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Revêtir l’homme nouveau – Méditation de sortie de l’arche n° 20

La version audio est ci-dessous:

Nous allons aujourd’hui méditer sur un texte très connu du Second Testament. Mais ce texte est le plus souvent connu par des citations, tronquées ou caricaturées. Il mérite un regard attentif. Dans ce texte se trouve une expression devenue quasi-proverbiale dans le protestantisme, surtout évangélique. Le « vieil homme » revient souvent dans les sermons ou les prières. De quoi s’agit-il ?

  • Ce concept paulinien binaire « vieil homme / Homme nouveau » a été laïcisé au XXe siècle par les divers totalitarismes qui ont sévi et ont tous voulu engendrer un « homme nouveau » (Italie fasciste, Allemagne Nazie, Russie soviétique, Chine rouge ou Corée du Nord, voire système cubain). On sait l’échec sanglant de ces tentatives.
  • Ces quelques versets écrits par Paul, dans une de ses épitres doctrinales, est en fait une pointe de la vie chrétienne qui interpelle les enfants de Dieu depuis des siècles, avec raison. Je vous propose aujourd’hui d’y réfléchir en abordant trois thèmes successifs, dans l’ordre selon lequel Paul déploie sa démonstration.

Lecture de base : Ephésiens 4 : 20 à 24 (versions TOB ou NBS)

« 20  Pour vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris le Christ,

21  si du moins c’est bien de lui que vous avez entendu parler, si c’est lui qui vous a été enseigné, conformément à la vérité qui est en Jésus :

22  il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l’effet des convoitises trompeuses ;

23  il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence

24  et revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité. » TOB

« 20  Mais vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris le Christ,

21  si du moins c’est bien lui que vous avez entendu et si c’est en lui que vous avez été instruits, conformément à la vérité qui est en Jésus :

22  il s’agit de vous défaire de l’homme ancien qui correspond à votre conduite passée et qui périt sous l’effet des désirs trompeurs,

23  d’être renouvelés par l’Esprit dans votre intelligence

24  et de revêtir l’homme nouveau, qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté que produit la vérité. » NBS

Nous aborderons donc les trois idées de ce raisonnement :

  1. Cet enseignement vient du Christ lui-même ;
  2. Il existe en nous tous un « homme ancien » à abandonner ;
  3. La transmutation en un « homme nouveau » est une collaboration du Saint-Esprit et de notre volonté.

Un enseignement du Christ lui-même

Paul inclut cette péricope au sein d’un discours sur la distinction nécessaire entre les chrétiens et les païens (les nations dans son langage judéo-chrétien). Il faut donc lire initialement du chapitre 4, verset 17 au chapitre 5, verset 2, au minimum. On peut aussi dire que les chapitres 4,5 et 6 des Ephésiens constituent un cours dogmatique sur la vie de l’Eglise et du chrétien. Nos quatre versets sont le point culminant de cet enseignement et renvoient à la deuxième partie du chapitre 6 (10-17), nous le verrons plus loin.

Paul oppose deux modes de pensée : 4 : 18 nous montre ce qu’il dit de la pensée du monde païen :

« 18  Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux, parce que leur cœur est obtus.

19  Ayant perdu tout sens moral, ils se sont livrés à la débauche, pour commettre avec avidité toute sorte d’impureté. » (version NBS)

C’est un monde d’ignorance, de débauche, sans morale, avide de plaisirs impurs. Tout cela à cause d’une « intelligence obscurcie ». Cette expression est capitale dans notre texte – mais au-delà dans toute la pensée paulinienne. Il n’y a donc pour Paul aucun espoir que ce monde soit capable de s’amender seul. C’est le « tous ont péché » de Romains 3 : 23-24.

Il s’adresse à ceux qui ont tourné le dos à ce type de pensée en acceptant le message du Christ. Paul parle ici du Messie, donc de Celui qui vient de Dieu et parle en son nom, pas de l’homme Jésus de Nazareth. L’enseignement du Christ émane directement de Dieu, il est donc digne de confiance, au même titre, pour les Juifs, que la Loi et les Prophètes.

Paul met cependant en garde ses lecteurs : ce qu’il leur dit est porté par une réception saine de l’enseignement du Christ. « Si du moins c’est bien lui que vous avez entendu » fait référence au risque de mauvais enseignements, déformés par les faux-témoins du Christ. Nous savons que les débuts du christianisme sont marqués par une floraison de pensées qui seront combattues par les Apôtres, au nom de la vérité de la Parole du Christ. Paul y fait souvent allusion. Il faut aller à la bonne source, la propre parole du Seigneur Jésus. Or, à cette époque, les Evangiles, tels que nous les connaissons, n’existent pas encore. Il en circule des portions, le plus souvent oralement. Avec le risque de déformation, en plus d’une interprétation discutable. Paul ne veut connaître que la « vérité qui est en Jésus ». Les hommes peuvent se tromper, pas Jésus-Christ. Or, Jésus a demandé à ceux qui l’écoutaient d’adopter son enseignement.

Matthieu 11 : 29-30 version NBS : « 29  Prenez sur vous mon joug et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos.

30  Car mon joug est bon, et ma charge légère. »

L’exemple le plus important de cet enseignement est connu sous le nom de « Sermon sur la montagne » et couvre les chapitres 5,6 et 7 de l’Evangile de Matthieu, dans sa version la plus détaillée. Paul, va synthétiser ensuite cet enseignement en une démarche dialectique à la fois très juive et très hellénique (mais cette dialectique ne se résout pas dans une synthèse).

« Se défaire de l’homme ancien » (NBS)

Nous préférons traduire le terme grec Palaios (??????? ????????) par « ancien », plutôt que vieux, car ce propos s’adresse à des auditeurs de tous âges, et à vingt ans, on ne peut pas comprendre aisément être un « vieil homme », alors que le terme « ancien » inscrit cet homme dans un temps long, celui de la culture et de la civilisation. Il faut bien regarder le verbe grec qui est traduit dans « il s’agit de vous défaire (????????? ) de l’homme ancien » il s’agit d’un forme conjuguée du verbe Apozithémi, lequel verbe signifie d’abord « déposer », sa robe ou ses armes, puis « rejeter », « se débarrasser » avec l’idée de « jeter loin de soi »[1].

Le propos de Paul nous oblige à penser la nature de l’être humain – sans vouloir du tout entrer dans le débat philosophique ou métaphysique, nous n’en avons pas la latitude ici.

Si Paul invite ses lecteurs à se débarrasser de leur « homme ancien », c’est qu’il est convaincu qu’il y a au moins deux composantes en chaque individu. « L’homme ancien » est cette part culturelle que nous acquérons par notre vie en société. Dans la tradition chrétienne, elle vient se greffer sur une nature humaine en révolte contre Dieu – c’est la notion de « péché ». Si nous pouvons jeter au loin « l’homme ancien » sans mourir, c’est donc qu’il n’est que le vêtement recouvrant une part spirituelle originelle, que la Bible nomme âme, dans laquelle Dieu a initialement soufflé son propre souffle (le ruah de la Genèse, le pneuma ou le spiritus du Second Testament).

Mais il faut évidemment noter que c’est à l’homme de se débarrasser de ce vêtement « corrompu par des désirs trompeurs ». C’est un acte de notre volonté, que nous seuls pouvons décider, que Dieu ne nous imposera jamais car nous disposons de notre liberté. La conversion est un premier pas, elle est la métanoïa initiale (le repentir, le regret) dont Pierre fait la conclusion de son discours de Pentecôte à Jérusalem ;

Actes 2 :38 (version NBS) : « 38  Pierre leur dit : Changez radicalement ; que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don de l’Esprit saint. »

Mais ce n’est que l’entrée sur le chemin de la vie chrétienne. Il nous appartient ensuite de décider d’abandonner notre ancienne vision du monde et les pratiques associées, car nous sommes dorénavant éclairés par la « vérité qui est en Jésus ». Or, ce changement est à la fois une décision et un effort de longue durée. Cela ne saurait se faire d’un coup de baguette magique, mais par une application de la volonté qui nous aidera à ne pas remettre ce vêtement souillé. C’est ce que l’on nomme l’ascèse dans les philosophies antiques et que le christianisme a repris à son compte.

Comment ne pas reprendre le vieux costume ?

Revêtir l’homme nouveau

Profitons-en pour dire que le terme homme est ici générique et désigne tout être humain, quel que soit son ressenti et son identité.

Vous connaissez cette expression : « la nature a horreur du vide », qu’on attribue à Aristote, dans son travail sur la physique, au sens grec du terme, c’est-à-dire la nature ou le monde naturel. Nous pouvons l’utiliser allégoriquement pour notre texte. Si nous jetons l’habit de « l’l’homme ancien » et restons nus, nous serons amenés très vite à revenir vers notre ancien vêtement. C’est ce que Paul sait fort bien et c’est la raison pour laquelle il propose un changement de vêtement. Nous ne connaîtrons pas le vide et la tentation de revenir à « l’homme ancien ». Selon Paul, ce changement se fait en deux temps.

  • Il y a d’abord la nécessité d’ « être renouvelé par l’Esprit dans votre intelligence », verset 23. Ceci est une intervention divine, transcendante. Elle ne peut avoir lieu qu’après avoir abandonné « l’homme ancien », car celui-ci fait barrage à l’œuvre de l’Esprit. Il a en effet des « désirs contraires », par la suprématie de la chair, à ceux de l’Esprit.

Galates 5 :17 (version Segond 1910) : « 17  Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez. »

Il y a donc acte de notre volonté qui ouvre la porte à l’œuvre de l’Esprit. Rejeter « l’homme ancien », c’est accepter de voir l’orientation de notre intelligence changer.

Romains 12 :2 (version Segond 1910) : « 2  Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. »

  • Ce nouveau regard va nous permettre de nous revêtir de « l’homme nouveau », car c’est cet homme renouvelé, qui marche selon « la justice et la sainteté que produit la vérité ».

Cet homme nouveau n’est pas une fin, un aboutissement, c’est au contraire un début, un nouveau départ, sur les bases d’une intelligence éclairée. Trois termes vont baliser ce chemin qui est tout le sens de notre vie : la vérité (qui est en Christ), qui produira la justice (ce qui est bon et beau) et la sainteté (la mise à part pour Dieu).

« L’homme nouveau » est toujours en marche et en recherche. C’est pourquoi, après cet enseignement de fond, Paul poursuit par des implications très concrètes de 4 : 25 à 6 : 9. Ce n’est pas le lieu de détailler ces conseils, mais ils sont des repères éthiques majeurs de la vie chrétienne. Comment vivre la justice et la sainteté ? Paul donne la réponse détaillée en Ephésiens 6 : 10-17[2]. En Ephésiens 6 : 11, il dit « Revêtez toutes les armes de Dieu ».

Il faut donc armer et protéger « l’homme nouveau », car il va lutter et être attaqué. Paul va nous proposer une ceinture, une cuirasse, des chaussures, un bouclier, un casque et une épée. Tout un équipement mis à la disposition de « l’homme nouveau ». Sans l’usage de ces armes, le combat est perdu, nous serons sans défense.

Conclusion :

Il faut des actes de volonté pour se repentir, se dépouiller de « l’homme ancien », revêtir « l’homme nouveau » et ensuite toute la panoplie des armes spirituelles que Dieu met à notre disposition. La vie chrétienne est une dynamique constante. Il n’y a pas de place pour la passivité et le relâchement. C’est un militantisme sacré dans lequel nous nous engageons. Tout sauf une vie hédoniste de facilité. Ce qui ne signifie nullement qu’elle ne soit pas pleine de joie (voir méditation n° 15).

Jean-Michel Dauriac – Décembre 2021


[1] Je tire ces données du dictionnaire de référence d’Antoine Bailly.

[2] 10 ¶  Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

11  Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

12  Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

13  C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

14  Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ;

15  mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ;

16  prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ;

17  prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

18  Faites en tout. (Version Segond 1910).

Published in Bible et vie

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