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L’être et le géant de Bernard Fauconnier, une note de Marie France Boireau

Une réédition attendue …

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 Couverture de l’édition princeps, en attendant celle de la réédition ici annoncée

2020 … Il y a  50 ans, le général de Gaulle mourait, dix ans après, c’était  Jean-Paul Sartre.

Mais ils n’ont pas complètement disparu :  cette année reparaît le roman de Bernard Fauconnier L’être et le géant, aux éditions Feed-Back, un roman de politique fiction, dans lequel l’auteur fait dialoguer, au cours d’une rencontre nocturne en Irlande, ces deux figures majeures du XXème siècle. L’auteur précise :

« C’est cette nuit-là, le 18 mai 1969, entre onze heures du soir et deux heures du matin, que le général de Gaulle rencontra Jean-Paul Sartre.

La première fois que j’eus vent de cette entreprise, ma réaction fut un haussement d’épaules. […] Mais à présent que le temps commence à nimber toute cette période des vapeurs mouvantes de l’Histoire, ces faits méritent d’être dévoilés ».

Ils le méritent encore en 2020 !

Dans le cadre grandiose des paysages irlandais, le livre fait revivre de Gaulle parcourant l’Irlande « avec une suite réduite, comme un roi antique, un King Lear dépossédé de son fief et trahi par les siens » ; Sartre et sa « voix rauque et fatiguée, sa bienveillance sans fard, son inimitable ironie ».Le grand homme d’Etat et le grand écrivain ! D’un côté « l’homme de profonde tradition, le militaire habité par l’Histoire, le politicien redoutable et hautain ; de l’autre celui qui fut son ennemi, le plus célèbre philosophe de son temps, « homme de nulle appartenance, lancé dans la folle entreprise de changer ce monde parce qu’il le détestait, ou plutôt se détestait en lui ».

Une rencontre inconcevable ! Et pourtant, Bernard Fauconnier prend le risque, et il n’est pas mince ! Pari  réussi ! Ces deux-là, qui ne s’appréciaient guère, paraît-il, ont en commun de croire en l’Histoire et en  la « morale du sujet ».Et le roman pose des questions plus que jamais essentielles en 2020, celle du pouvoir –celui de l’homme politique, celui de l’écrivain- celle de l’action -capitale pour les deux – celle de l’éthique. Et de rappeler que de Gaulle « n’avait jamais confondu la puissance et la possession », rappel qui n’est pas inutile en ce temps devenu celui des marchands. Quant à Sartre, lui aussi a bataillé, mais avec les mots, croyant pouvoir changer le monde, bien loin de ces écrivants qui envahissent le champ littéraire, imposant leur moi aux autres, « version la plus grotesque de la volonté de puissance » (Kundera).

Deux hommes au crépuscule de leur vie qui se parlent, à fleuret moucheté, sans concession : de mai 68, que peut-être ni l’un ni l’autre n’a compris, de Faubert dont le travail de forçat fascine Sartre qui est en train d’écrire L’idiot de la famille, de Malraux, de Pompidou, de Brigitte Bardot, du Nobel refusé, de la raison d’Etat 

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Livre drôle et profond dans lequel l’auteur « homme et romancier, ne cache pas sa tendresse et son admiration pour l’un et pour l’autre, pour l’autre contre l’un », comme le dit Olivier Todd, dans la belle préface de la première édition.

                                                                                                Marie-France Boireau

                                                                                                Université d’Orléans

 

 

Published in les critiques les livres: littérature

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