications est aussi, quand même, à son corps défendant, un livre théologique ; les pages où il parle de sa recherche entre libéralisme protestant et fondamentalisme sont fort intéressantes, autant que celles où il revient sur les dogmes chrétiens par l’exemple du vécu, notamment sur le pardon. Livre d’édification qui sera fort utile à tous les lecteurs, quel que soit leur degré de maturité dans la marche chrétienne. Il sera, par contre, plus difficile de le lire comme un livre profane, simple manifeste de la non-violence, car ce serait l’amputer de son fondement.

En troisième lieu, il faut revenir sur la pensée de MLK. Le monde médiatique moderne n’a pas son pareil pour réduire les choses complexes à leur plus simple expression, voire à leur caricature. ML King n’y a pas échappé et, un peu comme Che Guevara ou Nelson Mandela, il est devenu une sorte d’icône, au prix d’un appauvrissement considérable de sa réflexion-action. Bien sûr, la non-violence est la position qui l’a fait connaître au monde entier. Mais dans cette modalité de lutte, il n’est qu’un maillon de la chaîne qui promeut le refus de la violence. Qui le lira ici découvrira bien qu’il se présente comme un héritier : d’abord de Gandhi, dont les actions de masse l’ont vraiment impressionné. Mais aussi de Tolstoï et de Thoreau. Et surtout, par-dessus tout de Jésus de Nazareth, le modèle suprême des précédents. Or il y a une logique de progression. Tolstoï se convertit et devient l’apôtre de la non-résistance au mal, dont Gandhi fait la base de sa pensée. Celui-ci aura un échange de correspondance avec le grand Russe, pour lui exposer son projet de lutte pacifique. Il dira que son livre de chevet est Le royaume des cieux est en vous, livre de Tolstoï écrit au début des années 1890, qui est un vrai traité de refus de la violence par conviction évangélique. ML King admire Gandhi, qui est un presque contemporain, alors que les idées de Tolstoï sont tombées dans l’oubli. Mais à deux reprises le pasteur américain cite des extraits de Confession, le livre qui raconte l’expérience spirituelle de Tolstoï, écrit en 1881, et ML King ne doute pas qu’il ait vécu une vraie conversion au christianisme, il le dit clairement. Sa pensée est donc nourrie des grands prédécesseurs et il n’y a aucun doute qu’elle a, à son tour, influencé l’attitude de Nelson Mandela, dont tous les média omettent consciencieusement de signaler sa foi chrétienne protestante (méthodiste si je me souviens bien). Il y a donc bien un fil rouge de foi qui relie tous ces apôtres de la non-violence : ils ne le sont pas par un choix politique, mais par un choix moral et éthique tiré de leur christianisme.

Le quatrième point sur lequel je voudrais insister est la culture personnelle de Martin Luther King. Tout au long de l’ouvrage, presque dans chaque sermon, il cite des grands auteurs ou penseurs, allant de Shakespeare à Thoreau, en passant par Goethe, Tolstoï, Marx ou d’autres auteurs. Ses citations sont toujours pertinentes et fort bien choisies, elles rendent son discours plus percutant, en lui donnant une assise universelle, qui réconcilie blancs et noirs. Il connaît également fort bien la Bible – ce qui est tout à fait logique pour quelqu’un ayant fait des études de théologie – et les grands penseurs protestants de la théologie. Bref, il s’agit d’un homme cultivé, qui était parfaitement en mesure de dialoguer, sur le fond, avec n’importe quel interlocuteur de son temps.

Nous avons donc affaire là à un ouvrage important, qui dépasse le cadre temporel et spatial de son auteur, pour devenir une référence spirituelle et éthique universelle et intemporelle. En le lisant, j’ai songé aux recueils de sermons d’Albert Schweitzer, autre grande conscience du Xxe siècle. Comme chez l’Alsacien, on retrouve cette capacité à dégager l’essentiel du message du Christ et à l’installer hors du temps court. Voici un livre que j’offrirai dorénavant volontiers aux gens auxquels je voudrai faire du bien durablement, car il est un témoignage humain, donc proche de nous et fait la passerelle avec l’Evangile.

Pour terminer ce petit essai, je laisse la parole à Martin Luther King, pour situer l’enjeu de son combat :

«  L’amour est la puissance la plus durable du monde. Cette force créatrice, si admirablement exemplaire dans la vie de notre Christ, est l’instrument le plus puissant qui se puisse trouver dans la recherche par l’humanité de la paix et de la sécurité. On rapporte que Napoléon Bonaparte, le grand génie militaire, considérant ses années de conquêtes, fit cette remarque : « Alexandre, César, Charlemagne et moi avons construit des grands empires. Mais de quoi ont-ils dépendu ? De la force. Or, il y a des siècles, Jésus inaugura un empire bâti sur l’amour et de nos jours encore des millions d’hommes voudraient mourir pour lui. » Qui peut mettre en doute la véracité de ces paroles ? » (p. 73)

Jean-Michel Dauriac – Beychac et Caillau  – 28 décembre 2021

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Un souci populaire d’un belle langue française

Dans la série « Dans la bibliothèque de mon père »

Petit dictionnaire des locutions françaises (1953)

Pour écrire correctement (1955)

Parlez français (1954)

Collection « Le français facile pour tous »

Maurice Rat 

Paris, Editions Garnier frères.

Je suis tombé sur ces trois petits livres du même auteur (ils font entre 110 et 200 pages, en petit format), toujours en faisant tri et rangement dans l’héritage livresque de mon père. Les titres m’ont d’abord amusé, puis je me suis dit que c’était une face de la personnalité paternelle que je ne connaissais pas : celle de l’homme qui voulait se perfectionner seul dans le domaine de l’expression orale et écrite, domaine dans lequel il n’avait d’ailleurs aucun problème. Ces livres sont exactement contemporains de ma naissance, il était donc un homme jeune quand il les a achetés (il y a encore le prix sur deux des couvertures : 192 francs pour le plus épais et 144 pour l’autre). Mais en y réfléchissant, je me rends compte que cela rejoint sa curiosité sans cesse en éveil, qu’il m’a sans nul doute transmise. Il ne ratait pas « une occasion de s’instruire », comme le disait le père Pagnol à ses enfants[1]. Au-delà de cette surprise, j’ai mis le nez dans ces ouvrages et j’ai finir par les lire entièrement tous les trois. Je ne regrette nullement cette lecture et le temps que j’y ai consacré. On pourrait dire d’un professeur, qui fut d’abord instituteur, puis plus tard chercheur et doctorant dans deux matières n’a vraiment pas besoin de cela. Ce serait, de mon point de vue, faire preuve d’une grande suffisance. Ce qui a été démontré par ces lectures : j’ai appris ou ravivé énormément de faits grammaticaux et linguistiques, et je ne pourrais que conseiller ces lectures à tous mes collègues professeurs et doctorants.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai toujours été intéressé par les expressions françaises, populaire, anciennes ou recherchées, latines ou françaises. J’ai beaucoup aimé le livre de Claude Duneton[2] (encore un prof qui a mal tourné !), qui fut un succès de librairie en son temps et que je consulte encore. Depuis sont apparus nombre d’ouvrages reprenant le même schème, notamment aux éditions du Robert[3], mais le livre de Duneton reste supérieur par le talent d’écrivain de l’auteur. Maurice Rat, l’auteur des trois petits livres « dont au sujet desquels je cause » (clin d’œil à Frédéric Dard, maître de la langue), était Normalien, professeur agrégé et enseignait dans le très chic lycée parisien Jeanson de Sailly. Mais il avait visiblement le souci de la vulgarisation et d’apporter au peuple de base les outils d’une bonne pratique de leur langue maternelle. Le Petit dictionnaire des locutions françaises est dressé selon l’ordre alphabétique.  Les notules pour chaque expression suivent toujours le même modèle :

Le mot-clé – l’expression ou les expressions associées – L’explication du sens premier – L’origine contextuelle. Parfois des considérations linguistiques et historiques précèdent cette explication originelle.

Cette méthode permet au lecteur de s’approprier très vite la lecture. Et je me suis donc surpris à faire une lecture suivi de l’ouvrage, de A à Z. Comme je sens que vous restez sur votre faim, voici un exemple, dédié à mes amis limousins.

« Limoger – Limoger quelqu’un – Le disgracier et, selon les cas, le suspendre de ses fonctions, le mettre à la retraite d’office, le placer en situation de disponibilité, etc.

Le terme date de la guerre de 1914-1918, où l’on prit l’habitude d’affecter à Limoges, où l’on avait transféré le 1er corps de Lille, les généraux qui n’avaient pas réussi sur le front de combat. » – p. 102.

Vous en prendriez bien une deuxième ? Alors, je vous fais ce plaisir.

« Froc – Jeter le froc aux orties – 1° Quitter les ordres.

« Rabelais quitta l’habit régulier, c’est-à-dire monial, pour prendre l’habit de prêtre séculier ; il jeta, comme on dit, le froc aux orties, et alla à Montpellier pour y étudier la médecine » Sainte-Beuve »

2° (par extension) Se libérer de quelque contrainte.

«  J’espère bien, cet hiver, jeter un peu le froc aux orties dans notre jolie auberge. » Mme de Sévigné »

Jeter le froc aux orties, c’est proprement se débarrasser de son froc en le lançant dans un fossé plein d’orties. Le froc (du bas latin Hroccus, « habit »), désigne la partie de l’habit monacal qui couvre la tête et les épaules, puis, d’une façon générale, un vêtement de moine. De là, outre la locution susdite, les expressions : prendre le froc (se faire moine), porter le froc (être moine), quitter le froc (renoncer à la profession monastique) et les termes populaires : frocard (moine), frocaille (gens de froc, moines), défroque (au sens propre : ce que laisse un moine au monastère), défroqué (qui quitte les ordres, etc.».

Bien sûr, notre Normalien-agrégé ne peut se départir de sa culture universitaire et cite très souvent des auteurs du XVII ou XVIIIème siècle, totalement inconnu du grand public et qui laisseront le lecteur simple perplexe et ignare (surtout à l’époque préhistorique d’avant Wikipedia !). Mais l’ensemble reste assez lisible et très riche, bien que totalement dénué d’humour, mais ce n’est guère la tasse de thé des auteurs de ce genre.

Les deux autres petits volumes sont destinés à l’amélioration de l’expression orale et écrite et agissent selon le principe des erreurs à éviter.

Parler Français a ainsi un sous-titre explicite sur  sa couverture :

«  Ne dîtes pas… – Ne confondez pas…- Constructions et tours vicieux – Déformations populaires – Contresens et bévues – Pléonasmes. Fausses élégances et néologismes. Le bon usage. »

La lecture de ce menu montre bien qu’il s’agit de donner des moyens de ne pas mal user d’expressions déformées ou peu claires, souvent mal transmises par l’oralité populaire (les bistrots furent longtemps l’université populaire la plus fréquentée en France). Mais il est aussi question des « Fausses élégances et néologismes », et là, l’auteur vise clairement ceux que nous appelons les cuistres, les pédants, les fats et que le peuple appellent les prétentieux, les parvenus ou, plus lapidairement, les cons. En son temps, le grand pamphlétaire Léon Bloy avait publié une Exégèse des lieux communs assez roborative, Gustave Flaubert avait également écrit un  Dictionnaire des idées reçues plutôt roboratif, alors que Jacques Ellul a publié, un siècle après L. Bloy, une nouvelle version de l’Exégèse des lieux communs. Maurice Rat n’a pas cette ambition moqueuse, mais il dénonce pourtant les mêmes personnes. Exemple :

«  Etre empreint de

La locution être empreint de est une de ces fausses élégances dont on abuse (voir s’accentuer, s’affirmer, s’avérer, de baser, se révéler…) dans es cas où il serait plus simple de se servir du verbe être.

Au lieu de dire

L’entretien fut empreint d’une grande cordialité,

Il est beaucoup mieux de dire

L’entretien fut d’une grande cordialité,

– car il n’est nullement élégant, bien au contraire, d’user de périphrases ou de vieilles formules à images fatiguées pour exprimer avec prolixité ce qui peut s’énoncer simplement. »  (p.107)

Voilà qui sent son Boileau à plein nez, mais n’est vraiment pas faux et vous avez reconnu, cité par l’auteur des verbes qui font florès dans les discours et écrits actuels.

A côté de cette rubrique, des conseils fort utiles pour éviter des confusions pourront servir à des gens curieux de s’améliorer (ceux dont je suis). Ainsi distingue-t-il les mots souvent confondus  pacifique et pacifiste, prescrire et proscrire ou jonchaie et jonchée.

Le troisième de ces opuscules est un petit précis de grammaire, syntaxe et orthographe. Si je n’ai rien appris sur l’orthographe et la syntaxe d’usage, j’ai par contre pu tester mes lacunes sur le genre des noms – vieux piège qui fait le bonheur des jeux radiophoniques ou télévisés.  J’ai donc mis ces livres à côté du Grévisse et du Littré, dans ma bibliothèque de références, celle qui est posée sur mon bureau et dont les grands auteurs sont Alain Rey, Pierre Larousse, Emile Littré ou Maurice Grévisse. En effet, plus j’avance en âge, et donc en connaissance (car pour l’heure je puis me consacrer à l’étude pour mon plaisir à mon rythme), et plus les dictionnaires et guides de langue deviennent utiles, nécessaires et appréciés. Non que je ne sache plus écrire, bien au contraire, mais parce que j’écris de plus en plus et que je veux, autant que faire se peut (est-ce une fausse élégance ?), écrire mieux. Maurice Rat, avec ses publications populaires, a donc naturellement trouvé sa place sur ce bureau.

Pourquoi parler de livres qui ont plus de soixante ans et ne sont plus édités[4] ? Parce que je suis un retraité qui s’ennuie et s’occupe donc à des inanités ? Peut-être après tout. Mais c’est une occasion de parler de notre langue, tout en évoquant l’amour populaire qu’on a pu en avoir. Bien évidemment il existe des centaines de productions sur la langue françaises, à tel point qu’il y a des rayons entiers consacrés à cela ( voyez chez Mollat, par exemple). Mais ce sont exclusivement des ouvrages de bachotage, de travail péri-scolaire ou professionnel. Les trois livres évoqués ci-dessus visaient un autre public, celui que l’on massacre aujourd’hui dans les écoles de la République, pour tout un tas de raisons, plus ou moins bonnes et anciennes, le peuple laborieux, ceux qui n’avaient pas fait d’étude et le regrettaient – alors qu’aujourd’hui, pour certains, c’est un sujet de gloire -, ceux qui voulaient s’améliorer en autodidacte… Mon grand-père, Jean Dauriac, a fait la « guerre de 14 », notamment à Verdun. Il en est revenu, et en bon état, ce qui était déjà un exploit. Pendant quatre ans, il a connu ces épisodes d’attente interminable dans les tranchées. Ce jeune homme intelligent, qui ne voulait pas être agriculteur comme ses parents périgourdins, avait le Certificat d’Etudes Primaires, sanction d’une bonne culture générale. Il écrivait d’une écriture magnifique, à la plume, ne faisait aucune faute d’orthographe et avait réussi les concours de la gendarmerie. Pourquoi ? Parce que pendant quatre ans, il a lu et mémorisé un petit Larousse qu’il avait avec lui. Il l’a entièrement lu et relu. Il avait, pour un primaire, comme on disait alors, un vocabulaire magnifique. A sa mort (j’avais 14 ans), la seule chose que j’ai pu récupérer de lui, fut justement un dictionnaire, la première édition du Larousse dans la collection du Livre de poche. Il est là, au moment où j’écris ces lignes, devant moi, comme un témoin transmis dans el relais des générations . Que transmettons-nous aux jeunes générations ?

Jean-Michel Dauriac – 25 mai 2021.


[1] C’est « Dans la gloire de mon père » ; la phrase est dite dans le film, lors de la scène des treize desserts provençaux, à la Bastide.

[2] La puce à l’oreille, Livre de poche, disponible ici : https://www.amazon.fr/gp/product/B00PWEUX74/ref=dbs_a_def_rwt_hsch_vapi_taft_p1_i0  ou chez les bouquinistes en fouillant.

[3] Dictionnaire des expressions et locutions, Alain Rey et Sophie Chantreau, Paris, Dictionnaire Le Robert, 1997.

[4] Je viens de vérifier rapidement, pour un de ces titres : ils sont disponibles en quantité sur des sites d’occasion, à des prix dérisoires. Vous pouvez donc vous les offrir ou les offrir (voir la conclusion).

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A toute créature – Portraits et messages missionnaires -Général Booth – François Coillard – Charles Studd – Hudson Taylor

Série « Dans la bibliothèque de mon père.. »

Editions des Groupes Missionnaires – Vevey – 1959 – 169 pages.

Toujours trouvé en rangeant la bibliothèque de mon défunt père, voici un livre portant sur la mission chrétienne, à travers quatre de ses figures les plus marquantes dans le monde protestant évangélique. Le projet initial est très pédagogique : il s’agit de susciter des vocations missionnaires à travers la présentation de ces quatre figures de missionnaires. La date d’édition du livre, 1959, le situe encore dans une perspective coloniale où la mission faisait partie du « lourd fardeau de l’homme blanc », tel que  défini par Kipling, dans un de ses poèmes publié en 1899. Je crois qu’il est nécessaire, pour aborder le contenu de ce livre, de ne pas le juger selon les critères de 2021, comme tous les adeptes de la « cancel culture » le font de l’histoire et de la culture occidentale. La colonisation et la Mission sont des moments particuliers de l’histoire des pays d’Occident et d’Afrique-Asie-Amériques. On peut aujourd’hui juger cela ignoble, indécent, criminel… Mais ceux qui agissent ainsi en ce moment auraient sans nul doute été fervents partisans de la colonisation et de l’œuvre missionnaire il y a 150 ou 200 ans ! Car bien peu de voix s’élevèrent en son temps contre ces entreprises que tout l’édifice socio-culturel de nos pays européens promouvait et validait. Alors, oui, ce  que ce livre raconte est bien inclus dans la domination blanche des pays extra-européen, oui on peut le regretter, le condamner, mais aussi l’analyser en tenant compte de tous les paramètres du moment. Les élites européennes étaient vraiment persuadées qu’elles avaient un devoir de civilisation et de christianisation des peuples dits « primitifs ». Mais ce n’est pas véritablement le cœur de ce livre. Bien sûr, il décrit la vie de quatre hommes qui ont choisi d’aller annoncer l’Evangile de Jésus outre-mer. Mais l’intérêt de l’ouvrage est justement d’entendre de leurs mots quelles étaient leurs motivations personnelles.

Et là, on est très loin de l’impérialisme colonial ! Le propos est uniquement spirituel et même mystique. L’ouvrage est organisé en deux parties distinctes : la première propose trois textes de pasteurs qui parlent de la mission comme projet d’Eglise et comme vocation spirituelle personnelle. Le premier de ces textes est signé Ruben Saillens et consiste en un vibrant appel pour éveiller les consciences des chrétiens sur la question des âmes qui se perdent. Car on oublie, dans le camp des décoloniaux et autres déconstructeurs athées que la question unique du christianisme bien compris est celle du salut de l’âme, et non celle des plantations, du coton ou des minerais. Les second texte de J. Oswald Sanders présente les caractéristiques d’un appel missionnaire et démystifie beaucoup d’idées reçues au passage. L’appel que Dieu adresse individuellement à un homme ou une femme peut prendre des formes très diverses et concerner aussi bien son propre pays (l’Angleterre, la France ou autre) que l’outre-mer lointain et exotique, car tout lieu habité est terrain de mission au sens de l’envoi que Jésus fit à ses douze disciples puis aux soixante-dix, tel que Luc le relate dans son Evangile (chapitre 9 et 10). Enfin le dernier texte, celui du Révérend T. Walker, présente les qualifications que doit posséder un missionnaire. Si la formation intellectuelle est un atout, elle n’est pas primordiale, ce qui compte est la consécration et la passion des âmes. Ces textes généraux ayant posé le cadre, la seconde partie peut ensuite donner à voir des vies en action.

En effet, la seconde partie du livre dresse quatre portraits de missionnaires. Ces hommes (auxquels sont intimement associées leurs épouses, toujours en partage de leur appel) furent des célébrités du monde protestant au XIXème siècle et début du XXème. Si les encyclopédies classiques les ignorent, ils ont tous un article dans Wikipedia. Mais il est certain que le peuple chrétien de 2021 ne les connaît pas, sauf exception, car l’Eglise protestante dans sa grande majorité ne pratique pas le travail d e mémoire de l’œuvre, sauf pour  les grands Réformateurs, et on ne peut que le regretter. La grande trouvaille de ce livre est de mêler une approche biographique, réalisée par Marcel Blandenier, et leurs propres mots en piochant dans les sermons, conférences ou lettres de chacun d’eux. Ce format permet en vingt-cinq pages environ de découvrir ces hommes de Dieu. Sachant qu’il existe des biographies détaillées de chacun d’eux (malheureusement non disponibles, car pas rééditées, pour les raisons d’amnésie évoquée ci-dessus), que l’on peut encore trouver en fouillant sur le net, chez les bouquinistes en ligne. Mon propos n’est pas de résumer ces vies, mais de dégager quelques points forts que cet ouvrage met en avant. Le premier point est un appel souvent juvénil : ces jeunes hommes sont à un moment précis de leurs vies mis au contact de la Mission et sentent leur cœur brûler en eux à ce sujet. Ils y consacreront leur vie entière. On aurait pu ajouter à ce quartet de missionnaires Albert Schweitzer, mais, protestant libéral, il ne jouit pas d’une bonne réputation spirituelle chez  les évangéliques. Le deuxième point commun est la conversion : chacun de ces hommes a fait uen rencontre personnelle avec la Lumière, la Vie, Jésus-Christ. Ils rendent tous ce témoignage que rien n’aurait été possible sans cette conversion. Leurs rencontres sont présentées dans chaque biographie. Nous savons que la conversion est, pour les protestants évangéliques, une condition sine qua non de la qualité de chrétien. Le troisième point est leur désintéressement matériel total : ils sont tous partis sans ressources propres et ont vécu par la foi, traversant des périodes de misère. Chacun d’eux a mis en œuvre les commandements du Christ à ses disciples envoyés en mission, à savoir partir sans rien. Le quatrième point a déjà été évoqué plus haut : à chacun d’eux Dieu a donné une compagne qui fut un soutien de chaque jour et qui partageait leur appel et vision. « La corde à trois fils ne rompt pas facilement » dit Qohélet en 4 :12. Le cinquième point est capital : tous ne voyaient dans les pays qu’ils voulaient évangéliser que des hommes et des femmes perdues et non des sauvages ou des êtres inférieurs. Ils partaient au loin car ils estimaient que leurs pays disposaient de beaucoup de pasteurs et que les autres étaient oubliés, alors que le commandement du Christ est : « Colossiens 1:23 si du moins vous demeurez fondés et inébranlables dans la foi, sans vous détourner de l’espérance de l’Evangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le ciel, et dont moi Paul, j’ai été fait ministre. » Il n’y a chez aucun de ces hommes de Dieu l’once d’un sentiment colonial, mais une fraternité de salut en action. Ils furent d’ailleurs souvent les fondateurs des Eglises nationales qui existent aujourd’hui en Afrique, Asie ou Amérique du Sud. Leur unique but est l’obéissance et le service de Christ. Qu’ils aient pu, contre leur gré, être instrumentalisés par les pouvoirs politiques et économiques ne change rien à leur motivation personnelle profonde.

Ce livre est donc à la fois portraits d’hommes de Dieu, donc exemples de vies consacrées (ils seraient des Saints dans le cadre Catholique ou Orthodoxe) et enseignement biblique sur l’esprit de service. Mais au-delà du but premier, il s’agit également d’un très beau livre de spiritualité, qui peut aider bien des gens qui cherchent la vraie lumière à la trouver, et bien des chrétiens qui sentent en eux un manque à le combler.

Voici pourquoi je vous recommande vivement ce livre et pourquoi j’encourage les éditeurs chrétiens à le rééditer, peut-être actualisé de quelques vies du XXème siècle.

Jean-Michel Dauriac – le 20 mai 2021

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