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Le Blog à Jean-Mi ! Posts

Les 10èmes rencontres du Frêne à Fresselines (23) Et nos campagnes, alors? 19-20 juillet 2025

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Organisé par Aux rêves du Frêne

Association Loi 1901 – Fresselines

Les rencontres du Frêne, 10 ans déjà !

Dossier de presse 2025 à télécharger ici :

En 2015, Christine Guillebaud et Jean-Michel Dauriac décidaient de lancer un temps de réflexion et de partage autour de grands sujets de notre époque. Cela s’appelait alors l’Université Libre d’Eté de Creuse (ULE), reprenant un nom qui avait été créé par Jean-Michel Dauriac en 2008, à Chéniers, pour des rencontres, privées d’abord, puis ouvertes au public, avec ses étudiants de la région bordelaise. Cette expérience dura de 2008 à 2012, puis se mit en sommeil. La reprise de 2015 gardait la méthode de travail, mais s’ouvrait à un public plus large.

Il fut décidé que ce serait l’avant-dernier week-end de juillet qui serait le rendez-vous annuel. Ce qui s’est passé chaque année depuis, sauf l’année 2020 avec la pandémie.

Un cadre juridique associatif fut donné en 2020, avec Aux rêves du Frêne, référence à Fresselines, lieu des manifestations.

Cette année 2025 marque donc les 10 ans de ces rendez-vous. Chaque année un thème est choisi par l’équipe organisatrice, à l’intérieur d’un thème général, « Habiter le monde ». Le thème 2025 est :

Et nos campagnes, alors ?

Ce sujet s’inscrit dans la logique des années précédentes, où furent traités les thèmes suivants : Villes et campagnes, Le climat change, et nous ? , Nos modes de vie….

L’ensemble s’inscrit dans une démarche d’information, de discussion et de proposition autour de ces sujets qui nous concernent tous. Les rencontres du frêne n’ont pas vocation à soutenir telle ou telle position politique mais à ouvrir les esprits par la découverte d’informations de qualité et la pratique du débat. Il appartient ensuite à chacun de se servir de ces connaissances comme il l’entend. Les organisateurs revendiquent une complète liberté vis-à-vis de tous les partis politiques et groupes de pression, mais ils revendiquent également toute liberté d’expression des intervenants invités.

Le programme de la session 2025 en détail

La session de cette année s’étend sur le samedi 20 et le dimanche 21 juillet.

Nous proposons une variété d’activité : conférences, débat, soirée artistique, concert.

Les conférences

Quatre causeries sont offertes au public.

Samedi matin, à 10 h 30 : La méthanisation, par Francis Duchiron, professeur retraité de l’université de Reims.

La méthanisation est le processus naturel de dégradation anaérobie de la matière organique. Elle produit du biogaz essentiellement composé de méthane identique au gaz de ville ; mais celui-ci est renouvelable contrairement au gaz disponible actuellement.

Nous exposerons d’abord le fonctionnement de la méthanisation au sens scientifique ; c’est-à-dire les micro-organismes et les voies métaboliques impliqués.

Nous regarderons ensuite les sources potentielles de matière première, ce qui déterminera où implanter des unités de méthanisation. A la ferme, dans les villes pour en recycler les déchets organiques liquides (station d’épuration anaérobie) ou solides (station de méthanisation en phase solide) ; dans les usines agroalimentaires pour recycler les déchets.

Vaut-il mieux avoir des petites unités individuelles sur chaque ferme, ville, station d’épuration, usines agroalimentaires ; ou des équipements plus gros voir industriels ? Ce choix doit être un choix politique effectué en concertation avec les citoyens.

Samedi après-midi, à 14 h 30 : Les paysages racontent une histoire : la nôtre, par Jean-Michel Dauriac, Professeur honoraire de géographie dans les Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE).

Le mot paysage est un terme commun. Mais il a aussi un sens plus précis, en art ou en géographie. Notre conférence se propose de définir les sens propres de ce terme et la richesse de son apport, en présentant les enjeux des paysages, leurs significations diverses et la synthèse géographique, la lecture historique que l’on peut en faire, ainsi que la présentation des acteurs qui en sont auteurs et usagers, voire fossoyeurs. Nous ferons le choix de privilégier les paysages ruraux.

Dans un second temps, nous effectuerons un voyage spatio-temporel dans les paysages de la France, du paléolithique au XXIe siècle et nous expliquerons, exemples illustrés à l’appui comment il est possible de lire notre histoire et notre avenir parfois dans ces paysages variés de la campagne française.

Jean-Michel Dauriac (à gauche) et Francis Duchiron (à droite) en pleine intervention publique, à Fresselines, durant l’été 2024. (Photo C. Dauriac)

Samedi après-midi, à 16 h 30 : Sauver les haies ? par Philippe Hirou, spécialiste des haies et bocages.

Alors que, depuis plus de 40 ans, l’on a pris conscience de l’importance des haies pour l’agriculture et les territoires ruraux et mis en place des politiques de replantation, pourquoi continuent-elles de disparaître ? Le constat est amer : on en replante 4000 km, mais il en disparaît plus de 20000 km chaque année. Leur image toujours négative au sein de la profession agricole, la radicalisation du débat entre écologie et économie, ou entre ville et campagne, la disparition des agriculteurs eux-mêmes et l’agrandissement des fermes l’expliquent en grande partie. Mais c’est aussi le résultat de pratiques d’entretien destructrices et du changement climatique.

Pourtant nous en avons encore plus besoin vis-à-vis du climat et de la biodiversité et elles peuvent être un atout pour l’agriculture et les territoires. Un atout économique en premier lieu, à la fois par des bénéfices et des coûts évités. De nombreux territoires se chauffent avec le bois des haies, dans le cadre de plans de gestion durable les préservant. Il ne s’agit pas du pillage auquel on assiste parfois, sans intérêt pour l’agriculteur ni pour le territoire local. En matière de lutte contre les inondations et l’érosion des sols, les haies sont une solution efficace. Le ralentissement du flux de l’eau et son infiltration vers les nappes phréatiques sont des bénéfices directs du maintien ou de la création de haies bien placées et en bon état. Les assureurs ne s’y trompent pas qui indiquent qu’à l’échelle des territoires, en moyenne, 1€ investi en prévention économise 8€ de dégâts. Et la haie ne coûte pas cher à implanter, on peut d’ailleurs recourir à la régénération naturelle, gratuite, ni à entretenir, car il s’agit au contraire de moins l’entretenir pour lui laisser plus de place. 


Dimanche matin, à 10 h 30 : Séverine, l’insurgée, Séverine l’oubliée, par Marie-France Boireau, Docteure en littérature et professeur honoraire de lettres en CPGE.

Séverine (Caroline Rémy, 1855-1929), un nom quasi oublié. Et pourtant, elle fut l’une des grandes journalistes de la fin du XIXe siècle, sans doute celle qui a inventé le journalisme d’investigation, celle qui a construit son identité de journaliste en se choisissant ce nom de plume, Séverine, celle qui a été une des premières journalistes professionnelles .

Alors, pourquoi un tel oubli ? Peut-être parce que Séverine fut une sorte d’électron libre et aucun parti, aucune association féministe, ne put et ne peut se réclamer d’elle. Dans sa vie personnelle et sa vie professionnelle, elle ne cessa d’affirmer sa liberté.

Disciple de Vallès qui a été son mentor, qui lui a appris le métier de journaliste, Vallès dont elle disait « c’est mon père », et dont elle prit la succession à la tête du journal Le Cri du peuple après la mort du vieux communard.

Mais ce n’était pas simple, en cette fin du XIXe siècle, pour une femme, de diriger un journal, et surtout de maintenir les colonnes de ce journal ouvertes aux différentes sensibilités de gauche. Elle finira par quitter Le Cri du peuple où les guesdistes avaient pris le pouvoir et elle vivra de sa plume, écrivant dans des journaux d’obédiences politiques différentes.

Comme le fera un siècle plus tard Florence Aubenas, elle n’hésitait pas à enquêter sur le terrain, à descendre, par exemple, dans la mine à Saint-Etienne, après un coup de poussier qui fit 112 morts, à se faire embaucher comme casseuse de sucre pour comprendre le rude métier des ouvrières.

 Longtemps réticente à l’égard des mouvements féministes réclamant les droits politiques pour les femmes, mue par un antiparlementarisme viscéral, elle finira par considérer que le droit de vote est important, en rejoignant le combat de son amie, Marguerite Durand, créatrice du journal La Fronde.

Son titre de gloire : la défense des pauvres, sa lutte  contre la misère, lutte pour laquelle elle  a déployé des trésors d’imagination et d’énergie.

Le grand débat, samedi 20 juillet à 18 h 00 : Et nos campagnes, alors ?

En présence de F. Duchiron, J-M. Dauriac et Ph. Hirou

Avec en invité, grand témoin : Philippe Auvillain, agriculteur retraité, ancien responsable creusois de la Confédération Paysanne

Ce temps de discussion avec le public, permettra à chaque conférencier de préciser certains points de leurs conférences, à la demande et d’échanger des points de vue sur le monde rural et son avenir.

Le grand témoin présentera son parcours et les options majeures qui semblent les meilleures pour les agriculteurs, l’agriculture, le milieu et l’alimentation des Français.

A l’issue de ce débat, l’association Aux rêves du frêne offrira un apéritif consistant aux présents. (20 h 15 -21 h 30)

Une soirée culturelle Poésie et chansons (21 h 30 – 23 h 00 environ)

Les participants sont invités à venir avec un texte ou un poème qu’ils ont envie de partager avec l’assemblée. Christine Guillebaud, poétesse bien connue des Creusois, dira des poèmes de son choix, Jean-Michel Dauriac chantera des chansons de sa composition et fera chanter la salle sur des chansons françaises connues.

Avec un hommage à Marcelle Delpastre, poète corrézienne, née en 1925.

En option, en fonction de la météo du ciel : Observation astronomique, à partir de 22 h 30, avec Laurent Sartre, astronome amateur et conférencier scientifique.

Concert de clôture de la session : dimanche 20, église de Fresselines, 16 h 00

Fréquences Libres, par l’ensemble Gabriel

https://www.ensemblegabriel.com

 Un verre de l’amitié, servi dans la salle polyvalente, clôturera cette session 2025

Contacts :

Jean-Michel Dauriac : dauriacjeanmichelgmail.com – 06 33 84 71 69

Francis Duchiron : francis.duchiron@univ-reims.fr – 05 55 89 71 60

* * * * * * * *

En partenariat avec l’UPHG (Université Populaire des Hauts de Garonne – Lormont 33)

Vous pouvez vous abonner aux vidéos hebdomadaires des conférences UPHG, en adhérant à l’association, pour 10€ par an.

Contacts : Jean-Michel Dauriac, président, jmdauriac@laposte.net

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Plaidoyer pour notre civilisation : Mémoricide , Philippe de Villiers

Editions Fayard, 2024, 380 pages.

J’ai déjà rendu compte de deux autres livres de de Villiers, ce qui fait déjà de moi un suppôt de la réaction, pour ne pas dire un fasciste et un intégriste monarchiste, selon les jugements modérés de la médiasphère actuelle. Alors autant continuer…

Longtemps j’ai regardé de Villiers avec commisération, influencé, comme des millions de gens par sa marionnette aux Guignols de l’info de Canal+. Il en parle d’ailleurs dans la dernière partie de ce livre et dit combien cela lui fut douloureux, ce que je saisis mieux maintenant. Le grand talent de caricaturiste des créateurs de cette émission a servi à conditionner toute une France qui les regardait fidèlement. Il y a là une belle preuve de la puissance dangereuse des médias. Ce qui n’enlève rien au talent des dits-auteurs. Mais, avec le temps et la réflexion, j’ai pu me rendre compte des préjugés que cette émission créait, lesquels devenaient ensuite des opinions et se figeaient. Je me souviens d’une conversation avec Jean-Pierre Papin, notre goléador national, qui, lui aussi, m’avait confié combien sa marionnette lui avait fait de tort, tant elle le présentait comme un crétin inculte. Pour l’avoir rencontré et interviewé, je sais à quel point cet homme est estimable et sa marionnette assassine. Bref, de Villiers vaut infiniment mieux que sa marionnette et les tombereaux d’injures que l’on a déversé et que l’on continue de déverser sur lui.

D’abord, De Villiers, c’est la langue française respectée et choyée. Voilà un homme qui a du vocabulaire et sait en user, sans étalage, mais toujours justement. Son texte fourmille de mots rares, mais qu’il en faudrait pas laisser mourir dans des dictionnaires qui les expulse facilement pour laisser place à des mots jetables dont les lexicographes ne sont plus capables de percevoir le destin fugitif. Un dictionnaire doit être un conservatoire, pas le reflet des tendances médiatiques. Lire Villiers, c’est comme visiter le dictionnaire. Sans être un pensum scolaire, mais avec la jubilation d’un gamin laissé seul dans une confiserie.

Ensuite, c’est un style. Un style de bretteur, bien conforme à l’idée du mousquetaire qui doit lui être si cher. Les formules claquent et elles restent en mémoire. Pas seulement pour la beauté du geste, gratuitement. Non ! mais avec la précision d’un tir de missile israélien sur l’Iran.  Juste deux ou trois exemples :

« L’optimisme est exercice béat pou les esprits pusillanimes et transparents », page 280.

« Il n’y a plus d’orateurs, il n’y a plus que des récitants », page 210.

Et cette dernière : « Le propre de l’inculture, c’est que l’inculte n’a pas les armes pour en juger », page 112.

Il y en aurait tant d’autres qui font mouche et qu’il faudrait citer, mais je veux vous laisser le plaisir de les trouver au fil des pages, comme on débusque un beau cèpe sous la fougère.

On ne s’ennuie jamais à lire le vicomte vendéen.

Puis, Villiers, c’est encore une très vaste culture d’honnête homme comme, hélas, on ne risque plus d’en produire dans nos écoles, comme il le démontre si bien dans ses pages consacrées à ce sujet. Certes, parfois cette culture est prise en flagrant délit d’approximation, surtout sur des exemples classiques, où il reprend la vulgate générale, réductrice. Il m’est arrivé à quelques reprises de pester contre ces à-peu-près, indignes de lui. Mais ce n’est jamais sur des sujets importants, plutôt sur des exemples ou illustrations. Il faut ici signaler sa grande culture religieuse. Son texte est truffé de référence à des textes de la Bible, donnés au fil de la plume, ce qui prouve que cela fait partie de sa personnalité profonde. Il a également une belle connaissance historique, comme souvent pour les intellectuels de sa génération (la mienne aussi !) qui ont eu la chance d’avoir un véritable enseignement d’histoire cohérent. Evidemment, c’est sur le plan politique qu’il est le plus pointu, particulièrement sur la construction européenne, à laquelle il a consacré un livre très documenté et passionnant.

Il faut signaler la pertinence de ses citations et, en même temps regretter que, dans un élan populiste, il ne donne aucune référence. J’aurais aimé pouvoir aller retrouver certains passages de Péguy qu’il cite fort à propos, ou Saint-Exupéry. Il accomplit vraiment un travail d’écrivain et a construit, au fil du temps, ce qui ressemble à une œuvre, ce que ses dénigreurs ignorent et lui refusent.

Ce livre a un petit goût testamentaire, bien compréhensible chez un septuagénaire qui voit s’approcher la ligne des quatre-vingts ans. Il est en effet un moment, auquel on parvient insensiblement, où se manifeste le désir de faire le bilan et de transmettre. C’est l’impression qui reste de ce livre. Il y reprend des thèmes des ouvrages précédents et les agence au milieu du propos propre à celui-ci : la mémoire, l’histoire et l’amnésie volontaire qui vient. Le livre est une immense déclaration d’amour à la France et à son histoire. Villiers aime le « roman national », dont il accepte parfois un peu facilement les raccourcis. Il se désole des chemins pris par la nouvelle école incarnée par Patrick Boucheron dont le haut fait demeurera la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, il n’a pas de mots assez durs pour fustiger les assassins de la mémoire, d’où le néologisme « mémoricide » qui, pour l’heure, a peu de chance de rentrer dans les dictionnaires de l’année prochaine.

Il tisse très étroitement l’histoire de France et son histoire familiale, et l’on n’est pas obligé de toujours adhérer à ses prises de position. Je ne le rejoins nullement dans son apologie du « mourir pour la patrie », non que je refuse que cela soit nécessaire, amis je ne crois pas à la force des armes et je reste convaincu, comme Tolstoï, Ellul ou Gandhi, que celui qui frappe par l’épée périra par l’épée. De même, je ne suis pas vraiment fan de son amour de l’ordre tel qu’il le définit au cours de ses chapitres. L’ordre ne garantit ni la liberté ni la paix et surtout pas la fraternité. L’ordre doit découler des valeurs positives, amis il n’en est pas une. L’anarchie se définit comme « l’ordre moins le pouvoir », ce que je fais mien. Il est un  ordre bâti sur l’amour du prochain et la liberté réelle que De Villiers connaît bien, puisqu’il est un catholique convaincu. Je préfère l’ordre des orants que celui des CRS, celui de l’amour du prochain plus que celui des juges…

De même, pour apprécier son livre, il n’est pas besoin de faire siennes toutes ses positions sociétales, où il est, de mon point de vue, « trop » conservateur. Rien ne sert de se lamenter sur l’avortement, le genre et ses dérives ou l’euthanasie légale : les lois sont passées, elles s’imposent à nous. Ce qui ne signifie pas que l’on doive les approuver et les appliquer à soi-même. Il est une résistance toute personnelle qui peut et doit exprimer sa différence, sans pour autant vouloir revenir en arrière. Ainsi sa diatribe sur le pape François, pape gauchiste et immigrationniste  est à la fois injuste et très monarchiste. Et c’est un huguenot qui l’écrit !

Vous aurez compris que j’ai beaucoup apprécié ce livre, que je vous le recommande, mais que je ne partage pas toutes les positions de Villiers, même si la plus grande partie de ce qu’il dit est d’une belle lucidité et se trouve partagé par une grande partie des Français, de gauche comme de droite, ceux du peuple réel. La vraie liberté est de pouvoir le dire sans être disqualifié d’emblée par les donneurs de leçon de la gauche dopée à la moraline, faute d’avoir un projet socio-politique pour la France (Jaurès, réveille-toi, ils ont vendu les meubles de famille !).

Jean-Michel Dauriac – Juillet 2025 –

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Résister – Voix protestantes

Patrick Cabanel – Nîmes, éditions Alcide, 2014.

Le mot « Résister » a été gravé sur les murs de pierre de la Tour de Constance, à Aigues-Mortes, par Marie Durand et les femmes huguenotes emprisonnées pour leur foi par les dragons de Louis XIV, après la révocation de l’Edit de Nantes. Depuis cette date, ce verbe est devenu un mot d’ordre intemporel pour tous les protestants, dans diverses circonstances. La Seconde Guerre Mondiale fut une de ces circonstances où le mot retrouva toute sa signification. Le but de ce petit livre est de donner un aperçu de cette résistance protestante sous l’angle de la prédication pastorale.

L’auteur de ce recueil est Patrick Cabanel, éminent historien français, spécialisé dans les études sur la laïcité, la République, et les minorités juives et protestantes en France, entre autres sujets. Sa bibliographie est impressionnante (voir l’article Wikipédia).  Il fait ici la démonstration de sa rigueur et de son talent, dans une synthèse et des notices très bien réalisées. Quel est l’enjeu ? Donner à lire un choix de sermons pastoraux prononcés durant le conflit, à des dates souvent importantes, en présentant brièvement les auteurs, en ayant brossé auparavant le contexte historique général dans un beau texte introductif.

Cabanel montre qu’il y eut une double résistance protestante au nazisme et à l’antisémitisme et au fascisme de Vichy. On connaît surtout celle des filières de sauvetage des enfants juifs par le village de Chambon sur Lignon, en Haute-Loire. Ceci a été illustré par des films, des documentaires, beaucoup de témoignages… Mais, parallèlement à cette résistance active, exista aussi une résistance spirituelle dont els pasteurs et les fidèles furent les acteurs anonymes. Le sort réservé aux Israëlites par Vichy fut un moteur puissant de cette résistance et du rejet de tout compromis avec l’occupant. L’introduction en fait le récit, mettant en avant le rôle des pasteurs dans leurs prédications hebdomadaires au Temple et les réactions que suscitèrent les grandes étapes de la turpitude vichysoise : statut des Juifs, port de l’étoile jaune, rafles, déportations et spoliations. A chaque fois, des ministres du culte réformé, souvent en langage codé biblique, encouragèrent leurs paroissiens à refuser la soumission, à garder la ligne de l’Evangile et celle de l’amour inconditionnel. Les figures héroïques ne manquent pas dans le texte biblique pour appeler à la résistance sans le dire ouvertement et risquer des mesures de rétorsion contre les églises.

L’auteur a retenu huit pasteurs en poste dans ces années, dans des paroisses diverses : Lyon, Aix-en-Provence, Chambon sur Lignon et, bien sûr, l’Oratoire de Louvre, le grand temple parisien. Chaque pasteur est présenté, dans une brève biographie, puis le contexte précis du sermon est donné, avant de livrer le texte. Le tout est accompagné de nombreuses notes de bas de pages, très riches en références et explications.

Patrick Cabanel, l’auteur de ce livre

Il faudrait tout citer, tant les textes sont intéressants ? Je me limiterai à une seule citation, qui me semble tout à fait représentative de ces sermons. Elle est de Gustave Vidal ( 1892-1970), tirée d’une prédication prononcée à l’Oratoire du Louvre le 3 novembre 1940, c’est-à-dire juste après l’entrevue de Montoire entre Hitler et Pétain (22 & 24 octobre) et le fameux discours du Maréchal, le 30 octobre, qui lance officiellement la politique de collaboration. Il est intitulé « Chiens vivants et lions morts », d’après la phrase du livre de l’Ecclésiaste, chapitre 9, verset 4. Phrase mise en vis-à-vis de Marc ch. 8 verset 34, qui dit : « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. »

« Si nous voulons, pour notre génération et pour celles qui montent dans notre peuple et dans le monde, sauver la Justice aujourd’hui foulée aux pieds, la Vérité étouffée, la Liberté menacée par l’anarchie ou écrasée par l’oppression, l’Amour bafoué par les doctrines de violence et de haine qu’on veut nous imposer, si nous voulons retrouver ces saintes réalités qui font les âmes fortes et vivantes et, par leur vertu, arracher notre peuple à cette veulerie de chien couchant où l’on s’efforce de le conduire et de la maintenir pour le mieux asservir, il nous faut, dès maintenant, chercher en Christ – « le seul nom qui ait été donné aux hommes, par lequel ils puissent être sauvés » – la source de l’héroïsme. » Page 75.

Tout ce qui fait la puissance et l’intérêt de ce livre est là, rassemblé dans ces quelques lignes. Le rappel des « valeurs » qui méritent que l’on s’engage, au péril de sa propre vie est fait. Les majuscules du texte disent bien que nous avons là des concepts forts : la Justice, la Vérité, la Liberté, l’Amour. Notons que ces valeurs sont aussi celles de la République laïque, si l’on veut bien remplacer Amour par Fraternité. Or, ces vertus sont communes aux chrétiens et aux vrais républicains, cela se verra dans les maquis. En face de ces forces de vie se dresse la « veulerie de chien couchant », celle que promeut Vichy et la collaboration, qui est d’abord une défaite de l’esprit. Vidal va jouer tout au long de son sermon à inverser les termes de sa citation originelle et promouvoir l’héroïsme résistant des lions vivants au détriment de la soumission veule des chiens couchants et morts. Le pessimisme désabusé de Qohélet n’est pas de saison. Il faut transcender les difficultés et aller à la source, le Christ. On retrouvera quasiment dans tous les sermons les mêmes appels à revenir aux sources, à savoir les enseignements du Christ et des apôtres, pour en faire des maximes de vie et de combat. Le lecteur un peu féru de Bible se régalera à voir comment ces pasteurs jouent sur les images et les types pour faire passer leurs messages d’actualité. Il fallait, en effet, ne pas offrir de prise à la censure, très active en ces jours mauvais.

Ces sermons sont des témoignages très riches de cette résistance spirituelle qui anima le protestantisme dans son ensemble, en France. Vous aurez grand plaisir à les lire et les relire, je vous l’assure.

Mais, au-delà des circonstances propres à leur rédaction et prédication, ils sont aussi fort utiles pour nous dans le contexte actuel de notre pays et de la civilisation européenne. Ce n’est pas le nazisme qui nous menace, mais la menace est pourtant bien réelle. D’abord avec le retour de la « bête immonde » de l’antisémitisme et de la xénophobie sélective. Tout ce qui est dit sur les juifs et la nécessaire solidarité avec eux en 1940-1945 peut se dire aujourd’hui. Et qui connaît l’histoire ne peut qu’être choqué par ce retour en force de l’ignominie. Ce serait cependant incomplet de limiter el parallèle à cet aspect. Quand Vidal parle de vouloir « arracher notre peuple à cette veulerie de chien couchant où l’on s’efforce de le conduire et de la maintenir pour le mieux asservir », cela ne peut pas en pas résonner en nous en ce moment. La veulerie est partout, elle dégouline de nos médias, elle est le carburant de la plupart des discours politiques, elle submerge les écrans des smartphones et tablettes. Les lois iniques se multiplient sous une novlangue qui déconcerte le Français moyen, la propagande omniprésente colonise les cerveaux de gens de tous âges et toutes conditions, et l’on voit bien que les gens instruits, les intellectuels ou les artistes ne sont pas épargnés par cette colonisation mentale. Lire ces sermons peut donc être une sorte d’électrochoc salutaire, pour ceux qui croient au Ciel ou ceux qui n’y croient pas.

Jean-Michel Dauriac – mai 2025.

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