Skip to content →

Catégorie : les livres: essais

Dévoilement intelligent d’un monstre sacré de la musique


 

Bach – Un sacré tempérament

Michèle Lhopiteau-Dorfeuille – LE BORD DE L’EAU éditions – 2014 – 246 pages

 

michel-lhopiteau.jpg

 

Ce livre est d’abord un bel objet : Une couverture robuste et classieuse, un mise en page soignée et un cahier de reproduction documentaire au milieu, et surtout, bine protégés dans la couverture avant et arrière, deux Cd de musique illustrant le propos de l’auteur.

L’idée de l’ouvrage est en effet de proposer au fil de a lecture les illustrations sonores importantes. Ceci semble une évidence pour des ouvrages de musicologie, mais, en fait bien peu proposent des extraits étayant le dire des auteurs. Un bon point donc pour cet ouvrage.

S’installer confortablement dans un fauteuil, sa télécommande à proximité pour envoyer les plages au fur et à mesure de l’avancement de la lecture. E c’est parti !

Michèle Lhopiteau a évité le piège tendu par un tel monstre sacré que J.S Bach – comme elle avait su si bien le faire pour son « Mozart » !- : la biographie érudite et pointilliste de l’hyper-spécialiste exigeant. Ce qui donne en général des pavés avoisinant le millier de pages, certes complets, mais assez rebutant pour le public ordinaire. Elle pris le même principe qui lui avait réussi avec Mozart, à savoir des angles thématiques divers qui en prétendent nullement à l’exhaustivité, mais tiennent le lecteur moyen en haleine sans cesse. Ni trop brefs, ni trop longs.. Les thèmes incontournables sont là, ceux qui l’auraient discréditée si elles ne les avaient pas abordés : la famille Bach, le contexte luthérien et la foi de Bach, le métier de cantor et la condition sociale difficile du musicien à cette époque baroque… On y trouve la base essentielle d’une bonne culture d’honnête homme du temps présent.  Mais la grande force de ce livre est d’oser des chapitres improbables.

 

bach-livre-lhopiteau.jpg

 

Ainsi du chapitre Bach et Mozart. Plutôt gonflé de traiter de deux génies qui n’ont pas du tout de contemporanéité   et que l’on oppose souvent dans les chapelles étroites du classicisme. Elle ne sombre pas dans les rapprochements artificiels, mais ouvre des pistes intéressantes à fouiller sur ce thème. Idem pou le chapitre plus attendu sur Haendel et Bach. Parfois cette audace rate son coup. J’ai très peu goûté le chapitre-catalogue final sur l’éta des lieux des ensembles baroques aujourd’hui. C’est vite fastidieux et j’avoue l’avoir seulement parcouru au bout de quelques pages (en plus il est long, ce chapitre !). De mon point de vue, c’est vraiment dommage de finir ainsi, cela gâche en partie la grande valeur de ce qui précède. Outre le fait que je ne comprend pas le sens d’un tel chapitre (sauf à croire qu’il s’agit d’un renvoi d’ascenseur pour certains interprètes qui ont accordé des plages aux deux CD), il n’y avait aucun problème à déporter cela en annexe, avec le très bon indes, la liste des titres musicaux et la table des matières. Peut-on le suggérer à l’auteur et l’éditeur pour une prochaine édition. Je crains en effet qu’un lecteur curieux et cultivé non-spécialiste du baroque réagisse comme moi.

 

Un point très positif est la qualité de l’informations sur le cadre historique et religieux. L’auteur s’est documenté à de bonnes sources sur les courants du protestantisme et le rapport à la musique. Un lecteur protestant n’y trouvera rien à redire, ce qui n’est pas toujours le cas des écrits sur Bach.

 

Il faut revenir sur la qualité de la bande son et l’intelligence de sa sélection. Ceci est vraiment une des grandes qualités pédagogiques du livre (comme les conférences de l’auteur). Ces deux CD, pourront devenir des compagnons de route en voiture, comme ceux du livre précédent sur Mozart.

Enfin, saluons le beau titre, à double sens et dont je vous laisse découvrir le sens précis d’une des significations, celle de musicologie, que j’ai apprise aussi (un jazzman comme moi ne sait pas tout du lexique baroque !)

 

Je recommande donc vivement la lecture de cet ouvrage, surtout à ceux qui aiment Bach sans le connaître bien : ils en seront conquis.

 

Jean-Michel Dauriac

Président de l’Université Populaire des Hauts de Garonne

Doctorant en théologie protestante et jazzman amateur

(données utiles pour comprendre cette critique et non culte du pedigree)

Leave a Comment

Ecologie et liberté – Bernard Charbonneau, précurseur de l’écologie politique – Daniel Cérézuelle – Parangon 2006

Ecologie et Liberté

Bernard Charbonneau , précurseur de l’écologie politique

Daniel Cérézuelle – Parangon/Vs – 200 pages – Lyon – 2006

charbonneau-ecologie-et-lib.jpg

Je ne peux que saluer cet ouvrage qui vient combler un vide éditorial abyssal sur un auteur que je considère comme un des plus importants de la seconde moitié du vingtième siècle en France : Bernard Charbonneau.

Voici un penseur qui a produit une bonne vingtaine de livres durant une grosse trentaine d’années, sur des sujets majeurs aujourd’hui et que personne ou presque ne connaît ! Il a subi encore plus vigoureusement que son alter ego Jacques Ellul l’ostracisme des gens qui n’appartiennent à aucune école de pensée et n’ont pas fait allégeance aux modes intellectuelles du siècle passé.

Charbonneau est professeur de géographie de formation. C’est une discipline qui prédispose à l’ouverture d’esprit, en tant que synthèse par excellence.Mais il est aussi dès sa jeunesse l’indéfectible ami de Jacques Ellul, professeur de droit. Une amitié de soixante ans qui leur a permis de mener une aventure intellectuelle méritant d’être beaucoup mieux connue car déterminante pour comprendre le monde actuel, qu’ils avaient anticipé et décodé avant presque tous les autres intellectuels. La liste des thèmes abordés par Charbonneau montre à la fois sa curiosité et son importance.

Nous empruntons à Wikipedia la liste des ouvrages trouvés dans l’article qui le concerne (elle est incomplète, alors que celle qui clôt le livre de Cérézuelle est exhaustive):

  • Teilhard de Chardin, prophète d’un âge totalitaire, 1963.
  • Le Paradoxe de la culture, 1965
  • Célébration du coq, 1966
  • Dimanche et lundi, 1966
  • L’Hommauto, 1966
  • Le Jardin de Babylone, 1969.
  • La Fin du paysage, 1972
  • Le Système et le chaos. Critique du développement exponentiel, 1973
  • Tristes campagnes, 1973
  • Notre table rase, 1974
  • Le Feu vert, 1980
  • Je fus, 1980
  • Une seconde nature, 1981
  • L’État, 1987
  • Le Système et le chaos, 1990
  • Nuit et jour, 1991
  • Sauver nos régions, 1991
  • Il court, il court le fric…, 1996
  • Un Festin pour Tantale, 1997

Le lien complet est le suivant : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Charbonneau

En particulier Charbonneau est un des seuls qui se soit intéressé à l’Etat dans un réflexion qui dépasse l’enseignement des juristes. Sa position en la matière se rapproche de celle d’Ellul, mais il ne va pas jusqu’à préconiser sa disparition, Charbonneau n’est pas anarchiste, à la différence de son vieux complice.

Daniel Crézuelle est philosophe, ce qui l’aide bien pour analyser la pensée de Charbonneau. De plus, il l’a bien connu et a eu avec lui des entretiens personnels en vue de préparer ce livre, il a eu des contacts nombreux avec sa famille. Bref, c’est un livre nourri directement à la source. De plus, et c’est important, il s’agit d’un travail extrêment sérieux, méticuleux, d’aucuns diraient scolaires, mais ce n’est pas une insulte. Daniel Cérézuelle met toute sa pensée à servir la pensée de Charbonneau, on sent un grand attachement et une longue fréquentation des idées et de l’homme. Le résultat est un ouvrage tout à fait remarquable qui constitue LA porte d’entrée dans l’œuvre de Charbonneau, d’autant plus que certains de ses livres sont maintenant réédités. Nous donnons en fin d’articles les titres disponibles et les liens pour les commander.

Je ne vais pas ici me livrer à une analyse détaillée de ce livre , ce serait très long et fastidieux. J’ai rédigé un bilan et un choix de citations qui devraient trouver place sur ce site lorsque j’aurai trouvé le temps et l’envie de les saisir (je déteste saisir mes textes qui sont tous écrits à la mains et à la plume).

Le livre est truffé de citations et d’extraits, dont certains sont assez longs, ce qui donne une bonne idée et du style et de la pensée de Charbonneau. Cérézuelle n’hésite pas à signaler les faiblesses de l’œuvre, comme le refus de Charbonneau de conceptualiser sa pensée ou de définir certaines notions (voir page 47 ces mots, dont « totalitarisme », « liberté » ou « incarnation »). Il montre clairement par des chapitres solides comment Charbonneau a pensé la version actuelle du totalitarisme, ce qu’il appelle la « totalité ». Comment il se sert de sa connaissance de l’histoire pour identifier « La Grande Mue » qui marque la naissance du monde technique du XXème siècle. Il traduit bien les positions incertaines devant la transcendance et la vie spirituelle, ce qu’on retrouve toujours chez Charbonneau, qui ne croit pas en Dieu mais est indubitablement marqué par son éducation protestante, un peu comme Elisée Reclus. Finalement le sous-titre s’avère assez trompeur et sans doute est-il circonstanciel. Il est assez peu question d’écologie en soi. Il est surtout question de sens de la vie, d’organisation sociale, de morale et d’éthique. Le comportement vis-à-vis de la nature découle de ces réflexions, il n’en est pas la cause. Oui, Charbonneau et Ellul sont parmi les fondateurs d’une pensée qui remet l’homme à sa place, tout comme Théodore Monod. Il y a là sans nul doute une école protestante de pensée, marquée par le Cosmos et Dieu, pensée de l’unité à rétablir, ce que Monod appelait la « réconciliation avec la nature » ou Albert Schweitzer la « Révérence à la vie ». On est loin de l’écologie à la petite semaine et de ses combines politiciennes minables. Si Charbonneau est un précurseur il n’a pas été bien compris du tout. Pour lui, comme pour ceux évoqués ci-dessus, le comportement respectueux et intégré au Monde Vivant est la conséquence d’une démarche spirituelle cohérente et non un simple choix politico-législatif. C’est dans le cœur et l’esprit que la « mue » doit avoir lieu. Charbonneau est à redécouvrir ou à découvrir, ce livre de Cérézuelle est une bonne action en ce sens. A lire le crayon à la min et à petites doses pour assimiler.

Livres disponibles en ce moment :

  • L’Hommauto, 1966 12.35€
  • Le Jardin de Babylone, 1969. 17.10€
  • L’État, 1987 29.45€
  • Le Système et le chaos, 1990 29.45€
  • Nuit et jour, 1991 29.45€
  • Prométhée réenchainé 8.08€
  • Comment ne pas penser 14.00€
  • Bien aimer sa maman 12.00€

Ces livres sont tous en vente à cette adresse


Leave a Comment

Effondrement – comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie – Jared Diamond – Gallimard 2006

Effondrement

Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie

 

Jared Diamond                           Gallimard – NRF essais

Trad: Agnès Botz & J.Luc Fidel         648 pages – Paris 2006    

                                                   2005 édition américaine

 

effondrement-diamond.jpg

Assurément un très grand livre, de ceux qui font date dans la vie intellectuelle, suscitant discussions et controverses. Ce gros ouvrage, extrêmement dense, reproduit un cours donné à l’Université de Californie, à Los Angeles par l’auteur qui y est professeur de géographie. Il est aussi anthropologue et ethnobiologiste. Ce livre constitue le troisième volet d’une trilogie de fond, commencée avec « Le troisième chimpanzé » et poursuivie avec « De l’inégalité parmi les sociétés », deux livres également publiés chez Gallimard dans la même collection.

 

 

Le sous-titre énonce l’ambition prométhéenne de l’auteur dans cet ouvrage. Il s’agit d’essayer de donner une grille de décodage des histoires tragiques ou réussies de certaines civilisations qui ont valeur d’exemplarité, soit par leur réussite, soit par leur échec. Une telle démarche implique bien évidemment de poser les bases d’une démarche d’étude avec des principes et des critères qui soient transversaux et au-dessus des exemples. Si l’expression « sciences humaines » a un sens – ce dont je suis très modérément convaincu, compte tenu de l’oxymore de cette expression – alors voici le cas ou jamais de l’employer, tant la démarche est réfléchie et étayée par une méthodologie soignée et pointilleuse

 

Le prologue présente cette démarche à partir de ce qui sera l’étude de cas la plus détaillée du livre, celle des sociétés Vikings du Groëland au Moyen Age. Très synthétiquement, Jared Diamond formule une liste de  huit processus par lesquels les sociétés détruisent leur environnement et se mettent en danger (il n’y en a en fait que sept, c’est une des petites erreurs de relecture du manuscrit). Voici cette liste :

  1. la déforestation et  la restructuration de l’habitat,
  2. les problèmes liés au sol,
  3. la gestion de l’eau,
  4. la chasse excessive,
  5. la pêche excessive,
  6. l’introduction d’espèces allogènes parmi les espèces autochtones,
  7. la croissance démographique et l’impact humain par habitant.

La simple lecture de cette liste nous permet déjà de remarquer son caractère très général et, malheureusement, intemporel. Diamond pose aussi un principe anthropologique indispensable mais difficile à saisir pour certains analystes, l’identité fixe de l’homme depuis ses origines ; il réfute le mythe du « bon sauvage ».

 

«  Gérer les ressources naturelles de façon durable a toujours été très difficile, depuis que l’Homo Sapiens, il y a environ cinquante mille ans, a commencé à faire preuve d’une inventivité, d’une efficacité et de techniques de chasse nouvelles. » page 21.

 

Donc on peut établir des comparaisons dans le temps, car il y a unicité de la nature humaine, même si les moyens techniques sont incomparables.

 

Ensuite, de ses travaux d’approche sur chaque cas, il a tiré  cinq facteurs  potentiellement à l’œuvre dans tout effondrement environnemental.

  1. Dommages environnementaux,
  2. changement climatique,
  3. voisins hostiles,
  4. partenaires commerciaux amicaux

le cinquième facteur est une synthèse variable :

  1. réponses apportées par une société à ses problèmes environnementaux.

 

C’est à partir de ces deux grilles d’analyse cumulées qu’il va mener sa démarche à travers toute une série d’exemples très divers. Il a, en effet, voulu choisir des sociétés de tailles humaines très disparates, habitant des territoires d’étendues très contrastées, sous des climats et dans des milieux dissemblables, à des époques diverses, afin de désarmer préventivement les critiques qui auraient pu naître en cas de choix trop limités et homogènes. Ce sont ces choix divers qui expliquent la pagination impressionnante du livre. De plus, il a construit son cours, et après lui son livre, dans une démarche didactique qui en fait la valeur actuelle, avec un plan rigoureux destiné à tenir en haleine l’auditoire initial, qui est un public estudiantin américain, rappelons-le.

 

Le plan ne cherche donc nullement cet espèce d’équilibre des parties qui fait le bonheur et la sclérose des rhétoriciens professionnels. Il cherche l’efficacité démonstrative et l’intérêt du public. Voici résumé le plan général de l’ouvrage.

 

Prologue : on pose les bases de la démarche et les outils théoriques à partir de l’exemple de deux fermes vikings.

 

Partie I : Le Montana contemporain :

est ici étudié l’exemple d’un Etat américain qui est très à la mode chez les Californiens et dans le monde intellectuel américain, présenté comme un paradis pour le retour à la vérité de la Nature. Diamond utilise sa grille de lecture double et dresse un portrait qui fait fait froid dans le dos sur l’Etat où, justement, le Parc National des Glaciers fond comme beurre en motte. Destiné à marquer les esprits de ses lecteurs-auditeurs pour leur montrer qu’il faut aller au-delà des apparences. [L’équivalent français du Montana pourrait être le Limousin ou la zone pyrénéenne].

 

Partie II : Les sociétés du passé. :

présentent successivement et de manière fort inégale dans le détail cinq sociétés des temps historiques qui ont toutes eu des graves problèmes avec leur environnement, et dont certaines ont disparu alors que d’autres ont survécu en vivotant. Trois exemples sont très connus et ont fait la célébrité de Diamond, surtout le dernier d’ailleurs : Les Pascuans, les Mayas et les Vikings du Groënland. Il développe beaucoup plus l’exemple viking, qui occupe cent pages denses en trois chapitres, alors que l’île de Pâques occupe une cinquantaine de pages ; à l’inverse, d’autres sociétés sont présentées plus rapidement, soit qu’il dispose de moins d’informations, soit que les cas soient plus simples. Ce sont les indiens Anasazis (vingt-cinq pages) ou les insulaires de Pitcairn et Henderson (vingt pages). Dans cette partie, les exemples pascuans et vikings sont remarquablement documentés et ne peuvent être attaqués de ce côté-là.. Cette partie se clôt par une synthèse, comme tout bon professeur en fait de temps en temps dans l’avancement d’un cours dense et original, afin de stabiliser son public et de se donner à lui-même du courage pour aller de l’avant.

 

Partie III : Les sociétés contemporaines :

donnent à étudier des cas divers au nombre de quatre : le Rwanda et son génocide, l’île de Haïti-Saint-Domingue, la Chine et l’Australie. C’est sans doute sur cette partie-là qu’il a été le plus criticable et critiqué,  car il s’est attaqué, notamment en parlant de la Chine, à un pays qui est sous le feu des analystes depuis deux décennies et sur lequel existe une littérature très inégale, mais énorme. Effectivement, son chapitre sur la Chine n’a pas la densité et la nouveauté de ceux sur les Vikings du Groënland, mais il est une honnête synthèse documentée sur les dangers qui menacent la Chine et que beaucoup de commentateurs, aveuglés par la croissance à deux chiffres du pays, ne voient absolument pas. Le plus réussi de ces chapitres me semble être celui sur la dualité Haïti/Saint-Dominque où il établit le fait que la nature est loin de tout faire dans ces évolutions, comme les déterministes purs voudraient le croire. L’intérêt de cette seconde partie est de nous confronter au présent et de nous obliger, en usant des faits dégagés dans la partie précédente, à une certaine objectivité.  Logiquement, ensuite s’ouvre une partie-bilan et prospective.

 

Partie IV : Leçons pratiques :

mène en trois temps une analyse synthétique qui se veut opérationnelle dans l’action concrète. Le premier temps reprend le bilan global du passé et du présent et, inévitablement, amène quelques répétitions, puisque la synthèse partielle avait été faite à la fin de la partie II. Mais c’est un chapitre d’une vingtaine de pages, on peut le lire en diagonale, éventuellement. Le second temps est passionnant et dense. Il mêle la réflexion, l’étude de cas et la prospective. Diamond étudie ici « La grande entreprise et l’environnement », à partir de grands exemples dans le domaine du pétrole, de la forêt, des mines. Il cite les entreprises qui servent de référence : Pertamina, entreprise indéonésienne et Chevron, américaine pour le pétrole,  BHP, Pegasus Gold Inc., Galactic Resources,Asarco et ARCO pour les mines, les compagnies forestières ne sont pas détaillées, leur taille étant plus modeste, Unilever est cité pour la pêche, mais là aussi les opérateurs sont nombreux et hétérogènes. Ce chapitre montre des réussites éclatantes et des échecs tout aussi nets. On y comprend nettement que Diamond est un bon américain, pétri de respect pour le capitalisme et la grande entrprise, qui est souvent très coopérative avec lui et le sponsorise largement lors de ses visites. Mais il sait garder la bonne distance. Le troisième temps s’appelle « Le monde est un polder : qu’est-ce que cela implique pour nous ? », titre très clair. Le temps est venu du bilan et des propositions d’action. Il reprend les deux grilles initiales et en fait le bilan au regard de ce qui a été vu (quelques inévitables répétitions émaillent cela). Puis il propose douze solutions répondant aux douze éléments étudiés (au passage, nous mettons ici en évidence la fait qui m’a beaucoup gêné quand j’ai étudié le livre, à savoir qu’il n’y a pas huit processus présentés au début, comme il l’écrit lui-même,  mais bien sept !). Je ne les détaille pas ici, il faut en effet avoir lu le livre pour pouvoir les évaluer. Il présente ces douze réponses sur l’aire spatiale de Los Angeles, celle que connaît son public étudiant. Il applique là une démarche strictement ellulienne en énonçant des idées reçues diverses sur chaque problème, en les critiquant et avançant des propositions. Ce n’est pas un manuel d’activisme politique, mais il y a de bonnes pistes dont devraient se saisir à la fois les politiques et les citoyens.

 

Appendice :

Quatre-vingt pages très utiles et riches. D’abord un atlas fort bien venu qui situe toutes les sociétés étudiées, sauf, bizarement, Los Angeles. Il y avait pourtant matière à carte.  Deux pages de remerciements et on enchaîne sur une très intéressante bibliographie. Elle est construite en suivant le plan du livre et se présente, en fait, comme une discussion bibliographique, voire historiographique des thèmes. C’est excellent pour aller plus loin sur l’un ou l’autre des exemples. L’anglais y domine évidemment très largement. Enfin le traditionnel index clôt l’ouvrage.

 

Nous avons donc affaire à une somme. Quoi qu’il arrive ce livre fera date. D’abord parce qu’il est une pierre blanche sur le travail des sciences humaines et fait l’état des lieux sur certaines questions à l’orée du XXIème siècle . Ensuite, parce qu’il prend acte de certains problèmes contemporains graves et les consigne par écrit : on ne pourra plus jamais dire, « nous ne savions pas ! ». Enfin parce qu’il offre une base extrêmemnt sérieuse de réflexion pour les choix cruciaux et urgents qui sont à faire. A nous de décider de notre disparition ou de notre survie. Jared Diamond ne dit rien d’autre que ce que disaient inlassablement des penseurs français comme René Dumont, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou Théodore Monod. L’heure des choix est arrivée : qu’allons-nous faire ? Commencez-donc par lire ce livre, il deviendra une des pierres angulaires de votre bibliothèque.

Leave a Comment