Si je dois vous donner une seule raison d’écouter cette œuvre, elle est dans l’introduction du premier titre, Si la vie que je mène. Ca dure exactement 40’ et c’est proprement bluffant ! Il y a là un toucher de guitare du soliste d’une telle grâce et délicatesse que j’ai été immédiatement conquis. J’ai instinctivement pensé à deux de mes guitaristes préférés, Marc Knopfler et Eric Clapton. Ce n’est pas rien, mais le jeune Mickaël Lubin, le mérite : il a la grâce. Il n’imite pas, il fait parler sa guitare avec sensibilité, tout sonne juste dans ce chorus initial. Et c’est un vieux guitariste qui parle, un qui n’a pas la grâce de ce jeune musicien. Au bout de ces quarante secondes, c’est gagné : on a envie de réentendre ce son formidable ! Donc, on va écouter très attentivement tout les titres, en tendant l’oreille à chacune de ses interventions, et il y en a beaucoup car, visiblement, Jean Agogué est du même avis que moi. Je vous laisse faire vous-même ces découvertes, vous ne serez pas déçu. Il y a même un petit instrumental qu’il a orchestré, en plage 6 !
Mais on ne saurait réduire les chansons livrées à ce seul musicien de talent. Disons que c’est la cerise sur le gâteau. J’avais déjà chroniqué le précédent album de Jean Agogué (voir sur mon blog), qui offrait une belle collection de chansons d’inspiration chrétienne. Celui-ci se situe dans la continuité. Jean A. affiche clairement la couleur : il est chrétien et trouve cette vie de foi formidable. Ce qui ne veut pas dire facile ou béate. Les onze chansons de l’album donnent une palette très riche d’approches de la vie chrétienne. Celui qui croit sera évidemment comblé, mais je suis persuadé que ce disque peut aussi parler à toute personne honnête qui se pose des questions sur le sens profond de l’existence.
Jean Agogué a entrepris une collaboration avec le pasteur Thierry Bulant, lui-même musicien-chanteur. Il signe huit des onze textes de l’album. Deux sont de Jean Agogué, qui a composé toutes les musiques des chansons. Il s’agit donc d’un travail d‘équipe, ce qui lui donne toute sa cohérence. Le style musical que Jean aime et défend depuis plus de 40 ans est résolument américain : folk, blues, ballade rock soft. On est du côté de Nashville-sur-Rhône. Les ambiances sonores de chaque morceaux sont très travaillées, pour apporter de la variété. Il y a des rocks, des thèmes ternaires, des bons pickings binaires et du blues. On ne s’ennuie vraiment pas !
J’ai dit tout le bien que je pensais du guitariste solo (tiens, mettez donc l’intro du titre 11, Il vient), mais il n’est pas seul, il y a une équipe complète qui « assure ». Citons-les : Daniel Grail aux claviers, Christian peyron à la guitare basse, William Gaudin à la batterie, Corentin Martinez aux percussions, sans oublier Jean Agogué à la guitare acoustique.
Les voix sont bien en place. Celle de Jean est chaude et pleine, les composition sont taillées sur mesure. Il partage les leads vocaux avec une voix féminine, celle de Sophie Waysenson. La complicité vocale des deux interprètes est manifeste (écoutez Elle est longue la route). S’ajoutent des choristes féminines pour densifier les refrains ou passages forts. Rien à redire sur l’aspect vocal : c’est clair et surtout très bien articulé (chapeau Jean pour cette diction impeccable), ça change du gloubi-boulga qu’est devenue toute une partie de la chanson française (j’apppelle ça le syndrome Daho). On comprend absolument tout, et c’est très important, compte tenu des textes et de l’intention du disque. Il s’agit de partager cette foi et cette espérance en Jésus. A ce propos, il faut signaler Mon Dieu Mon père, écrit, composé et chanté par Thierry Bulant, sur un rythme jazzy. Une belle profession de foi qui échappe au prêchi-prêcha par la sincérité et la conviction qui en émanent.
Bien : tout serait donc parfait dans ce disque ? Eh bien non ! Il ya un titre où l’orchestration me meurtrit l’oreille à chaque écoute, c’est le morceau-titre de l’album, Tout est possible – tout est accompli. La sonorité du synthé est, pour moi, quasi-inuspportable : elle sonne comme un clavier-jouet, agressive et un peu ridicule. Je sais bien, pour le pratiquer, qu’un choix de sonorité au clavier est toujours un pari. Celui-ci est perdu. Du coup, le morceau en est assez sérieusement altéré, alors qu’il est un hymne à la foi. Mon second reproche porte sur les derniers morceaux de l’album, que je trouve moins réussis que ceux du début, disons à partir du titre 8. Je ne saurais pas donner d’explication sûre, sauf peut-être les thèmes abordés et la structure des paroles. Des titres comme Dieu a tant aimé le monde ou Le train du ciel me séduisent moins, car moins originaux que les six ou sept premiers.
Je voudrais terminer par présenter mon morceau préféré ; Cest la chanson Pour le meilleur et pour le Père, particulièrement réussie, sur un sujet historique : celui de la persécution et de la fuite des Huguenots français au XVIIème siècle, après la Révocation de l’Edit de Nantes, en 1685. Voilà une chanson aboutie que tout protestant ne peut que faire sienne.
Ce disque est une belle réussite, malgré les petits défauts signalés. Il s’en dégage de la joie et de l’espérance. On peut le réécouter sans risque qu’il ne lasse, il s’enrichit à chaque écoute. Indispensable dans votre discothèque ;
De la paternité spirituelle et de ses contrefaçons
Pavel Syssoev –
123 pages, 12 €
Le lundi de Pentecôte 1973, je me suis converti au christianisme, que je connaissais depuis ma tendre enfance, mais qui n’était que la religion de mes parents. Ce soir-là (il était près de minuit), j’ai répondu « oui » à l’appel que Dieu m’a adressé par la voix d’un de ses ministres, le pasteur-évangéliste-chanteur Gérard Peilhon. Ce n’aurait pu être qu’un intermédiaire occasionnel entre Dieu et moi, mais il n’en fut. Rien. Gérard a été un de mes deux pères spirituels, me conseillant et m’encourageant, tant qu’il fut en mesure de le faire, et toujours avec l’amour du Christ. Je sais donc par ma vie ce qu’est un père spirituel. Mais je sais aussi que ce sujet est très rarement abordé dans la vie des paroisses, en dehors de retraites ou séminaires spécialisés, réservés à une petit minorité de chrétiens, souvent des prêtres ou des pasteurs. Je n’ignore pas non plus que bon nombre de croyants ne connaissent pas cette notion ou alors seulement très vaguement, comme une notion cléricale.
Le livre du frère Pavel Syssoev, dominicain et philosophe, est donc fort bien venu, car il vient combler, en des termes très contemporains, une lacune doctrinale. En effet, si la notion est peu connue, la réalité pratique est importante. Evoquer la paternité spirituelle, c’est pénétrer dans le vécu de la transmission, de l’accompagnement, du conseil dans la vie spirituelle. C’est aussi entrer dans la problématique de l’emprise, notion devenue très « tendance », dans la psychologie moderne, mais qui existe depuis les origines de l’humanité. Ce que nous livre l’auteur est en fait ce que l’on nommait jadis un traité. Le lecteur comprendra très vite, au fil des pages, qu’il est nourri d’expériences personnelles et de rencontres, dans le cadre de son ministère religieux.
« Derrière ces pages, il y a des visages singuliers et des histoires particulières » p.7.
Le préambule revient, à juste titre, sur le risque d’emprise. Il fallait bien dire que les scandales des abus sexuels ne sauraient occulter tout le travail positif effectué par les chrétiens auprès des âmes en recherche, jeunes ou moins jeunes. Dire que ces faits relèvent d’une subversion totale de la mission :
« Si l’emprise spirituelle est tellement monstrueuse, c’est parce qu’elle parasite un bien. » p. 8
Le frère Pavel a choisi un plan simple en quatre chapitres assez détaillés. En toute logique, il commence par définir ce qu’est la paternité spirituelle. Il enchaîne avec les différents types d’accompagnement, avant d’aborder les pathologies de la paternité spirituelle, pour conclure sur leurs racines et leurs traitements. On le voit bien, ce plan confirme le projet de réaliser un petit traité sur la paternité spirituelle.
Bien évidemment, je ne vais pas vous dévoiler le contenu de ce livre, dense, qui doit être médité et relu pour être assimilé. Car il parle à chaque croyant engagé, et chaque lecteur pourra en tirer profit pour sa propre mission et les situations où il devra accompagner et conseiller. Les dérives évoquées ne sont pas toutes condamnées par la loi et criminelles ; il en est de très subtiles, qui ne sont sans doute pas perceptibles par celui qui en est l’auteur.
J’aimerais souligner quelques aspects majeurs qui marquent une originalité certaine de l’ouvrage.
La première originalité est ecclésiale, dirions-nous, en termes théologiques. Nous savons que c’est la question de l’organisation de l’Eglise qui est la ligne de fracture majeure entre les Catholiques-Orthodoxes et les Protestants. Le clergé catholique est en situation exclusive sur les sacrements et a, de facto, acquis une position très dominante sur le peuple de Dieu de sa confession. En découvrant le titre de ce traité, j’ai immédiatement pensé qu’il s’adresserait aux prêtres, moines et diacres. Il leur est bien sûr destiné, car ils sont en position de vivre ce qui est décrit. Mais la grande force de l’auteur est de désamorcer ce piège d’exclusivité. Il parle à tout croyant né de nouveau.
« Néanmoins, le point sur lequel je veux insister est que la paternité spirituelle n’est nullement réservée aux clercs, elle vient avant tout de la fécondité du sacerdoce baptismal. » p.49.
Et c’est la deuxième très bonne nouvelle : la nouvelle naissance est ici présentée comme l’entrée nécessaire en vie chrétienne. Ce que je ne peux qu’approuver vigoureusement, car le suis convaincu que sans cette expérience de retournement spirituel, il ne peut y avoir de vie chrétienne complète et épanouie. Citons l’auteur :
« … il y a une nouvelle naissance, celle qui donne la vie divine. Un tel engendrement est une œuvre de l’Esprit qui s’accomplit en nous par l’action du Christ ressuscité. » p.18
Cette nouvelle naissance est ce qui nous introduit dans notre filiation divine, dans la fraternité avec Jésus-Christ et dans la paternité de Dieu. Là est la source de toute paternité spirituelle. Le fondement est dans ces éléments. Nul ne peut devenir père spirituel s’il n’est pas établi dans cette filiation, fraternité et paternité. C’est à partir de ce point que nous pouvons à notre tour engendrer des vies au salut. Mais ce ne sera jamais notre œuvre, mais celle de l’Esprit ; nous ne serons que des serviteurs. Tout chrétien est appelé à engendrer et donc, potentiellement, à faire oeuvre de paternité spirituelle. Les clercs le font par vocation et appel particulier, mais ils partagent ce travail avec les frères et sœurs de l’Eglise. Un théologien protestant ne peut qu’approuver ces propos.
Le deuxième point qui mérite d’être relevé concerne la question de l’homosexualité dans la perspective de la paternité spirituelle. Je sais grè au frère Pavel d’avoir osé aborder ce sujet, car il sent encore le souffre dans les diverses Eglises chrétiennes. Il pose la question qui dérange :
« Dans le régime chrétien, une personne dont l’affectivité aurait une structuration homophile, peut-elle vivre une véritable paternité spirituelle ? » p. 104
Je relève l’expression « régime chrétien », que je trouve très appropriée, car ce n’est pas l’affaire des Catholiques, mais de toute la sphère chrétienne. Il cite immédiatement après cette question, un article du Catéchisme de l’Eglise catholique (n° 2359) qui enjoint les homosexuels à la chasteté, comme chemin de perfection chrétienne. Il ne pouvait pas en être autrement, ceci est la position du magistère romain – et aussi celle de la grande majorité des chrétiens. Ce n’est pas ici le lieu de discuter de cette position. Ce qui est très intéressant dans le livre de P. Syssoev, c’est le fait qu’il reconnaît à une personne homosexuelle le droit et la légitimité à être un père ou une mère spirituels. Evidemment dans le respect de la chasteté et de la doctrine catholique. Je suis à peu près certain que cette position fera grincer des dents à de nombreux lecteurs. Accueillir les homosexuels oui, les laisser accéder aux sacrements, à la rigueur, mais admettre que certains peuvent faire œuvre de paternité spirituelle selon le dessein de Dieu, alors là, c’est trop ! Or, avoir cette position, c’est réduire le projet de Dieu, comme le dit l’auteur :
« – Nous sommes tous appelés à la sainteté. Le travail des vertus, la puissance de la grâce intégrent dans une création nouvelle ce que le péché a défiguré. » p. 106
Le verset de Paul est, à cet égard, incontournable :
« 2 Corinthiens 5:17 Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvellecréature. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. (version Segond 1910). »
Le troisième aspect que je veux signaler est le spectre assez large des pathologie de la paternité spirituelle que l’auteur aborde. Elles ne sont pas toutes sur le même plan, certaines sont totalement destructrices, c’est le cas de l’emprise qui conduit aux abus sexuels sous toutes leurs formes. A ce propos, P.S. rappelle, fort judicieusement, que le crime pédophile ou sexuel n’est pas corrélé avec le célibat sacerdotal. Il faut le dire et le répéter, car la doxa progressiste anti-religieuse (surtout anti-catholique d’ailleurs, car très conpréhensive avec l’islam) pratique un amalgame réducteur. L’abus à caractère sexuel est une abomination légale et spirituelle, qui doit être dénoncée et condamnée à la fois par les Eglises et la République[1]. Mais cela ne représente qu’une part infime des prêtres et des dérives de la paternité spirituelle. Ce que dénonce ce livre est bien plus courant et doit être traité. Il cite ainsi le culte de l’efficacité et la perte d’humilité des pères déviants, mais aussi celui de la personne et les fausses attentes qui en découlent, lesquelles produisent frustration, sentiment d’échec, voire rejet de la foi. Il y ajoute l’abandon de l’enseignement aux enfants spirituels des vertus chrétiennes et, parfois, le mépris de la loi au profit de la route tracée par le père spirituel. Pour chaque déviation, il propose des remèdes appropriés, dont la base est dans la Bible. Il n’invente rien, mais remet en avant ce que Dieu a révélé aux hommes depuis fort longtemps.
Enfin, le dernier point que je mettrai en avant est l’encouragement à pratiquer l’accompagnement et le conseil. Mais pas n’importe comment. Pavel Syssoev insiste sur la nécessité d’une solide formation, qui peut être aussi bien autodidacte que reçue de l’extérieur (en pratique les deux se combinent). On ne peut s’improviser père spirituel, mais on doit y aspirer et se donner les moyens de le devenir et de vivre ce ministère avec succès et sérieux.
« On ne peut pas former un accompagnateur en une vingtaine d’heures. Tout comme il est impossible de remplacer les chirurgiens-dentistes par des aides-soignantes, on ne peut pas répondre au besoin d’accompagnateurs par des formations-éclairs. » p. 60.
Voilà une affirmation qui va au rebours de la pratique des stages proposés par toutes les Eglises, où en une semaine ou quelques sessions de week-end, on fait de vous un « conseiller spirituel ». Ces stages ne sont pas inutiles, mais ils peuvent être dangereux, en laissant croire à ceux qui les ont suivis qu’ils sont équipés pour ce travail de paternité spirituelle. Il faut dire, avec beaucoup d’humilité, qu’on n’est jamais préparé vraiment, même au soir de sa vie. Cela fait maintenant 45 ans que je travaille pour l’œuvre de Dieu, j’ai fait beaucoup de lectures, des formations et même suivi un cursus complet de théologie, jusqu’au doctorat, mais je ne prétends nullement être accompli en ce travail, tout au plus ai-je acquis des outils que je maîtrise. Je vis beaucoup de situations où l’on demande mon aide, mais il est des cas où je ne sait pas comment agir, où je n’ai pas de réponse. C’est alors seulement par le Saint-Esprit que je puis être le serviteur inutile de Dieu. La paternité spirituelle est un fait réel, mais elle est très exigeante et nous n’aurons pas des dizaines d’enfants spirituels dans une vie, même un prêtre ou un pasteur. Nous pouvons conduire bien des gens au pied de la Croix où ils vont se repentir et se convertir, mais nous ne serons pas leurs pères spirituels, simplement nous aurons été l’ouvrier dans le champ de Dieu. Ne confondons pas cela et la paternité spirituelle, qui est un acte dans la longue durée et qui engage toutes nos ressources. Ce livre sera une aide précieuse tout au long de notre travail.
Pour conclure, je veux redire que cet ouvrage est universel (donc catholique au sens que je préfère), écrit pour tout chrétien sérieux qui veut être utile à l’œuvre de Dieu dans ce monde. Il dépasse les limites dénominationnelles, et c’est très bien. Je laisse à l’auteur le mot de la fin, auquel je souscris totalement :
« Il est frappant de constater dans l’histoire de la spiritualité, comment les amis de Dieu se reconnaissent et s’estiment souvent malgré leurs divergences de styles, d’écoles, d’opinions et de sensibilités. Ëtre sourd à cette symphonie revient à réduire l’insondable mystère de Dieu à une parcelle de son rayonnement. » p. 41.
Jean-Michel Dauriac
Théologien protestant
[1] Dans ma longue vie d’enseignant de l’Ecole de la République (43 années acolaires), de 1974 à 2017, j’ai vu comment l’Education Nationale a longtemps couvert les actes pédophiles ou inappropriés, en mutant, au pire, les enseignants coupables. Elle a agi exactement comme le fit l’Eglise Catholique : elle a d’abord protégé ses serviteurs, ne prenant pas vraiment la mesure de la gravité de ces actes. On a jugé le cardinal Barbarin, mais aucun Recteur ou Inspecteur d’Académie. Et personne ne le remarque dans les médias dominants, pendant que l’on continue à s’acharner sur les prêtres. Si l’on veut être juste, il faut dire cela.
Le chien est, dans le langage populaire utilisé comme un symbole double, de misère et d’obstination un peu stupide. On dit « une vie de chien » pour un vie misérable, « traiter comme un chien » pour marquer le mépris… Peu de gens revendiquent ce titre ; je me souviens de Léo Ferré, le grand imprécateur qui disait un texte très provocateur qui commençait par « Je suis un chien… », pour choquer le spectateur et le faire réagir, dans les années 1970. Comment pourrions-nous être inspirés par un chien ? Parce qu’il a été lui-même inspiré et réveillé.
Première lecture : Nombres 14 : 30 « vous n’entrerez point dans le pays que j’avais juré de vous faire habiter, excepté Caleb, fils de Jephunné, et Josué, fils de Nun. »
Cette parole est prononcé par l’Eternel, en réponse aux révoltes des enfants d’Israël, dans le désert. Elle est la conclusion des 40 années de pérégrinations et des crises diverses, racontées dans les livres du Pentateuque.
Tous les hommes de plus de 20 ans ne verront pas le pays de Canaan, la Terre Promise par Dieu. Sauf deux : Josué, choisi pour succéder à Moïse comme chef spirituel du peuple, et Caleb. Même Moïse n’entrera pas dans ce pays, il ne le verra que de loin. Pourquoi cet homme inconnu est-il une exception ? La réponse est donné un peu avant.
Nombres 14 : 24 « Et parce que mon serviteur Caleb a été animé d’un autre esprit, et qu’il a pleinement suivi ma voie, je le ferai entrer dans le pays où il est allé, et ses descendants le posséderont. »
Le secret de cette exceptionnalité est dans cette simple formule, reprise dans toutes les traductions : « animé d’un autre esprit ». C’est toujours le secret de la vie des chrétiens heureux. C’est pourquoi j’ai eu envie de vous présenter Caleb, dont le nom veut dire « chien » en hébreu. Qu’a-t-il donc fait ?
La mission d’espionnage en Canaan
Nombres 13 : 1 « L’Eternel parla à Moïse, et dit :
2 Envoie des hommes pour explorer le pays de Canaan, que je donne aux enfants d’Israël. Tu enverras un homme de chacune des tribus de leurs pères ; tous seront des principaux d’entre eux. […]
6 pour la tribu de Juda : Caleb, fils de Jephunné . »
Au départ, Caleb est un des chefs de la tribu de Juda, semblable aux autres chefs choisis pour cette mission à hauts risques. Il fallait aller espionner, mais surtout ne pas se faire repérer. Toutes les tribus étaient représentées, pour que l’égalité soit respectée et qu’il n’y ait pas de problèmes ultérieurs à ce sujet.
La suite du texte nous montre que les douze ont bien accompli leur mission et travaillé en bonne entente : ils ont même ramené des fruits !
Mais vient le temps du rapport devant Moïse, Aaron et tout le peuple. Voici leurs conclusions (que vous pouvez lire aux versets 27 –29 : « Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés. A la vérité, c’est un pays où coulent le lait et le miel, et en voici les fruits. 28 Mais le peuple qui habite ce pays est puissant, les villes sont fortifiées, très grandes ; nous y avons vu des enfants d’Anak. 29 Les Amalécites habitent la contrée du midi ; les Héthiens, les Jébusiens et les Amoréens habitent la montagne ; et les Cananéens habitent près de la mer et le long du Jourdain. ») .
Au positif : le pays est bien « de lait et de miel », donc conforme aux promesses de l’Eternel.
Au négatif : il est peuplé d’habitants redoutables, avec des cités fortifiés, et il y a même, dans une certaine région, des Géants. Donc il ne faut pas y aller, car la défaite est certaine et le peuple risque de mourir.
Caleb réagit alors, seul :
Nombres 13 : 30 « Caleb fit taire le peuple, qui murmurait contre Moïse. Il dit : Montons, emparons-nous du pays, nous y serons vainqueurs ! »
Il dit exactement le contraire des onze autres espions. Pourquoi ? Il a bien vu la même chose qu’eux, il sait qu’il y a des géants et des cités fortifiées. La différence est que Caleb croit à la Promesse de Dieu plus encore qu’à ce qu’il a vu de ses yeux. Il a une foi solide.
Le peuple se révolte et refuse de partir à la conquête de la Terre Promise, car ils ont peur de mourir (13 :31-14 :4). Ils veulent même remplacer leurs chefs Moïse et Aaron et retourner en Egypte. Les onze espions sont avec eux et leur donnent raison : c’est une révolution qui est en cours. C’est la suprême désobéissance : Dieu a fait sortir son peuple d’Egypte, l’a nourri et abreuvé pendant 40 ans, et voici qu’aux portes de la Terre qu’il leur a promise, ils trahissent la promesse et veulent repartir. Ils n’ont aucun foi, ils n’ont rien retiré de leur vie d’hommes et de femmes libérés de l’esclavage. C’est un échec terrible pour Moïse. Et seuls deux homme se rangent encore à ses côtés : Josué et Caleb. Le chien, celui qui ne valait sans doute pas grand-chose aux yeux des autres tribus, se révèle être « animé d’une autre esprit », qui est celui de la foi en Dieu. Josué et Caleb, argumentent positivement face au peuple en révolte :
Nombres 14 : 6 « Et, parmi ceux qui avaient exploré le pays, Josué, fils de Nun, et Caleb, fils de Jephunné, déchirèrent leurs vêtements,
7 et parlèrent ainsi à toute l’assemblée des enfants d’Israël : Le pays que nous avons parcouru, pour l’explorer, est un pays très bon, excellent.
8 Si l’Eternel nous est favorable, il nous mènera dans ce pays, et nous le donnera : c’est un pays où coulent le lait et le miel.
9 Seulement, ne soyez point rebelles contre l’Eternel, et ne craignez point les gens de ce pays, car ils nous serviront de pâture, ils n’ont plus d’ombrage pour les couvrir, l’Eternel est avec nous, ne les craignez point ! »
Deux hommes de foi seulement, face à des milliers d’incrédules ou de faibles dans la foi.
C’est alors que Dieu prononce les paroles terribles sur le jugement qui va frapper les Hébreux de plus de vingt ans. La réalisation de la promesse se fera avec une génération nouvelle. Jugement terrible, mais que nous devons bien comprendre au plan symbolique qui nous intéresse : Ils ont eu 40 années pour apprendre à marcher par la foi, à faire confiance à Dieu, à le remercier pour les miracles qu’il a accomplis pour leur survie. Ils n’en ont rien tiré. Chacun de nous doit faire aussi son propre bilan, surtout au soir de sa vie : qu’avons-nous retiré des grâces de Dieu ?
Caleb a 40 ans quand il accomplit cette mission et cet exploit spirituel qui lui donne la vie. Il est un homme dans toute la force de l’âge. Il va donc participer à la conquête de Canaan et voir s’accomplir la parole prophétique de Dieu donnée à Moïse.
Caleb et la promesse de Dieu
Je pourrais arrêter là ma prédication : il y a suffisamment d’enseignements pour nous aujourd’hui dans ce que nous venons de méditer ensemble. Mais je ne résiste pas à vous dévoiler la suite. Nous retrouvons Caleb bien plus tard, quand la conquête est bien amorcée et que le partage des terres peut avoir lieu. On retrouve Caleb dans la commission qui a été nommée pour assurer un partage équitable à chaque tribu :
Nombres 34 : 17 « Voici les noms des hommes qui partageront entre vous le pays : le sacrificateur Eléazar, et Josué, fils de Nun.
18 Vous prendrez encore un prince de chaque tribu, pour faire le partage du pays.
19 Voici les noms de ces hommes. Pour la tribu de Juda : Caleb, fils de Jephunné ; »
Il est le premier nommé et il est qualifié de prince de Juda. Il a donc réalisé une belle progression, il est devenu un pilier de sa tribu. Mais on va encore une fois voir sa foi en action un peu plus loin.
Josué 14 : 6 « Les fils de Juda s’approchèrent de Josué, à Guilgal ; et Caleb, fils de Jephunné, le Kénizien, lui dit : Tu sais ce que l’Eternel a déclaré à Moïse, homme de Dieu, à mon sujet et au tien à Kadès-Barnéa.
7 J’étais âgé de quarante ans lorsque Moïse, serviteur de l’Eternel, m’envoya de Kadès-Barnéa pour explorer le pays, et je lui fis un rapport avec droiture de cœur.
8 Mes frères qui étaient montés avec moi découragèrent le peuple, mais moi je suivis pleinement la voie de l’Eternel, mon Dieu.
9 Et ce jour-là Moïse jura, en disant : Le pays que ton pied a foulé sera ton héritage à perpétuité, pour toi et pour tes enfants, parce que tu as pleinement suivi la voie de l’Eternel, mon Dieu.
10 Maintenant voici, l’Eternel m’a fait vivre, comme il l’a dit. Il y a quarante-cinq ans que l’Eternel parlait ainsi à Moïse, lorsque Israël marchait dans le désert ; et maintenant voici, je suis âgé aujourd’hui de quatre-vingt-cinq ans.
11 Je suis encore vigoureux comme au jour où Moïse m’envoya ; j’ai autant de force que j’en avais alors, soit pour combattre, soit pour sortir et pour entrer.
12 Donne-moi donc cette montagne dont l’Eternel a parlé dans ce temps-là ; car tu as appris alors qu’il s’y trouve des Anakim, et qu’il y a des villes grandes et fortifiées. L’Eternel sera peut-être avec moi, et je les chasserai, comme l’Eternel a dit.
Josué bénit Caleb, fils de Jephunné, et il lui donna Hébron pour héritage. »
Il vient rappeler les faits et réclamer la part de la promesse faite par Moïse de la part de Dieu. 45 ans ont passé avant que cette promesse puisse se réaliser, mais il est là, fidèle dans son attente, et l’heure est venue.
Dieu l’a particulièrement protégé : il a gardé toute sa vigueur, et à 85 ans il est en pleine forme et prêt à en découdre.
Que demande-t-il : une montagne ! soit un lieu dangereux et peu favorable à la culture. Il ne fait pas le choix de la facilité, mais de la foi. Il aurait pourtant pu se servir de son statut pour avoir un beau morceau de plaine fertile.
La suite montre qu’il fait la conquête de sa montagne et en élimine les fameux géants. Ce faisant, il anticipe un autre acte de foi d’un membre de la tribu de Juda qui abattra aussi un géant : David. La Bible nous dit, au verset 15 que le pays fut ensuite en paix.
Nous retrouverons plus tard souvent Caleb cité comme le propriétaire des terres autour d’Hébron, même si la ville elle-même fut donnée aux Lévites. Il y a en tout 37 mentions de ce « chien » dans la Bible !
Le « chien » Caleb , une source d’inspiration pour nous
Nous ne voulons ici que résumer quelques enseignements de cette vie :
Caleb appartient à la tribu de Juda, qui n’est pas exceptionnelle en ce temps, mais qui, par des hommes comme lui, donnera naissance à David et à Jésus, et deviendra la première du peuple d’Israël. Nous pouvons aujourd’hui choisir notre tribu, c’est d’ailleurs très à la mode, on est revenu à un monde tribal. Je choisis d’être de la tribu de Caleb. Voici un homme qui a su prendre des responsabilités jusqu’à en devenir un des princes. L’Eternel veut des hommes et des femmes qui sachent exercer des responsabilités et s’engager.
C’est un homme fiable, qui a accompli sa mission initiale avec sérieux. A ce stade-là il ne se distingue pas des onze autres espions. Mais, en réalité, il vit sa mission avec un autre regard que les autres. La suite du récit montre cette différence.
Les onze autres ont plus peur des habitants qu’ils n’ont foi en la promesse. Caleb manifeste l’assurance de la foi en la Parole : « Nous serons vainqueurs ». C’est là que tout se joue. Il n’est pas un meilleur homme que les autres, mais il est un héros de la foi. Très curieusement, il n’apparaît pas dans le fameux chapitre 11 des Hébreux qui célèbre les hommes de foi. Est-ce un oubli ? Non : la réponse à cette omission est donnée au ch. 11, verset 39 : « Tous ceux-là, à la foi desquels il a été rendu témoignage, n’ont pas obtenu ce qui leur était promis,… » Caleb a obtenu ce qu’il a demandé car on le lui avait promis fermement.
La foi de Caleb lui permet de rester le même dans le temps. Si le corps peut vieillir, la foi peut et doit demeurer la même. Elle devrait même se fortifier par nos expériences.
Il a demandé un terrain difficile à cultiver (la montagne), encore habité par les Géants ; il va devoir batailler pour concrétiser la promesse. C’est toute l’histoire de notre vie, qui est combat pour la foi et la vérité jusqu’au bout.
Comme dans la parabole du bon grain et de l’ivraie, il y a une sélection et une élimination finales. Rappelons que les deux textes parlent symboliquement de l’Eglise, pas des peuples en général. Il y a un jugement final de l’Eglise et de chacun de ses membres, en fonction de leur œuvres. Ceci nous est répété dans le dernier livre de la Bible, celui de la Révélation, l’Apocalypse de Jean.
Conclusion :
Caleb ne renonce jamais. Comme un chien, il s’accroche à son os. La foi ne renonce jamais, mais elle sait attendre le temps de Dieu.
Croyons-nous vraiment la promesse de Dieu ? Les Géants du monde environnant nous effraient-ils ?
Onze hommes sur douze ont renoncé. Le combat de la foi est un combat difficile et sélectif. Le salut est à tous dans le peuple, mais beaucoup ne voient que le désert, pas la Terre Promise.
Je désire de tout cœur être un « chien ». Et vous ?