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Catégorie : Bible et vie

Une histoire de semence – Méditation de sortie de l’arche n°17

La version audio de cette méditation est ci-dessous:

Nous allons méditer sur une toute petite phrase, juste un bout de verset de sept mots, mais ces sept mots sont parmi les plus connus des chrétiens ; ils appartiennent à l’imaginaire collectif du christianisme, des écoles du dimanche et des lectures familiales du soir. Mais ils ont encore quelque chose à nous dire dans notre voyage spirituel.

Lecture de base :

Lecture 1 : Luc 8 : 5 « Le semeur sortit pour semer sa semence. » version NBS.

Tout le monde, ou presque, chez les chrétiens, connaît ce début de la parabole dite « du semeur ». Elle est présente dans les trois Evangiles synoptiques. Son interprétation ne prête pas à confusion, puisque Jésus lui-même l’explique à ses disciples, après l’avoir prêchée à la foule (ch.8, versets 9 à 15 de Luc) Ce n’est pas à vrai dire le sens de cette histoire qui m’intéresse aujourd’hui, mai seulement son entame : « Le (ou un) semeur sortit pour semer ».

Notons d’abord la lourdeur de ce morceau de phrase qui réussit l’exploit de contenir trois fois la même idée en sept mots. Tout enseignant ne pourrait que déconseiller à un élève d’écrire une telle phrase, et pourtant elle est là, telle quelle, pour inaugurer l’histoire. Pourquoi ?

Parce que cette très courte phrase sujet-verbe-complément suffit à planter le décor de ce qui va suivre. On a l’acteur : un semeur ; on a l’action : celle de semer ; et on a l’objet de la semaille, sa semence !

Le semeur

Selon les traductions, on trouve « un » ou « le » semeur. Si l’on suit le grec, c’est « le ». mais si l’on veut étudier le sens des mots, l’article indéfini convient mieux.

En effet, « le » laisse entendre qu’il est unique. Or je crois que cette introduction parle au contraire d’un type humain et désigne donc n’importe quel membre de cette petite confrérie.

Il faut, en premier lieu, s’étonner de ce que Jésus ne dit pas « l’homme » ou « un homme », comme il le fait dans la plupart des paraboles. Il s’agit évidemment d’un choix délibéré. Si vous dites « Un homme sortit pour semer sa semence », la phrase n’a plus le même sens, elle peut même avoir un sens sexuel tout à fait conforme à la pratique biblique.

Celui qu’il met en scène n’est pas n’importe quel homme, c’est celui dont le métier est de semer. Nous avons, de nos jours, complètement perdu la notion de ces métiers agricoles millénaires. Depuis la Révolution agricole du XIXe siècle et la mécanisation des tâches, nous avons oublié que les hommes et les femmes faisaient à la main toutes les opérations aujourd’hui réalisées par des machines.

Il y avait des laboureurs, spécialistes de l’araire ou de la charrue, il y avait des semeurs, spécialistes des semailles, puis des faucheurs, spécialistes de la coupe des céréales à la faux ou à la faucille ; enfin, il y avait les moissonneurs, qui faisaient tout le travail de récolte. Il faudrait y ajouter le vigneron (le mot existe encore activement aujourd’hui, les bergers (terme générique pour celui qui prenait soin des divers animaux d’élevage).

Le semeur ne laboure pas, il intervient après le laboureur. Il maîtrise le geste ample qui lance la semence de manière à ce qu’elle atteigne tout le terrain. C’est d’ailleurs ce que montre la parabole (versets 5 à 8). De mauvais gestes gaspillent la semence et hypothèquent la future récolte.

Remarque : Le Nouveau Testament a repris au sens figuré les métiers agricoles, pour parler de l’annonce de l’Evangile.

Le laboureur est celui qui prépare le terrain, le nettoie, le retourne, ôte les pierres. C’est tout le travail préparatoire. On dirait aujourd’hui que c’est le travail social de l’Eglise ou la pré-évangélisation.

Le semeur vient ensuite mettre la semence en terre, nous allons y revenir.

Le faucheur intervient avant le moissonneur, son travail est juste de préparer les épis pour la récolte. Ce peut être le travail de tout croyant qui collabore à l’œuvre de Dieu.

Le moissonneur accomplissait un travail plus gratifiant, mais qui ne pouvait avoir lieu que grâce aux trois précédentes étapes. Le moissonneur met en gerbe, il écarte l’ivraie de la vraie céréale. Puis il fait le battage et sort les grains de leur enveloppe. C’est lui qui livre le produit pur, duquel on tirera la farine, le pain et la future semence.

Tout cela est œuvre collective, comme l’est l’œuvre de l’Eglise de Jésus-Christ.

Revenons au semeur. Jésus nous dit « un semeur sortit ». L’opération qui va enclencher le processus de la fructification ne peut être faite que par quelqu’un qui sait faire les bons gestes. Le semeur est peut-être un mauvais laboureur ou un piètre faucheur mais il a sa place par sa compétence précise. Dieu, qui s’est fait connaître à nous, nous a donné à chacun une fonction dans son champs. Il nous faut l’identifier pour ne pas faire ce que nous ne savons accomplir. Nous sommes complémentaires. C’est une autre façon de parler du corps de Christ.

 1 Corinthiens 12 : 7 à 11 en est la description en terme ecclésial.

Sortit pour semer

Le semeur ne peut être opérationnel que dans le champs préparé. S’il reste chez lui, dans sa maison, dans son fauteuil, il ne fera rien, même s’il est le meilleur semeur du canton.

Il faut sortir. Ce verset nous renvoie à un double sens. En premier lieu, la mission apostolique de l’annonce de la Bonne Nouvelle, que Jésus a délivrée aux disciples, où il les a envoyés en « stage » pratique (mission des douze et des soixante-dix), puis les a ensuite eux-mêmes chargés de la suite (Matthieu 28 :19 & Marc 16 :15). Cette mission parcourt aussi toutes les Epîtres. En second lieu, nous pouvons le relier à notre existence propre, dans ce contexte de long confinement, mais aussi dans les communautés locales. Il faut sortir, quitter son confort, aller sous le soleil, la pluie, le vent, avancer difficilement dans un sol remué. L’évangéliste est la figure de celui qui sème, mais cela concerne tout croyant qui maîtrise cet art de la semaille, c’est-à-dire qui sait témoigner de manière diversifiée et intelligente, qui sait donner une parole biblique à bon escient et l’accompagner des mots justes, qui va faire une visite amicale, fructueuse, etc… L’appel d’Esaïe 6 : 8 retentit toujours.

Lorsque le semeur sort, il le fait avec un objectif précis : pour semer. Il ne se promène pas, ne chasse pas, ne cueille pas de fleurs ou de fruits, il sème. C’est sa mission, son ministère, sa vocation. On l’ a appelé pour cela, il est connu et reconnu pour son succès dans les semailles. Il nous faut savoir précisément ce que nous avons à faire. La foi chrétienne est une vie radicale : la semaille n’est pas un hobby, un petit loisir, mais l’identité du semeur. Il nous faut être littéralement habités par ce métier.

Sa semence

Ce complément d’objet peut surprendre et paraître redondant, voire pléonasmique. En réalité il n’en est rien.

Le possessif « sa » du texte original indique bien le lien entre le semant (c’est le mot qui est traduit par « semeur » et qui donne un sens plus actif encore) et la graine mise en terre. Il sait ce qu’il sème car c’est lui qui l’a sélectionnée ou qui l’a reçue. Tous ceux qui ont un jour jardiné savent l’importance de la graine : une semence de mauvaise qualité ne germera pas. (je parle ici d’expérience concrète). Or ici, nous savons, par la suite de la parabole que toutes les semences, sur tous les terrains, vont germer, sauf celles que les oiseaux ont mangées. Cette semence est donc la preuve de la qualité du semeur.

Quand nous sommes dehors (c’est-à-dire au milieu de l’humanité), nous ne pouvons pas nous permettre de répandre de la semence de mauvaise qualité. Il faut que nous puissions la garantir, donc que nous soyons sûre d’elle. Et comment être sûr de cette valeur sans en connaître la source. C’est ici que nous faisons la seconde lecture de notre méditation.

Lecture 2 : 2 Corinthiens 9 :10 «  Or celui qui fournit de la semence au semeur et du pain pour la nourriture vous fournira la semence, la multipliera et fera croître le produit de votre justice. » version NBS.

En bon élève du rabbin Gamaliel, Paul cite un magnifique verset du prophète Esaïe, ch. 55 : 10-11.

 « Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondé et fait germer, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui a faim ; ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche : elle ne revient pas à moi sans effet ; sans avoir fait ce que je désire, sans avoir réalisé ce pour quoi je l’ai envoyée. » version NBS.

Il en extrait ce qui est nécessaire à sa démonstration : c’est Dieu qui fournit la semence et le pain. Le croyant reçoit cette semence par l’Esprit, et elle devient alors sa semence propre. Mais le verset d’Esaïe nous indique encore plus clairement le secret de la valeur de cette semence : c’est la force de la Parole de Dieu, laquelle a toujours de l’efficacité et qui n’agit que dans le sens de la volonté de Dieu.

Or nous savons que, pour le chrétien, la Bible est Parole de Dieu. La semence a répandre est donc celle de la Bible, de l’Evangile. Nous n’avons rien à inventer, nous n’avons qu’à connaître et diffuser cette Parole. C’est d’ailleurs le sens que confirme Jésus dans son explication aux disciples (verset 11 de Luc).

Nous ne pouvons rien semer qui soit le fruit de notre seule pensée, fût-elle géniale. Le salut des hommes ne vient pas de Platon, de Kant ou de Marx, mais de la Parole de Dieu, le temps long de l’histoire nous le prouve bien. Luther, Calvin et tous les grands théologiens protestants, de même que les grands maître catholiques peuvent nous être utiles quand ils se font les interprètes et les guides dans la Bible. Ils sont des ouvriers dans l’œuvre et sèment aussi la Parole. Ne confondons pas la valeur des sources. Il existe une hiérarchie spirituelle : la Bible d’abord, puis les auteurs chrétiens travaillant la Bible, et ensuite seulement, les plus grands penseurs de l’humanité. Cette hiérarchie peut choquer le non-croyant, mais elle doit habiter le semeur.

Conclusion

Les quelques mots introductifs de cette parabole si connue nous ouvrent des horizons de réflexion touchant aussi bien à la vocation chrétienne (sommes-nous laboureurs, semeurs, moissonneurs ?) qu’à l’enseignement de l’Eglise et à la mission des croyants. Semons ce qui est devenu notre semence, éprouvée et reçue de la Parole de Dieu, nous serons alors inscrits dans la volonté de Dieu du salut de tous les hommes comme le disent Esaïe et Paul.

Jean-Michel Dauriac – Avril 2021 –

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Martin Luther King – La force d’aimer (préface de Sébastien Fath) Paris, Editions Empreinte temps présent – 2013 – 254 pages

Paris, Editions Empreinte temps présent – 2013 – 254 pages

Dans la série : « dans la bibliothèque de mon père »

J’avais dû lire ce livre, dans la foulée de l’assassinat de King, alors que j’étais adolescent : je ne m’en souviens pas du tout et peut-être ne l’avais-je même pas fini, car à ce moment-là de ma vie, j’étais plus intéressé par la littérature et la politique que par la religion, qui représentait le conformisme familial et, par le milieu évangélique où j’ai été élevé, la contrainte culpabilisante. Il aura donc fallu attendre cinquante années, pour qu’à l’occasion du tri et rangement de la bibliothèque paternelle, je décide de le lire vraiment.

La première des choses à dire est que je comprends évidemment pourquoi ce livre ne m’a pas marqué et m’a même ennuyé : il demande un minimum de maturité et d’expérience de la vie. Un adolescent français du début des seventies ne pouvait pas disposer de cette base, et ce livre devenait donc un objet incongru. Mon admiration pour MLK n’a pas suffi à me le faire lire, aimer et comprendre.

La deuxième remarque porte sur la nature du livre lui-même. Dans l’édition ancienne que j’ai (Casterman1964), la préface est écrite par le traducteur, Jean Bruls, prêtre catholique, ce qui est assez surprenant à cette époque, mais s’avère, avec le recul historique, un des premiers fruits du Concile Vatican II : les protestants n’étaient plus seulement des hérétiques à éviter ! Bruls présente ce qui constitue la matière de l’ouvrage, soit des sermons. On y retrouvera donc le style oratoire et des adresses directes à l’auditoire. Bien entendu, ces sermons ont été préalablement écrits et travaillés et passent ainsi fort bien la barrière de la publication. Dans la préface de MLK qui ouvre le livre, il dit sa réticence première à voir ses sermons publiés, mais aussi la réalité de la demande. Il met en contexte les textes et en fait une brève catégorisation. Ce livre n’est donc pas initialement pensé comme tel, mais il est un recueil constitué a posteriori. Et pourtant il possède une incontestable unité, qui atteste de la cohérence de la pensée de l’auteur autant que de ses convictions. Car ce livre est avant tout une proclamation chrétienne et évangélique. On y découvre au fil des chapitres, et en reconstruisant le puzzle personnel que l’auteur délivre par petits fragments, une existence marquée par la foi et l’engagement. Ce n’est pas le livre d’un super-héros – il faut lire le texte où il parle de la peur -, mais celui d’un homme qui met sa confiance en Dieu et fixe son modèle, Jésus-Christ. Ce livre de prédications est aussi, quand même, à son corps défendant, un livre théologique ; les pages où il parle de sa recherche entre libéralisme protestant et fondamentalisme sont fort intéressantes, autant que celles où il revient sur les dogmes chrétiens par l’exemple du vécu, notamment sur le pardon. Livre d’édification qui sera fort utile à tous les lecteurs, quel que soit leur degré de maturité dans la marche chrétienne. Il sera, par contre, plus difficile de le lire comme un livre profane, simple manifeste de la non-violence, car ce serait l’amputer de son fondement.

En troisième lieu, il faut revenir sur la pensée de MLK. Le monde médiatique moderne n’a pas son pareil pour réduire les choses complexes à leur plus simple expression, voire à leur caricature. ML King n’y a pas échappé et, un peu comme Che Guevara ou Nelson Mandela, il est devenu une sorte d’icône, au prix d’un appauvrissement considérable de sa réflexion-action. Bien sûr, la non-violence est la position qui l’a fait connaître au monde entier. Mais dans cette modalité de lutte, il n’est qu’un maillon de la chaîne qui promeut le refus de la violence. Qui le lira ici découvrira bien qu’il se présente comme un héritier : d’abord de Gandhi, dont les actions de masse l’ont vraiment impressionné. Mais aussi de Tolstoï et de Thoreau. Et surtout, par-dessus tout de Jésus de Nazareth, le modèle suprême des précédents. Or il y a une logique de progression. Tolstoï se convertit et devient l’apôtre de la non-résistance au mal, dont Gandhi fait la base de sa pensée. Celui-ci aura un échange de correspondance avec le grand Russe, pour lui exposer son projet de lutte pacifique. Il dira que son livre de chevet est Le royaume des cieux est en vous, livre de Tolstoï écrit au début des années 1890, qui est un vrai traité de refus de la violence par conviction évangélique. ML King admire Gandhi, qui est un presque contemporain, alors que les idées de Tolstoï sont tombées dans l’oubli. Mais à deux reprises le pasteur américain cite des extraits de Confession, le livre qui raconte l’expérience spirituelle de Tolstoï, écrit en 1881, et ML King ne doute pas qu’il ait vécu une vraie conversion au christianisme, il le dit clairement. Sa pensée est donc nourrie des grands prédécesseurs et il n’y a aucun doute qu’elle a, à son tour, influencé l’attitude de Nelson Mandela, dont tous les média omettent consciencieusement de signaler sa foi chrétienne protestante (méthodiste si je me souviens bien). Il y a donc bien un fil rouge de foi qui relie tous ces apôtres de la non-violence : ils ne le sont pas par un choix politique, mais par un choix moral et éthique tiré de leur christianisme.

Le quatrième point sur lequel je voudrais insister est la culture personnelle de Martin Luther King. Tout au long de l’ouvrage, presque dans chaque sermon, il cite des grands auteurs ou penseurs, allant de Shakespeare à Thoreau, en passant par Goethe, Tolstoï, Marx ou d’autres auteurs. Ses citations sont toujours pertinentes et fort bien choisies, elles rendent son discours plus percutant, en lui donnant une assise universelle, qui réconcilie blancs et noirs. Il connaît également fort bien la Bible – ce qui est tout à fait logique pour quelqu’un ayant fait des études de théologie – et les grands penseurs protestants de la théologie. Bref, il s’agit d’un homme cultivé, qui était parfaitement en mesure de dialoguer, sur le fond, avec n’importe quel interlocuteur de son temps.

Nous avons donc affaire là à un ouvrage important, qui dépasse le cadre temporel et spatial de son auteur, pour devenir une référence spirituelle et éthique universelle et intemporelle. En le lisant, j’ai songé aux recueils de sermons d’Albert Schweitzer, autre grande conscience du Xxe siècle. Comme chez l’Alsacien, on retrouve cette capacité à dégager l’essentiel du message du Christ et à l’installer hors du temps court. Voici un livre que j’offrirai dorénavant volontiers aux gens auxquels je voudrai faire du bien durablement, car il est un témoignage humain, donc proche de nous et fait la passerelle avec l’Evangile.

Pour terminer ce petit essai, je laisse la parole à Martin Luther King, pour situer l’enjeu de son combat :

«  L’amour est la puissance la plus durable du monde. Cette force créatrice, si admirablement exemplaire dans la vie de notre Christ, est l’instrument le plus puissant qui se puisse trouver dans la recherche par l’humanité de la paix et de la sécurité. On rapporte que Napoléon Bonaparte, le grand génie militaire, considérant ses années de conquêtes, fit cette remarque : « Alexandre, César, Charlemagne et moi avons construit des grands empires. Mais de quoi ont-ils dépendu ? De la force. Or, il y a des siècles, Jésus inaugura un empire bâti sur l’amour et de nos jours encore des millions d’hommes voudraient mourir pour lui. » Qui peut mettre en doute la véracité de ces paroles ? » (p. 73)

Jean-Michel Dauriac – Beychac et Caillau  – 28 décembre 2021

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Nous sommes les enfants du jour – Méditation de sortie de l’Arche n° 16

La version audio de cette méditation est ici:

Les enfants du jour – JM Dauriac – 2021

Je crois à la vocation chrétienne, au sens de ce mot que nous avons étudié à propos d’Abraham. Nul ne peut affirmer être du Christ sans y avoir été appelé d’une manière ou d’une autre. Paul parle de « vocation céleste » à propos des chrétiens, en Ephésiens 4 : 4 :

« Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation ; » (version Segond)

Cette vocation, pour laquelle, comme Abram, nous n’avons aucun mérite personnel nous met dans une position particulière, que la Bible appelle le « salut ». C’est à propos de cette position que nous allons méditer.

Lecture : 1 Thessaloniciens 5 :4-8.

« 4  Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur ;

5  vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres.

6 ¶  Ne dormons donc point comme les autres, mais veillons et soyons sobres.

7  Car ceux qui dorment dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent s’enivrent la nuit.

8  Mais nous qui sommes du jour, soyons sobres, ayant revêtu la cuirasse de la foi et de la charité, et ayant pour casque l’espérance du salut. » (version Segond)

Au verset 1 de ce même chapitre, Paul déclare à ses correspondants que le « jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit ». C’est cela que nous retrouvons, au verset 4, lorsqu’il parle de « ce jour ».

« Le jour du Seigneur » dont il est question est un élément de la fin des temps, selon la terminologie du Nouveau Testament. Paul vient d’expliquer aux Thessaloniciens ce qu’il a compris de ce jour de résurrection : relisez 1 Thessaloniciens 4 : 13-18. Une première différence apparaît ici.

Le chrétien ne doit pas être surpris par ce jour. (verset 4).

L’image du voleur nocturne, toujours actuelle, suggère deux faits : d’abord la présence masquante de la nuit, qui cache hommes et choses, puis l’effet de surprise, car la nuit est le temps du repos et du calme. Toute irruption suscite à la fois la stupeur et la peur (voir méditation 15). Mais le croyant est prévenu qu’il y aura un « jour du Seigneur » et le croit fermement, et il l’attend, mieux, il l’espère. Par contre, « l’insensé », selon la Bible, lui, n’y croit pas. C’est donc pour lui une surprise effrayante. Vous noterez le contraste « jour du Seigneur » et « voleur dans la nuit ». Ce contraste arme tout le passage que nous avons lu. Paul manifeste cela en faisant usage du mot « ténèbre », comme caractéristique de ceux qui sont surpris.

La première différence est donc dans l’attitude face au « jour du Seigneur ». Ceux qui ne croient pas sont dans les ténèbres, ils ont refusé d’être éclairés, ils seront donc sans défense face au voleur nocturne, comme ils seront démunis en face du Seigneur. La seconde différence complète cette première distinction.

Enfants de la lumière et du jour (verset 5).

Ce verset contient de fait une double affirmation. La partie a est confirmée par la partie b. Deux couples antithétiques apparaissent ainsi : lumière/ténébres et jour/nuit. S’agit-il d’une répétition à fins pédagogiques ? Ce n’est pas rare chez Paul. Mais on peut aussi y voir deux aspects complémentaires. La lumière et les ténèbres renvoient à un aspect plus individuel. Il faut alors revenir au prologue de l’Evangile de Jean.

Les versets 5 et 9[1] définissent le rôle de la lumière : luire et éclairer. Luire, c’est être un point de repère, un espoir. Eclairer, c’est, dans la terminologie de Jean, ouvrir les yeux de l’homme. Or, cette lumière a un pouvoir extraordinaire dévoilé par les versets 12 et 13[2] : permettre de « devenir enfants de Dieu ». Donc lorsque Paul parle au verset 5 de notre texte des « enfants de lumière », nous pouvons le remplacer par «  enfants de Dieu ».

Faut-il séparer les ténèbres de la nuit ? Oui. Si nous voulons être prosaïque, nous pouvons remplacer « être dans les ténèbres » par « être dans le noir ». On peut être dans les ténèbres en plein jour, dans une grotte ou un local clos. Les ténèbres relèvent du particulier, la nuit du général et, bien sûr, il en est de même pour la lumière et le jour.

Etre un « enfant du jour », c’est demeurer dans un état où la lumière est partout. Elle ne luit plus et elle n’éclaire plus seulement dans les lieux de ténèbres. L’état normal est la pleine lumière. Le chrétien a comme état normal cette clarté qui l’entoure. Et même s’il est dans un lieu de ténèbre – je pense ici à une épreuve, un danger, une situation de détresse – la lumière luit pour l’éclairer. Il a à la fois le jour et la lumière. Par opposition ceux qui ne sont pas enfants de Dieu ont à la fois la nuit globale et des ténèbres particulières.

Cette destination conduit à des comportements également opposés.

Veiller dans la sobriété (versets 6 et 7)

A nouveau ici, Paul joue sur deux versets en opposition. Il analyse deux états distincts : le sommeil et l’ivresse.

Pour le croyant, c’est le verset 6 qui donne la conduite à tenir. Il s’agit de ne pas dormir. Nous savons que le sommeil est dans la Bible l’image de la mort. Le sommeil évoque ici une mort spirituelle. C’est un état qui nous prive de fait de la lumière et du jour. Paul nous encourage à veiller et à rester sobre. Il faut relire le récit de Gethsémané, en Matthieu 26 : 36-46, et s’arrêter sur le verset 41 :

« 41  Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible. » (Version Segond)

Les disciples dorment dans la nuit où Jésus est livré. Ils n’ont pas saisi la lumière. Paul peut nous encourager à ne pas dormir, car la résurrection a eu lieu et la lumière a lui, d’abord pour les disciples, puis pour tous les hommes.

La sobriété est un état de contrôle et de vigilance ; celui qui est sobre doit lutter contre la tentation de la boisson ou de toute autre stimulation ou drogue.

L’incroyant se laisse aller dans les paradis artificiels (l’inverse du verset 7). Il va à la facilité. L’ivresse pousse au sommeil. Spirituellement, toutes les inventions de l’homme pour ne pas faire face à la seule grande question existentielle du sens de la vie, sont des ivresses. Elle le maintiennent dans la mort de l’esprit au sein d’un monde sans lumière. La grande illusion du monde et de la civilisation a toujours été de masquer cette nuit par une  fausse lumière frelatée que seule l’ivresse permet de supporter. Le jour et la nuit sont bien deux états spirituels que tout oppose et ceux qui y vivent ne sont pas identiques.

L’espérance du salut

Paul conclut cet enseignement par un encouragement à mener le bon combat. Dans la première lettre à Timothée, nous trouvons trois fois cette injonction à mener « le bon combat ». Retenons 1 Timothée 6 :12 :

« 12  Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait une belle confession en présence d’un grand nombre de témoins. » (version NBS)

Ce combat se mène avec des instrument de protection, car c’est une lutte, parfois un corps à corps. La cuirasse de la foi nous protège des coups de l’adversaire, des flèches de l’incrédulité, du mensonge, de la haine…

Et c’est l’espérance qui coiffe notre tête, le lieu de notre intelligence et de notre raison. Il nous faut garder notre pensée dans la logique du salut offert par Christ.

Quel beau titre que celui d’« enfant du jour » ! Sachons en apprécier à la fois les privilèges que personne ne peut nous retirer et les devoirs qui l’accompagnent : la veille dans la sobriété.

Jean-Michel Dauriac


[1] « 5   La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. » « 9  Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. » version Segond.

[2] « Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,

« 13  (1-12) lesquels sont nés, (1-13) non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » version Segond

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