Folio Gallimard, 2017 (première édition française 2010)
Farfouillant un jour dans le rayon japonais d’un magasin bordelais à l’excellent choix de livres, j’achetais trois romans d’auteurs au nom nippon et je les laissais reposer. Puis, comme d’habitude, j’y revenais au temps venu. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que cet auteur était en fait un auteur britannique. J’en fus donc pour mon désir d’Orient. Mais ce que j’ai découvert m’a largement comblé.
Il s’agit de fait d’un recueil de nouvelles sur le thème de la musique. Les personnages principaux ont tous une activité de musiciens, à des niveaux très différents. C’est la musique qui sert de fil conducteur et noue les relations des protagonistes dans chaque histoire. Plusieurs de ces héros sont des musiciens qui vivotent difficilement de leur métier. Ils ont en commun le jazz, qui est le style dominant de cette série de nouvelles.
L’auteur nous transporte en des lieux très différents : la première nouvelle, Crooner, se passe à Venise et nous y entendons une sérénade donnée d’une gondole autour de standards de jazz, de ce qui est en fait une rupture. La deuxième histoire est titrée Advienne que pourra et met en jeu trois amis qui se connaissent depuis l’université. Le couple de deux d’entre eux vacille sérieusement et le mari appelle son ami pour tenter de rétablir la situation. Mais tout tourne de travers et l’auteur nous laisse en plan sans nous donner le résultat de cette pitoyable manipulation. L’action se déroule à Londres. La troisième histoire, Les collines de Malvern, est située dans la campagne anglaise et met en jeu un auteur-compositeur de chansons plutôt folk-rock qui vient faire retraite chez sa sœur pour se consoler d’auditions calamiteuses à Londres. Il y rencontre un couple de chanteurs suisses en vacances et noue avec eux une brève mais intense relation. La quatrième nouvelle est aussi la plus longue, elle se nomme Nocturne et a donné son nom au recueil. L’action se situe entièrement dans un grand hôtel de luxe de la Californie ou un célèbre chirurgien esthétique loue un étage entier pour les suites opératoires de ses clients, souvent des gens du showbiz. Les deux protagonistes sont un saxophoniste très doué mais qui ne parvient pas à émerger et une vedette people. On suit leur étrange relation et leurs incursions dans les salons de l’hôtel, aux étages inférieurs. Pour la dernière histoire, nous revenons à Venise, où nous partageons la vie deux musiciens jouant du même instrument et qui font connaissance en écoutant un orchestre de café sur une place de la ville. Violoncellistes en est le titre.
L’art de la nouvelle est un art très difficile, que peu d’écrivains ont vraiment réussi à maîtriser, bien que beaucoup s’y soient essayés. Le format plus ou moins court oblige à un cadrage très serré des acteurs et de l’action, mais sans sacrifier l’épaisseur des dits-personnages, tout en stylisant tous les éléments narratifs. De ce point de vue, Kazuo Ishiguro est un bon nouvelliste, car ces histoires remplissent bien le cahier des charges. L’unité de thème par la musique crée une certaine cohérence de l’ensemble. Tout cela se lit vraiment aisément. Est- ce la grande littérature ? A mon sens non, mais cela fait passer un très bon moment, c’est une lecture de vacances oiseuses parfaites. Nous autres lecteurs endurcis avons besoin de temps en temps de faire des pauses de ce genre.
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