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Catégorie : les livres: essais

Ma vérité sur la planète – Claude Allègre – Plon/Fayard : une vérité qui dérange mais par son incongruité

Ma vérité sur la planète

Claude Allègre                                     Plon/Fayard 2007 – Paris – 237 pages

 

 

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Voici donc le dernier ouvrage de notre unique grand savant national, le dernier mammouth du savoir solide. Le titre à lui tout seul est un poème. « Ma vérité » affiche d’emblée une certitude de l’auteur, qui est confirmée par le contenu du premier chapitre, qui je dois le dire m’a estomaqué. Stupidement titré « Terre patrie », il devrait en fait s’appeler « Exercice d’autocélébration ». J’ai déjà derrière moi une longue vie de lecteur, mais je n’ai pas souvenance d’avoir lu un tel chapitre de valorisation personnelle dans aucun des livres lus. La personnalité de son altesse sérénissime Allègre Ier y éclate au grand jour. Voici donc un monsieur qui a vraiment fait tout ce qui est important dans le domaine des sciences de la Terre qui ne pourraient avoir avancé sans son aide. Qui plus est, depuis tout petit, le génialissime Claude aime la nature, la connaît et la comprend. Il adore aussi les cartes et le désert. Ce ne doit pas être le même désert que son ancien collègue Théodore Monod, car le moins que l’on puisse dire est qu’il n’en a pas retiré les mêmes leçons ! On est loin de l’humilité de Monod, qui avance sur la pointe des lèvres ses rencontres ou ses publications (1000 en tout !). Là, faites place, Monseigneur Allègre arrive ! Un chapitre bouffi d’orgueil, qui m’a donné envie de jeter immédiatement le livre, mais, hormis le fait qu’il m’a été prêté, je me dois de poursuivre la lecture pour en connaître le contenu et le discuter. Je ne nie pas que, dans sa spécilaité, Monsieur Allègre soit une « pointure », mais cela nous apporte la preuve que le savoir et l’intelligence sont deux choses dissociables.Après s’être autocélébré dix pages durant, le ci-devant auteur conclut son chapitre par ce petit paragraphe :

« La Terre est ma Patrie. Je me suis battu pour la connaître ; voilà pourquoi je me battrai contre ceux qui voudraient, sous prétexte de la défendre, détruire notre civilisation. » page 20

Le chevalier blanc qui a pour mission de sauver la civilisation, c’est donc lui ! Face à Claude Allègre, seul ou presque, vaillant Bayard du XXIème siècle, se dresse une horde d’écologistes, d’économistes, de dangereux gauchistes, altermondialistes, croyants divers qui veulent détruire l’Homme et sa civilisation ! Rien que ça !

Après ce morceau de bravoure personnelle, notre héros embraye sur un chapitre deux appelé « N’ayons pas la mémoire trop courte » où il entreprend de nous narrer quelques histoires de savants dont il compte tirer des principes moraux qui le confortent. Successivement sont décrites les recherches et les vies de Wegener, Patterson, les forfaits du Club de Rome, la délicieuse histoire du trou dans la couche d’ozone et l’amiante de Jussieu. C’est une litote que de dire que les versions données sont tournées de manière à aboutir à la conclusion recherchée. C’est d’ailleurs une pratique courante, et on ne peut plus surprenante d’Allègre que de conclure après l’introduction, sans avoir rien démontré. Bizarre pour un scientifique de ce niveau. Il en fait une belle démonstration dans le chapitre 3, pages 48-49. De ce chapitre d’histoires choisies (les histoires de l’oncle Claude), il tire la conclusion que la Science est pure et constitue la seule réponse aux problèmes de nos sociétés, face à la puissance d’une économie prête à changer d’avis si elle y trouve son profit. Dans cette optique, la morale, la culture, les mentalités et oserais-je le dire, le bonheur, n’ont pas de rôle à jouer. Le savant détient la clé, il suffit de lui laisser les rênes et si on le fait pas , ce n’est que temps perdu. Passons sur le fait que ses récits sont parfois erronés sur des détails, tout le monde, même Claude Allègre a le droit à l’erreur.

Le chapitre trois permet à nouveau de mieux cerner la personnalité de l’auteur qui, de mon point de vue, comme le dirait un autre grand penseur du siècle passé, Thierry Rolland, ne donne pas envie de « partir en vacances avec lui ».Nous découvrons un Allègre plein d’humour qui titre ce chapitre « Les vacances de Monsieur Hulot ». Il n’a pas pu résister à ce qu’il doit tenir pour un trait d’esprit, mais qui s’avère n’avoir pas de vrai rapport avec le contenu, car de vacances pour Nicolas Hulot, il n’est nulle part question ! Ce chapitre est un démolition systématique de l’animateur-écologiste, de son livre et de son « pacte écologique ».Certains des reproches faits à Hulot sont tout à fait justifiés, notamment sur la faiblesse réelle des propositions et le refus de prendre position en termes politiques. C’est toute la limite de la démarche de Nicolas Hulot ! Mais Allègre en profite pour répéter de manière circulaire que le programme de Hulot ramènerait la France au Moyen Age et créerait des centaines de milliers de chômeurs par an. On y trouve de belles saillies qui en disent long sur l’argumentation, comme celle-ci, page 54 :

« Pour arrêter les émissions de méthane, va-t-on équiper le cul des vaches de filtres absorbants ou va-t-on simplement les éliminer ? »

Ce genre de propos subtil voisine avec des contre-vérités très parisiennes, comme :

« L’agriculture bio de proximité généralisée ne fera qu’accentuer l’exode rural et notre dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur » page 55

Dommage qu’il n’ait pas eu connaissance des conclusions de la Conférence Internationale « Agriculture biologique et sécurité alimentaire » tenue en mai 2006 sous l’égide de la FAO, qui conclue que la conversion totale de l’agriculture mondiale en biologique permettrait d’augmenter les rendements de 56%, nonobstant les arrêts de pollution et les maladies liées à l’empoisonnement lent consécutif à l’agriculture productiviste chimique ! Mais la FAO doit appartenir au complot judéo-maçonnique mondial qui se dresse contre la clairvoyance d’Allègre ! Je vous fais grâce d’autres attaques contre Hulot et les membres de sa fondation, présentés comme de vrais imbéciles ou des ayatollahs, c’est selon ! Je suis d’accord avec Claude Allègre que la démarche d’Hulot a plutôt stérilisé le débat environnemental des dernières présidentielles, car un pacte signé par tous perd toute pertinence, il ramène la discussion à un consensus mou qui ne peut amener des choix discriminants. De même, certaines propositions concernant le passage de la route au rail sont réalistes. Par contre l’intransigeance vis-à-vis de la croissance est grave. Voilà un monsieur qui n’accepte pas de discuter des points nodaux du débat, alors même qu’il écrit ailleurs dans ce livre que le propre de la discussion scientifique est de comparer des arguments et de trancher après sans chercher le consensus. Cela signifie donc que Claude Allègre considère que la croissance et le profit capitaliste ne sont même pas discutables ; intéressant pour un militant du parti socialiste (mais en fait pas du tout surprenant) !

« Car, sans croissance, il n’y a aucune politique de l’emploi ni aucune politique socilae possible, ni même aucune politique qui serait accpetée par les citoyens. » page 51

La pensée unique totalitaire est là, pas dans le fait de proposer un arrêt de croissance. Allègre n’est absolument pas compétent en économie, mais il se permet d’asséner ce propos comme un vérité révélée, reprenant ainsi l’antienne de tous les hommes politiques, tous formatés par les diverses formes de groupes de pression des dirigeants du capitalisme. Et pour détourner le propos, il se permet même d’écrire en concluant le chapitre 3 :

« L’idéal serait-il un régime écolo-totalitaire ? Certes, je ne pense pas que Nicolas Hulot ait en tête l’instauration d’un tel régime, mais je dis que la logique de son programme y conduit. Vladimir Illitch Oulianov ne pensait probablement pas, en 1917, que le régime qu’il instaurait allait devenir un régime de fer, privant les citoyens de liberté. C’est la logique des programmes qui donne ce genre de résultats. » page 56

Bravo, monsieur Allègre, cela s’appelle l’amalgame, c’est un procédé de tyran classique pour anéantir un adversaire en évitant de débattre du fond. Non, Hulot n’est pas Lénine, cette comparaison est scandaleuse de la part de quelqu’un qui se gargarise de la démocratie (mais que les manifestation démocratiques de ses administrés ont fait virer de son ministère, à la suite d’amalgames multiples stigamtisant le milieu enseignant !). La dernière phrase, si je la comprends bien, monsieur Allègre, dit clairement que pour éviter le risque de totalitarisme, il vaut mieux éviter d’avoir un programme. De ce côté-là vous êtes paré, votre seul programme est votre glorification.

« La secte verte », c’est le titre du chapitre suivant. Après s’être acharné sur Nicolas Hulot, notre savant s’en prend à l’ensemble du mouvement écologiste. Il commence par poser le principe d’équivalence entre la religion, qu’il exècre (voir un autre de ses chefs d’œuvre « Dieu et la science ») et l’écologie et ses adeptes. Le moins que l’on puisse dire est que c’est une démarche discutable. Mais il a besoin de cela pour développer ensuite sa vindicte. Il attaque donc le mouvement écologiste sur la supériorité accordée à la nature sur l’homme, reprend son refrain sur le retour à l’âge des cavernes, retape un coup sur la décroissance, ridiculise la position anti-nucléaire en apportant comme argument la seule distinction entre le nucléaire militaire, très dangereux, et le nucléaire civil inoffensif. Argument totalement fallacieux quand on voit les cas coréens et iraniens. Argument qui fait absolument fi des risques d’accident et du probléme de la rémanence des déchets. Il s’en prend ensuite aux OGM et balance là toute son agressivité primitive et finit pas s’en prendre à l’aspect religieux de l’écologie et propose même les futurs Dix Commandements qui seront appris par cœur à l’école dès que la secte verte aura pris le contrôle de l’Education Nationale. C’est un peu long mais je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce morceau de bravoure :

« Les Dix Commandements (selon le pacte de M. Hulot)

La nature tu aimeras, plus que l’Homme assurément,

Nucléaire tu combattras, sans relâche continûment,

OGM tu détruiras, sans coup férir obstinément,

Effet de serre tu abhoreras, sans comprendre évidemment,

Désormais tu mangeras légumes bio uniquement,

Le mouton tu sacrifieras pour les loups et ours sauvagement ;

Economie : tu ignoreras ses contraintes naturellement,

Du bois tu te chaufferas en croyant bien faire tout bonnement,

Progrès technique tu combattras, sans états d’âme et constamment,

la Planète tu vénéreras, sans les Humains évidemment.

A apprendre par cœur, obligatoire au bac ! »

Je crois que cela se passe de commentaires détaillés ; le lecteur remarquera simplement à la fois le mépris pour les écologistes censés ne rien comprendre et la pratique de l’amalgame de la totalité du mouvement écologiste à sa fraction la plus dure, effectivement totalitaires, la Deep Ecology, très bien identifiée mais minoritaire.

Il s’en prend ensuite à ceux qu’ il appellent les gourous de l’écologie. Avec son incomparable humour, il parodie Sergio Leone et les surnomme « Le bon, la brute et le truand ». ils sont donc trois à subir son ire. Le bon, c’est Nicolas Hulot, dont il déjà réglé le cas dans le chapitre précdent. Il va donc s’occuper des deux autres : José Bové et Al Gore. Bové, pour lui, c’est la brute. Le casseur violent, l’abruti anti-OGM. Visiblement, ce puits de culture qu’est Claude Allègre n’a pas lu les livres de José Bové, sinon il saurait qu’il est capable de penser et parfois fort subtilement. Le truand, c’est Al Gore, pour lequel il a le plus profond mépris, qu’il considère comme un nul. Certes sur l’aspect financier de la démarche de Gore, il n’a pas fondamentalement tort : Al Gore a trouvé un créneau porteur, créé des sociétés de conseil environnemental, délivre des conférence facturées au prix fort, consomme de l’énergie à tour de bras et compense carbone des pérégrinations incessantes. Bref, pour lui, comme pour moi, ce n’est pas vraiment le modèle à suivre. Mais au-delà de cet avis, il y a la forme de la mise en cause, tant pour Bové que pour Gore ; On retrouve dans ces lignes la caractéristique principale de Claude Allègre, la rusticité. Que cet homme aussi fruste, rustre et sans courtoisie aucune ait pu atteindre les sphères les plus hautes de l’Etat laisse perplexe, mais en même temps confirme la piètre opinion que l’on a des dirigeants politiques quand on se met à gratter sous le vernis public. Lui n’a même pas le vernis.

« La brute, c’est sans conteste José Bové. Son mode d’expression, c’est d’abord et avant tout la violence. Il a hérité cela de l’activisme qu’il pratique depuis mai 68. [Bové avait 14 ans en 68 !]… Bové c’est le far west écologique….Il doit être en prison et y rester. » pages 65-66

Voilà comme Allègre traite les gens avec qui il n’est pas d’accord ! Sans commentaires !

Ensuite Allègre glose sur l’agressivité des Verts qui seraient des dangereux terroristes menaçant de mort tous les gens en désaccord avec eux, semant la peur partout… Et évidemment la victime innocente est ce malheureux Claude Allègre, persécuté depuis sa chronique de l’Express où il remettait en cause la part anthropique du réchauffement climatique. Il s’autorise ensuite à faire une petit histoire de l’écologie où il n’y a que deux camps, ses amis, comme Edgar Morin ou George Charpak, et les autres, tous des intégristes ! Ces pages sont malhonnêtes et nauséabondes, encore plus que ce qui précède, ce qui n’est pas peu dire. Enfin nous arrivons à la partie élégamment titrée : « Principe de précaution : piège à cons ». Ca a au moins le mérite d’être clair et révélateur, encore une fois, de la finesse argumentative du personnage. Pour lui, il ne sert à rien de se méfier, la science ne peut errer, il n’est visiblement pas assez intelligent pour associer en même temps deux idées, comme la science et le capitalisme et voir que c’est l’alliance des deux, couplée à l’impuissance politique assumée qui rendent le principe de précaution nécessaire ; Il n’est pas assez cultivé non plus pour savoir que la réflexion sur le principe de précaution émane de deux penseurs français d’un autre calibre que lui, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, et ce dès les années cinquante. Pour lui, il est né en Allemagne en 1976 ! Bref, il fait preuve dans cette partie d’une stupidité éclatante mais pas innocente, car elle établit clairement qu’il est en fait tout à fait réactionnaire, libéral et donc un pur produit de la droite classique, ce qui rend tout à fait légitime ses contacts récents avec Nicolas Sarkozy. Enfin, ce merveilleux chapitre se clôt sur des considérations sur l’inutilité des élus et hommes politiques écolos, surtout en France. Bref, si Allègre souhaite se faire des amis, il n’a pas vraiment la manière. Un chapitre-poubelle qui devrait être distribué aux lycéens et étudiants en début de cours de biologie ! Au total quatre-vingt pages ahurissantes de vanité grenouillesque et de haine primaire, le tout écrit sans aucune grâce, car entre autres défauts, Claude Allègre n’a aucun talent d’écriture, il se contente d’aligner les phrases, les jeux de mots grotesques et les insultes basiques. Et ça se vend, grâce à la complicité du système médiatique pour lequel Allègre est un bon « client », car capable de dire quasiment n’importe quoi à n’importe qui en direct ! Après ces quatre-vingts pages minables, il attaque enfin le contenu réel du livre.

Le chapitre 4 aborde donc enfin un thème précis, il s’agit du réchauffement climatique. C’est un chapitre assez volumineux de 40 pages qui présente nettement deux parties. La première est à la fois une charge contre ceux qui croient au « Global Warming » et les médias qui diffusent cette croyance. Allègre y fait l’éloge du doute scientifique. Certes, on retrouve la propension du savantissime à mépriser les autres, mais ce qu’il écrit sur le doute et les méthodes de calcul des faits climatiques est intéressant. Il cite évidemment en priorité ceux qui remettent en cause le phénomène anthropique, mais son propos est ici plus nuancé que dans certains entretiens qu’il a pu donner récemment. Il n’évite pas les approximations et les bourdes, ou bien tranche des questions en débat depuis des années, comme lorsqu’il affirme :

« Songez qu’il y a 65 millions d’années, une énorme éruption volcanique en Inde fut le principal responsable d’une extinction énorme des espèces, dont les fameux dinosaures. » page 107

Ceci est la position de Claude Allègre, absolument pas un fait établi scientifiquement. Il n’existe en la matière que des hypothèses. Dans cette première partie, il critique le GIEC, groupe de travail international sur l’étude du climat, à l’initiative de l’ONU. Seuls ceux qui en ont démissionné ont eu raison. La charge est lourde, mais elle n’est pas fausse, surtout quand on se souvient des tractations récentes pour arriver à publier une synthèse pour les décideurs qui soit acceptée par les grands pays ! La critique de Kyoto est tout à fait valide sur le fond, mais la forme est toujours aussi peu raffinée. Dans la seconde partie de ce chapitre, il évoque à la fois les faits incontestables et les remèdes possibles. Sur les faits, il est assez précis et exact, hormis le long débat qu’il a mené sur le C02 dont il conteste la montée anthropique (ce qui est une absurdité au moins partielle, quand on connaît les chiffres produits annuellement par notre mode de vie occidental). Sur les solutions proposées, je suis assez en accord avec lui lorsqu’il dit que la meilleure stratégie est de s’adapter aux changements en cours. Il écarte ainsi les hypothèses farfelues de certains savants. Il a même cette phrase assez étonnante :

« Ces propositions sont à classer avec celle de l’homme démiurge. L’homme est assezpuissant pour menacer les équilibres naturels, donc l’homme est assez puissant pour les contrôler ! L’homme est un dieu. » page 126

Les propositions évoquées sont celles qui consisteraient à envoyer des composés souffrés dans la stratosphères, à répandre du fer dans les océans, à mettre des pompes sur le trajet du Gulf Stream… Je suis heureux qu’il n’adhère pas à ces projets complètements fous. Les solutions qu’il propose dans les pages de fin du chapitre sont censées et se retrouvent dans de très nombreuses démarches écologiques. La seule exception notable est ce culte de la croissance qu’il ne peut visiblement pas remettre en cause. Il répète encore plusieurs fois qu’il est hors de question de changer le mode de vie des Français et d’empêcher les pays émergents d’y accéder, alors que tous les calculs d’empreinte écologqiue démontrent le contraire, mais sans doute ne croit-il pas non plus à l’empreinte écologique ? Dans le bilan que l’on peut tirer de ce chapitre il faut dire que le contenu infiormatif est assez correct, que la discussion sur le doute est salubre et que les propositions sont à considérer. Au total, ce chapitre n’est pas du tout iconoclaste, sauf sur la question du lien CO2/élévation de température, qui est effectivement discutable. Et pourtant il essaie à tout prix, par un style agressif parfois de mettre en avant sa perspicacité et son originalité. Dans ce cas précis c’est raté.

Nous trouvons ensuite un chapitre titré « L’énergie: quelles mutations? Quelles échéances? ». Dans ce développement, Claude Allègre énumère les réserves supposées en pétrole, gaz, charcon, uranium et analyse à peu près correctement l’avenir proche. Il est d’accord pour dire que le pétrole commencera à faire défaut vers 2070, que le charbon est garanti plus longtemps mais pose un problème de CO². Les énergies renouvelables ne l’emballent pas, sauf la géothermie(réflexe de géologue) et le solaire. Il ne compte pas sur elles pour prendre le relais.Il appuie son argumentation personnelle sur trois points: la séquestration du CO², les voitures hybrides et le nucléaire. Sur le premier point, il est plus solide que sur les autres car il est réellement compétent dans l’étude des lieux où séquestrer le CO² sous terre. Il soutient l’enfouissement souterrain de CO² combiné avec des solutions salines pour fabriquer ainsi du calcaire. Ce n’est pas une mauvaise solution, même si elle ne saurait être exclusive du mainitient d’un boisement important et d’un océan propre et actif. Sur la consommation d’énergie en automobile, sa seule réponse est la voiture hybride, car il pense que la voiture à hydrogène est pour dans pas mal de temps. Le développement des transports en commun n’est guère évoqué car une des obsessions du bon Professeur Allègre est de ne pas toucher au niveau de vie des Français qui doit toujours progresser (donc la croissance est obligatoire). La voiture hybride est donc la panacée. C’est quand même un argument un peu court face à l’importance de la crise énergétique en vue. De plus, il n’est jamais fait une seule allusion aux générations futures dont il semble se battre l’oeil éperdument. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’encombre pas de soucis moraux! C’est d’ailleurs ce qui fait de lui un fan du nucléaire; il propose même que l’on motorise les super-tanker au nucléaire. Il évacue d’une périphrase les risques d’accident qui ne sont jamais sérieusement évoqués, pour lui Tchernobyl n’existe pas! Quand au délicat problème des déchets à longue durée de radiation, on les enterre, mais mieux encore, grâce aux surgénérateurs il n’y en a plus: tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes d’Areva. Ce chapitre surprend par la faiblesse de son analyse de fond et son absence de considérations éthiques.

Le suivant, sobrement titré « Organismes génétiquement modifiés », est du même tonneau. Allègre nous a déjà dit très crûment ce qu’il pensait du principe de précaution, il ne sera donc jamais évoqué ici. Les OGM sont posés comme absolument non problématiques, alors que de très nombreux autres savants, dont Jean-Marie Pelt, qui n’est pas un âne, sont très prudents et ont des arguments réels pour cela. Pour Allègre, l’OGM est quasiment miraculeux. Son texte mène deux tâches de front: ridiculiser les faucheurs et les opposants d’une part, et de l’autre faire l’apologie du futur estampillé OGM.Il présente donc l’ensemble de l’argumentaire des industriels du secteur, à tel point que l’on peut s’interroger sur d’éventuels liens financiers entre eux et lui, tant la flagornerie est forte. Ce chapitre est sans nul doute celui qui montre le mieux le caractère scientiste borné de notre savant. Le doute dont il fait un argument pour son livre ne l’effleure pas une seule fois. Il n’a visiblement pas eu connaissance des cas de barrière des espèces qui ont été franchies, de modifications perverses. Il croit dur comme fer que la famine sera éradiquée par les OGM (cela a-t-il été le cas lors de la Révolution Verte?), que les savants cherchent avant tout à guérir les maladies orphelines par la génétique. Il n’ccepte donc aucun compromis en la matière. Son argument le plus fort est que la France ne doit pas être distancée dans la course à l’innovation et à la production agricole. Qu’il y ait des risques absolument non soupçonnables et soupçonnés ne le concerne pas. Il écarte d’un revers de main l’argument de « Terminator » qui oblige les paysans à racheter chaque année leurs semences, en niant le fait que cela soit très grave pour des millions de paysans pauvres. Il prétend que toute l’histoire de l’agriculture est OGM, mettant sur le même plan les croisements-sélections des paysans depuis le néolithique et les manipulations génétiques de laboratoire des dernières décennies. Voici un vrai mensonge proféré sans vergogne. Dans ce chapitre-là aussi, l’argumentation relève plus de l’incantation que de la démonstration et néglige tous les points qui fâchent.

Le chapitre suivant, « L’eau et la Terre » est de loin un des meilleurs, avec celui qui le suit, « Biosphère, biodiversité ». là, notre grand homme ne peut nier les évidences. Il donne donc, assez sobrement des informations connues qu’il n’altère pas et propose des solutions non-originales qui font largement consensus dans le milieu écologique. Ce n’est pas du vrai Allègre comme on l’aime!

Il écrit ensuite un chapitre sur l’ « Ecologie des villes », qui reprend un livre de lui paru en 1993. Ce chapitre est à vrai dire assez insignifiant. Il reprend des thématiques ultra-connues, commes les diverses pollutions urbaines de l’air, de l’eau, des sols et sous-sols, ainsi que le problème des déchets urbains. Cela ressemble à un assez laborieux devoir imposé. Il n’y a, là aussi, pas l’ombre d’une réflexion de fond sur la ville et l’urbanité comme signifiant. Visiblement cela dépasse ses capacités spéculatives et ne l’intéresse nullement. Il y a pourtant une vraie réflexion à mener sur ce qui est en passe de devenir le modèle dominant mondial..

Mais le meilleur est pour la fin, avec le chapitre « L’économie écologique ». En soi, Claude Allègre n’innove nullement, je dirais même qu’il est un peu ringard par rapport à ses grands amis américains qui ont pris en 2006 le grand virage vert de leur industrie et adopté comme slogan explicite « Green is gold » (ce qui est vert est de l’or!). Il veut démontrer que la croissance à venir va se faire sur le besoin écologique et que la solution à tous les problèmes évoqués précédemment est simplement technologique. Pour ce faire, il se lance dans un exercice qu’il ne maîtrise absolument pas, celui d’unedémonstration à partir d’auteurs de la discipline. Là on est carrément dans le ridicule lorsqu’il essaie d’utiliser Léontief pour étayer sa démarche. Visiblement il n’a lu que Daniel Cohen (ce qui est une excellente référence), mais seulement son dernier livre, ce qui est bien dommage! Le chapitre se termine par une liste des secteurs industriels qui vont se développer sur les bases de l’écologie allégrienne. C’est un simple résumé des quelques propositions qui ont été faites au cours des chapitres précédents. Rien d’original, juste les obsessions du monsieur, déjà citées. Il termine par des conseils politiques au plus haut niveau, lui qui s’est avéré être un fin tacticien quand il fut ministre!

Faisons le bilan de ce livre que je vous déconseille d’acheter, car il vaut mieux protéger la forêt que d’enrichir Claude Allègre (il n’a même pas fait imprimer son livre sur du papier recyclé, le bougre!). Un livre dont le premier tiers est un vil règlement de compte avec tous ceux qu’il méprise, et ça fait du monde. Des pages-torchons. Ensuite 150 pages sur des thèmes où il se borne à reprendre des faits extrêment bien connus, à procéder parfois à des approximations, à promouvoir des positions sans démonstration. Bref, un livre vraiment pas rigoureux, surprenant pour un aussi grand savant. Il y a vraiment de nombreux livres que je vous conseille de lire à la place de celui-ci si vous êtes concernés par l’avenir de notre espèce et de notre planète.

Jean-Michel Dauriac – juillet 2007

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Le retour d’un fils prodigue : notes de lecture sur « Comment je suis redevenu chrétien »

« Comment je suis redevenu chrétien »

De J.Claude Guillebaud Albin Michel – 2007 Paris – 182 pages

En écrivant ce livre, JCG fait le point sur son parcours personnel depuis une quarantaine d’années, ce qui nous permet de refaire le chemin avec lui. De ses vingt ans de journaliste, comme grand reporter il dit surtout le paradoxe majeur : celui d’être au cœur de l’histoire du monde à un tournant et en même temps cette vision horizontale qui ne donne aucun outil sérieux pour saisir ce à quoi on assiste. Il raccroche le bloc-note au bout de vingt ans, non sans avoir obtenu le prix Albert Londres (ce qu’il ne dit pas car il est très modeste) et gagné une réputation de grand professionnel. Il n’arrivait pas à se détacher du monde et des hommes broyés par l’Histoiretoire ; il ne pouvait avoir l’ « indifférence professionnelle » nécessaire pour durer dans ce métier (cf l’épisode du Vietnam narré page 29). Il devient éditeur au Seuil et commence alors sa seconde existence professionnelle.

Ici commence véritablement le récit personnel de ce livre-ci.

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JCG dit de cette période de plus de dix ans (1981-1995) qu’il est redevenu étudiant, se mettant à lire tout ce qui lui est nécessaire pour posséder les outils qui lui manquaient. Il parcourt les sciences humaines, rencontre les penseurs français qui les animent, comme Edgar Morin, Jacques Derrida, René Girard ou Régis Debray. Il mesure mieux ainsi tout ce qu’il ne sait pas, malgré un bagage solide acquis en formation initiale. Il a déjà publié de nombreux livres, surtout des récits de voyage ou de reportages, mais il se trouve alors dans une phase particulière : il n’ose rien écrire de « sérieux » durant toutes ces années, se contentant de publier des livres dans la lignée de ses précédents ouvrages. Il attendra 1995 pour écrire son premier essai, « La trahison des Lumières », au titre référentiel à Benda et à sa « trahison des clercs ». Débute alors une recherche sur les questions primordiales de l’existence, chacun de ses livres s’interrogeant sous un certain angle la quête de sens de la vie. Presque tous ces livres sont primés. Tous sont bons, utiles et lus par un public fidèle qui le suit de parution en parution[1]. Son œuvre est celle d’un passeur entre les chercheurs, souvent incapables de communiquer avec le public ordinaire , et ce « grand public » mythique qui est la base du peuple cultivé de notre pays. Car il faut être curieux et cultivé pour lire ses livres. Chacun d’eux est le résultat d’un prodigieux travail d’enquête que l’on peut mesurer, si l’on a fait de la recherche en sciences humaines, par la diversité des notes, des ouvrages lus et cités, souvent résumés, ce qui interdit la tricherie du fumiste, si répandue de nos jours. Les six livres parus depuis 1995 constituent une formidable encyclopédie philosophique contemporaine de la pensée occidentale. Car JCG est suffisamment humble pour ne pas aller là où il n’est pas compétent. Il laisse donc hors du champ de sa réflexion les cultures qu’il ne connaît pas assez bien pour en parler sérieusement. Belle leçon qui devrait être mieux retenue !

Dans ce livre, il explique comment pas ses longues recherches pour écrire ces six gros livres il est redevenu chrétien. Pour qui le lit depuis l’origine dans ses essais, comme moi, il me semblait totalement évident que cet homme-là n’était pas un intellectuel standard de notre beau pays, athée, matérialiste, anti-religieux et anticlérical. Mais sa méthode précautionneuse de présentation des diverses hypothèses ne permettait pas de savoir exactement sa position. Il était clair qu’il était pétri d’humanisme, mais quid du rapport au christianisme ? « Comment je suis redevenu chrétien » est donc l’occasion pour les lecteurs fidèles de JCG de mieux comprendre les étapes par lesquelles il est passé pour en arriver à ce livre. Il est finalement très inscrit dans son époque : comme tous les jeunes hommes de sa génération, 24 ans en 1968, il a abandonné en route tout rapport à la religion, naturellement, sans déchirement moral, comme quelque chose d’inutile, qu’on oublie sans s‘en rendre compte puisqu’il n’en est nul besoin. Dans le grand ébranlement de ces années 1970, un monde nouveau semblait se construire, sur des utopies qui se révélèrent très vite meurtrières. Le communisme soviétique ne trompait plus personne déjà, le rêve maoïste fut de courte durée, le castrisme et le guévarisme semblaient exotiques. La violence aveugle de la Bande à Baader, des Brigades Rouges ou d’Action Directe menait dans une impasse suicidaire. Le monde s’embrasait un peu partout : Liban, Vietnam, Afghanistan, Iran, Irak… A ces années de retour à la dure réalité succédèrent en France les années-fric ; JCG devient éditeur et commence à revenir à l’essentiel. Il passera alors par trois étapes qu’il nommera « cercles » par hommage à Dante sans doute (ou à Soljenytsine)). Ces trois cercles traversés sont emboîtés et correspondent à une prise de conscience de plus en plus nette de la puissance du christianisme..

Le premier cercle est celui des « sources de la modernité ». Celui-ci est le fruit des études sérieuses et poussées que JCG a menées durant dix ans et qui interrogent les trois premiers livres de sa série : « La trahison des Lumières », « la Tyrannie du plaisir » et « La refondation du monde ». En écrivant ces ouvrages, l’auteur fait un panorama complet de la pensée occidentale, tant dans ses sources que dans sa contemporanéité. Il est alors inévitable qu’il soit interpelé par l’apport des penseurs chrétiens, véritables balises de notre culture. Car il y a bien Aristote et Platon, Montaigne et Montesquieu, Nietzsche et Heidegger, mais il y a aussi les Pères de l’Eglise, Saint-Augustin, Thomas d’Aquin, Luther, Rousseau et bien d’autres dont Descartes et Pascal, ou Spinoza… A l’issue de cette longue recherche très productive, le constat que dresse JCG est évident : la modernité et une bonne part de nos valeurs laïques ont leur source dans le christianisme. Quand il publie « La refondation du monde », il est déjà sorti de premier cercle et entré dans le deuxième.

Celui-ci est titré « La subversion du christianisme » ; Et là, enfin, JCG est obligé de se dévoiler et de dire l’influence considérable qu’eut sur lui Jacques Ellul, qui fut d’abord son professeur à Bordeaux, puis un de ses auteurs au Seuil. Guillebaud fut l’éditeur du livre titré ainsi, qui est sans nul doute un des plus grands et des plus forts d’Ellul. Il assista à la genèse de ce livre qui n’a pas pris une ride. Il fut, dit-il, frappé par la « probité » d’Ellul dans cet ouvrage. Et c’est exactement le mot qui convient à sa démarche. Dans ce livre Ellul met à jour les deux faces du paradoxe chrétien qu’il doit assumer. D’un côté le christianisme est totalement subversif par son message, tant au plan social que politique et religieux, il faut donc proclamer ce message dérangeant et pas un autre ; de l’autre, ce message a été totalement subverti par les grandes religions qui ont « tué » le caractère subversif initial en l’institutionnalisant. Mais tout chrétien doit assumer ensemble les deux termes du paradoxe ; il est impossible de faire autrement. JCG a réalisé à quel point Ellul disait vrai. Il en a été définitivement marqué. Et il est bien qu’il rende hommage à Jacques Ellul de cette manière si précise, car il reste pour l’heure celui qui a su le mieux affirmer la force et la fragilité de la foi chrétienne, et le vivre ainsi, sans édulcorer le message. JCG parle d’ailleurs à propos de « La subversion du christianisme » de livre libertaire. Il a parfaitement raison. Ellul assumait complètement ce paradoxe supplémentaire d’être un chrétien converti et un anarchiste qui se défie complètement de l’ Etat et de tout autorité humaine. Là, on sent bien que Guillebaud cale, a peur. Il reprend les propos du maître en les édulcorant un peu. Sa nature profonde est là ; JCG n’est pas un combattant, c’est un homme de raison, pondéré et respectueux. Il a cependant saisi et assimilé en lui-même ce qu’Ellul voulait communiquer par son ouvrage : le caractère extrêmement progressiste et révolutionnaire de l’Evangile, alors même que le discours « tendance » est aujourd’hui à la ringardisation des chrétiens par la mise en avant de ce qui en est la plus grosse caricature.

Le troisième cercle est celui de « la foi comme décision ». Le dernier livre de JCG en est la trace la plus nette. « La force de conviction » est en effet sous-titré « A quoi pouvons-nous croire ? » Dans ce livre-là, JCG dévoile plus clairement sa position et montre le rôle positif qu’a joué et que peut jouer la foi chrétienne, à côté d’autres convictions. On sent, en lisant ce livre que l’auteur est plus assuré sur ce qu’il croit lui-même. La critique est aussi plus sévère sur les autres croyances du temps ; bref, l’engagement personnel de ce livre-là est plus perceptible. JCG le dit lui-même, il est au bord du plongeoir : va-t-il sauter ? Sauter dans ce qui est le grand vide que rien ne peut expliquer, la foi. Il croit, il se retrouve chez lui au milieu des croyants juifs et chrétiens, il a maintenant la conviction de la valeur du christianisme ; Mais a-t-il cette foi du fidèle, au sens étymologique ? La récitation du credo lui pose toujours problème sur certains passages. Il est clair en le lisant qu’il n’est pas encore passé de l’autre côté du miroir, celui où notre intelligence accepte de ne pas savoir et de ne pas comprendre. La résurrection, la vie éternelle, le pardon des péchés… tout cela n’est pas rationnel. C’est là qu’intervient cette volonté personnelle qui vient à la rencontre du Dieu crucifié et saisit sa Parole comme la vérité. Il a l’honnêteté de dire qu’il en est là, qu’il n’a pas eu l’illumination, le chemin de Damas ou le pilier de Notre-Dame. On saluera aussi dans cette troisième partie les propos qui rendent à nos frères juifs toute leur place dans l’origine de notre foi et de notre culture. Il serait vraiment utile que cette attitude se généralise.

Voici donc un petit livre qui n’est pas aussi tonitruant que l’était le « Dieu existe ; je l’ai rencontréé d’André Frossart. Il s’agit plus d’un bilan de cheminement que du récit d’une conversion. JCG est finalement rentré chez lui, dans sa famille spirituelle. Il y est bien, mais discret, pas assuré de tout. Mais après tout qui peut être assuré de tout en la matière ?

Terminons par la très belle citation d’Albert Camus qui ouvre le livre :

« Ce que le monde attend des chrétiens est que les chrétiens parlent à haute et claire voix, et qu’ils portent leur condamnation de telle façon que jamais le doute, jamais un seul doute ne puisse se lever dans le cœur de l’homme le plus simple. C’est qu’il sortent de l’abstraction et qu’ils se mettent en face de la figure ensanglantée qu’à prise l’histoire aujourd’hui. »

Exposé fait au couvent des Dominicains de La tour-Maubourg en 1948 – « Actuelles- chroniques 1944-1948 » Gallimard 1950.

Jean-Michel Dauriac – juillet 2007



 

[1] « As-tu lu le dernier Guillebaud ? » est une phrase-clé échangée avec mon ami Pierre, ceui des deux qui la prononce en premier ayant théoriquement l’avantage sur l’autre

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Un monde de ressources rares – E. Orsenna & le cercle des économistes – 2007 – Perrin : dangereux et couard!

Voici un livre au titre prometteur et qui s’inscrit fort bien dans une question d’actualité urgente sur le devenir des hommes et leurs activités. En quatrième de couverture, un petit texte en italique :

« Dans la suite et l’esprit de l’ouvrage d’Erik Orsenna « Voyages au pays du coton », ce livre décortique les enjeux d’une stratégie efficace pour lutter contre la rareté »

 

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Là, j’aurais franchement dû me méfier ! Mais au lieu de bien me fixer sur « stratégie efficace pour lutter contre la rareté », je me suis surtout laissé prendre par le début de la phrase. J’avais bien aimé le livre cité (voir critique de cet ouvrage sur ce site ), j’ai donc acheté celui-ci.

Les premières pages noient le poisson sous des considérations personnelles de notre aimable académicien socialiste. Il y fait état de sa profession d’économiste et de sa passion constante pour cette discipline, y compris dans son œuvre littéraire. Sympathique mais anecdotique. On y revient sur le coton, on se retrouve dans une de ces réunions post-coloniales avec les chefs d’Etat africains. Bref c’est encore la chiraquo-Mitterrandie !

Ensuite, le vif du sujet : « Aujourd’hui la rareté ». Partie programmatique qui annonce le plan du livre, extrêmement construit, comme un bon cours universitaire ou un rapport international. Aussi froid et impersonnel également. Le chapitre un est un des plus intéressants du livre, car il donne la vision de la rareté par les économistes et leur créneau d’activité :

« Ce livre se veut guide d’action, à partir d’une analyse rigoureuse de ce que sont les raretés aujourd’hui et propose quatre grandes modalités d’un rêve, celui d’une vraie gouvernance économique mondiale » page 26

« Un monde de ressources rares exige des progrès de la régulation » page 27

avec ces deux citations tout est dit : les économistes veulent le pouvoir mondial, étant bien compris que c’est l’économie qui doit diriger la planète. La rareté se gère avec plus de régulation, donc plus d’économistes, de gauche sociale-démocrate de préférence. De cette profession de foi découle une des rares vraies propositions de ce livre :

« Nous appelons dès à présent à l’élargissement du G8 aux principales puissances émergentes. Nous soutenons également la création d’une Agence Internationale de l’Environnement et du Développement durable. Mais n’oublions pas pour autant que nombre de sujets doivent être appropriés et gérés au niveau local. C’est notamment le cas pour l’eau, l’agriculture, la santé, la qualification et l’innovation » page 27

Voilà pour le glocal. Pour en arriver à ces propositions qui sont les plus percutantes du livres il a fallu des Rencontres avec plus de 150 intervenants de haut niveau, économistes connus et personnalités économiques, cornaqués par Christian de Boissieu ! Face à l’urgence de la rareté, il n’y a pour ces grands esprits que des agences internationales, un G quelque chose et une gestion locale dont les contenus ne seront nulle part précisés. Un peu plus loin deux petits morceaux de phrase :

« La gouvernance reste à inventer pour ces raretés … » page 28

« Notre ambition d’économistes est de lutter contre la rareté, sans faire le moins du monde le procès de la croissance. » page 29.

Au moins c’est clair ! J’aurais dû jeter le livre à ce moment-là, car tout était dit, mais par une curiosité malsaine, un peu comme le blessé léger qui soulève son pansement pour voir la plaie, j’ai continué. En clair, pour ceux qui ne seraient pas habitués à la langue de bois de ce peuple merveilleux des économistes de cour, voici des experts qui nous annoncent qu’ils n’ont aucune idée de la façon dont on pourrait gérer cela (la gouvernance, cet affreux mot-valise ne dit rien d’autre !) et qui nous rassurent sur le fond : pas de risque de cibler la croissance, dogme infaillible de l’économiste de pouvoir. L’un d’entre eux serait-il capable, monsieur Orsenna par exemple, de m’expliquer, à moi pauvre crétin des Alpes et aux dizaines de millions de ses cons citoyens non éclairés, comment on en est venu à la rareté qui se pointe sur le pétrole, les minerais, l’eau… ? Cela n’aurait donc rien à voir avec la production, facteur numéro un de la croissance ? L’acier fabriqué depuis deux cents ans par les grands pays du monde n’expliquerait donc pas la raréfaction du fer ? Pas plus que les automobiles produites pas dizaines de millions chaque année n’expliqueraient la prochaine crise du pétrole, la dernière, celle de sa fin ? Donc, on ne fait pas de lien entre production, gaspillage et disparition de ressources non-renouvelables. Voilà qui est fort drôle, mais qui, sans aucun doute ne fera pas ciller la plupart des lecteurs du livre, tellement lobotomisés par la spirale vertueuse « emplois-consommation-croissance-emplois… ». On ne peut évoquer les raretés sans, au moins, poser comme une des hypothèses, un autre mode de vie et un autre système économique que la dictature du PIB croissant. Sinon, il s’agit de malhonnêteté intellectuelle ! Et c’est ce que fait ce livre tout au long de ces pages, où effectivement, jamais la croissance n’est attaquée, pas plus que le système capitaliste ou financier en sa légitimité profonde. Une fois ces limites absolues posées, nos chers économistes peuvent alors dérouler une glose de type énarque qui ne dira rien de désagréable et ressemblera, quant au fond, à un débat Sarkozy-Royal sur la croissance. Il suffit ensuite de poser quatre principes directeurs qui donneront les quatre parties suivantes et on a la bonne disssertation anesthésiante voulue.

« Quatre principes généraux se dégagent : les principe d’urgence (deuxième partie), le principe d’innovation (troisième partie), le principe de développement durable et équilibré (quatrième partie) et celui d’une nouvelle gouvernance mondiale (cinquième partie) . » page 30

Emballez, c’est pesé ! Ensuite, comme on dit en sport, on « déroule » la réthorique. On présente les quatre thèmes, avec au passage des phrases absurdes, comme celle-ci :

« Le climat apparaît aujourd’hui comme un bien public collectif, et en même temps un sujet majeur de dissenssions internationales » page 30

Deux fautes en une seule phrase : un bien public est toujours collectif, bravo pour le pléonasme ! Et surtout, ce n’est pas le climat qui est un bien public, ce qui n’a pas de sens (interrogez donc un climatologue !), mais les constituants du climats que sont l’eau et l’air.

Ce chapitre de problématique se clôt d’ailleurs par une phrase qui contient toute la contradiction sui generis de nos économistes. Méditez sur cette doublette de phrases !

« La réponse aux nouvelles raretés n’implique donc pas de renoncer à la croissance, au contraire. Elle impose, par exemple d’accepter le renouveau du nucléaire et le développement d’OGM. Mais elle suppose aussi le changement profond des modes de consommation des pays développés, un progrès des formes de redistribution et surtout une refondation de la gouvernance mondiale » page 32

Imaginons que Tchernobyl n’ait jamais eu lieu, que les OGM ne produisent jamais aucun cancer ou aucune mutation en chaîne dans le monde vivant ! A quoi bon s’embarrasser de ce fichu principe de précaution qui nuit tant à la croissance et aux FMN. Ce sont des propos qui peuvent, plus tard dans l’histoire, devenir ceux d’assassins publics, quand les générations futures feront faces à nos déchets nucléaires et aux maladies afférentes, quand les OGM auront modifié la biosphère. Mais la seconde phrase est drôlatique qui parle sans le nommer d’une obligatoire ascèse de consommation en Occident. Il faudra alors bien du talent pour expliquer que consommer moins, avoir moins de pouvoir d’achat est encore de la croissance, surtout au bon populo qui a bien retenu le message simplificateur qu’on lui martèle depuis cinquante ans (voir au-dessus).

Tout ceci est tiré du seul vrai premier chapitre du livre !

Il serait tout aussi aisé de se livrer à une analyse critique serrée du contenu de chaque chapitre et cela s’avèrereait très éclairant sur la faiblesse réelle du sens, masquée par la réthorique, plus ou moins complexe selon les rédacteurs. Car un autre des problèmes de ce livre est que les auteurs sont inconnus. Mais il est très facile de se rendre compte des différences de style, certains chapitres étant du pur jargon absolument inintelligible à qui n’a pas fait d’études d’économie, mais dont le sens profond est tout aussi creux que le reste. Car en fait, ce livre est un catalogue d’évidence et de poncifs, sans aucune vraie proposition, un simple listing de certaines expériences réalisées dans le monde. Aucune vision du monde n’habite ces pauvres économistes de haut niveau, mais ils en sont fiers puisque la seule finalité de leur discipline est d’exercer la gouvernance mondiale de la rareté, dont l’outil majeur est la fixation des prix. On croirait lire un manuel d’initiation à l’économie et le bréviaire d’une secte un peu simpliste. Plutôt que de disséquer chaque chapitre, je préfère donner au lecteur, que je ne prends pas pour un imbécile, des extraits particulièrement révélateurs de la démarche.

« Il est urgent que les pays industrialisés réalisent que la relation entre les riches et les pauvres, et la gestion de l’aide dépassent de loin le seul impératif de solidarité et conditionnent l’efficacité d’une gestion collective de la rareté dans ses différentes formes. » page 51

Qu’en termes choisis cela est dit ! Si tu n’aides pas ton semblables (pour en pas dire ton prochain ou l’Autre) par humanité, fais-le par souci économique : nous trouvons là toute l’idéologie résumée de l’humanitaire instrumentalisée par les pouvoirs économiques et politiques (écoulement des surplus de marché, conquête de nouveaux marchés par changement de régimes alimentaires, bouleversement des modes de vie et valeurs…).

Continuons donc cette promenade au merveilleux pays de l’économie !

Page 71 : « L’objectif ne consiste plus à atteindre l’autonomie alimentaire, évidemment impossible dans les pays développés, demandeurs de variété, mais la sécurité alimentaire. »

L’expression « autonomie alimentaire » est mise là seulement pour ne pas citer le concept économique de « souveraineté alimentaire » porté par les altermondialistes. Celui qui aura lu attentivement ce qui précède remarquera que ce passage est en contradiction ferme avec les propos de la page 32 rapportés plus haut sur le nécessaire changement de mode de consommation. La sécurité alimentaire est un concept de la même famille que la sécurité énergétique, dont on a pu mesurer la fragilité lors de deux chocs pétroliers et des crises liées à la guerre du Golfe ou celle d’Irak actuellement. Une crise alimentaire ne créée pas seulement une tension sur les prix et déplacements, mais elle amène des populations à la disettes, la famine et la mort ! Le capitalisme a tué l’agriculture dans son localisme pour en faire l’industrie de la terre. Le XXIème siècle pourrait être celui d’un retour aux dures contraintes de l’alimentation à se procurer sur place, crise des énergies oblige !

Un magnifique exercice de contorsionniste digne de Houdini, page 77 :

« Le défi du présent siècle, c’est de produire davantage d’énergie pour alimenter le développement économique des pays émergents et des pays les plus pauvres tout en gérant de façon soutenable le changement climatique. C’est le sens du développement durable. Il ne s’agit donc pas d’un troisième choc pétrolier mais plutôt d’un changement de paysage »

Il y aurait tout un article à écrire sur cette seule citation, tant elle est à la fois cynique, ghrotesque, mensongère et pleine de contradictions. Je me bornerai à donner les axes critiques.

« Produire davantage d’énergie » apparaît donc à nos savants comme le défi ; alors que tous les spécialistes de géologie minières, sauf Claude Allègre, la science ait son âme !, savent que les ressources naturelles, dont énergétiques, ont été consommées sans retenue depuis deux cents ans et qu’on s’achemine vers la raréfaction. Il est donc criminel d’écrire qu’il faut produire plus ; c’est hâter le saccage et laisser nos successeurs nus. Pour quelles finalités cela ? « Alimenter le développement économique des pays émergents et des pays les plus pauvres ». Après la croissance, voici l’autre pilier du modèle intouchable, un autre des impensables. Concept occidental s’il en est, ce modèle est le cheval de Troie de l’exploitation capitaliste et libérale, la cinquième colonne des multinationales, le malheur des pays du Sud. Nous leur offrons à la fois le modèle et l’échec de ce modèle ! Mais nos économistes raisonnables ne se posent aucune question. Il faut continuer, même si cela ressemble à un suicide collectif et à une mise sous tutelle implacable de quatre milliards d’individus sur six aujourd’hui et bien plus demain. Le ratrapage et l’égalisation des niveaux de développement sont tout bonnement impossibles, d’abord techniquement en raison de l’empreinte écologique qu’ils supposent, mais surtout parce que les inégalités sont le moteur de la croissance capitaliste ; Il y a donc là un double mensonge. Cette citation lève définitivement le masque sur le « développement durable », cette imposture médiatique occidentale, qui fait comme si on pouvait négocier avec le climat comme avec un syndicat ! Enfin, la dernière phrase plaira beaucoup au lecteur attentif par sa clarté et sa précision, digne d’un poème romantique,

Vous en voulez encore, vous n’êtes pas rassasiés ? Tiré de la partie courageusement titrée « Imposer un développement durable et équilibré », et du chapitre « Les exigences du climat », page 120, voici ce que nous lisons :

« Le rapport du groupe « facteur 4 » a été rendu public en 2006 (« Division par quatre de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2050 », la Documentation Française 2006), un peu avant la présentation du rapport Stern en Grande-Bretagne. Dans les deux rapports, l’exigence d’une croissance suffisante pour l’essor de l’emploi, la progression du niveau de vie et la gestion des réformes structurelles est rappelée. Il ne s’agit donc pas de se réfugier dans la fausse solution de la « décroissance », mais de réduire le contenu de la croissance en GES, spécialement en CO2 »

Là au moins c’est clairement dit : la fausse solution s’appelle la « décroissance », qui a droit à des guillements comme on met des gants pour sortir les poubelles ! Ce passage est aussi assassin que les précédents, car il ramène les enjeux de survie de la Terre et des Hommes aux seul Gaz à effet de serre. Ceci s’appelle une métonymie inversée, faire prendre le particulier pour le général ! Je suis partagé entre la colère et la pitié envers ce cénacle de pseudo-penseurs : feignent-ils d’ignorer que le problème porte sur une ensemble de facteurs interdépendants et que les GES sont un épiphénomène là-dedans, ou bien sont-ils vraiment convaincus des âneries qu’ils écrivent et font publier ? Je penche pour la première hypothèse. Produire toujours plus, c’est consommer toujours autant et plus de matières premières en voie de raréfaction, c’est élever le niveau de vie, donc pousser mécaniquement à la consommation matérielle, donc à la croissance des besoins, donc de l’emploi et donc des indicateurs de croissance et on continue. Il est irresponsable de faire croire aux gens, et ici aux Français, que c’est en roulant dans une voituire hybride (qui rejette moins de CO2) qu’ils vont régler le problème. C’est se faire les complices objectifs d’un homicide de masse dont les grandes firmes, leurs actionnaires anonymes et une infime minorité d’humains sont les promoteurs et bénéficiaires. Accepter de discuter de la croissance, de sa fin, de son ralentissement ou de son remplacement par autre chose n’est pas revenir au Moyen age et à la bougie ; on peut donner du mieux-être à tout le monde sur cette planète, mais pas en produisant plus ; en acceptant que nous, les riches nous réduisions notre consommation, d’ailleurs souvent compulsive et débile, donc de facto notre pouvoir d’achat, mais en même temps que soient mis en place des moyens coercitifs de redistribution réelle et de limitation des profits, seule condition pour que cela se fasse. Faire confiance au Marché et à l’humanisme des grands patrons et actionnaires est un leurre pitoyable indigne de gens cultivés comme nos auteurs. J’en déduis donc qu’ils sont complètement aliénés par le système qui les forme et les emploie.

Lisez maintenant attentivement la citation qui suit, tirée du chapitre suivant :

« En réalité, la situation est plus grave encore et plus complexe aussi. Car il faut ajouter que le scandale des inégalités se double d’un risque majeur : la consommation accélérée des ressources et l’accumulation des pollutions pourraient bien signifier, sinon la fin de la vie de notre satellite du moins un fonctionnement irréversiblement et gravement endommagé. En outre, il n’y pas de pilote dans le vaisseau. Certes, un pays, les Etats-Unis prétend piloter. Mais le plus puissant est-il le meilleur pilote ? » page 127

Si vous ne trouvez pas de contradiction flagrante entre ce passage et le précédent, consultez immédiatement un neurologue ! Ici sont soulignés les risques évidents en deux domaines en particulier, les ressources et les pollutions. Les conséquences dramatiques sont effleurées avec des termes forts, comme « fin de vie », « irréversiblement », « gravement endommagé ». On comprend bien que les auteurs de ce chapitre ne sont pas les mêmes que le précédent ! Comme faire une pensée un tantinet cohérente avec de telles oppositions !

Page 130 : « Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses grandes entreprises mondiales soient parties prenantes (c’est le cas par exemple au sein du WBCSD, World Business Council on Sustainable development) d’un développement durable qui représente d’abord pour elles la garantie d’une profitabilité à long terme »

Voici levée toute équivoque sur les motivations des grandes entreprises. Seul un profit à long terme les motive dans leur engagement vers le développement durable. C’est tout à fait exact. Peut-on faire confiance à ces entreprises pour sauver la planète et ses habitants ? Ce n’est pas leur objet ni leur objectif . C’est comme faire confiance à un alcoolique désintoxiqué pour gérer un stock de vins et spititueux : il faut une bonne dose de foi ou de crédulité, c’est selon. Là, je suis carrément sceptique.

Dans le même chapitre, page 135, cette phrase claire :

« L’évolution du monde semble donc engagé dans une impasse, sans que la majorité des acteurs responsables de cette évolution en aient une claire conscience et sans qu’une simple esquisse de gouvernement mondial puisse organiser les arbitrages indispensables. »

On y est : dans l’impasse. De plus les décideurs n’ont absolument pas pris la mesure de la gravité des faits. Et de plus, il n’y a aucun espoir actuel que les problèmes puissent être réglés par des décisions mondiales car les structures n’existent pas. Au moin cela a-t-il le mérite d’être clair. Il y a bien sûr, là encore un mensonge par omission : on laisse croire au lecteur qu’un tel gouvernement serait à même de régler les problèmes. C’est totalement faux : les grandes entreprises mondiales ne laisseront jamais une quelqconque institution internationale prendre des mesures contraires à leurs intérêts réels. Ce qui ne s’est jamais fait jusqu’à présent dans le capitalisme ne se fera pas, puisqu’il est posé comme condition à toute réflexion par nos auteurs qu’on ne touche pas au système !

La cinquième partie pose donc la gouvernance mondiale comme une nécessité et développe quelques aspects dans des chapitres où la rareté (selon l’économie) fait retour. Et que lisons-nous page 173 ?

« Le sous-développement est essentiellement un problème de rareté relative en biens vitaux, en capital, en divers biens publics, en connaissances, en appropriation des techniques, en capital humain. »

Le sous-développé est celui qui manque de tout cela, que nous avons en surplus et que nous pouvons lui vendre d’une manière ou d’une autre. Que le sous-développé appartienne à une civilisation bien plus brillante et ancienne que la nôtre, que ses valeurs soient beaucoup plus spirituelles que matérielles, que nous soyons incapables de comprendre cela est le constat qu’il faut dresser de la lecture de ce livre.

Vous voulez savoir comment se finit ce merveilleux voyage au pays des économistes ? Alors lisez :

« L ‘augmentation de la rareté et l’accroissement des valeurs des biens environnementaux entraîneront donc progressivement des zones marchandes nouvelles. « Demain, nos successeurs ne s’étonneront pas quand on leur parlera de droits de propriété sur l’eau, de droits à polluer ni de devoir payer pour accéder à l’usage de biens environnementaux élémentaires… C’est l’une des principales leçons de l’histoire de la civilisation. La rareté appelle la propriété. » On retrouve ici une observation classique. L’économie est la science de la gestion de la rarété. » page 190

Voici le monde superbe que ces économistes et dirrigeants d’entreprise nous promettent, un monde où nous paieront pour l’eau, l’air, la forêt, le paysage… Le tout en s‘abritant comme des crétins lobotomisés derrière une « science » qui n’en est absolument pas une, puisque tout ce que les économistes savent à peu près faire est d’expliquer le passé, et encore !

En conclusion, ce livre est extrêmement dangereux et parfaitement révélateur de ce qui nous attend si nous ne reprenons pas le pouvoir sur nos vies. La légitimité des économiste spour diriger le monde est nulle, surtout au regard de leurs œuvres dans la seule histoire du XXème siècle. Ya basta !

Jean-Michel Dauriac Juin 2007

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