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Catégorie : les critiques

rassemble tous les écrits critiques

Dans la bibliothèque de mon père : Tempête sur la Bible – Une réponse à la théologie moderne – G. Bergmann, sans éditeur français, 1970 (diffusion Les Bons Semeurs).

Ce livre m’est parvenu par des moyens détournés. Il était dans un lot de livres remis pour être triés afin d’alimenter la bibliothèque chrétienne que j’ai montée dans ma paroisse (qui ne connaît pas une fréquentation importante d’ailleurs). Il venait de la bibliothèque d’un vieil ami, décédé depuis peu, chrétien évangélique engagé. Cela ressemblait beaucoup à la bibliothèque de mon père, qui a donné son nom à cette série de critiques de livres anciens oubliés. Ces livres ne sont évidemment plus édités, mais ils sont trouvables sur Internet en occasion, notamment dans la librairie Chez Carpus. En note, le lien correspondant à cet ouvrage[1]. On peut aussi l’écouter ou le télécharger sur un site chrétien, mediathequechretienne.fr[2].

Ce livre vise un but précis que le sous-titre annonce : Une réponse à la théologie moderne. Il s’agit donc d’un ouvrage de combat et de théologie. L’auteur, Gerhard Bergmann, est un pasteur allemand, également docteur en philosophie. Nous ne savons rien de lui, Internet n’ayant pu nous éclairer. A la lecture de ce livre, on pourrait dire qu’il est un protestant orthodoxe, luthérien, calviniste ou évangélique. Disons de suite que ce petit livre est un ouvrage sérieux et de qualité, nonobstant ce que l’on peut penser de son positionnement théologique. L’auteur connaît bien la Bible, sa doctrine, mais sait aussi user de la philosophie quand il le faut[3].

Avant tout, il s’agit de définir ce qu’il appelle la « théologie moderne ». Nous pouvons chacun en avoir une définition, mais cela peut aller de la théologie protestante du XIXe siècle aux travaux de Bultmann ou Tillich. L’auteur écrit à ses contemporains sur la théologie de son temps, donc celle du XXe siècle, disons, depuis 1930. Mais il rétrécit considérablement sa focale et vise expressément Rudolf Bultmann et ses disciples. Ce qui est ici mis en question, c’est la notion de mythes évoqués par ces théologiens, à propos des récits de la bible et de la vie de Jésus. En 1970, le combat doit être mené contre ce courant, car le mouvement protestant libéral, qui fut l’adversaire majeur des protestants orthodoxes au début du XXe siècle est réduit à une minorité agissante qui ne menace plus l’Eglise[4]. La grande ruse de                  Bultmann ayant été de se détacher du libéralisme et de se présenter plutôt comme un partisan de la dialectique évangélique chère à K. Barth. Il y a en réalité une grande distance entre les deux théologiens, Barth représentant le grand retour de la théologie classique calviniste, sans emprunts au libéralisme, alors que la pensée de Bultmann en est nourrie implicitement. Le docteur-pasteur Bergmann se dresse donc ici contre l’école bultmanienne, en lui imputant une grave crise de foi dans les communautés protestantes.

Pour ce faire, il commence par chercher les racines de cette théologie moderne et va les chercher dans des disciplines diverses, comme les sciences, les systèmes philosophiques ou l’histoire. IL montre comment le rationalisme et l’existentialisme ont pesé sur ces théologiens. La démonstration est rigoureuse, mais en ce qui concerne l’existentialisme, l’impasse est totalement faite sur les chrétiens philosophes existentialistes, comme Kierkegaard ou Jaspers, pour en citer que deux noms connus. Ce qu’on peut accepter pour Heidegger ou Sartre ne peut l’être pour ces auteurs.

La question historique est des plus pertinentes. En effet, une des voies d’accès à cette nouvelle approche théologique est celle de la recherche du Christ historique, laquelle ouvre la voie à une remise en question de sa divinité et, logiquement ensuite, de sa naissance miraculeuse et de sa résurrection. Cette recherche du Christ historique s’est avérée être une impasse et elle a perdu de son importance depuis. On peut dire que Karl Barth a été un de ses fossoyeurs avec son étude sur l’épître aux Romains. Mais pour Bultmann et les libéraux, une fois posé le principe que la Bible, et surtout les Evangiles, ne sont pas des ouvrages historiques, on peut passer à la seconde étape, celle des mythes que seraient nombre de textes bibliques, puis celle de la « démythologisation » de ladite-bible. Ce qui laisse alors un Jésus humain, des Evangiles sans miracles, sans résurrection et une foi chrétienne réduite à une éthique. G. Bergmann expose les principaux points de cette théologie et les réfute ensuite, dans une approche orthodoxe qui défend l’inspiration pleine de la Bible, la divinité du Christ et l’œuvre du Saint-Esprit comme moteur de l’Eglise naissante et vivante.

Il revient d‘ailleurs sur une idée-force de la doctrine biblique : le fait que la Bible s’explique elle-même. C’est là un argument considéré comme archaïque et faux par les théologiens modernes. Une vraie ligne de clivage dans les Eglises de la Réforme. Son exposé s’approche beaucoup de celui de Karl Barth dans son premier livre de la Dogmatique, y ajoutant une discussion sur le terme « fondamentalisme » et ses dérives actuelles. Ces quelques pages sont parmi les meilleures du livre et rencontreront l’assentiment de nombreux croyants, pour peu qu’ils puissent les lire (pages 107 à 110). Je les donne d’ailleurs en annexe de cet article. Un des points de désaccord est la définition de la Bible : est-elle la Parole de Dieu ou contient-elle la Parole de Dieu ? Cette formulation n’est pas une simple querelle sémantique, mais détermine l’autorité que l’on donne à la Bible. Il est clair que Luther, Calvin, Zwingli, Wesley ou Moody croyaient que la Bible était la Parole de Dieu et non qu’elle la contenait, car ceci signifierait qu’il y aurait du déchet, de l’humain à éliminer dans le texte biblique. C’est le fondement même du libéralisme et des théologies qui le prolongent. Par contre, la frontière est plus difficile à poser en ce qui concerne le travail d’étude de cette Bible : peut-on la critiquer ou ne faut-il que s’en tenir à la répétition de la tradition ? Là-dessus, Bergmann prend la position immobiliste, la plus confortable, pour le peuple chrétien. Il est vrai que l’abord critique de la Bible est un exercice périlleux pour celui qui croit en son inspiration. Mais il est néanmoins absolument nécessaire, face à tout ce que nous ont appris les recherches faites depuis plus de 150 ans, soit en archéologie ou en exégèse. Bergmann l’évacue ainsi :

« La critique biblique a dans le sang l’esprit du rationalisme, qui n’est certes pas l’Esprit de la Bible. » (P. 116).

L’Esprit serait donc, par définition, irrationnel, ce que je ne peux admettre, car, si Dieu a créé l’homme, il a aussi créé sa raison.

Je n’entre pas plus dans le détail critique de ce livre, je vous en recommande la lecture, non parce que je partage toutes ses positions (même si j’en épouse beaucoup), mais parce qu’il est bien fait et oblige à une réflexion personnelle : qu’est-ce que j’en pense, moi ? Suis-je vraiment d’accord avec telle ou telle affirmation ?

Il existe un site qui a le grand mérite de mettre à disposition des chrétiens (et des autres, évidemment !) les textes numérisés de nombreux  ouvrages épuisés. C’est un site évangélique assez traditionnel, mais les textes y sont présentés dans leur intégralité, et cela vient combler une grave lacune éditoriale. Ce site se nomme  mediathequechretienne.fr. J’ai signalé en note le lien pour télécharger les versions de ce livre.

Jean-Michel Dauriac – Août 2023

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 FONDAMENTALISME ? Puisqu’il est dans la ligne de notre effort de mieux situer les problèmes, je trouve maintenant indiqué de dire un mot au sujet de ce qu’on est convenu d’appeler le fondamentalisme, et qui soulève tant de passions. La discussion au sujet du fonda­ mentalisme me semble être de prime abord mal engagée, quand cédant à la mode, on commence par se croire au-dessus de ces fameux fondamentalistes. On explique un peu vite que les fon­ damentalistes sont des tenants de l’inspiration mécanique. Il est assurément justifié que cette idée se rencontre encore dans le monde américain. Mais qu’en est-il dans la sphère de cul­ ture européenne? J’ai parlé à des Allemands et des Suisses, sur lesquels, dans la discussion actuelle, on met également l’étiquette « fondamenta­ listes ». C’est ainsi qu’abordant un de ces hommes que je tutoie et que j’apprécie beaucoup, je lui demande franchement : « Es-tu fondamentaliste ? » Il répond textuellement : « Oui ! je suis un fondamentaliste, dans le sens où la Bible est le fondement de ma foi. » Je lui réplique : « Eh ! bien, si c’est cela que tu en­ tends par fondamentaliste, alors moi aussi je suis fondamenta­ liste. Je le suis, non dans le sens où je mettrai sur un pied d’égalité Jésus-Christ et la Bible, mais dans celui où Jésus-Christ est l’unique fondement de la foi, car « personne ne peut poser un autre fondement ». La Bible est le témoignage écrit de ce fondement. Afin que tout soit bien clair, je te le demande : « Crois-tu à l’inspiration verbale mécanique ?» — Réponse : « Non ! Mais je crois à l’inerrance de la Bible, et aussi dans un certain sens à l’inspiration verbale. » Je reviens à la charge en lui demandant : « Crois-tu à l’inerrance de la Bible au sens rationaliste, sous la forme, par exemple que le monde a été créé en six jours ?» — Réponse : « Non, les six jours peuvent être compris aussi dans le sens de moments de la création. » — « Bien, j’abonde aussi dans ce sens. » Par là, le thème du fonda­ mentalisme ne doit certes pas être considéré comme épuisé mais je crois qu’on a simplifié le problème à l’excès, quand on veut imputer à ces hommes mis au pilori comme fondamenta­ listes, qu’ils n’aient rien appris des erreurs de l’Orthodoxie. En ce qui a trait par exemple au récit de la création, la Bible veut en premier lieu nous faire connaître la signification de l’œuvre
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divine plutôt que son processus. Nous ne devrions pas oublier que les prétendus fondamentalistes d’aujourd’hui ne sont pas les représentants de la conception du monde de Ptolomée avec ses trois étages superposés, ciel et terre, notre terre occupant le centre. C’est pourquoi, je me sens très mal à l’aise quand on part en campagne comme on le fait aujourd’hui contre les fondamenta­ listes. Il est en tous cas incontestable que du fondamentalisme — (quoi qu’on puisse entendre par là) — il n’est sorti aucun symp­ tôme de décomposition de la Parole et des paroisses, ni aucune influence en vue de se détourner de l’Eglise, comme cela est arrivé sur une grande échelle, du fait du rationalisme théolo­ gique. C’est là un facteur de grand poids, qui, malheureusement, n’est pour ainsi dire pas considéré dans la discussion actuelle. C’est pourquoi je dis encore une fois : je me sens très mal à l’aise, quand un Heinz Zahrnt écrit avec des sous-entendus indé­ niables : « Et ainsi prennent naissance des phrases et des suites d’idées tellement bouffonnes, comiques, grimaçantes, burlesques, que les suivantes : Le texte biblique, faisant autorité, valable pour l’Eglise et la théologie, et de ce fait littéralement sans erreur, est pour nous la traduction « de Martin Luther, comme elle existe en tant que texte et canon (= règle) de l’Eglise. Celui qui ose entreprendre l’acte impie dune révision de texte, se place… extra ecclesiam (= en dehors de l’Eglise)… Nous avons à sup­ porter la Bible (on veut dire par là : la traduction) de 1911, •comme un châtiment !… Gerhard Ebeling désigne ces phrases tout bonnement comme un « scandale » ! Et il a raison ce fai­ sant. » Je ne me sens vraiment pas appelé à défendre ces phrases citées par Zahrnt, car elles ne concernent absolument pas notre attitude. Mais pense-t-on vraiment que ces flèches atteignent vraiment les fondamentalistes de chez nous qui ne ressemblent guère à la caricature qu’on en fait? Il saute aux yeux que ce « scandale » ne concerne vraiment qu’une poignée de gens qu’on pourrait compter sur les doigts. Personne ne peut prendre au
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sérieux une phrase, où le texte biblique littéral sans erreur est identifié à la traduction allemande de Martin Luther. Il ne vaut pas la peine de discuter là-dessus, et la façon dont on relève de telles absurdités, ne peut que nous remplir de malaise, comme si on voulait profiter de l’occasion pour jeter l’enfant avec le bain. Par contre, si par fondamentalisme, on entend cette doctrine qui résout le mystère de l’inspiration pour en faire un système bien réglé, complet, sans faille, cet enseignement n’est pas soute­nable et ne trouve dans la Bible aucune garantie de couverture et ce fondamentalisme là n’est pas biblique. (Dans mon livre « Du mystère de la Bible », je suis entré plus en détail dans ce problème du fondamentalisme ) Encore une fois qu’on se sou­vienne du mot percutant de l’inspecteur Rappard : « Nous pre­ nons l’Ecriture Sainte comme elle est. Puisque nous ne trouvons dans l’Ecriture aucune doctrine de l’inspiration, nous ne bâtis­ sons aucune doctrine de l’inspiration. » (4)   G. Bergmann – Tempête sur la Bible – Une réponse à la théologie moderne, p. 107 à 110.

[1] https://chezcarpus.com/collections/tva-5-5-manual/products/tempete-sur-la-bible-une-reponse-a-la-theologie-moderne?variant=42218425024746

[2] Voici le lien pour aller écouter ou charger : https://mediathequechretienne.fr/tempete-sur-la-bible-une-reponse-a-la-theologie-moderne/

[3] Voir  sur Youtube la séquence suivante : https://www.youtube.com/watch?v=NZ19-7prgPk

[4] Il s’agit là d’une perception erronée des faits ; en réalité, le libéralisme a en partie réussi, car ses idées ont pénétré profondément dans les milieux universitaires et pastoraux et sont aujourd’hui banalisées, sauf chez les évangéliques fondamentalistes.

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Dans la série « Dans la bibliothèque de mon père… » : Illusions et trahisons de notre temps – le Concile et la « réforme » de l’Eglise romaine – L’oecuménisme et la fausse « unité » – Edmond Itty – sans mention d’éditeur –  1966.

Le principe de cette série d’articles est de présenter des livres trouvés dans la bibliothèque de mon père après sa mort, ou dans les bibliothèques de vieux chrétiens disparus. La plupart de ces ouvrages ne sont plus édités, mais peuvent se trouver d’occasion en cherchant sur le net ou à l’adresse suivante : https://chezcarpus.com/ . Ces ouvrages abordent des sujets souvent laissés de côté par la littérature chrétienne actuelle. Ils donnent aussi bien des positions évangéliques que calvinistes ou luthériennes selon les auteurs. Il me semble utile de cultiver ainsi la mémoire de l’Eglise et des générations antérieures, car une Eglise sans passé n’existe pas et c’est tant mieux !

Comme l’indique son titre, ce livre traite de la question des relations interéglises après le Concile Vatican II, qui a donné une impulsion très forte à la démarche œcuménique. Il est l’œuvre d’Edmond Itty, pasteur missionnaire baptiste.

C’est un ouvrage de combat, strictement sur les positions évangéliques strictes, qui ne cherche pas à faire de compromis[1]. L’auteur défend une position qui existe depuis la Réforme chez les protestants : l’erreur dans la quelle persiste l’Eglise Catholique romaine et, en conséquence, l’impossibilité de se rapprocher d’elle an doctrinal et pratique.

Le discours que tient le pasteur Itty était le discours dominant dans les années 1960-70 dans les congrégations évangéliques, de type baptiste ou pentecôtiste. Rome était le synonyme de l’erreur et des pratiques anti-bibliques. L’adversaire le plus ciblé était le pape, qui représentait le comble de la trahison, en se proclamant vicaire du Christ. L’Eglise avait également inventé tout le système sacramentel que les protestants rejettent en en retenant que les deux institués par le Christ lui-même. Il est donc impossible de se rapprocher d’une telle somme d’erreurs incarnée par le catholicisme. Et l’ouverture de Vatican II et les appels à faire l’unité sont de dangereux pièges dans lesquels les protestants historiques tombent, mais pas les évangéliques, qui sont les gardiens de la vraie doctrine biblique.

La charge est également très lourde sur les sacrements et la fonction qu’ils ont prise dans la vie des fidèles. Ils les privent de toute initiative et assurent une automaticité de résultats par le sacerdoce des prêtres. Il est donc impossible de pratiquer avec de telles personnes.

Une des cibles de ce traité est l’oecuménisme, symbolisé par le Conseil Œcuménique des Eglises. Il s’agit là d’une tentation satanique de faire chuter les vrais chrétiens. Il faut donc s’opposer à toute démarche de ce type. Fort logiquement, la communauté de Taizé est alors vilipendée, comme exemple du reniement protestant.

En contrepoint, l’auteur termine son livre par des témoignages de conversion de plusieurs personnes, issues de milieux différents. L’intention est claire : opposer le christianisme de conversion au christianisme de masse de Rome.

Certes, on ne peut qu’être gêné aujourd’hui en lisant ce texte très virulent, car les conditions mêmes de la foi chrétienne dans le monde ont changé. L’Eglise catholique est devenue minoritaire dans notre pays et connaît de graves problèmes de vocations sacerdotales et de renouvellement des générations. L’irrépressible sécularisation et laïcisation du monde est passée par là. Mais il faudra noter que l’auteur s’est renseigné et a travaillé son sujet, car il cite de nombreuses sources catholiques, à bon escient. Il prend aussi la peine de distinguer l’institution romaine, pour laquelle il est impitoyable, et les vrais chrétiens qui en sont membres, dont il reconnaît la foi et la sincérité.

Ce texte est intéressant, de mon point de vue à deux titres : d’abord, comme témoignage d’une époque et d’un courant protestant, hier minoritaire, mais aujourd’hui en passe de devenir le premier, celui des évangéliques fondamentalistes. Ce mouvement se construit en opposition au catholicisme et, assez souvent, aux Eglises protestantes historiques. C’est la rhétorique habituelle des revivalistes. Ils réinventent tous l’Eglise primitive !

Mais ce texte est également utile en ce qu’il nous rappelle qu’il y a des propositions inacceptables pour un protestant chez les catholiques et que cela ne saurait être passé par pertes et profits dans la démarche oecuménique. Nous pouvons nous rapprocher des autres Eglises chrétiennes, faire des actions communes, mais il y a encore des lignes rouges doctrinales infranchissables, notamment l’organisation ecclésiastique et certaines pratiques inventées au cours des siècles pour fidéliser la religiosité populaire (culte marial, culte des saints, culte des reliques, indulgences…). Fermer les yeux sur ces réelles différences serait renoncer à ce qui fait la nature même du protestantisme.

On peut parfaitement rejeter ce livre au nom de son intolérance et de son fondamentalisme. C’est le sens de la notule que j’ai citée en note. Mais on peut aussi essayer de bien comprendre cette attitude et ses racines, sans condamner les gens qui adhèrent à ce courant. Tout ce qu’ils disent n’est pas faux, même si c’est outrancier et, parfois, inconsciemment extrêmement prétentieux. C’est une source argumentaire à ne pas négliger pour nourrir de vrais débats contradictoires.

Jean-Michel Dauriac – août 2023


[1] Voici un compte-rendu bibliographique tiré de la Revue de Théologie et de Philosophie : « Ecrit du point de vue « évangélique» des fondamentalistes antioecuméniques, cette brochure n’est qu’un pamphlet manquant de la plus élémentaire charité contre tout le renouveau biblique et ecclésial de notre siècle. Les Eglises historiques, tant protestantes que catholiques, sont exécutées en un tournemain. La passion anticonstantinienne, la phobie du romanisme et de l’oecuménisme y tiennent lieu d’argument, à défaut d’intelligence véritable des problèmes. Retenons seulement, comme élément positif, une mise en garde contre le risque de négliger la puissance du Saint-Esprit en voulant revaloriser les sacrements. » source : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003%3A1969%3A19%3A%3A497

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Le bonheur, sa dent douce et la mort –  Barbara Cassin – Paris, Livre de poche, 2022 (1re édition Fayard, 2020)

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Encore un de ces livres achetés lors d’une promotion du Livre de poche, chez mon libraire d’Aigurande, pour faire vivre le petit commerce local. Je n’aurais sans doute jamais acquis ce livre s’il y avait eu un choix plus large. Mais c’est la règle du jeu, et aussi l’occasion de découvrir des titres qui sortent de ceux de mon spectre habituel.

Je connais Barbara Cassin en tant que philosophe contemporaine, mais je n’avais lu que des textes courts écrits par elle ; j’ignorais même qu’elle avait intégré l’Académie française. Le livre était mince, je me suis dit qu’il ferait une excellente lecture de dépannage – vous savez, le livre qu’on emporte dans certaines circonstances où l’on craint de devoir attendre ou de s’ennuyer.

Au bout d’une vingtaine de pages, j’ai failli abandonner, je dois l’avouer. Peur de perdre mon temps. J’ai cependant persévéré, en grande partie à cause des deux phrases extraites de la presse, qui étaient reproduites sur la quatrième de couverture. D’après elles, il y avait un sens à retirer de cette lecture. Je suis finalement allé au bout. Sans déplaisir, je dois le reconnaître. Car l’ouvrage contient des épisodes de vie intéressants, et que je suis, par nature, curieux de tout ce qui touche à l’humain.

Qu’est-ce que ce livre ? A vrai dire, un objet littéraire non identifiable. Ni autobiographie, ni essai, ni mémoires, il touche un peu à tout. On en apprend finalement un peu sur l’auteure, sur sa famille, sur son parcours humain et intellectuel, qu’il faudrait sans doute qualifier d’anticonformiste selon les critères actuels, mais qui ne l’est pas du tout en regard de sa génération. En effet, Barbara Cassin est le type parfait de la soixante-huitarde. Certes pas par son parcours politique, car je ne crois pas qu’elle n’ait jamais eu réellement de convictions en ce domaine. Mais elle en est le parfait exemple au plan sociologique et moral.

French philosopher Barbara Cassin poses during a photo session on September 27, 2018, at her home in Paris. – The French National Centre for Scientific Research (CNRS) has awarded the institution’s 2018 gold medal, the highest scientific distinction in France, to Greek philosophy specialist Barbara Cassin, a first for a woman. (Photo by STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Fille de bourgeois, elle grandit sans soucis matériels, dans un milieu favorisé. Elle choisit de faire de la philosophie un peu par défaut. Elle rate huit fois l’agrégation de philosophie, mais se retrouve professeur d’université en fin de course. Elle tient un discours moral plus que flottant, qui se pare de termes datés pour cacher son évanescence. A-t-elle des convictions philosophiques ? A la lecture de ce livre, impossible de le savoir. Elle ne porte pas dans son cœur les grands Allemands Kant et Hegel, mais ignore le marxisme et semble, là aussi flotter sur des approches variables. En réalité, elle n’a de convictions que philologiques. Son domaine, c’est le grec ancien et les études de textes comparés. Et ici s’arrête vraiment son intérêt. Elle a pourtant publié des dizaines de livres, mais il ne s’en dégage aucune unité réelle, sauf la langue, la parole et les mots. Bref, que le lecteur curieux de philosophie passe son chemin, il ne trouvera rien de vraiment passionnant et neuf dans cet opuscule. Il lira quelques moments de vie juxtaposés et quelques rencontres. Plutôt léger comme contenu.

Et j’en viens à deux remarques perfides. La première est que c’est vraiment le comble du conformisme, pour une soixante-huitarde, de se faire élire à l’Académie française, ce cénacle symbolique de la plus belle tradition conservatrice française. Mais on touche là à un autre aspect que ce livre révèle : un ego surdimensionné et une haute idée d’elle-même. Ce qui ne rend pas le personnage vraiment attachant. On a envie de dire : « pauvre petite fille riche qui s’ennuie ». J’en viens à ma seconde perfidie. Ce livre aurait-il pu être publié si madame Cassin n’avait pas été académicienne ? Je réponds catégoriquement « non ». Ce recueil est un petit foutoir, sans aucune construction et, qui plus est, mal écrit. Je n’ai pas compté les phrases bancales, les tournures maladroites, les libertés coupables… Mais après tout, son style c’est peut-être ça.

Ai-je perdu mon temps en lisant ce petit livre ? Un peu, mais pas tout à fait, car j’ai pu me faire une idée assez précise de la personne et de l’auteure, et y lire jusqu’à la caricature la marque de cette époque faussement révolutionnaire que fut mai 1968. Il n’est cependant pas du tout certain que ce livre reste dans ma bibliothèque, il va certainement rejoindre une boîte à livre.

Jean-Michel Dauriac – Les Bordes – août 2023.

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