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Catégorie : la musique

Les chanteurs populaires ne meurent jamais.- Pour Michel Delpech

Dimanche 3 janvier. Il est un peu plus de neuf du matin. Je vais faire ma virée dominicale à Aigurande, le bourg le plus proche de mon refuge creusois. Un circuit bien rodé : d’abord le boulanger-pâtissier, qui fait des gâteaux magnifiques à des prix à tomber par terre – deux petits Saint-Honoré et deux éclairs – puis l’achat de « La montagne », le journal local et du JDD (que je ne lis que lorsque je suis ici !) et de quelque livre ou revue. Enfin, le petit producteur de fromage de chèvre fermier auquel j’achète des pyramides cendrées superbes. En haut, en bandeau du JDD, un titre a accroché mon oeil : « Michel Delpech est mort hier ». mais je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir plus que ça. Il faut que je rentre et que je me mette à assembler deux meubles-coffres dans les petites chambres du gîte rural que nous aménageons doucement depuis plusieurs années.

On mange tard. Juste avant le repas, en prenant l’apéritif, je montre, sans un mot, la une du JDD à ma femme. Elle cherche l’article et commence aussitôt à le lire. Ce qui m’énerve un peu car je voulais être le premier à le faire. Je lève mon verre à Michel Delpech, en espérance chrétienne. J’ai beaucoup aimé son petit livre de témoignage paru récemment, « J’ai osé Dieu », où il disait sa foi et sa manière de la vivre.

 

 

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J’ai toujours aimé ce chanteur populaire par excellence. Les vrais chanteurs populaires sont rares. Seul le temps leur donne cette légitimité. Il s’en lève quelques-uns par génération. Il y eut les gang des quatre B (Brel, Brassens, Béart et Bécaud) et des 2F (Ferrat et Ferré), qui marqua toute la génération des années 1950-1960. Puis il y eut mai 68 et les seventies, sorte de crépuscule doré, insouciant et gai, dernière période de joie avant le marasme qui nous accompagne des années 1980 à ce jour. Quels sont les chanteurs populaires de cette période ? Johny Halliday, évidemment, l’inusable Charles Aznavour, le trop ignoré Serge Lama. Et survolant la vague insignifiante du yéyé, les deux Michel, Delpech et Sardou. Deux chanteurs qui parlent du peuple et au peuple. Deux parcours différents mais la même place dans le cœur de tout un peuple. Pourquoi a-t-on droit à cette dignité rare de « chanteur populaire » ? Sans nul doute parce qu’une personne, un artiste, un interprète, rencontre son époque et l’incarne, exprimant ce qui occupe et préoccupe les sans-voix, les gens ordinaires, les ménagères, les routiers, les lycéens… Bref, tout le petit peuple de France. Un chanteur populaire, c’est un morceau de l’identité française. Mais une identité qui ressemble à l’inverse exact de celle que veulent nous vendre nos pitoyables politiciens.

Delpech appartient à la légende du peuple pendant près de cinq décennies. Comme lui, il a connu la gloire, le succès, puis la grosse déprime des années 8 et le retour au premier rang des années 2000. Ses chansons ont toujours été diffusées, même quand il avait disparu des télés et des scènes. Une chanson de Michel Delpech, c’est comme un petit sismographe qui capte les ondes du moment. IL faut avoir eu quinze ans à la sortie de « Chez Laurette » pour comprendre à quel point cette chanson parlait de nous. Les bistrots de quartiers existaient en mobre et ceux qui se trouvaient non loin des lycées étaient nos refuges. Les patronnes jouaient souvent un rôle quasi-maternel. Le mien s’appelait «  Le bar du coin » – car il faisait un angle de rue – il a été mon refuge jusqu’au bac. Puis il a fermé avec la retraite de la propriétaire, remplacé par un éphémère commerce d’électro-ménager. « Chez Laurette », chaque fois que je l’entends, me parle de ce temps, comme « La bohême » d’Aznavour ou « La place des grands hommes » de Bruel pour d’autres générations.

Michel Delpech a enfilé les grands tubes comme des perles, avec une régularité métronomique, pendant plus de 10 ans.

Il y eut « Wight is Wight », période hippie des grands festivals ; le tant imité « Pour un flirt », l’hymne sans prétention à la République avec « Marianne », les chansons bucoliques avec « Le Loire et Cher », hommage sincère et sans mépris à la France rurale, ou bien « Les chasseurs », tranche de vie solognote.

Delpech écrivait ses textes. Tout n’était pas du niveau du prix Goncourt. Mais tout était sincère. Il n’y a jamais eu de morgue chez lui, même le succès venu. Il est comme Sardou, si mal jugé, parce que plutôt à droite. Mais Sardou, quel formidable thermomètre du pays ! Leurs textes ont en commun ce respect du public. Même une chansonnette doit respecter les destinataires. Pour ne pas l’avoir compris, tant de pseudo-artistes éphémères se sont carbonisés et peu de temps. Quelle belle chanson que « Quand j’étais chanteur ». Page d’autodérision tendre. On reconnaît une chanson de Michel Delpech en quelques mesures. Sa voix chaude et douce n’y est pas pour rien. Il y avait du crooner chez lui.

Qui dira que « Les divorcés » n’est pas criante d’authenticité ? Il faut un vrai talent pour synthétiser en trois couplets-refrains et trois minutes des tranches de vie qui sonnent à la fois justes et poétiques.

J’ai dans ma discothèque un double album vinyle d’époque, avec des chansons peu connues ou inconnues de Delpech. Il y là de véritable petites perles, travail sans prétention d’artisan, avec un tour de main très sûr.

Sans doute la chanson est-elles considérée – à tort – comme un art mineur. Mais elle a donné des artistes majeurs. Moi qui suis amoureux de cet art et m’y suis essayé toute ma vie, je suis encore et toujours émerveillé à l’écoute de Brassens, Ferrat, Barbara ou Renaud…

Voilà. Michel Delpech est parti. Le crabe a eu raison de son envie de vivre. J’ai un sentiment étrange, presque contradictoire : à la fois celui d’avoir perdu un grand-frère, qui va me manquer certains jours, et puis ce bonheur d’avoir toutes ses chansons. DE savoir qu’il ne vieillira pas, que sa voix ne se cassera pas – comme celle du malheureux Pierre Perret sur son dernier album -, que ses chansons nous viendront sur les lèvres ou sur la guitare comme un message de l’au-delà. Les chanteurs populaires, comme les chansons, ne meurent jamais.

Mais quand même, ce soir, à l’heure tardive où j’ai eu besoin d’écrire ces mots maladroits, j’ai le regard un peu humide.

 

Les Bordes, Creuse, le 3 janvier 2016-01-23

Jean-Michel Dauriac

 

Pour réécouter  le meilleur de ce chanteur populaire :

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disponible ici

 A lire pour mieux le comprendre :

 

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Dévoilement intelligent d’un monstre sacré de la musique


 

Bach – Un sacré tempérament

Michèle Lhopiteau-Dorfeuille – LE BORD DE L’EAU éditions – 2014 – 246 pages

 

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Ce livre est d’abord un bel objet : Une couverture robuste et classieuse, un mise en page soignée et un cahier de reproduction documentaire au milieu, et surtout, bine protégés dans la couverture avant et arrière, deux Cd de musique illustrant le propos de l’auteur.

L’idée de l’ouvrage est en effet de proposer au fil de a lecture les illustrations sonores importantes. Ceci semble une évidence pour des ouvrages de musicologie, mais, en fait bien peu proposent des extraits étayant le dire des auteurs. Un bon point donc pour cet ouvrage.

S’installer confortablement dans un fauteuil, sa télécommande à proximité pour envoyer les plages au fur et à mesure de l’avancement de la lecture. E c’est parti !

Michèle Lhopiteau a évité le piège tendu par un tel monstre sacré que J.S Bach – comme elle avait su si bien le faire pour son « Mozart » !- : la biographie érudite et pointilliste de l’hyper-spécialiste exigeant. Ce qui donne en général des pavés avoisinant le millier de pages, certes complets, mais assez rebutant pour le public ordinaire. Elle pris le même principe qui lui avait réussi avec Mozart, à savoir des angles thématiques divers qui en prétendent nullement à l’exhaustivité, mais tiennent le lecteur moyen en haleine sans cesse. Ni trop brefs, ni trop longs.. Les thèmes incontournables sont là, ceux qui l’auraient discréditée si elles ne les avaient pas abordés : la famille Bach, le contexte luthérien et la foi de Bach, le métier de cantor et la condition sociale difficile du musicien à cette époque baroque… On y trouve la base essentielle d’une bonne culture d’honnête homme du temps présent.  Mais la grande force de ce livre est d’oser des chapitres improbables.

 

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Ainsi du chapitre Bach et Mozart. Plutôt gonflé de traiter de deux génies qui n’ont pas du tout de contemporanéité   et que l’on oppose souvent dans les chapelles étroites du classicisme. Elle ne sombre pas dans les rapprochements artificiels, mais ouvre des pistes intéressantes à fouiller sur ce thème. Idem pou le chapitre plus attendu sur Haendel et Bach. Parfois cette audace rate son coup. J’ai très peu goûté le chapitre-catalogue final sur l’éta des lieux des ensembles baroques aujourd’hui. C’est vite fastidieux et j’avoue l’avoir seulement parcouru au bout de quelques pages (en plus il est long, ce chapitre !). De mon point de vue, c’est vraiment dommage de finir ainsi, cela gâche en partie la grande valeur de ce qui précède. Outre le fait que je ne comprend pas le sens d’un tel chapitre (sauf à croire qu’il s’agit d’un renvoi d’ascenseur pour certains interprètes qui ont accordé des plages aux deux CD), il n’y avait aucun problème à déporter cela en annexe, avec le très bon indes, la liste des titres musicaux et la table des matières. Peut-on le suggérer à l’auteur et l’éditeur pour une prochaine édition. Je crains en effet qu’un lecteur curieux et cultivé non-spécialiste du baroque réagisse comme moi.

 

Un point très positif est la qualité de l’informations sur le cadre historique et religieux. L’auteur s’est documenté à de bonnes sources sur les courants du protestantisme et le rapport à la musique. Un lecteur protestant n’y trouvera rien à redire, ce qui n’est pas toujours le cas des écrits sur Bach.

 

Il faut revenir sur la qualité de la bande son et l’intelligence de sa sélection. Ceci est vraiment une des grandes qualités pédagogiques du livre (comme les conférences de l’auteur). Ces deux CD, pourront devenir des compagnons de route en voiture, comme ceux du livre précédent sur Mozart.

Enfin, saluons le beau titre, à double sens et dont je vous laisse découvrir le sens précis d’une des significations, celle de musicologie, que j’ai apprise aussi (un jazzman comme moi ne sait pas tout du lexique baroque !)

 

Je recommande donc vivement la lecture de cet ouvrage, surtout à ceux qui aiment Bach sans le connaître bien : ils en seront conquis.

 

Jean-Michel Dauriac

Président de l’Université Populaire des Hauts de Garonne

Doctorant en théologie protestante et jazzman amateur

(données utiles pour comprendre cette critique et non culte du pedigree)

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Affinity quartet live, ça déménage au 440 de Mérignac!

Samedi soir 10 mars 2007, le quartet Affinity se produisait dans un bar à musiques de Mérignac, le « 440 ». Pour un Bordelais moyen, aller à Mérignac un samedi soir écouter de la musique c’est comme aller en province pour un Parisien. Ils y sont donc assez rares, ce qui laisse la place aux autres et c’est pas plus mal.

Ambiance sympa, avec un véritable accueil et surtout un authentique coin non-fumeur, ce que j’apprécie grandement (vivement octobre 2007 qu’on en finisse avec la fumasserie passive!). Autre bon point, ça commence à l’heure! On n’est plus habitué, à force de poireauter des dizaines de minutes, ce qui fait boire un peu plus, c’est toujours bon pour le comptoir! mais très mauvais pour le respect du spectateur. Car l’exactitude n’est pas qu’une convention bourgeoise voire royale, mais une authentique forme de courtoisie envers ceux qui se sont déplacés pour écouter. Et tant pis pour les retardataires!

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adresse de leur site : http://affinityquartet.free.fr/index.htm

Deux sets denses de standards sur base rythmique funk et latino, mais subtilement variée. On débute par « Caravan », histoire de se chauffer sans trop de risques et de donner des gages au public. Puis on embarque dans des morceaux moins connus, tant au point de vue du tempo que des rythmes. Affinity assure vraiment. On sent la complicité de longue date et tout cela baigne dans l’huile de scène. Chacun prend ses chorus avec entrain et sans barguigner: basse, piano, et saxo; le seul qui ne chorusera pas c’est le batteur (Philippe Valentine), mais de fait, si l’on est attentif à son jeu, et je l’étais, assis à deux mètres de lui, il est clair qu’il choruse tout le temps, à sa façon. Un vrai spectacle à lui tout seul. L’écouter et le regarder permet de comprendre comment faire parler une batterie. J’admire surtout la grande précision rythmique et le dosage des frappes. Avec un tel batteur, il est facile d’avoir l’impression de voyager dans un wagon pullman. Ce qui permet aux trois autres larrons de s’en donner à coeur joie à tour de rôle. Francis Fontes assure la tenue du piano de manière très efficace et subtile, notamment dans les accompagnements toujours structurants mais jamais lourds. A la basse, Dominique Bonadei est celui qui assure la coordination de l’ensemble. Il prend ses tours avec autorité et jubilation comunicatives. Jeu de basse très dynamique, sans perdre le caractère mélodique, chose assez rare pour être signalée. Aux sax ténor ou soprano, Hervé Fourticq asssure la chaleur cuivrée du son. Ce n’est pas un coltranien, de toute évidence, et ce n’est pas un reproche, simplement un constat. Il y a des influences des grands saxophonistes mainstream dans son jeu, à la fois rapide et précis. La mélodie est toujours là dans le chorus, à fleur de rythme. L’alternance des deux instruments permet d’éviter l’uniformité. J’ai songé plusieurs fois à Stan Getz en l’écoutant ou alors au Sonny Rollins et Coltrane des années 1950. Je dois avouer que c’est exactement le style de jeu que j’aime. Donc, j’ai beaucoup apprécié ses interventions.

Le deuxième set se termine en feu d’artifice par une très longue version de « Manteca » qui nous laisse scotchés sur nos chaises. Je repars avant le boeuf – j’aime pas vraiment les bovins musicaux! – en emportant pour moi tout seul des bouffées de morceaux dans le silence automobile de ma nuit banlieusarde (putaing voilà une vraie phrase littéraire comme on aime dans les médias). So long et plus si affinity!

J.M. Dauriac, le lendemain .

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