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Catégorie : les livres: essais

Le retour d’un fils prodigue : notes de lecture sur « Comment je suis redevenu chrétien »

« Comment je suis redevenu chrétien »

De J.Claude Guillebaud Albin Michel – 2007 Paris – 182 pages

En écrivant ce livre, JCG fait le point sur son parcours personnel depuis une quarantaine d’années, ce qui nous permet de refaire le chemin avec lui. De ses vingt ans de journaliste, comme grand reporter il dit surtout le paradoxe majeur : celui d’être au cœur de l’histoire du monde à un tournant et en même temps cette vision horizontale qui ne donne aucun outil sérieux pour saisir ce à quoi on assiste. Il raccroche le bloc-note au bout de vingt ans, non sans avoir obtenu le prix Albert Londres (ce qu’il ne dit pas car il est très modeste) et gagné une réputation de grand professionnel. Il n’arrivait pas à se détacher du monde et des hommes broyés par l’Histoiretoire ; il ne pouvait avoir l’ « indifférence professionnelle » nécessaire pour durer dans ce métier (cf l’épisode du Vietnam narré page 29). Il devient éditeur au Seuil et commence alors sa seconde existence professionnelle.

Ici commence véritablement le récit personnel de ce livre-ci.

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JCG dit de cette période de plus de dix ans (1981-1995) qu’il est redevenu étudiant, se mettant à lire tout ce qui lui est nécessaire pour posséder les outils qui lui manquaient. Il parcourt les sciences humaines, rencontre les penseurs français qui les animent, comme Edgar Morin, Jacques Derrida, René Girard ou Régis Debray. Il mesure mieux ainsi tout ce qu’il ne sait pas, malgré un bagage solide acquis en formation initiale. Il a déjà publié de nombreux livres, surtout des récits de voyage ou de reportages, mais il se trouve alors dans une phase particulière : il n’ose rien écrire de « sérieux » durant toutes ces années, se contentant de publier des livres dans la lignée de ses précédents ouvrages. Il attendra 1995 pour écrire son premier essai, « La trahison des Lumières », au titre référentiel à Benda et à sa « trahison des clercs ». Débute alors une recherche sur les questions primordiales de l’existence, chacun de ses livres s’interrogeant sous un certain angle la quête de sens de la vie. Presque tous ces livres sont primés. Tous sont bons, utiles et lus par un public fidèle qui le suit de parution en parution[1]. Son œuvre est celle d’un passeur entre les chercheurs, souvent incapables de communiquer avec le public ordinaire , et ce « grand public » mythique qui est la base du peuple cultivé de notre pays. Car il faut être curieux et cultivé pour lire ses livres. Chacun d’eux est le résultat d’un prodigieux travail d’enquête que l’on peut mesurer, si l’on a fait de la recherche en sciences humaines, par la diversité des notes, des ouvrages lus et cités, souvent résumés, ce qui interdit la tricherie du fumiste, si répandue de nos jours. Les six livres parus depuis 1995 constituent une formidable encyclopédie philosophique contemporaine de la pensée occidentale. Car JCG est suffisamment humble pour ne pas aller là où il n’est pas compétent. Il laisse donc hors du champ de sa réflexion les cultures qu’il ne connaît pas assez bien pour en parler sérieusement. Belle leçon qui devrait être mieux retenue !

Dans ce livre, il explique comment pas ses longues recherches pour écrire ces six gros livres il est redevenu chrétien. Pour qui le lit depuis l’origine dans ses essais, comme moi, il me semblait totalement évident que cet homme-là n’était pas un intellectuel standard de notre beau pays, athée, matérialiste, anti-religieux et anticlérical. Mais sa méthode précautionneuse de présentation des diverses hypothèses ne permettait pas de savoir exactement sa position. Il était clair qu’il était pétri d’humanisme, mais quid du rapport au christianisme ? « Comment je suis redevenu chrétien » est donc l’occasion pour les lecteurs fidèles de JCG de mieux comprendre les étapes par lesquelles il est passé pour en arriver à ce livre. Il est finalement très inscrit dans son époque : comme tous les jeunes hommes de sa génération, 24 ans en 1968, il a abandonné en route tout rapport à la religion, naturellement, sans déchirement moral, comme quelque chose d’inutile, qu’on oublie sans s‘en rendre compte puisqu’il n’en est nul besoin. Dans le grand ébranlement de ces années 1970, un monde nouveau semblait se construire, sur des utopies qui se révélèrent très vite meurtrières. Le communisme soviétique ne trompait plus personne déjà, le rêve maoïste fut de courte durée, le castrisme et le guévarisme semblaient exotiques. La violence aveugle de la Bande à Baader, des Brigades Rouges ou d’Action Directe menait dans une impasse suicidaire. Le monde s’embrasait un peu partout : Liban, Vietnam, Afghanistan, Iran, Irak… A ces années de retour à la dure réalité succédèrent en France les années-fric ; JCG devient éditeur et commence à revenir à l’essentiel. Il passera alors par trois étapes qu’il nommera « cercles » par hommage à Dante sans doute (ou à Soljenytsine)). Ces trois cercles traversés sont emboîtés et correspondent à une prise de conscience de plus en plus nette de la puissance du christianisme..

Le premier cercle est celui des « sources de la modernité ». Celui-ci est le fruit des études sérieuses et poussées que JCG a menées durant dix ans et qui interrogent les trois premiers livres de sa série : « La trahison des Lumières », « la Tyrannie du plaisir » et « La refondation du monde ». En écrivant ces ouvrages, l’auteur fait un panorama complet de la pensée occidentale, tant dans ses sources que dans sa contemporanéité. Il est alors inévitable qu’il soit interpelé par l’apport des penseurs chrétiens, véritables balises de notre culture. Car il y a bien Aristote et Platon, Montaigne et Montesquieu, Nietzsche et Heidegger, mais il y a aussi les Pères de l’Eglise, Saint-Augustin, Thomas d’Aquin, Luther, Rousseau et bien d’autres dont Descartes et Pascal, ou Spinoza… A l’issue de cette longue recherche très productive, le constat que dresse JCG est évident : la modernité et une bonne part de nos valeurs laïques ont leur source dans le christianisme. Quand il publie « La refondation du monde », il est déjà sorti de premier cercle et entré dans le deuxième.

Celui-ci est titré « La subversion du christianisme » ; Et là, enfin, JCG est obligé de se dévoiler et de dire l’influence considérable qu’eut sur lui Jacques Ellul, qui fut d’abord son professeur à Bordeaux, puis un de ses auteurs au Seuil. Guillebaud fut l’éditeur du livre titré ainsi, qui est sans nul doute un des plus grands et des plus forts d’Ellul. Il assista à la genèse de ce livre qui n’a pas pris une ride. Il fut, dit-il, frappé par la « probité » d’Ellul dans cet ouvrage. Et c’est exactement le mot qui convient à sa démarche. Dans ce livre Ellul met à jour les deux faces du paradoxe chrétien qu’il doit assumer. D’un côté le christianisme est totalement subversif par son message, tant au plan social que politique et religieux, il faut donc proclamer ce message dérangeant et pas un autre ; de l’autre, ce message a été totalement subverti par les grandes religions qui ont « tué » le caractère subversif initial en l’institutionnalisant. Mais tout chrétien doit assumer ensemble les deux termes du paradoxe ; il est impossible de faire autrement. JCG a réalisé à quel point Ellul disait vrai. Il en a été définitivement marqué. Et il est bien qu’il rende hommage à Jacques Ellul de cette manière si précise, car il reste pour l’heure celui qui a su le mieux affirmer la force et la fragilité de la foi chrétienne, et le vivre ainsi, sans édulcorer le message. JCG parle d’ailleurs à propos de « La subversion du christianisme » de livre libertaire. Il a parfaitement raison. Ellul assumait complètement ce paradoxe supplémentaire d’être un chrétien converti et un anarchiste qui se défie complètement de l’ Etat et de tout autorité humaine. Là, on sent bien que Guillebaud cale, a peur. Il reprend les propos du maître en les édulcorant un peu. Sa nature profonde est là ; JCG n’est pas un combattant, c’est un homme de raison, pondéré et respectueux. Il a cependant saisi et assimilé en lui-même ce qu’Ellul voulait communiquer par son ouvrage : le caractère extrêmement progressiste et révolutionnaire de l’Evangile, alors même que le discours « tendance » est aujourd’hui à la ringardisation des chrétiens par la mise en avant de ce qui en est la plus grosse caricature.

Le troisième cercle est celui de « la foi comme décision ». Le dernier livre de JCG en est la trace la plus nette. « La force de conviction » est en effet sous-titré « A quoi pouvons-nous croire ? » Dans ce livre-là, JCG dévoile plus clairement sa position et montre le rôle positif qu’a joué et que peut jouer la foi chrétienne, à côté d’autres convictions. On sent, en lisant ce livre que l’auteur est plus assuré sur ce qu’il croit lui-même. La critique est aussi plus sévère sur les autres croyances du temps ; bref, l’engagement personnel de ce livre-là est plus perceptible. JCG le dit lui-même, il est au bord du plongeoir : va-t-il sauter ? Sauter dans ce qui est le grand vide que rien ne peut expliquer, la foi. Il croit, il se retrouve chez lui au milieu des croyants juifs et chrétiens, il a maintenant la conviction de la valeur du christianisme ; Mais a-t-il cette foi du fidèle, au sens étymologique ? La récitation du credo lui pose toujours problème sur certains passages. Il est clair en le lisant qu’il n’est pas encore passé de l’autre côté du miroir, celui où notre intelligence accepte de ne pas savoir et de ne pas comprendre. La résurrection, la vie éternelle, le pardon des péchés… tout cela n’est pas rationnel. C’est là qu’intervient cette volonté personnelle qui vient à la rencontre du Dieu crucifié et saisit sa Parole comme la vérité. Il a l’honnêteté de dire qu’il en est là, qu’il n’a pas eu l’illumination, le chemin de Damas ou le pilier de Notre-Dame. On saluera aussi dans cette troisième partie les propos qui rendent à nos frères juifs toute leur place dans l’origine de notre foi et de notre culture. Il serait vraiment utile que cette attitude se généralise.

Voici donc un petit livre qui n’est pas aussi tonitruant que l’était le « Dieu existe ; je l’ai rencontréé d’André Frossart. Il s’agit plus d’un bilan de cheminement que du récit d’une conversion. JCG est finalement rentré chez lui, dans sa famille spirituelle. Il y est bien, mais discret, pas assuré de tout. Mais après tout qui peut être assuré de tout en la matière ?

Terminons par la très belle citation d’Albert Camus qui ouvre le livre :

« Ce que le monde attend des chrétiens est que les chrétiens parlent à haute et claire voix, et qu’ils portent leur condamnation de telle façon que jamais le doute, jamais un seul doute ne puisse se lever dans le cœur de l’homme le plus simple. C’est qu’il sortent de l’abstraction et qu’ils se mettent en face de la figure ensanglantée qu’à prise l’histoire aujourd’hui. »

Exposé fait au couvent des Dominicains de La tour-Maubourg en 1948 – « Actuelles- chroniques 1944-1948 » Gallimard 1950.

Jean-Michel Dauriac – juillet 2007



 

[1] « As-tu lu le dernier Guillebaud ? » est une phrase-clé échangée avec mon ami Pierre, ceui des deux qui la prononce en premier ayant théoriquement l’avantage sur l’autre

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Un monde de ressources rares – E. Orsenna & le cercle des économistes – 2007 – Perrin : dangereux et couard!

Voici un livre au titre prometteur et qui s’inscrit fort bien dans une question d’actualité urgente sur le devenir des hommes et leurs activités. En quatrième de couverture, un petit texte en italique :

« Dans la suite et l’esprit de l’ouvrage d’Erik Orsenna « Voyages au pays du coton », ce livre décortique les enjeux d’une stratégie efficace pour lutter contre la rareté »

 

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Là, j’aurais franchement dû me méfier ! Mais au lieu de bien me fixer sur « stratégie efficace pour lutter contre la rareté », je me suis surtout laissé prendre par le début de la phrase. J’avais bien aimé le livre cité (voir critique de cet ouvrage sur ce site ), j’ai donc acheté celui-ci.

Les premières pages noient le poisson sous des considérations personnelles de notre aimable académicien socialiste. Il y fait état de sa profession d’économiste et de sa passion constante pour cette discipline, y compris dans son œuvre littéraire. Sympathique mais anecdotique. On y revient sur le coton, on se retrouve dans une de ces réunions post-coloniales avec les chefs d’Etat africains. Bref c’est encore la chiraquo-Mitterrandie !

Ensuite, le vif du sujet : « Aujourd’hui la rareté ». Partie programmatique qui annonce le plan du livre, extrêmement construit, comme un bon cours universitaire ou un rapport international. Aussi froid et impersonnel également. Le chapitre un est un des plus intéressants du livre, car il donne la vision de la rareté par les économistes et leur créneau d’activité :

« Ce livre se veut guide d’action, à partir d’une analyse rigoureuse de ce que sont les raretés aujourd’hui et propose quatre grandes modalités d’un rêve, celui d’une vraie gouvernance économique mondiale » page 26

« Un monde de ressources rares exige des progrès de la régulation » page 27

avec ces deux citations tout est dit : les économistes veulent le pouvoir mondial, étant bien compris que c’est l’économie qui doit diriger la planète. La rareté se gère avec plus de régulation, donc plus d’économistes, de gauche sociale-démocrate de préférence. De cette profession de foi découle une des rares vraies propositions de ce livre :

« Nous appelons dès à présent à l’élargissement du G8 aux principales puissances émergentes. Nous soutenons également la création d’une Agence Internationale de l’Environnement et du Développement durable. Mais n’oublions pas pour autant que nombre de sujets doivent être appropriés et gérés au niveau local. C’est notamment le cas pour l’eau, l’agriculture, la santé, la qualification et l’innovation » page 27

Voilà pour le glocal. Pour en arriver à ces propositions qui sont les plus percutantes du livres il a fallu des Rencontres avec plus de 150 intervenants de haut niveau, économistes connus et personnalités économiques, cornaqués par Christian de Boissieu ! Face à l’urgence de la rareté, il n’y a pour ces grands esprits que des agences internationales, un G quelque chose et une gestion locale dont les contenus ne seront nulle part précisés. Un peu plus loin deux petits morceaux de phrase :

« La gouvernance reste à inventer pour ces raretés … » page 28

« Notre ambition d’économistes est de lutter contre la rareté, sans faire le moins du monde le procès de la croissance. » page 29.

Au moins c’est clair ! J’aurais dû jeter le livre à ce moment-là, car tout était dit, mais par une curiosité malsaine, un peu comme le blessé léger qui soulève son pansement pour voir la plaie, j’ai continué. En clair, pour ceux qui ne seraient pas habitués à la langue de bois de ce peuple merveilleux des économistes de cour, voici des experts qui nous annoncent qu’ils n’ont aucune idée de la façon dont on pourrait gérer cela (la gouvernance, cet affreux mot-valise ne dit rien d’autre !) et qui nous rassurent sur le fond : pas de risque de cibler la croissance, dogme infaillible de l’économiste de pouvoir. L’un d’entre eux serait-il capable, monsieur Orsenna par exemple, de m’expliquer, à moi pauvre crétin des Alpes et aux dizaines de millions de ses cons citoyens non éclairés, comment on en est venu à la rareté qui se pointe sur le pétrole, les minerais, l’eau… ? Cela n’aurait donc rien à voir avec la production, facteur numéro un de la croissance ? L’acier fabriqué depuis deux cents ans par les grands pays du monde n’expliquerait donc pas la raréfaction du fer ? Pas plus que les automobiles produites pas dizaines de millions chaque année n’expliqueraient la prochaine crise du pétrole, la dernière, celle de sa fin ? Donc, on ne fait pas de lien entre production, gaspillage et disparition de ressources non-renouvelables. Voilà qui est fort drôle, mais qui, sans aucun doute ne fera pas ciller la plupart des lecteurs du livre, tellement lobotomisés par la spirale vertueuse « emplois-consommation-croissance-emplois… ». On ne peut évoquer les raretés sans, au moins, poser comme une des hypothèses, un autre mode de vie et un autre système économique que la dictature du PIB croissant. Sinon, il s’agit de malhonnêteté intellectuelle ! Et c’est ce que fait ce livre tout au long de ces pages, où effectivement, jamais la croissance n’est attaquée, pas plus que le système capitaliste ou financier en sa légitimité profonde. Une fois ces limites absolues posées, nos chers économistes peuvent alors dérouler une glose de type énarque qui ne dira rien de désagréable et ressemblera, quant au fond, à un débat Sarkozy-Royal sur la croissance. Il suffit ensuite de poser quatre principes directeurs qui donneront les quatre parties suivantes et on a la bonne disssertation anesthésiante voulue.

« Quatre principes généraux se dégagent : les principe d’urgence (deuxième partie), le principe d’innovation (troisième partie), le principe de développement durable et équilibré (quatrième partie) et celui d’une nouvelle gouvernance mondiale (cinquième partie) . » page 30

Emballez, c’est pesé ! Ensuite, comme on dit en sport, on « déroule » la réthorique. On présente les quatre thèmes, avec au passage des phrases absurdes, comme celle-ci :

« Le climat apparaît aujourd’hui comme un bien public collectif, et en même temps un sujet majeur de dissenssions internationales » page 30

Deux fautes en une seule phrase : un bien public est toujours collectif, bravo pour le pléonasme ! Et surtout, ce n’est pas le climat qui est un bien public, ce qui n’a pas de sens (interrogez donc un climatologue !), mais les constituants du climats que sont l’eau et l’air.

Ce chapitre de problématique se clôt d’ailleurs par une phrase qui contient toute la contradiction sui generis de nos économistes. Méditez sur cette doublette de phrases !

« La réponse aux nouvelles raretés n’implique donc pas de renoncer à la croissance, au contraire. Elle impose, par exemple d’accepter le renouveau du nucléaire et le développement d’OGM. Mais elle suppose aussi le changement profond des modes de consommation des pays développés, un progrès des formes de redistribution et surtout une refondation de la gouvernance mondiale » page 32

Imaginons que Tchernobyl n’ait jamais eu lieu, que les OGM ne produisent jamais aucun cancer ou aucune mutation en chaîne dans le monde vivant ! A quoi bon s’embarrasser de ce fichu principe de précaution qui nuit tant à la croissance et aux FMN. Ce sont des propos qui peuvent, plus tard dans l’histoire, devenir ceux d’assassins publics, quand les générations futures feront faces à nos déchets nucléaires et aux maladies afférentes, quand les OGM auront modifié la biosphère. Mais la seconde phrase est drôlatique qui parle sans le nommer d’une obligatoire ascèse de consommation en Occident. Il faudra alors bien du talent pour expliquer que consommer moins, avoir moins de pouvoir d’achat est encore de la croissance, surtout au bon populo qui a bien retenu le message simplificateur qu’on lui martèle depuis cinquante ans (voir au-dessus).

Tout ceci est tiré du seul vrai premier chapitre du livre !

Il serait tout aussi aisé de se livrer à une analyse critique serrée du contenu de chaque chapitre et cela s’avèrereait très éclairant sur la faiblesse réelle du sens, masquée par la réthorique, plus ou moins complexe selon les rédacteurs. Car un autre des problèmes de ce livre est que les auteurs sont inconnus. Mais il est très facile de se rendre compte des différences de style, certains chapitres étant du pur jargon absolument inintelligible à qui n’a pas fait d’études d’économie, mais dont le sens profond est tout aussi creux que le reste. Car en fait, ce livre est un catalogue d’évidence et de poncifs, sans aucune vraie proposition, un simple listing de certaines expériences réalisées dans le monde. Aucune vision du monde n’habite ces pauvres économistes de haut niveau, mais ils en sont fiers puisque la seule finalité de leur discipline est d’exercer la gouvernance mondiale de la rareté, dont l’outil majeur est la fixation des prix. On croirait lire un manuel d’initiation à l’économie et le bréviaire d’une secte un peu simpliste. Plutôt que de disséquer chaque chapitre, je préfère donner au lecteur, que je ne prends pas pour un imbécile, des extraits particulièrement révélateurs de la démarche.

« Il est urgent que les pays industrialisés réalisent que la relation entre les riches et les pauvres, et la gestion de l’aide dépassent de loin le seul impératif de solidarité et conditionnent l’efficacité d’une gestion collective de la rareté dans ses différentes formes. » page 51

Qu’en termes choisis cela est dit ! Si tu n’aides pas ton semblables (pour en pas dire ton prochain ou l’Autre) par humanité, fais-le par souci économique : nous trouvons là toute l’idéologie résumée de l’humanitaire instrumentalisée par les pouvoirs économiques et politiques (écoulement des surplus de marché, conquête de nouveaux marchés par changement de régimes alimentaires, bouleversement des modes de vie et valeurs…).

Continuons donc cette promenade au merveilleux pays de l’économie !

Page 71 : « L’objectif ne consiste plus à atteindre l’autonomie alimentaire, évidemment impossible dans les pays développés, demandeurs de variété, mais la sécurité alimentaire. »

L’expression « autonomie alimentaire » est mise là seulement pour ne pas citer le concept économique de « souveraineté alimentaire » porté par les altermondialistes. Celui qui aura lu attentivement ce qui précède remarquera que ce passage est en contradiction ferme avec les propos de la page 32 rapportés plus haut sur le nécessaire changement de mode de consommation. La sécurité alimentaire est un concept de la même famille que la sécurité énergétique, dont on a pu mesurer la fragilité lors de deux chocs pétroliers et des crises liées à la guerre du Golfe ou celle d’Irak actuellement. Une crise alimentaire ne créée pas seulement une tension sur les prix et déplacements, mais elle amène des populations à la disettes, la famine et la mort ! Le capitalisme a tué l’agriculture dans son localisme pour en faire l’industrie de la terre. Le XXIème siècle pourrait être celui d’un retour aux dures contraintes de l’alimentation à se procurer sur place, crise des énergies oblige !

Un magnifique exercice de contorsionniste digne de Houdini, page 77 :

« Le défi du présent siècle, c’est de produire davantage d’énergie pour alimenter le développement économique des pays émergents et des pays les plus pauvres tout en gérant de façon soutenable le changement climatique. C’est le sens du développement durable. Il ne s’agit donc pas d’un troisième choc pétrolier mais plutôt d’un changement de paysage »

Il y aurait tout un article à écrire sur cette seule citation, tant elle est à la fois cynique, ghrotesque, mensongère et pleine de contradictions. Je me bornerai à donner les axes critiques.

« Produire davantage d’énergie » apparaît donc à nos savants comme le défi ; alors que tous les spécialistes de géologie minières, sauf Claude Allègre, la science ait son âme !, savent que les ressources naturelles, dont énergétiques, ont été consommées sans retenue depuis deux cents ans et qu’on s’achemine vers la raréfaction. Il est donc criminel d’écrire qu’il faut produire plus ; c’est hâter le saccage et laisser nos successeurs nus. Pour quelles finalités cela ? « Alimenter le développement économique des pays émergents et des pays les plus pauvres ». Après la croissance, voici l’autre pilier du modèle intouchable, un autre des impensables. Concept occidental s’il en est, ce modèle est le cheval de Troie de l’exploitation capitaliste et libérale, la cinquième colonne des multinationales, le malheur des pays du Sud. Nous leur offrons à la fois le modèle et l’échec de ce modèle ! Mais nos économistes raisonnables ne se posent aucune question. Il faut continuer, même si cela ressemble à un suicide collectif et à une mise sous tutelle implacable de quatre milliards d’individus sur six aujourd’hui et bien plus demain. Le ratrapage et l’égalisation des niveaux de développement sont tout bonnement impossibles, d’abord techniquement en raison de l’empreinte écologique qu’ils supposent, mais surtout parce que les inégalités sont le moteur de la croissance capitaliste ; Il y a donc là un double mensonge. Cette citation lève définitivement le masque sur le « développement durable », cette imposture médiatique occidentale, qui fait comme si on pouvait négocier avec le climat comme avec un syndicat ! Enfin, la dernière phrase plaira beaucoup au lecteur attentif par sa clarté et sa précision, digne d’un poème romantique,

Vous en voulez encore, vous n’êtes pas rassasiés ? Tiré de la partie courageusement titrée « Imposer un développement durable et équilibré », et du chapitre « Les exigences du climat », page 120, voici ce que nous lisons :

« Le rapport du groupe « facteur 4 » a été rendu public en 2006 (« Division par quatre de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2050 », la Documentation Française 2006), un peu avant la présentation du rapport Stern en Grande-Bretagne. Dans les deux rapports, l’exigence d’une croissance suffisante pour l’essor de l’emploi, la progression du niveau de vie et la gestion des réformes structurelles est rappelée. Il ne s’agit donc pas de se réfugier dans la fausse solution de la « décroissance », mais de réduire le contenu de la croissance en GES, spécialement en CO2 »

Là au moins c’est clairement dit : la fausse solution s’appelle la « décroissance », qui a droit à des guillements comme on met des gants pour sortir les poubelles ! Ce passage est aussi assassin que les précédents, car il ramène les enjeux de survie de la Terre et des Hommes aux seul Gaz à effet de serre. Ceci s’appelle une métonymie inversée, faire prendre le particulier pour le général ! Je suis partagé entre la colère et la pitié envers ce cénacle de pseudo-penseurs : feignent-ils d’ignorer que le problème porte sur une ensemble de facteurs interdépendants et que les GES sont un épiphénomène là-dedans, ou bien sont-ils vraiment convaincus des âneries qu’ils écrivent et font publier ? Je penche pour la première hypothèse. Produire toujours plus, c’est consommer toujours autant et plus de matières premières en voie de raréfaction, c’est élever le niveau de vie, donc pousser mécaniquement à la consommation matérielle, donc à la croissance des besoins, donc de l’emploi et donc des indicateurs de croissance et on continue. Il est irresponsable de faire croire aux gens, et ici aux Français, que c’est en roulant dans une voituire hybride (qui rejette moins de CO2) qu’ils vont régler le problème. C’est se faire les complices objectifs d’un homicide de masse dont les grandes firmes, leurs actionnaires anonymes et une infime minorité d’humains sont les promoteurs et bénéficiaires. Accepter de discuter de la croissance, de sa fin, de son ralentissement ou de son remplacement par autre chose n’est pas revenir au Moyen age et à la bougie ; on peut donner du mieux-être à tout le monde sur cette planète, mais pas en produisant plus ; en acceptant que nous, les riches nous réduisions notre consommation, d’ailleurs souvent compulsive et débile, donc de facto notre pouvoir d’achat, mais en même temps que soient mis en place des moyens coercitifs de redistribution réelle et de limitation des profits, seule condition pour que cela se fasse. Faire confiance au Marché et à l’humanisme des grands patrons et actionnaires est un leurre pitoyable indigne de gens cultivés comme nos auteurs. J’en déduis donc qu’ils sont complètement aliénés par le système qui les forme et les emploie.

Lisez maintenant attentivement la citation qui suit, tirée du chapitre suivant :

« En réalité, la situation est plus grave encore et plus complexe aussi. Car il faut ajouter que le scandale des inégalités se double d’un risque majeur : la consommation accélérée des ressources et l’accumulation des pollutions pourraient bien signifier, sinon la fin de la vie de notre satellite du moins un fonctionnement irréversiblement et gravement endommagé. En outre, il n’y pas de pilote dans le vaisseau. Certes, un pays, les Etats-Unis prétend piloter. Mais le plus puissant est-il le meilleur pilote ? » page 127

Si vous ne trouvez pas de contradiction flagrante entre ce passage et le précédent, consultez immédiatement un neurologue ! Ici sont soulignés les risques évidents en deux domaines en particulier, les ressources et les pollutions. Les conséquences dramatiques sont effleurées avec des termes forts, comme « fin de vie », « irréversiblement », « gravement endommagé ». On comprend bien que les auteurs de ce chapitre ne sont pas les mêmes que le précédent ! Comme faire une pensée un tantinet cohérente avec de telles oppositions !

Page 130 : « Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses grandes entreprises mondiales soient parties prenantes (c’est le cas par exemple au sein du WBCSD, World Business Council on Sustainable development) d’un développement durable qui représente d’abord pour elles la garantie d’une profitabilité à long terme »

Voici levée toute équivoque sur les motivations des grandes entreprises. Seul un profit à long terme les motive dans leur engagement vers le développement durable. C’est tout à fait exact. Peut-on faire confiance à ces entreprises pour sauver la planète et ses habitants ? Ce n’est pas leur objet ni leur objectif . C’est comme faire confiance à un alcoolique désintoxiqué pour gérer un stock de vins et spititueux : il faut une bonne dose de foi ou de crédulité, c’est selon. Là, je suis carrément sceptique.

Dans le même chapitre, page 135, cette phrase claire :

« L’évolution du monde semble donc engagé dans une impasse, sans que la majorité des acteurs responsables de cette évolution en aient une claire conscience et sans qu’une simple esquisse de gouvernement mondial puisse organiser les arbitrages indispensables. »

On y est : dans l’impasse. De plus les décideurs n’ont absolument pas pris la mesure de la gravité des faits. Et de plus, il n’y a aucun espoir actuel que les problèmes puissent être réglés par des décisions mondiales car les structures n’existent pas. Au moin cela a-t-il le mérite d’être clair. Il y a bien sûr, là encore un mensonge par omission : on laisse croire au lecteur qu’un tel gouvernement serait à même de régler les problèmes. C’est totalement faux : les grandes entreprises mondiales ne laisseront jamais une quelqconque institution internationale prendre des mesures contraires à leurs intérêts réels. Ce qui ne s’est jamais fait jusqu’à présent dans le capitalisme ne se fera pas, puisqu’il est posé comme condition à toute réflexion par nos auteurs qu’on ne touche pas au système !

La cinquième partie pose donc la gouvernance mondiale comme une nécessité et développe quelques aspects dans des chapitres où la rareté (selon l’économie) fait retour. Et que lisons-nous page 173 ?

« Le sous-développement est essentiellement un problème de rareté relative en biens vitaux, en capital, en divers biens publics, en connaissances, en appropriation des techniques, en capital humain. »

Le sous-développé est celui qui manque de tout cela, que nous avons en surplus et que nous pouvons lui vendre d’une manière ou d’une autre. Que le sous-développé appartienne à une civilisation bien plus brillante et ancienne que la nôtre, que ses valeurs soient beaucoup plus spirituelles que matérielles, que nous soyons incapables de comprendre cela est le constat qu’il faut dresser de la lecture de ce livre.

Vous voulez savoir comment se finit ce merveilleux voyage au pays des économistes ? Alors lisez :

« L ‘augmentation de la rareté et l’accroissement des valeurs des biens environnementaux entraîneront donc progressivement des zones marchandes nouvelles. « Demain, nos successeurs ne s’étonneront pas quand on leur parlera de droits de propriété sur l’eau, de droits à polluer ni de devoir payer pour accéder à l’usage de biens environnementaux élémentaires… C’est l’une des principales leçons de l’histoire de la civilisation. La rareté appelle la propriété. » On retrouve ici une observation classique. L’économie est la science de la gestion de la rarété. » page 190

Voici le monde superbe que ces économistes et dirrigeants d’entreprise nous promettent, un monde où nous paieront pour l’eau, l’air, la forêt, le paysage… Le tout en s‘abritant comme des crétins lobotomisés derrière une « science » qui n’en est absolument pas une, puisque tout ce que les économistes savent à peu près faire est d’expliquer le passé, et encore !

En conclusion, ce livre est extrêmement dangereux et parfaitement révélateur de ce qui nous attend si nous ne reprenons pas le pouvoir sur nos vies. La légitimité des économiste spour diriger le monde est nulle, surtout au regard de leurs œuvres dans la seule histoire du XXème siècle. Ya basta !

Jean-Michel Dauriac Juin 2007

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Un siècle vu d’en bas – Yves Dauriac

Voici un petit livre dont le titre sonnera comme un référence à l’histoire proche,  une expression du ci-devant citoyen Jean-Pierre Raffarin, ex-premier ministre de Jacques Chirac et grand libéral devant l’Eternel. Lequel parlait de « La France d’en bas » comme de celle qu’il connaissait et représentait ; belle escroquerie médiatique encouragée par le moutonnisme journaleux toujours enclin à répéter les mêmes formules surtout si elles n’ont pas de sens. Ce choix de titre n’est pas le fruit du hasard : l’auteur, Yves Dauriac est un fin connaisseur de la politique française dont il est un militant de base depuis soixante ans. Homme de gauche qui a payé pour la fidélité à ses convictions, il est aussi un historien-géographe de métier, professeur, proviseur et collaborateur, entre autres du « Maitron », ce dictionnaire incomparable des militants ouvriers français. Elu local, militant des droits de l’homme, de l’Unesco, pionnier du rapprochement franco-allemand dès son origine, Yves Dauriac est un homme d’action qui réfléchit. Il nous livre ici sa vision de l’histoire sur trois quarts de siècle.

 

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« Vu d’en bas », certes, car vécu par un citoyen ordinaire qui n’a pas bénéficié de pouvoirs et de passe-droit, mais certainement pas « vu par en bas », au sens où cet homme n’est pas un béotien, mais bel et bien un homme cultivé qui possède les clés de compréhension du monde et de sa politique. Il y ajoute un engagement socialiste jamais trahi, mais sans verser dans le parti-pris subjectif et hargneux. Ainsi, à propos d’un homme qu’il a combattu politiquement, écrit-il :

 

« Aussi Giscard d’Estaing, qui a senti ses aspirations, et qui, en dépit d’une allure un peu grand seigneur, est un homme ouvert et généreux, va donner une teinte sociale à son mandat. » page 92

 

On trouverait aussi des propos respectueux de l’adversaire sur le Général de Gaulle qu’il a pourtant combattu constamment. Mais bien sûr l’analyse reste une analyse socialiste de l’histoire, celle de la grande tradition jaurésienne de la SFIO.

 

Une fois ces remarques faites sur l’auteur et son approche historique, venons-en au contenu à proprement parler. Le choix rédactionnel est explicité dans le sous-titre : il s’agit de chroniques, assez courtes qui enchaînent les moments de l’histoire. Une quarantaine de textes balisent ainsi l’histoire du siècle de la boucherie de 1914 à nos jours. L’histoire de France y tient une place prépondérante, c’est le terrain sur lequel l’auteur est le plus pointu et celui sur lequel il a agi. Mais l’histoire mondiale est aussi bien présente, avec ses grands séismes et ses moments-clés. De loin en loin, des pages de documents hors-textes en noir et blanc donnent de bons contrepoints, notamment par des unes de presse d’époque. Mais, pour qui connaît l’auteur assez intimement, comme moi, certaines chroniques sont des tranches d’autobiographie qui ne disent pas leur nom. Ainsi celle intitulée « Une jeunesse entre espoir et inquiétude » porte trace de sa vie et je ne résiste pas à l ‘envie de citer ce passage :

 

«  Pour ceux qui ont la chance de poursuivre études ou apprentissage scolaire, une ségrégation très nette s’établit. Les « riches » vont au Lycée ou au Collège, vers le Baccalauréat et les professions prestigieuses : médecins, avocats, professeurs officiers. Les enfants des petits employés, ouvriers, plus rarement paysans, vont à l’Ecole Primaire Supérieure ou Pratique, ou au Cours Complémentaire pour accéder en trois ans, avec un Brevet Elémentaire à un travail rémunéré. Pour les petites gens, l’Ecole Normale d’Instituteurs est la voie royale, mais il y a aussi, la Poste, les Banques, le Trésor, les Ponts et Chaussées, les Chemins de Fer, et même, pour les techniques, les Arts et Métiers » page 34

 

Yves Dauriac parle là en connaissance de cause, lui qui est fils de sous-officier de gendarmerie et petit-fils de paysans périgourdins très modestes. Sa vie professionnelle a en effet commencé par le passage à l’EN de  La Rochelle et le métier d’instituteur, partagé avec son épouse qui fut de tous ses combats. C’est par un travail personnel et solitaire qu’il passa ses diplômes d’histoire et géographie et se présenta ensuite au CAPES et à l’Agrégation. Fils de petites gens il l’est et n’usurpe pas son appartenance au peuple, vrai nom de la « France d’en bas », cette méprisante formule d’un bourgeois poitevin. De la même manière, la chronique titrée « Vie ouvrière et paysanne des années trente » est fondée sur une tranche de vie du jeune Dauriac. Ainsi ce livre présente-t-il une histoire incarnée, loin des discours académiques. Mais la rigueur de l’information en fait aussi un ouvrage de référence ; et l’on ne peut que déplorer qu’un éditeur connu n’ait pas cru bon de produire ce livre. Mais ceux-ci sont prisonniers d’un microcosme de réseau qui exclut le provincial et l’inconnu.

 

L’ouvrage se termine par un dernière chronique sobrement titré « Réflexions personnelles », qui est en fait, une épure de bilan de vie. Que penser du siècle passé ? Comment agir aujourd’hui ? L’auteur dégage l’aspect passionnant de ce siècle vingtième, les progrès incontestables accomplis, mais on le sent, in fine, assez prudent sur l’avenir radieux.

 

«  Les gigantesques progrès scientiques rendront-ils plus heureux ? Rabelais avec son « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » en doutait déjà.

Rien de bien nouveau donc dans les sociétés humaines, mais la diffusion rapide et universelle de l’information nous sensibilise davantage au sort de la planète entière. Nous nous devons d’agir maintenant en tant que Citoyen du Monde » page 126

 

C’est le mot de la fin. On comprend bien que le socialiste Yves Dauriac n’a pas trahi l’internationalisme prolétarien . Cependant on le sent un peu désabusé sur le progrès et ses finalités. Le bonheur comme sens de la vie fait alors retour. En lisant ces lignes je ne puis que penser aux mots d’un autre sage, Hébreux lui, qui a écrit il y bien longtemps :

 

« Que reste-t-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? […] Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y rien de nouveau sous le soleil. » Ecclésiaste chapitre 1 versets 3 et 9.

 

Il faut souvent atteindre le soir de sa vie pour revenir à la nature humaine, intangible et décevante. Ce livre est tout autant un bilan personnel qu’un survol historique.

 

Je recommande cet ouvrage aux professeurs d’histoire de collèges et de lycée, aux documentalistes de France, qui devraient tous et toutes en avoir un dans leur rayonnages, pour aoffrir un autre éclairage sur l’histoire, aux côtés de la belle collection « Terre Humaine » de Jean Malaurie. Ce livre est de la même famille.

Vous pouvez le commander chez l’éditeur :

Atlantica-Séguier : pays basque – 18 allée Marie-Politzer 64200 Biarritz

Vous pouvez aller voir leur catalogue en ligne sur : www.atlantica.fr

Vous pouvez réagir sur ce livre en nous contactant sur ce site, nous transmettrons à l’auteur.

 

Jean-Michel Dauriac*

 

* la similitude de nom ne relève pas des hasards, l’auteur de ce livre est l’oncle de l’auteur de cet article. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je n’écris pas là un article de complaisance, mais un propos objectif sur un livre-témoignage important. Que l’on ait senti l’affection et l’estime qui me lient à mon oncle (et ma tante) n’empêche en rien de faire un travail critique sérieux. J’attends vos remarques avec impatience.

 

 

 

 


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