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Réveiller l’esprit -Méditations de sortie de l’arche 1

Méditations de sortie de l’Arche: le principe

Le cycle de 8 méditations du confinement a ouvert une réflexion sur l’intériorité, tant personnelle que claustrale, avec l’assignation à résidence de tout le peuple français (sauf les métiers nécessaires et vitaux).

Débuté avec le souvenir lointain de Jérusalem dans l’exil babylonien, par le début du psaume 137, il s’est clos par Noé et la fin du déluge, assortie d’une nouvelle alliance et mission : peupler et remplir la terre.

Les circonstances changeant, le contenu et le but des méditations devait changer et s’adapter à ce nouveau contexte, qui n’est plus le confinement mais n’est pas le retour à la liberté antérieure. L’image de la sortie de l’Arche symbolise bien ce qui se passe : retour sur la terre d’avant, mais avec un nouveau contrat entre Dieu et l’humanité. Donc, tout se ressemble mais rien ne devrait être pareil. C’est maintenant le défi de l’extériorité qui s’offre à notre intériorité, renouvelée par le temps de la remise en question profonde que le retrait a pu permettre. Qu’allons-nous faire de ces semaines, de ces mois qui s’ouvrent devant nous ? Je ne veux évidemment pas parler du trivial qui refait surface aussitôt : l’apéro, la fête, la consommation, les vacances, l’inconséquence des comportements en public… Mon but est de réfléchir sur la traduction concrète des aspects spirituels que nous avons abordés dans les méditations précédentes, la foi, la prière, le salut, la volonté de Dieu, le rapport au prochain…

Un chrétien se doit de tenir un équilibre entre la spiritualité, la mystique,  et l’incarnation accomplie, la vie du corps et des sensations ; un équilibre, par définition instable et difficile entre la vie intérieure, la solitude nécessaire et le souci permanent du prochain et les mains dans le cambouis de la vraie vie. Il est tellement facile de n’avoir pas de mains pour ne pas risquer de les salir. Le message de Jésus est sans aucune ambiguïté ni concession : relisons le Sermon sur la Montagne ou Jean chapitre 17 pour en raviver le souvenir.

Que devons-nous et pouvons-nous faire dans le monde où nous revenons après deux mois d’apesanteur ? Ce sera le défi que je vais vous proposer : partir d’une parole biblique, (car la Bible est pour moi Parole de Dieu révélée aux Hommes par les hommes), pour nous aider dans cette recherche d’équilibre. Je n’ai pas de réponses préalables. Je vous propose de les chercher ensemble. Puisse Dieu m’aider par vos remarques et réactions. Seuls l’échange et le débat pourront construire la liberté et la vie vraie et bonne en Christ.

Jean-Michel Dauriac – Dimanche 17 mai 20

Réveiller l’esprit

Lecture de base : Esdras 1 :1-5 – version NEG.

« 1 ¶  La première année de Cyrus, roi de Perse, afin que s’accomplisse la parole de l’Eternel prononcée par la bouche de Jérémie, l’Eternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, qui fit faire de vive voix et par écrit cette publication dans tout son royaume :

2  Ainsi parle Cyrus, roi des Perses : L’Eternel, le Dieu des cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem en Juda.

3  Qui d’entre vous est de son peuple ? Que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem en Juda et bâtisse la maison de l’Eternel, le Dieu d’Israël ! C’est le Dieu qui est à Jérusalem.

4  Dans tout lieu où séjournent des restes du peuple de l’Eternel, les gens du lieu leur donneront de l’argent, de l’or, des effets, et du bétail, avec des offrandes volontaires pour la maison de Dieu qui est à Jérusalem.

5 ¶  Les chefs de famille de Juda et de Benjamin, les sacrificateurs et les Lévites, tous ceux dont Dieu réveilla l’esprit, se levèrent pour aller bâtir la maison de l’Eternel à Jérusalem. »

La version audio de cette méditation est là:

Nous avons débuté ce cycle de méditation avec un psaume « babylonien » où l’on trouve une des phrases capitales du judaïsme : « Si je t’oublie Jérusalem… ». Je vous renvoie à la méditation 1 sur le psaume 137.

Nous y avons trouvé le peuple Hébreux en exil et n’ayant plus que sa mémoire pour pratiquer sa religion et garder sa foi.  J’avais pris appui sur cette situation pour nous exhorter à cultiver une vie d’église, malgré les circonstances absolument nouvelles et brutale du confinement de toute la nation française.

Les versets d’Esdras que je propose de partager avec vous poursuivent cette histoire d’Israël, et donc la nôtre symboliquement puisque, comme le dit Paul dans les chapitres 9 à 11 de l’Epître aux Romains, nous sommes « l’Israël spirituel » qui doit permettre le salut final de l’Israël historique. Tout ce qui est dit d’Israël dans la Bible est donc, selon la théologie chrétienne depuis l’origine, transposable aux Chrétiens, l’Israël spirituel né de la loi de Jésus.

Depuis 50 à 70 ans, les Israélites, du Royaume du Nord, comme de Juda,  sont déportés à Babylone. C’est donc deux ou trois générations qui sont nées sur cette terre étrangère et idolâtre. Nous savons combien l’émigration change les gens qui émigrent et comment leurs enfants, quelles que soient les circonstances de leur venue, s’imprègnent de la langue et de la culture du pays d’accueil : on appelle cela l’intégration. A terme, celle-ci peut devenir de l’assimilation, c’est-à-dire que toute trace de la culture originelle a disparu. Nous avons assisté à ce phénomène en France au XXème siècle, avec les Polonais, les Espagnols, les Portugais, les Italiens et la majeure partie des maghrébins et africains venus en France.

Les Hébreux n’y ont pas échappé non plus. On peut penser qu’il en fut ainsi lors de cet exil à Babylone. En –550 ou –540, une bonne partie des enfants hébreux nés en Mésopotamie étaient intégrés et faisaient leur chemin dans ce pays et cette société (le livre de Daniel nous en donne un exemple indirect).

Est-ce une faute pour les Hébreux de s’être intégré chez les vainqueurs ? Si on lit la Torah, sans nul doute oui, car elle établit une séparation entre le peuple élu et les autres nations, pour des raisons de fidélité à Dieu et ses commandements. S’intégrer, est-ce oublier Dieu et ses paroles ? Ma question n’est pas innocente, elle nous concerne au premier chef. Nous connaissons les paroles de Jésus et de Paul à ce propos.

« Jean 17 : 15  Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du malin.

  1. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. »

Ce passage établit clairement la différence entre « dans le monde » et « du monde ».

« Actes 2 : 40 : 40  Et, par plusieurs autres paroles, il les conjurait et les exhortait, disant : Sauvez-vous de cette génération perverse. »

« Philippiens 2 : 15  afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d’une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde… »

Pierre et Paul donnent la consigne de se sauver d’une « génération perverse et corrompue ». Donc d’éviter l’intégration complète.

Or, voici que survient un événement extraordinaire, résumé dans les versets 1 et 2 de notre texte. Dieu suscite chez Cyrus, empereur de Perse, une décision totalement inattendue et improbable. Celui-ci veut obéir à L’Eternel, qui lui a commandé de lui bâtir un temple à Jérusalem. En lisant ces lignes, nous devrions être abasourdis et frappés presque d’incrédulité. Récapitulons :

  • Cyrus II le Grand n’est pas un roi quelconque comparable aux roitelets cités dans les livres historiques de la Bible. Il est le fondateur de l’Empire Perse, qui a vaincu Babylone et les royaumes alentours et qui installe une domination de plusieurs siècles. (A cette époque les Romains sont des paysans sans puissance et les Grecs règnent sur des cités aux pouvoirs limités). Cyrus est le maître du monde de l’époque, comme les pharaons le furent en leurs temps.
  • Ce souverain appartient au monde païen, selon les critères de la Bible – en réalité, nous savons par l’histoire des religions que la Perse avait des religions monothéistes ou dualistes, comme le mazdéisme ou le zoroastrisme. La notion de Dieu unique ne leur était donc pas étrangère.
  • Mais Dieu s’adresse directement à Cyrus, et lui donne un programme totalement surprenant pour un roi non-hébreux : construire un temple à Jérusalem. Il s’agit en fait de reconstruire le temple qui a été détruit par les Babyloniens en 587-86. Ce sera donc le second temple.
  • Nous avons là une pratique divine qui trouble les hommes religieux et qui se retrouve à plusieurs reprises dans la Bible juive : Dieu se suscite un serviteur pour son œuvre, parmi les païens : on pourrait dire que cela commence par Moïse et se poursuit jusque dans le Nouveau Testament, avec Corneille et sa famille ou le centenier romain. Nous devons savoir et croire que Dieu choisit qui il veut, où il veut, quand il veut, même si cela nous étonne ou nous déplait. Il a bien choisi Saul de Tarse, un persécuteur de la jeune église chrétienne, pour en faire le plus grand des évangélistes et des docteurs chrétiens. Nous avons déjà vu cela avec Job, qui n’était pas israélite. Dans le cas de Cyrus, Dieu avait déjà annoncé ce qu’il ferait des siècles auparavant, avec une précision accablante pour Israël. Lisons deux versets dans Esaïe 44-28 et 45 :1. « 28  Je dis de Cyrus : Il est mon berger, Et il accomplira toute ma volonté ; Il dira de Jérusalem : Qu’elle soit rebâtie ! Et du temple : Qu’il soit fondé ! 1 ¶  Ainsi parle l’Eternel à son oint, à Cyrus… » Il faut noter l’emploi du mot traduit par « oint » dans le dernier verset, qui est le terme messiah en hébreux, soit le messie ; il est rarissime que ce terme soit donné à un non-hébreux.Les sages d’Israël n’ont donc pas dû être surpris, eux, de cet épisode, mais ont pu louer l’Eternel pour la fidélité de ses promesses.
  • Nous ne saurons rien de plus de la relation de Cyrus avec l’Eternel. C’est son affaire et celle de Dieu. Mais il est dit une chose remarquable au verset 1 : « L’Eternel réveilla (ou éveilla) l’esprit de Cyrus. » Voici comment Dieu agit : il réveille en l’homme l’esprit originel mis en lui (à travers la création) et qui dort. Cet esprit est présent chez tous les hommes depuis les origines. Et là, c’est Dieu qui prend la décision, sans quête apparente de Cyrus. Le projet du second temple vient de Dieu lui-même, alors que celui du premier temple était une idée de David que Dieu avait acceptée, mais avec des conditions restrictives – David ne put le réaliser lui-même car il avait trop de sang sur les mains. Dieu suscite donc ce projet par Cyrus, qui s’adresse aux Hébreux pour être les réalisateurs de ce vœu de Dieu. Il s’adresse aussi à son peuple et le sollicite pour qu’il fasse des dons aux Hébreux pour le Temple. Evidemment Cyrus n’envisageait pas de ne pas être obéi, et c’est sans doute d’ailleurs une des raisons du choix de Dieu : Cyrus a le pouvoir de faire exécuter ce plan.
Jérusalem détruite par les Babyloniens en -587

Sommes-nous capables d’imaginer ce qui a bien pu se passer chez les Hébreux quand ils eurent connaissance de cet édit de l’Empereur ? Incrédulité, crainte, surprise, désintérêt ou joie en Dieu, je pense que tout cela a existé chez eux. Les Hébreux étaient installés, ils avaient fait leurs vies à Babylone, les premiers déportés étaient morts depuis longtemps, c’était de l’histoire maintenant. Et voici que Dieu chamboulait toute leur existence. Mais cela n’aurait pas dû les surprendre, car ces faits arrivent, comme le dit le verset 1, en accomplissement de la prophétie de Jérémie, que nous lisons au chapitre 25, 11 à 14 et 29 :10.

« 25 : 11  Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.

12  Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone et cette nation, dit l’Eternel, à cause de leurs iniquités ; je punirai le pays des Chaldéens, et j’en ferai des ruines éternelles.

13  Je ferai venir sur ce pays toutes les choses que j’ai annoncées sur lui, tout ce qui est écrit dans ce livre, ce que Jérémie a prophétisé sur toutes les nations.

14 Car des nations puissantes et de grands rois les asserviront, eux aussi, et je leur rendrai selon leurs œuvres et selon l’ouvrage de leurs mains. 

29 : 10  Mais voici ce que dit l’Eternel : Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. »

Dieu avait donc déjà tout planifié et tout annoncé. Mais pour que le plan fonctionne, il fallait deux choses : que Cyrus entende et obéisse, et que les Hébreux se mettent en marche. Tous les Hébreux n’ont pas réagi à l’appel de Dieu. Certains avaient trop à perdre, ils étaient trop intégrés à Babylone. Le texte, dans le verset 5 dit : « tous ceux dont Dieu réveilla l’esprit » se levèrent pour obéir à l’appel de Cyrus et de Dieu. Les autres sont restés dans leur vie ordinaire.

Quand Dieu veut faire connaître sa gloire et être célébré, il est tout puissant sur le choix des moyens. Mais il ne peut contraindre qui que ce soit à faire sa volonté. L’esprit donné par Dieu, le pneuma divin, est en chacun de nous. Il veut le réveiller, lui rendre sa dynamique. Mais cela ne se fera nullement contre notre gré.

Comme les Hébreux après l’exil, nous revenons au monde d’avant la closure. Mais pourquoi y revenons-nous ? Servirons-nous Babylone, dans la continuité d’une intégration au monde païen (sans Dieu), ou voulons-nous construire le Temple de Dieu, sous l’impulsion du grand roi ?

Les Hébreux qui sont restés à Babylone n’ont pas renié Dieu, ils ont gardé la tradition et, plus tard, après la destruction de ce Temple, en 70 après JC, ils rédigeront un des deux Talmuds de référence du judaïsme (avec celui de Tibériade). Mais ils n’ont pas vécu la riche expérience de ceux qui sont revenus à Jérusalem, après le réveil de leur esprit. Partir, c’est accepter de se remettre en question. C’est vouloir que le retour soit différent. C’est à nous de choisir ce que sera demain pour nous, à Babylone ou à Jérusalem.

Dans la prochaine méditation, nous verrons ce qu’ont vécu ceux qui ont accepté le réveil de leur esprit et ce que cela peut signifier pour nous. Jean-Michel Dauriac – 17 mai 2020

Published in Bible et vie

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