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Eloge de la faiblesse – Une position anticonformiste chrétienne

 

 

Lecture  introductive :

 

2 Corinthiens 11 :30

« S’il faut se glorifier, c’est de ma faiblesse que je me glorifierai. »

2 Corinthiens 12 :6 à 10

« 6  Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité; mais je m’en abstiens, de peur que quelqu’un ne m’estime au-dessus de ce qu’il voit ou entend de moi, 

7  à cause de l’excellence de ces révélations. Et pour que je ne sois pas enflé d’orgueil, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter, pour que je ne sois pas enflé d’orgueil. 

8  Trois fois j’ai supplié le Seigneur de l’éloigner de moi, 

9  et il m’a dit: Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses,  afin que la puissance de Christ repose sur moi. 

10  C’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les privations, dans les persécutions, dans les angoisses, pour Christ;  en effet quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

2  Corinthiens 4 : 7 à 10

« 7  Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette puissance supérieure soit attribuée à Dieu, et non pas à nous. 

8 ¶ Nous sommes pressés de toute manière, mais non écrasés; désemparés, mais non désespérés; 

9  persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus; 

10  nous portons toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste dans notre corps. »

 

Introduction :

 

Nous avons ici affaire à un texte écrit à la première personne :Paul parle de lui, comme très souvent dans ses lettres. Ce qu’il déclare est d’abord un témoignage personnel. Ces affirmations deviennent ensuite un enseignement spirituel pour l’édification personnelle des croyants. Il n’y pas là de théologie. Aucune vérité sur Dieu ou Jésus. Seulement une méditation à partir d’un vécu – qui, lui, incorpore la grâce de Dieu -, pour orienter la vie d’un chrétien dans la bonne direction.. Que dit Paul dans ces textes :

  1. Il y a une certaine possibilité de se glorifier de sa faiblesse, donc d’en faire l’éloge.
  2. Il donne sa vie en exemple et l’échec de sa prière. Cette faiblesse correspond à une réponse du Seigneur toute en paradoxe.
  3. Quel est  le contenu de cette faiblesse, sa limite et sa finalité ?

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 Paul de Tarse peint par Rembrandt

Paul défend son apostolat par sa faiblesse

 

Les chapitre 10 à 12 de cette seconde lettre aux Corinthiens sont une défense de Paul, qui répond a des critiques à lui adressées et explique son apostolat particulier – il n’est pas un apôtre historique qui a connu Jésus et l’a suivi -. Le ton est souvent polémique. Il en vient à expliquer ses combats et ses épreuves, à partir de 11 : 16. Et l’angle d’attaque est la faiblesse, corrèle très bizarrement avec le fait de « se glorifier ». Généralement la faiblesse est perçue comme un défaut et il n’y a pas lieu de s’en réjouir, à plus forte raison d’en tirer gloire.

 

Dans le chapitre 10, il emploie cinq fois le verbe « se glorifier », entre 10 :13 et 18 :

 

« 13  Pour nous, nous ne voulons pas nous glorifier hors de toute mesure, nous prendrons au contraire pour mesure le domaine que Dieu nous a départi en nous faisant parvenir aussi jusqu’à vous. 

14  Nous ne dépassons pas nos limites, comme si nous n’étions point parvenus jusqu’à vous; car c’est bien jusqu’à vous que nous sommes arrivés avec l’Évangile du Christ. 

15  Nous ne nous glorifions pas, hors de toute mesure, des travaux d’autrui.  Mais nous avons l’espérance, si votre foi augmente, de devenir encore plus grands parmi vous, dans notre propre domaine, 

16  en évangélisant les contrées situées au-delà de chez vous, au lieu de nous glorifier de ce qui a déjà été fait dans le domaine des autres. 

17  Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. 

18 Car ce n’est pas celui qui se recommande lui-même qui est approuvé, c’est celui que le Seigneur recommande. »

 

En 11 : 17, on le retrouve trois fois en deux phrases :

 

« 17  Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme hors de sens, avec l’assurance d’avoir de quoi me glorifier. 

18    puisque beaucoup se glorifient selon la chair, je me glorifierai aussi. »

 

Louis Segond a traduite « Kauxaomai » par se glorifier ; on pourrait dire aussi : « s’enorgueillir, être fier de, mettre son orgueil, tirer sa fierté de ; se vanter ». L’idée de faire sa propre gloire soi-même est partout présente. Or nous ne nous vantons que de ce qui , à nos yeux, peut nous grandir, nous individualiser ou nous distinguer d’autrui et de la foule des autres.

 

Puis suivent les détails de ses  souffrances pour l’œuvre de Dieu – ce ne sont pas des fantasmes, mais cela      est confirmé en grande partie par le rédacteur des Actes des Apôtres, l’évangéliste-médecin Luc.

 

Et on arrive à ce qui est le centre de la démonstration de Paul : la faiblesse, sujet de gloire pour lui. SA faiblesse revendiquée. Ce qui ne peut que laisser perplexe, si on pense à l’évangile qu’il annonce ( voir Ephésiens 1 : 15 à 19 ).

 

« 15 ¶ C’est pourquoi moi aussi, ayant entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre amour pour tous les saints, 

16  je ne cesse de rendre grâces pour vous: je fais mention de vous dans mes prières; 

17  afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse connaître; 

18                qu’il illumine les yeux de votre coeur, afin que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la glorieuse richesse de son héritage au milieu des saints, 

19 et quelle est la grandeur surabondante de sa puissance envers nous qui croyons selon l’action souveraine de sa force. »

 

Un exemple concret de la vie de Paul et la parole révélée du Christ

 

2 Corinthiens 12 : 7 à 10

 

« 7  à cause de l’excellence de ces révélations. Et pour que je ne sois pas enflé d’orgueil, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter, pour que je ne sois pas enflé d’orgueil. 

8  Trois fois j’ai supplié le Seigneur de l’éloigner de moi, 

9  et il m’a dit: Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses,  afin que la puissance de Christ repose sur moi. 

10  C’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les privations, dans les persécutions, dans les angoisses, pour Christ;  en effet quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

 

Ce texte contient plusieurs éléments dignes d’intérêt :

  • « une écharde dans la chair » : cette si petite chose qui peut nous faire tant souffrir et dont nous avons tant de mal parfois à nous débarrasser tant elle est minuscule et profondément enfoncée. Le mot n’est pas choisi au hasard, bien sûr. Cette écharde a fait couler beaucoup d’encre. Personne ne sait de quoi il s’agit : certains ont parlé de la mauvaise vue de Paul, d’autre d’une maladie de peau, etc.. Cela n’a en fait aucun intérêt de le savoir, car l’écharde est ici un concept. Le mot grec veut dire aussi bien « écharde » qu’ « aiguillon ». Il s’ajoute donc à l’idée de douleur l’idée de ce qui fait avancer.
  • Paul a recours, comme tout croyant, comme nous, à la prière ( à trois reprises dit-il) : et là, c’est l’échec. Sa prière n’est pas exaucée. On peut imaginer sans peine ce que cela signifie pour un apôtre comme Paul, dont la prière a une grande efficacité.  Sans nul doute au départ, une grande déception et de l’incompréhension : pourquoi Seigneur ? Mais sa prière a été entendue, car il y a une réponse. Voici un enseignement précieux pour nous : ne confondons pas écoute et exaucement. La prière sincère est toujours entendue. L’exaucement dépend de Dieu seul ( par Jésus). Nous ne pouvons pas juger ni même vraiment comprendre cela. Il faut accepter la différence infranchissable entre Dieu et nous. Esaïe 55 : 8 et 9 :

 

« :8  Car mes pensées ne sont pas vos pensées, Et vos voies ne sont pas mes voies, —Oracle de l’Éternel. 

9  Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, Autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies Et mes pensées au-dessus de vos pensées. »

 

  • La réponse du Seigneur est précise, adaptée et argumentée :

1 . Il répond vraiment sur le sujet, qui est la faiblesse (ici physique). Ce n’est pas un propos général : c’est la réponse attendue à une requête bien formulée. Prions précisément et non en termes vagues, et sachons attendre et entendre une réponse tout aussi précise.

2 . Réponse adaptée : Le Seigneur lui dit pourquoi il ne le délivre pas : « Ma grâce te suffit. » Paul a déjà tout reçu dans le salut par grâce, qui est au-dessus de toutes choses. Le Seigneur l’appelle à revenir à la source, à ne pas inverser la hiérarchie des faits, ce qui est le propre de la chair et de l’humain, soumis à toutes ses limitations. La réponse invite à s’élever au-dessus de l’humain par l’Esprit, amis sans arrêter le combat et ôter l’écharde.

3 . Réponse argumentée : « …car  ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » Ce que Paul traduira ailleurs par des formules-chocs : « les choses folles du monde », pour désigner les croyants (1 Corinthiens 1 :27 : «   Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; ») ; ailleurs il parle de « balayures du monde » : « 1 Corinthiens 4:13  calomniés, nous parlons avec bonté; nous sommes devenus comme les balayures du monde, le rebut de tous, jusqu’à maintenant. ».  Le but est d’éviter l’orgueil (verset 7), occasion de chute (skandalon) de l’homme, donc de « se glorifier ». Paul va alors formuler de sublime paradoxe du verset 10 b :

« en effet quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

 

Comment cela est-il possible ?

 

 

Les faiblesse, les limites et la force

 

 

Reprenons maintenant les versets 8 à 10 du chapitre 4 lus précédemment :

 

« 8 ¶ Nous sommes pressés de toute manière, mais non écrasés; désemparés, mais non désespérés; 

9  persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus; 

10                nous portons toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste dans notre corps. »

 

Chaque membre de phrase obéit à la même construction : la faiblesse et sa manifestation, puis la limite. Nous avons là quatre exemples qui constituent une progression pensée par l’apôtre.

 

  1. « pressés mais non écrasés ». L’apôtre nous parle ici de la résistance qui nous est donnée, qui nous empêche de céder, de manière surnaturelle, par l’effet de la grâce. Chaque couple suivant procède de la même source : le sacrifice et la résurrection de Jésus.
  2. « Désemparés mais pas désespérés ». ici c’est de l’espérance dont il est question. Nous pouvons ne plus savoir où nous en sommes, mais l’espérance demeure, indestructible.
  3. « Persécutés mais pas abandonnées ». La fidélité de Dieu ne nous fait jamais défaut. Nous sommes toujours accompagnés par Dieu et aussi par les frères et sœurs, concrètement ou par la prière.
  4. « Abattus mais pas perdus ». Le salut demeure par-delà les défaites. La grâce nous suffit et surpasse toute épreuve, ce qui ne signifie nullement que nous ne sommes pas tristes, malheureux ou dépressifs parfois.

 

Les épreuves décrites sont très dures mais pas extrêmes.

 

1 Corinthiens 10 : 13 nous dit pourquoi ; c’est encore Paul qui nous l’enseigne, sans nul doute par son expérience personnelle/

 

« 13  Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine; Dieu est fidèle et ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces;  mais avec la tentation, il donnera aussi le moyen d’en sortir, pour que vous puissiez la supporter. »

 

L’épreuve ne saurait nous anéantir car dans la grâce du salut résident la résistance au mal, l’espérance de la foi, la fidélité de la présence de Dieu et le salut qui donne sens à nos vies. Rien ne peut nous priver de cela.

 

Romains 8 :38-39 :

 

« 38  Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, 

39  ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur. »

 

Conclusion :

 

L’éloge jusqu’à la glorification de nos faiblesses n’est pas :

  • de la fausse modestie à connotation religieuse (sorte d’hypocrisie onctueuse)
  • un renoncement au combat
  • une excuse pour nos fautes (ou péchés)
  • un apitoiement sur nous-mêmes

 

Bien comprise, elle est une attitude de soumission intelligente à Dieu qui permet alors toute la manifestation de sa puissance. Alors nous pouvons dire, avec Paul :

 

« Je me glorifie donc bien volontiers de mes faiblesses afin que la puissance du Christ repose sur moi » – verset 9 du chapitre 12 de la seconde lettre aux Corinthiens.

 

 

Jean-Michel Dauriac – Août 2016

Published in Bible et vie

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