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Prier dans le secret – Méditations de confinement 7

Lecture de base :

Matthieu 6 : 6  « Mais toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra» version NBS

la version audio est là:

Nous revenons à ce grand texte fondateur, le Sermon sur la Montagne. Dans le chapitre 6, Jésus continue son exploration de la Loi et de la religion juives et développe l’enseignement de cette nouvelle loi d’amour, qui accomplit et dépasse la Loi de Moïse (ch. 5, verset 17). Il en vient aux pratiques religieuses des juifs et dénonce comme « hypocrites », l’aumône, la prière et le jeûne publics, faites, dit-il, « pour être vu des hommes » (6 :5, 5 et 16). Notre verset du jour vient après ces condamnations d’actes religieux, initialement bons, mais « faits pour être vu ». C’est ce qui explique le « mais » qui débute le verset 6 sur lequel nous allons nous arrêter spécifiquement. Ce même mot « mais », se trouve d’ailleurs dans les trois passages cités (voir versets 3 et 17).

Avant même de considérer le verset 6, nous voyons une première leçon à tirer dans ce petit mot de liaison oppositionnel. Les actes de notre foi ne sont pas destinés à être montrés mais à être accomplis.  Si nous recherchons, d’une manière ou d’une autre, à les faire voir (et admirer), Jésus conclut : « Ils ont leur récompense. » Ils perdent toute signification réelle, et leur seule valeur, est de flatter notre vanité. Ceci a toujours caractérisé les « chrétiens mondains », comme on les condamnait dans les livres de religion du XVIIème siècle.

 Pour chaque acte cité, Jésus donne sa version ; il faut lire :  6 : 1 à 17 dans sa totalité pour bien en comprendre la logique. A chaque fois, la parole de Jésus suit le même cheminement et s’achève par la même formule. Considérons son enseignement sur la prière. Il condamne sans équivoque les prières publiques qui s’exhibent (verset 5). Puis il enseigne la foule, et nous, en une phrase courte qui comporte quatre temps, que nous allons étudier.

Premier temps : « Quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte ». Louis Segond a traduit « dans ta chambre », comme la Bible de Jérusalem ou la TOB. Ici, je préfère nettement la version NBS ou Parole de Vie, qui sont plus proches de l’idée du texte grec. Il y a dans le mot grec ???????? (tamieion) l’idée de pièce isolée, reculée et, au-delà, de lieu où l’on cache le trésor, ce qui a donné comme traduction possible, le cellier ou la réserve. C’est un lieu à part, peu connu ou camouflé, qui abrite des choses utiles ou précieuses. En passant au plan symbolique, c’est la partie de nous qui est la plus riche, celle que nous gardons le plus souvent pour nous. C’est de là que doit monter notre prière. Et pour être certain de ne pas être dérangé, il est demandé de fermer la porte à clé ou avec une barre : c’est le sens du verbe grec traduit par « ferme la porte ». C’est donc absolument tout le contraire de la prière publique des hypocrites qui est préconisé par Jésus.

Deuxième temps : «  Prie ton Père, qui est là dans le lieu secret ». La prière s’adresse au Dieu-Père que Jésus est venu révéler tout au long de son ministère terrestre. C’est un Dieu intime, un Dieu dans les bras duquel nous avons plaisir à nous réjouir comme à nous réfugier dans l’épreuve, un Dieu qui nous connaît car il nous engendrés. On ne parle pas à son père comme on parle à un étranger ou à quelqu’un qui nous effraie. On lui parle avec amour et respect, familièrement.

 Ce père est là, sa présence est une assurance, Jésus nous l’affirme. Mais il est caché aux yeux de ceux du dehors. « Le lieu secret » vient du verbe grec qui veut dire « cacher ». Si le Père est dans le lieu secret, fermé à clé, de notre intimité, c’est par opposition avec la prière exposée, publique, faite aux yeux de tous où, là, Dieu n’est pas. Cette idée du Dieu caché, qui se révèle à ceux qui le cherchent vraiment, traverse toute la Bible. Jésus est dans la tradition de ce Dieu secret, intime, mais pas dans les formes religieuses spectaculaires.

Aux versets 7 et 8, qui suivent immédiatement, Jésus lève le voile sur la prière vraie : « ne multipliez pas de vaines paroles » (Segond) ou « ne rabachez pas comme les païens » (TOB). La prière n’est pas une litanie de formules répétées, un mantra chrétien. C’est d’ailleurs pourquoi, juste après, aux versets 9 à 13, il donne l’exemple unique de prière qu’il nous ait laissée, le Notre Père, extraordinaire dans la richesse de sa concision.

Prie avec peu de mots, mais avec des mots qui viennent de ta réserve intime. Je vais ici parler pour moi seul ; à toutes les prières magnifiques dont nous sommes les héritiers, des Psaumes aux prières des Saints ou des grands serviteurs de Dieu, je préférerai toujours les mots qui sortent de mon cœur, de mon vocabulaire, pour parler à mon père. Cela n’enlève rien à toutes ces belles prières, évidemment.

 Troisième temps : « Et ton Père qui voit dans le secret ». On attendrait le verbe « entendre », mais aux trois reprises de la formule (versets 4, 6  et 18), c’est trois fois le verbe « voir ». Car la vue peut englober l’audition, et pas l’inverse. Voir, c’est saisir la globalité d’une chose ; ici, de la prière. Dieu est celui qui peut absolument tout voir et savoir de nous, c’est une de ses définitions possibles. Et il voit au plus profond de  nous, dans l’intimité de notre trésor. Pas la peine de chercher à le « bluffer » avec de belles formules, il ne s’y laissera pas prendre. Il préférera toujours le simple cri du cœur, comme l’aveugle criant à Jésus : « Fils de David, aie pitié de moi ! » (Luc 18 :38).

Ayons toujours cela à l’esprit, ne nous abusons pas nous-mêmes par de belles tirades, mais soyons sincères, car c’est ce que Dieu veut et voit. Rien ne lui échappe. C’est en même temps inquiétant, si nous mentons et sommes hypocrites, et très rassurant, surtout quand nous sommes maladroits dans notre prière, mais vrais. L’Eternel regarde au cœur, dit la Bible.

Quatrième temps : « te le rendra ». Etrange conclusion elle aussi répétée à trois reprises. Que veut dire cela ? Qu’est-ce que Dieu peut bien me devoir ? Evidemment, il n’est pas question de marchander avec Dieu, de faire de notre prière le terme d’un troc. Ce serait un blasphème ! Ce que cette expression signifie s’éclaire quand nous allons voir les significations du verbe grec du texte original, ????????. (apodidomi). Le premier sens est bien « rendre » ou « restituer ». Mais ce verbe a des acceptions plus précises : on trouve aussi l’idée de « remettre », « donner en échange », « payer la dette ». Et je crois que c’est cela le sens profond. En voyant un cœur sincère tirer de son trésor une prière d’amour et de vérité, Dieu le Père ne peut que tenir sa promesse, accomplie en Jésus, de « remettre notre dette ». Il s’agit donc ici de la rédemption, mot qui signifie racheter ou remettre la dette de quelqu’un. Ce qui se joue dans la prière personnelle, de cœur à cœur, est infiniment sérieux.

Voici donc un petit verset, sur lequel on glisse souvent, mais qui contient pour nous un trésor d’enseignement et d’encouragement.

Jean-Michel Dauriac

29 avril 2020.

Published in Bible et vie

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