Le cœur de ce message est dans le livre d’Esaïe, au chapitre 58. Ce magnifique texte –qui fait partie pour moi des vingts plus beaux textes bibliques – de la troisième partie du livre de ce prophète, celle du messianisme, devrait être méditée régulièrement par toutes les communautés, églises et croyants.
Comme souvent dans la bible juive, il est construit sur une opposition double : un dialogue d’abord entre Dieu et son peuple, avec des arguments opposés, puis une opposition totale entre deux vies religieuses. Nous partirons de cette opposition, rapidement présentée, pour en venir à la nouvelle alliance et à ce que Jésus fait de ce texte. Nous y trouverons alors la base du programme qu’il a lui-même mis en œuvre lors de son ministère et qu’il a ensuite transmis à ses disciples pour tous les temps et tous les lieux. Ce programme est aussi la clé qui ouvre le Royaume pour l’éternité.
Premier temps : Esaïe 58 : la fausse route des rites sans conscience ni conversion
Lecture : Esaïe 58, versets 3 à 5 version NEG
3 ¶ Que nous sert de jeûner, si tu ne le vois pas ? De mortifier notre âme, si tu n’y as point égard ? — Voici, le jour de votre jeûne, vous vous livrez à vos penchants, Et vous traitez durement tous vos mercenaires.
4 Voici, vous jeûnez pour disputer et vous quereller, Pour frapper méchamment du poing ; Vous ne jeûnez pas comme le veut ce jour, Pour que votre voix soit entendue en haut.
5 Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir, Un jour où l’homme humilie son âme ? Courber la tête comme un jonc, Et se coucher sur le sac et la cendre, Est-ce là ce que tu appelleras un jeûne, Un jour agréable à l’Eternel ? »
Nous avons donc là le dialogue entre Dieu et le peuple d’Israël, énoncé par le prohète. Le peuple récrimine contre Dieu à cause d’un jeûne improductif. Le jeûne n’est pas ici le sujet premier, bien que ce soit un sujet par ailleurs digne d’intérêt. On peut remplacer ici jeûner par prier, faire des réunions ou toutes activités pieuses au nom de Dieu.
Or cela ne produit rien . Tout ce qu’ils font est stérile.
Bien souvent les églises accumulent les rites, les cérémonies, les pénitences, sans aucun résultat. Les plus anciennes historiquement sont les mieux pourvus de ce côté-là, mais les mouvements récents sont très forts pour inventer leurs propres rites. Il n’y a donc aucun résultat à ces rites pour l’immense majorité des croyants ou églises, et pourtant elles continuente encore et encore, car ceci est devenu le sens propre de la religion : la religion, c’est du rite collectif. La religion est devenue sa propre fin, peu lui importent les résultats, elle occupe les fidèles.
Dans ce texte, la réponse de Dieu est sans équivoque : ce n’est pas le jeune (ou la prière, ou le culte ou toute autre activité) qui est stérile, mais la nature du cœur des fidèles et leurs comportements. Il ne s’est produit aucune conversion, aucune régénération, aucun changement fondamental. Ils vivent comme avant, comme toujours, dans la haine, la dispute, la violence. Ils jouent simplement un rôle – le « sac et la cendre » sont des costumes de théatre – et ne connaissent qu’une humilité factice, c’est seulement un rite vide de sens.
«Est-ce là ce que tu appelleras un jeûne, Un jour agréable à l’Eternel ? «
Ceci n’a aucun sens et le peuple s’abuse lui-même. Rien de cela ne plaît à Dieu, car il y a de la duplicité, voire du mensonge dans ces actes.
Dieu va alors donner sa version du jeûne tel qu’il l’entend et son programme d’action.
Temps deux : Esaïe 58 : Un programme pour tous les temps, les lieux et les créatures humaines
Lecture : Esaïe 58, versets 6-12
« 6 Voici le jeûne auquel je prends plaisir : Détache les chaînes de la méchanceté, Dénoue les liens de la servitude, Renvoie libres les opprimés, Et que l’on rompe toute espèce de joug ;
7 Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable.
8 ¶ Alors ta lumière poindra comme l’aurore, Et ta guérison germera promptement ; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l’Eternel t’accompagnera.
9 Alors tu appelleras, et l’Eternel répondra ; Tu crieras, et il dira : Me voici ! Si tu éloignes du milieu de toi le joug, Les gestes menaçants et les discours injurieux,
10 Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, Si tu rassasies l’âme indigente, Ta lumière se lèvera sur l’obscurité, Et tes ténèbres seront comme le midi.
11 L’Eternel sera toujours ton guide, Il rassasiera ton âme dans les lieux arides, Et il redonnera de la vigueur à tes membres ; Tu seras comme un jardin arrosé, Comme une source dont les eaux ne tarissent pas.
12 Les tiens rebâtiront sur d’anciennes ruines, Tu relèveras des fondements antiques ; On t’appellera réparateur des brèches, Celui qui restaure les chemins, qui rend le pays habitable. »
Le verset 6 est clair : « voici le jeûne auquel je prends plaisir… » La suite prouve sans ambiguïté que le mot « jeûne » est ici employé au sens général d’acte religieux. Ce qui est décrit ensuite est pour le moins en contradiction avec la pratique du jeûne stricto sensu ou tout autre rite religieux.
C’est un code d’action que l’Eternel donne à son peuple, et donc à nous, qui sommes, si l’on suit Paul, l’Israël spirituel. Quelle est cette mission et que sommes-nous, à la suite des Juifs, appelés à être pour plaire à Dieu ?
- Des libérateurs : contre l’esclavage, contre l’oppression, contre « toute espèce de joug » – ce qui symbolise tout ce qui nous prive de notre liberté, tout ce qui nous asservit. Paul y met aussi les passions triomphantes.
1 Corinthiens 6 : 12
« 12 Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit. »
Ce qui implique de combattre contre toutes les formes de privations de liberté, intimes comme collectives.
- Des « partageux » : versets 7a et 10 « 7 Partage ton pain avec celui qui a faim,[…] 10 Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, Si tu rassasies l’âme indigente, Ta lumière se lèvera sur l’obscurité, Et tes ténèbres seront comme le midi. » Très concrètement, il s’agit de donner à manger et non de distribuer de belles paroles ; cf Jacques 2 : 15-16 : 15 Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour,
16 et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous ! et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? ». C’est tout le contraire de l’égoïsme et du regard qu’on détourne. Soyons comme Jésus, ému par la foule qui avait faim. Ne cherchons pas de prétexte ou de fausses excuses. Personne ne devrait souffrir de la faim en ce monde riche, surtout en France !
- Des hospitaliers accueillants : verset 7 bc : « Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable. » . Comment un chrétien peut-il laisser mourir de froid des frères humains ? Tous ces SDF, ces migrants, avec ou sans papiers, sont ces « malheureux », ces « pauvres » du texte d’Esaïe, et la nationalité ou la religion n’ont rien à voir là-dedans, c’est la misère qui est déterminante.Si on ne peut le faire directement, ce qui est assez courant, il est toujours possible d’aider ici et ailleurs ceux qui le font, en donnant du temps ou de l’argent. Je songe à ces femmes et ces hommes qui ont fait preuve de charité évangélique, même sans être croyants, à Calais ou ailleurs envers ces êtres déracinés par la guerre ou la misère. Aujourd’hui, le sort des chrétiens d’Orient devrait nous empêcher de dormir ! Les puissants détournent pudiquement la tête pour ne pas créer de problèmes diplomatiques avec les alliés musulmans. Pourtant ils sont nus, misérables et traqués parce qu’ils sont chrétiens !
- Des rassasieurs pour les âmes indigentes : verset 10 : « Si tu rassasies l’âme indigente, Ta lumière se lèvera sur l’obscurité, Et tes ténèbres seront comme le midi. » Là, on passe au registre spirituel par le choix du mot « âme ». Combien d’âmes affamées nous entourent ? Avons-nous seulement senti cette faim de l’âme ? Avons- nous essayé de les rassasier ? Non par notre propre discours, mais par la Parole de Dieu, proposée avec discernement, grâce à l’Esprit Saint. Tout croyant peut le faire ; nul n’en est incapable. Il n’y a pas besoin d’avoir fait des études de théologie ou suivi des cours. Le Christ a demandé à ses disciples de la faire, lors de l’épisode de la multiplication des pains : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Chacun peut partager le peu qu’il sait de la Parole et de l’amour de Jésus pour lui.
- Nous remarquons qu’il y a une progression dans les actions demandées, comme dans les dix paroles du Sinaï :
1/ Nourrir de pain l’affamé
2 / Loger le sans toit et le vêtir
3 / Répondre à sa faim spirituelle
Il ne faut jamais inverser cet ordre.
Si ce programme est mis en œuvre (avec plus ou moins de réussite et d’objectifs, car on ne peut tout faire), les conséquences sont très positives pour le peuple de Dieu :
· La lumière poindra
· La guérison s’effectuera
· Dieu entendra quand la prière montera (et là le jeûne peut être efficace !)
· Nous serons rassassiés à notre tour dans les moments difficiles
· L’eau vive coulera sans cesse (une vie de l’Esprit active)
· Les ruines pourront être relevées, la vie revenir…
Quel programme et quelles promesses !
Mais cela s’adressait aux Juifs du VIIIème siècle avant JC. Est-ce aussi pour nous ?
Temps deux : L’ordre de mission de la nouvelle alliance
Jésus est venu accomplir la loi et non l’abolir : tout ce qui est dans la Bible juive nous concerne aussi, mais avec la connaissance donnée par l’Esprit et la rédemption par Jésus.
Jésus se situe complètement dans le sillage de cette prophétie. Nous n’avons pas le temps ici de citer toutes les paroles dee Jésus qui reprennent l’un ou l’autre de ces impératifs. Il a mis en œuvre ce programme durant son court ministère. Jésus n’est pas un théologien, il est un homme qui marche, bientôt rejoint, sur son appel, par douze hommes qui marchent avec lui, sans d’ailleurs savoir où ils vont, qui le suivent par la foi qu’il suscite.
Jésus va missionner ses disciples à leur tour.
Luc 9 :1-2 : « 1 Jésus, ayant assemblé les douze, leur donna force et pouvoir sur tous les démons, avec la puissance de guérir les maladies.
2 Il les envoya prêcher le royaume de Dieu, et guérir les malades. »
Ils sont envoyés munis de la puissance et de l’autorité sur tous les esprits mauvais et peuvent guérir (on retrouve l’idée de guérison vue dans Esaïe 58 au verset 7) Mais ils ont aussi la mission de prêcher le royaume de Dieu.
Puis Jésus envoie ensuite 70 disicples, par paire :
Luc 10 :1 et 9 : » 1 ¶ Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller. […]
9 guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : Le royaume de Dieu s’est approché de vous. »
Ils ont toujours la même mission : guérir et prêcher. Mais dans cet envoi, il y a une parole étonnante : « Le royaume de Dieu s’est approché de vous. » . ce verset parle évidemment de la personne de Jésus et de son rôle, envoyé sur terre pour racheter les hommes et les réconcilier avec le Père.
Il faut bien comprendre que les douze et les soixante-dix ont une connaissance très rudimentaire du Royaume : ils ne peuvent parler que de ce qu’ils ont vu faire à Jésus et de ce qu’ils l’ont entendu dire, avec le peu qu’ils ont compris de ses paroles, les Evangiles nous le montrent souvent. Et pourtant ils sont envoyés.
Ils reviennent galvanisés par leur expérience.
Luc 10 : 17-20 : « 17 Les soixante-dix revinrent avec joie, disant : Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom.
18 Jésus leur dit : Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair.
19 Voici, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi ; et rien ne pourra vous nuire.
20 Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. »
Enfin, cet ordre de mission est donné à tous les disciples et pour toute la terre :
Matthieu 28 :19-20 : « 19 Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
20 et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »
Jésus, après sa résurrection, n’est plus un Juif qui prêche aux Juifs, mais il élargit le champ de la mission à « toutes les nations » ; « Le monde entier » est concerné. Mais le programme est toujours le même, Esaïe 58 :6-12.
Conclusion :
Ce programme concret semble laisser peu de place à la prédication, à l’enseignement. Mais c’est ne pas le lire correctement que de penser cela.
Matthieu 28 : 20 dit bien d’enseigner les nations à garder tout ce qu’a prescrit (commandé, ordonné) Jésus. C’est le sens de « rassasier les âmes indigentes ». L’action humanitaire est inséparable de la parole prêchée ou de l’enseignement biblique. Elle la précède le plus souvent. Souvenons-nous de la devise seconde de l’Armée du Salut, fixée par le fondateur William Booth : « Soupe, Savon, Salut », l’ordre respecte celui du programme d’Esaïe 58.
Mettre en œuvre ce programme, c’est donner du plaisir à Dieu le père, (verset 6 d’Esaïe). Mais pas seulement, même si ceci doit être notre première motivation : parce que nous aimons Dieu, nous voulons accomplir « un jeûne auquel il prend plaisir ». Mais, ce faisant, nous avons aussi une clé du salut, au moment du jugement final de l’humanité.
Matthieu 25 :34-36 : « 34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde.
35 Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ;
36 j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. »
C’est parce que ce programme aura été mis en œuvre que nous pourrons particper au royaume de Dieu. Mais n’inversons pas les choses : on ne saurait mettre en œuvre ce programme pour être incorporé au royaume. Nous le mettons en œuvre parce que nous sommes déjà saisis par le Royaume qui s’est approché de nous.
Soyons fiers de ce programme inaltérable et universel, promulgué non par un homme faillible comme nous, mais par Dieu lui-même. Il ne saurait nous décevoir et nous tromper.
Alors, en marche, peuple de Dieu !
Soli Grati Deo
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