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Rebelles de la foi – Les protestants en France XVIe-XXIe siècle – David Feutry

Belin, collection textes choisis, 2017.

Voici un ouvrage fort intéressant, autant pour les amoureux de l’histoire de France que pour les protestants. L’auteur l’est-il lui-même ? A dire vrai, impossible de le savoir après lecture, tant il se cantonne strictement à son rôle d’historien. Ce qui est une des grandes qualités du livre, car il n’offre prise à aucune critique partisane. En 24 chapitres chronologiques et thématiques, c’est toute l’histoire du protestantisme français qui est évoquée. La structure de chaque chapitre est identique : un texte historique qui donne le cadre et les clés de compréhension et un ou deux textes d’époque, donnant la trace dans le passé. L’auteur opère selon une technique identique pour chaque thème : il introduit et pose une série de questions intéressantes. La suite du texte est la réponse à ces questions, dans l’ordre où elles ont été posées. Pour la clarté de l’exposé, les chapitres ont été regroupés en sept thèmes de longueur inégale.

Liste des thèmes du livre :

  1. Une coexistence polémique au XVIe siècle
  2. De Nantes à Fontainebleau, l’impossible tolérance du pouvoir royal (1598-1685)
  3. Mourir pour sa foi : la guerre des Camisards (1702-1710)
  4. La reconnaissance progressive des protestants en France (1705-1815)
  5. Les protestants dans la société
  6. Les protestants et les combats de la République (XIXe-XXE siècles)
  7. Histoire, mémoire et identité au XXIe siècle

Il n’est évidemment pas surprenant que la difficile émergence et existence du protestantisme en France occupe la majeure partie de l’ouvrage (quatre parties sur sept). Un des mérites de ce travail est de permettre de bien comprendre que la lutte fut très rude et très longue pour les membres de la RPR (Religion prétendument réformée). Les aspects guerriers sont évidemment abordés, à travers plusieurs chapitres, consacrés aux guerres de religion, à la Saint-Barthélémy, au Siège de La Rochelle, à la guerre des Camisards… Ces pages nous rappellent que la violence de cette époque vaut bien celle des conflits religieux actuels. Lorsque les armes prennent la place de la foi, il n’y plus rien qui vaille et l’on sort du message évangélique. Qui fut responsable des Guerres de religion en France ? Il est manifeste que ce furent les catholiques royaux qui allumèrent les premiers feux. Ensuite, l’engrenage des représailles s’enclencha. Mais il n’y eut jamais de Saint-Barthélémy à l’envers, il n’y eut pas de galères pour les catholiques, ni de Tour de Constance pour les femmes, pas plus que d’enfants arrachés à leurs parents pour les ramener à la vraie foi. Ces guerres et cette répression témoignent de ce qu’il advient d’une foi qui se compromet avec le pouvoir politique, quel qu’il soit. C’est le césaro-papisme toujours recommencé. Le choix des textes présentés est bon, car il alterne sources protestantes et catholiques. Il en ressort que le pouvoir est une malédiction pour le vrai croyant, un moyen sûr pour l’assoiffé de domination.

Une représentation de la Saint-Barthélémy, à Paris

Le deuxième aspect est la lente intégration des protestants à la vie publique de leur pays. Longtemps ils furent réduits à l’invisibilité et à la clandestinité. Il faut attendre 1787 pour qu’ils aient droit à l’état civil et la Révolution pour qu’ils aient véritablement droit plein de pratiquer leur religion. Dès lors, ils vont prendre place dans la société et y laisser des traces durables. L’auteur insiste sur leur grand rôle dans l’éducation publique, avec la naissance des Ecoles Maternelles et la naissance de l’école laïque républicaine. Ils furent surreprésentés dans l’entourage de Jules Ferry et pesèrent sur l’orientation du nouveau système, que ce soit par Ferdinand Buisson, Yves Pécaut ou Jules Steeg. Le protestantisme avait toujours mis l’apprentissage scolaire en avant et le taux d’alphabétisation chez eux était bien plus fort que chez les catholiques, surtout pour les filles. Il était donc naturel de les retrouver en première ligne dans le combat pour une école laïque et contre les écoles confessionnelles.

De même furent-ils très engagés dans le combat pour les deux grandes lois de 1901 et 1905 qui créèrent le droit associatif et la séparation de l’Etat et de l’Eglise. Ils avaient trop souffert de cette collusion inepte de César  et Jésus pour ne pas la vouloir faire disparaître. Mais leur combat allait au-delà cette séparation, il portait sur la défense de la République. Ils avaient parfaitement compris que seule celle-ci pouvait leur assurer une vraie liberté de culte.

Ils eurent à souffrir du même mal haineux que les juifs durant la période 1870-1914 : l’antisémitisme se couplait avec l’anti-protestantisme et la lutte contre la franc-maçonnerie. Le rapport à l’argent et le fait que les protestants furent durant ces années à la tête de banque d’affaires très actives, comme ils furent de grands capitaines d’industrie, tout cela alimenta ces fantasmes complotistes qui donnèrent l’Affaire Dreyfus. La guerre de 1914-18 mit fin à cette haine, pour au moins une vingtaine d’années.

Parmi les autres thèmes évoqués, il faut aussi citer le rôle des femmes protestantes au XXe siècle ou leur action dans la Résistance.

Lire ce livre, c’est soit découvrir l’histoire des protestants, soit rafraîchir sa mémoire. Dans tous les cas, c’est un voyage fort utile et bien guidé dans l’histoire des cinq derniers siècles du pays. Je recommande donc vivement l’achat de ce livre et sa lecture. Il sera très utile autant aux étudiants qu’aux pasteurs ou professeurs.

Jean-Michel Dauriac – les Bordes – Août 2025.

En complément de cette critique, le lien pour visionner le débat réalisé sur KTO :

Published in les critiques les livres: essais

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