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Catégorie : Bible et vie

Quoi de neuf? sermon du 31 décembre 2023

Ce sermon est un message de circonstance lié à la date du jour : nous sommes le 31 décembre, dernier jour de l’année civile. Ce soir à 23 h 59’ 59’’ se terminera l’année 2023 et débutera l’an 2024 d’après une hypothétique année zéro qui serait celle de la naissance du Christ. J’aimerais que nous réfléchissions un instant à ce moment et à sa pratique courante dans notre société. Mais que nous y réfléchissions en chrétiens et non en sociologues ou en journalistes.

La spécificité de ce jour

Le 31 décembre est la combinaison courante dans le christianisme catholique historique de deux traditions distinctes :

  • Le jour où on vénère et célèbre le saint appelé Sylvestre.
  • Le jour d’un banquet, hérité de la tradition païenne romaine, pour fêter le début de la nouvelle année.

C’est donc un bel exemple de récupération d’une tradition païenne christianisée, comme le 25 décembre ou le sapin de Noël.

Les médias, chaque année, dans la semaine séparant Noël du 31 décembre répètent à l’envi les sujets sur la Saint-Sylvestre. Absurdité étonnante d’une société matérialiste, qui ne croit plus à Dieu ni à Diable. Le terme est usité, sans voir à quel point cet usage est absurde !

Mais qui était ce Sylvestre fêté le 31 décembre ?

D’après la liste catholique des papes, il fut le 33e pape (évêque de Rome, successeur de Pierre, devenu, à son corps défendant, premier pape de l’histoire chrétienne). Il est le premier évêque de Rome reconnu légalement par le pouvoir romain, ici l’empereur Constantin Ier, qui a pris en 313 un édit de tolérance qui reconnaît officiellement le christianisme comme religion autorisée et, dans les faits, religion fortement privilégiée par Constantin. Sylvestre est élu le 31 décembre 314 et meurt, selon la légende, le 31 décembre 335, après 21 ans d’épiscopat. C’est là son principal sujet de gloire.

Il fut un pape insignifiant, inféodé à Constantin et qui fut surtout un conseiller pour la construction de toute une série d’églises, dont la première basilique Saint-Pierre et Saint Paul-hors-les -murs, deux églises édifiées sur le lieu supposé du martyr des deux apôtres.

Au Ve et VIe siècles, toute une série de légendes incroyables furent inventées et rédigées pour lui donner une véritable consistance, notamment le fait qu’il ait baptisé Constantin, ce qui est historiquement faux, puisque celui-ci reçut le baptême, juste avant de mourir, d’Eusèbe de Nicomédie, prêtre arien, donc hérétique selon la doctrine officielle promue par l’empereur à Nicée.

Le 31 décembre est donc la fête d’un saint sans relief, entouré de légendes invraisemblables. Voilà pour l’aspect religieux du jour.

Quelle fête le 31 décembre au soir ?

  • Une fête strictement profane, dédiée aux excès de table et à la boisson, où il ne fait pas bon être pauvre. Le contraste entre ce que nous donnent à voir les médias et les personnalités et les soirées organisées par les associations humanitaires est saisissant. D’un côté, le gaspillage éhonté, les paillettes et les frous-frous des cabarets, de l’autre des miséreux sortis de la rue par des âmes compatissantes. Un reflet brut de nos sociétés capitalistes libérales.
  • Une fête de la consommation sans limites : voyez les offres de nos magasins, les tarifs pratiqués et les produits proposés. Il semble que cette nuit-là tous les excès soient permis. C’est la symbolique de l’orgie païenne, la fête bacchanale. Le tout habillé par de grands couturiers et des chefs étoilés.
  • Une fête de la renaissance : l’an neuf est censé remettre les compteurs à zéro. On remet tout à plat et, de fait, nous faisons semblant de croire, un bref moment, que la réalité sera différente.
  • C’est le moment de ce que l’on nomme traditionnellement « les bonnes résolutions de l’an neuf » :
  • Les Anglo-saxons ont inventé récemment le « Dry january », le mois de janvier sec, sans consommation d’alcool, sans doute pour purger le corps des abus de la semaine entre Noël et le Jour de l’an.
  • Tout le marché est construit pour nous inviter à prendre le départ d’une vie nouvelle :
  • Promotions multiples ;
  • Campagnes de presse sur les nouveautés de l’année ;
  • Encouragement aux nouvelles pratiques, censées être plus saines, mais surtout monnayables.

Bref, le 31 décembre-1erjanvier manie les contraires sans souci et promeut le rêve de renouveau dont tout le monde sait qu’il n’existera pas, au-delà de quelques velléités vite retombées.

Fadaises répétées invariablement chaque année…

Voici le neuf véritable

Et voici venu le moment de lire un court extrait du Nouveau Testament.

2 Corinthiens 5 :17 : « Si donc quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature ; les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » Version Ostie-Trinquet.

Face au mensonge « sucrée (ou soft) » de notre Saint-Sylvestre ordinaire, le menu de fête du Christ est offert 365 jours par an.

Pour vivre vraiment du nouveau, il n’y a qu’une seule condition, exprimée par Paul : Si donc quelqu’un est en Christ, pour que tout soit renouvelé, il n’y a que cela à vivre : ETRE EN CHRIST.

Cette formule brève est très forte. Elle engage totalement l’être humain. Elle implique :

  • Une décision personnelle, un choix net et revendiqué : c’est la confession personnelle de foi. Chaque croyant décide de choisir Christ, selon des modalités et des circonstances diverses, il n’existe aucun modèle à suivre.
  • La réponse à un appel pressant et permanent du Christ, répandu par l’Eglise :

Matthieu 11 :28 : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et courbés sous un fardeau, et je vous donnerai du repos. » Version Segond 21.

Un appel qui est très personnel : Apocalypse 3 :20 : « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. » Version Louis Segond 1975.

Cet appel est intemporel et universel.

  • Un abandon de ce qui nous écrase : le monde profane abuse de l’expression « lâcher prise » dans son marché du développement personnel. C’est Jésus qui ôte le fardeau et qui est le véritable auteur du « lâcher prise ». Notre part est dans la mise en marche et le choix net.

Que se passe-t-il alors ?

La fin de la phrase de Paul, en grec, est d’une brièveté riche de sens : kaine ktisis. Deux mots qui signifie littéralement : « fondation nouvelle ». Le mot est utilisé à l’époque pour la création d‘une ville. Voilà vraiment le nouveau départ.

« Etre en Christ », c’est accepter cette main tendue et vouloir faire le grand saut de la foi devant sa parole d’appel. Dès lors nous sommes, comme Paul le définit dans sa lettre aux Colossiens, 3 :3 :

« 3  Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu ; » Version Ostie-Trinquet.

« Etre en Christ », c’est mourir volontairement, par la foi, à notre vie humaine ordinaire ; c’est renoncer à la Saint-Sylvestre, pour choisir la vie « cachée en Christ » ; c’est être une fondation nouvelle sur laquelle je puis édifier une vie nouvelle, celle de la vie en Christ, avec l’Eglise. Ce n’est pas une utopie, une rêverie, une légende : nous avons des milliers de témoignages depuis 2000 ans (« la nuée de témoins » citées en Hébreux 11) de cette nouvelle fondation dans la vie des saints, c’est-à-dire de ceux qui se mettent à part pour servir Dieu, ceux qui sont en Christ. Relisons le chapitre 11 des Hébreux dans cette perspective, il est un précieux encouragement, depuis plus de dix-neuf siècles, pour une marche en « nouveauté de vie » (Romains 6 :4 : « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. » Version Segond 1975.

Des vraies vies de vrais croyants rachetés, pas des légendes incroyables…

Conclusion

Devenus « nouvelle créature » en Christ, nous attendons alors avec espérance l’établissement final du Royaume de Dieu.

Apocalypse 21 : 2 : « Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s’est parée pour son époux. » Version NEG.

La fondation d’une nouvelle cité, qui est l’ensemble des croyants, l’Eglise Universelle, l’Israël revenu vers Dieu, prête pour le Christ. Et alors survient cette parole proprement sidérante :

Apocalypse 21 :5 : « Et celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. » Version NEG.

D’abord, le Christ fait de nous une nouvelle création puis, quand le temps est venu, l’Eglise entière devient nouvelle cité, refondée par et sur la parole divine, parfaite et sans tâche.

Et là, tout est vraiment nouveau. On est à l’opposé du renouveau de pacotille du 31 décembre, d’une Saint-Sylvestre païenne et injuste.

Nous pouvons décider, si nous ne l’avons pas fait, de devenir « fondation nouvelle ». Et si nous l’avons choisi, de nous rappeler vivement ce choix et cette promesse.

Jean-Michel Dauriac – Décembre 2023.

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Quand les fondements sont détruits, que faire ?

   Prédication du 6 août 2023

Introduction

Il y a quelques semaines, le président E. Macron a parlé, à propos de certains événements dans nos villes françaises, d’un temps de « décivilisation « , ce qui n’a pas manqué de susciter d’abondantes réactions prévisibles, tant positives que négatives, selon les positions politiques défendues. Il y aurait donc un temps de civilisation et un autre de décivilisation. Tous les historiens, les archéologues, les anthropologues et même les sociologues sont d’accord sur le fait qu’une civilisation est un processus.

En 1919, l’écrivain et penseur Paul Valéry écrit, dans un livre titré La crise de l’Esprit, la phrase suivante, sujet de bien des devoirs d’histoire et de philosophie :

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »

La Première Guerre mondiale venait d’apporter la preuve sanglante que la brillante civilisation européenne pouvait s’autodétruire. Nous avons eu depuis ce temps de nombreuses autres preuves de cette capacité.

Une civilisation obéit à trois temps que l’on peut repérer partout dans le temps et l’espace de l’histoire du monde :

  1. Une naissance et une croissance qui la mènent à atteindre un plus haut niveau technique, moral et social que l’état antérieur.
  2. Un « plateau », plus ou moins long, où cette situation demeure assez stable, tout en évoluant.
  3. Une chute, lente ou brutale selon les circonstances, que l’on peut nommer « décadence », « effondrement » ou, ici, « décivilisation ». Au terme de ce processus, il peut ne rester que des pierres de la plus brillante des civilisations. La Rome antique, les Mayas, l’Empire mongol sont des exemples connus de ce processus.

Nous sommes, nous autres, Français du XXIe siècle, les membres de la civilisation gréco-judéo-chrétienne occidentale, née à Athènes, 500 ans avant Jésus-Christ. C’est un fait indéniable.

Lisons maintenant notre texte du jour, dans le Psaume 11, au verset 1 à 3 :

« 1 Au chef des chantres. De David. C’est en l’Eternel que je cherche un refuge. Comment pouvez-vous me dire : Fuis dans vos montagnes, comme un oiseau ?

2 Car voici, les méchants bandent l’arc, Ils ajustent leur flèche sur la corde, Pour tirer dans l’ombre sur ceux dont le cœur est droit.

3 Quand les fondements sont renversés, Le juste, que ferait-il ? »

C’est le verset 3 qui sera le sujet de ma prédication :

Quand les fondements sont renversés, Le juste, que ferait-il ? 

Comment interpréter ce texte d’un point de vue de la vie chrétienne pratique ?

On peut proposer une réflexion sur trois attitudes possibles, qui devrait nous aider pour notre propre comportement dans le monde contemporain et la société française.

Le temps de la déploration et du renoncement

Quels sont les fondements renversés ou détruits dont parle notre texte ? Les psaumes du premier livre du recueil (1 à 41) contiennent de très nombreuses allusions à cette ruine des fondations. David est l’auteur de la plupart de ces poèmes, et il écrit souvent sous le coup d’événements dramatiques pour lui. Il s’agit donc du reflet poétique et spirituel d’une vie humaine sous tous ses aspects.

Ainsi le psaume 3 est lié à la révolte de son fils Absalom, qui veut le renverser et s’asseoir sur le trône. Voir 2 Samuel ch. 15-18. Voyons les versets 1 & 2 de ce psaume :

« 1 Psaume de David quand il fuyait devant son fils Absalom. (3-2) Éternel, qu’ils sont nombreux mes adversaires ! Nombreux ceux qui se lèvent contre moi !

2 (3-3) Nombreux ceux qui disent à mon sujet : Point de salut pour lui auprès de Dieu ! (Pause.)»

La menace est bien réelle et la vie de David est menacée, une fois encore.

Le psaume 10 débute aussi par la description d’une situation dramatique. Lisons les versets 1 à 4 :

« 1 Pourquoi, ô Eternel ! te tiens-tu éloigné ? Pourquoi te caches-tu au temps de la détresse ?

2 Le méchant dans son orgueil poursuit les malheureux, Ils sont victimes des trames qu’il a conçues.

3 Car le méchant se glorifie de sa convoitise, Et le ravisseur outrage, méprise l’Eternel.

4 Le méchant dit avec arrogance : Il ne punit pas ! Il n’y a point de Dieu ! — Voilà toutes ses pensées. »

On pourrait multiplier les exemples à l’envi. Pour David, les fondements représentent à la fois la protection-bénédiction de Dieu et un peuple qui marche avec Dieu, dans l’obéissance à la Loi. C’est sa conception du monde, celle qui découle du fait qu’il est né dans une des tribus du peuple hébreu, élu par Dieu.

Chaque civilisation développe sa conception du monde, l’ordre qui est positif et sur lequel elle fonde son existence. Rome était fondée sur un régime politique élitiste, avec des catégories sociales nettes : les patriciens, la plèbe, les esclaves et les autres métèques, le tout cimenté par le culte de l’Empereur comme religion civique. Quand cet édifice s’est lézardé, peu à peu les fondements se sont effondrés. Le christianisme n’a pas pu remplacer cet ordre ancien et a accouché d’une nouvelle civilisation au VIe siècle : la chrétienté occidentale.

Le Moyen Age européen était une société avec trois ordres reconnus : ceux qui faisaient la guerre (les nobles et les seigneurs = bellatores en latin), ceux qui travaillaient (les serfs et les paysans et artisans = laboratores) et ceux qui priaient (les moines et les religieux =  oratores). Ces ordres étaient quasi imperméables et l’édifice était dominé par l’Eglise Catholique Romaine et le Pape. Quand les Seigneurs ont voulu s’affranchir de la tutelle de l’Eglise, les fondements de la chrétienté catholique ont commencé à se fissurer. La Réforme protestante a porté le coup fatal. Un nouvel ordre social a remplacé la chrétienté, c’est l’humanisme et le rationalisme, dont nous vivons peut-être la fin.

Quels sont les fondements sur lesquels nous sommes souvent en train de pleurer. Le « C’était mieux avant » est aussi vieux que l’homme. Nous avons des témoignages écrits fiables de la déploration lointaine des temps antiques, y compris dans la Bible. Les Grecs, les Romains, les Assyriens, les Egyptiens… ont tous laissé des traces de cette déploration.

Le judaïsme se construit sur la nostalgie du jardin d’Eden, sur la mémoire de Jérusalem (voir le très célèbre psaume 137 : « Sur les bords des fleuves de Babylone… ») et sur l’attente d’un messie glorieux. Le christianisme reprend cette base et construit deux extrêmes de l’histoire humaine, au début de la Torah et à la fin du Nouveau Testament : la chute en Eden et le péché originel qui ouvrent la Genèse ; l’établissement de la Jérusalem Céleste, qui clôt l’Apocalypse de Jean. Et entre les deux, les croyants passent leur vie à déplorer l’état de péché du monde et à rêver d’une Eglise idéale qui n’a jamais existé. Et, au nom de ces doctrines, nous jugeons de même le monde où nous vivons comme sans fondations et voués à l’errement du péché. Souvent, nous nous en tenons là. Ce faisant, nous reproduisons le plus souvent des discours récurrents que la littérature chrétienne nous fournit en abondance. Est-ce que la déploration nostalgique fait avancer les choses et corrige la situation ?

Bien évidemment, non. Mais nous nous y plaisons beaucoup et en restons là. Nous sommes les victimes d’un monde qui va à la perdition et de frères et sœurs qui n’arrivent pas à bien vivre l’Eglise.

Si nous en restons là, notre vie est bien triste. Déplorer seulement, c’est abandonner. C’est renoncer à toute lutte.

Le temps de l’analyse et de la réflexion

Le constat de déploration/condamnation est une étape nécessaire. C’est la prise de conscience que les événements sont négatifs, que les fondements sont mauvais ou ruinés, que la vie des hommes n’est pas bonne. C’est un acte de lucidité indispensable.

Luc 15 : 11-32 nous narre une histoire très célèbre chez les chrétiens, sous le nom discutable de « parabole du fils prodigue ». Inutile de la résumer, tout le monde la connaît. Ce fils cadet brûle sa vie et sa part d’héritage, jusqu’à devenir misérable. Ce sont les versets 17-19 qui nous sont utiles dans le cadre de notre réflexion.

« 17 Rentré en lui-même, il se dit : Combien d’employés chez mon père ont du pain en abondance, et moi ici, je péris à cause de la famine.

18 Je me lèverai, j’irai vers mon père et lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ;

19  je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes employés. »

Le verset 17 relève de la déploration et de la plainte. Il est misérable et affamé, et sa condition est pire que celle des travailleurs de son père. Il a raison dans son contexte. Il pourrait en rester là et mourir de faim avec son ressentiment et son apitoiement sur lui-même.

Mais aux versets 18-19, il se livre à une analyse lucide et fait 2 constats :

  1. Il a fauté contre son père ;
  2. Il est juste bon à être traité comme un serviteur.

Sa déploration l’a amené à poser un diagnostic sur sa propre situation, et à la décrire sans aucune complaisance.

Que faisons-nous de notre déploration et du constat d’un monde misérable et/ou d’une chrétienté insatisfaisante ? Nous avons seulement deux options :

  • Soit nous nous enfermons dans cet état, et nous ne pouvons que devenir amers et aigris et, donc, faire fuir ceux qui sont autour de nous.
  • Soit nous formulons un diagnostic lucide à partir de cet état de fait.
  • Le monde autour de nous va mal, sans doute bien plus mal qu’il y a 50 ou 60 ans, ou même 40 ans. Pourquoi va-t-il si mal ? Parce qu’il avance sans repères sûrs, car il les a détruits assez systématiquement : l’éducation, l’autorité et la discipline, le travail, l’éthique et la fraternité vont de moins en moins bien. C’est au nom d’une pseudo liberté et d’un faux-progrès que tout cela est accompli, et les hommes se laissent berner par la propagande omniprésente (relire J. Ellul et son traité sur la propagande). Jésus lui-même, à son époque, a comparé les israélites comme des « brebis qui n’ont pas de berger » (Matthieu 9 : 36), preuve que cet état a été perçu à toutes les époques de crise.
  • L’Eglise du Christ, parfaite pour le Père et le Fils, est décevante vue par les hommes. C’est là aussi un constat récurrent. Une grande partie de la prédication de Jésus fustige les religieux de son temps, pharisiens, sadducéens ou zélotes. L’Eglise est, ici-bas, sur la terre, une institution humaine où le Saint-Esprit a parfois du mal à souffler. Les scandales sexuels catholiques sont les faits actuels les plus scandaleux, mais les dérives des télévangélistes américains le sont tout autant, et l’hexagone nous offre de piteux exemples de communautés chrétiennes ou de conducteurs indignes, de sentinelles endormies, d’ignorants heureux… C’est un fait que les Eglises sont imparfaites. Pourquoi donc ? Parce qu’elles persévèrent à rester humaines, au lieu d’être le temple du Saint-Esprit.

Les diagnostics sont donc posés. Qu’allons-nous en faire maintenant ?

Le temps de refonder, redresser les fondations

Nous en arrivons à la question qui nous implique personnellement : « Le juste, que fera-t-il ? » (On peut aussi user du conditionnel : « Le juste, que ferait-il ? »), ce qui permet d‘envisager toutes les situations.

Nous avons vu deux attitudes possibles jusqu’alors, la déploration et le constat lucide. En rester là serait faire preuve d’impuissance. Il nous faut donc poser cette question : Le juste, que peut-il faire ?

On peut dire déjà que la question elle-même est un premier pas. Se demander ce que nous pouvons faire, en tant que chrétiens, pour rétablir des fondations, c’est envisager qu’il y ait une possibilité d’action.

Bien sûr, je peux me sentir légitimement impuissant, incapable face à leur de la destruction. Je suis un simple être humain bien ordinaire, sans pouvoirs politiques, financiers ou éthiques. Je suis désarmé. Et pourtant, je sens intuitivement que je dois agir.

Je ne suis pas le sauveur du monde ni le superhéros capable de changer le cours de l’histoire. (Qui le peut vraiment ?). Reconnaître mes limites est un premier pas.

Ce constat doit m’amener à revenir à la source évangélique, au Christ. Celui-ci a souligné devant ses disciples, à plusieurs reprises, l’importance de la foi. La foi est la confiance en Christ, là où est la vie du croyant. C’est elle qui nous singularise par rapport à tous les autres hommes vivant sans repères ni fondements. C’est d‘abord d’elle que nous devons vivre intérieurement, avant d’agir extérieurement.

Galates 2 :20 affirme cette identité :

« 20 Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ, qui vit en moi ; ma vie présente dans la chair, je (la) vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi. »

Cette position en Christ change tout. Elle est une assurance et une lutte de chaque jour contre l’incrédulité et le doute. Galates 3 : 26-27 nous

«  26 Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Christ-Jésus :

27 vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. »

Nous sommes donc fils de Dieu en Jésus-Christ. Dès lors, c’est dans cette filiation que nous devons agir, car c’est la position du juste (voir les textes de Romains sur la justification par la foi dans le chapitre 5).

Philippiens 4 : 13 va encore plus loin :

« 13 Je puis tout par celui qui me fortifie. »

Nous avons potentiellement tout pouvoir, à l’image de Dieu en Jésus-Christ. Si je puis tout, je n’ai plus aucune excuse pour rester inactif. Ce « tout » ouvre la porte infinie de la foi et de la vie en Christ.

Quelle action mener ?

Dans les deux épîtres à Timothée, l’auteur (Paul ou son école) emploie à trois reprises l’expression « bon (ou beau)  combat » – grec kalos strateias, littéralement la belle expédition militaire -, selon l’école Segond, beau étant plutôt dans la TOB. Voir 1 Tim. 1 : 18 ; 6 : 12 et 2 Tim. 4 : 7.

1 Timothée 1:18  « Mon fils Timothée, je te recommande ce commandement, que conformément aux prophéties qui auparavant ont été faites de toi, tu t’acquittes, selon elles, du devoir de combattre en cette bonne guerre ;

1 Timothée 6:12  Combats le bon combat de la foi ; saisis la vie éternelle, à laquelle aussi tu es appelé, et dont tu as fait une belle profession devant beaucoup de témoins.

2 Timothée 4:7  J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. »

Le beau et bon combat est, clairement celui de la foi. Cette expression montre clairement que le croyant est un soldat du Christ, il doit mener une lutte militaire, celle du bien contre le mal.

Face à des fondements ruinés, le beau et bon combat est celui qui vise à rétablir des fondations solides, ce qui ne va pas sans risques, évidemment.

Le livre de Néhémie, au chapitre 4 décrit le combat pour reconstruire les murailles de Jérusalem. Nous voyons bien ce que ce récit nous dit symboliquement. Le peuple de Dieu doit refonder la cité de Dieu. Cela se fait par le travail de terrain et par l’intelligence de l’organisation. Les adversaires se sont ligués pour faire échouer cette refondation. Mais ils ont échoué, face à la persévérance et à la veille des juifs.

6 (3-38) Nous avons rebâti la muraille, et toute la muraille fut achevée jusqu’à la moitié de sa hauteur. […]

13 (4-7) C’est pourquoi je plaçai, dans les enfoncements derrière la muraille et sur des terrains secs, le peuple par clans, avec leurs épées, leurs lances et leurs arcs. […]

16 (4-10) Depuis ce jour, la moitié de mes serviteurs travaillaient à l’ouvrage, et l’autre moitié tenait en main les lances, les boucliers, les arcs et les cuirasses. Les chefs étaient derrière toute la maison de Juda.

17 (4-11) Ceux qui bâtissaient la muraille et ceux qui portaient ou chargeaient les fardeaux travaillaient d’une main et tenaient une arme de l’autre ;

18 (4-12) ceux qui bâtissaient avaient chacun son épée attachée aux reins, et ils travaillaient ainsi. Celui qui sonnait du cor se tenait près de moi.

19 (4-13) Je dis aux grands, aux magistrats et au reste du peuple : L’ouvrage est considérable et étendu, et nous sommes dispersés sur la muraille, éloignés les uns des autres.

20 (4-14) Rassemblez-vous auprès de nous, à l’endroit d’où vous entendrez le son du cor ; notre Dieu combattra pour nous.

21 (4-15) C’est ainsi que nous poursuivions l’ouvrage, la moitié d’entre nous la lance à la main depuis le lever de l’aurore jusqu’à l’apparition des étoiles.

22 (4-16) Dans ce même temps, je dis encore au peuple : Que chacun passe la nuit dans Jérusalem avec son jeune serviteur ; faisons la garde pendant la nuit et travaillons pendant le jour.

23 (4-17) Et nous ne quittions point nos vêtements, ni moi, ni mes frères, ni mes jeunes serviteurs, ni les hommes de garde qui me suivaient ; chacun n’avait que ses armes et de l’eau. »

Nous ne pouvons pas accepter les évolutions qui bafouent l’esprit de l’Evangile. Nous devons faire connaître nos oppositions et nos positions. Face à la question de la fin de vie, à la procréation, à la question des identités sexuelles, au bricolage génétique, nous devons, à notre niveau, faire entendre nos voix. Ce qui ne signifie pas que nous devons rester figés sur la lettre du texte biblique, mais en défendre l’esprit. Et comment le faire, si nous sommes ignorants des positions bibliques et chrétiennes ? Cela nous demande un effort d’étude et d’argumentation évangélique.

Matthieu 5 : 14-16 nous décrit notre rôle :

« 14 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ;

15 et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.

16 Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. »

Il s’agit d’éclairer la maison et les hommes. Agir ainsi, c’est rebâtir inlassablement les fondations que l’Adversaire veut détruire. Il ne s’agit pas de grandes proclamations à des foules, mais du témoignage constant affirmé parmi nos frères humains.

Refonder, c’est parler, mais c’est aussi agir pour la justice et la vérité. Le beau et bon combat est là. Défendre ce qui est juste et vrai dans la pensée de Dieu, pour aujourd’hui, et non adopter des positions biaisées qui fleurissent de nos jours. C’est militer aux côtés de ceux qui défendent des causes justes, être solidaire des petits, des faibles et des pauvres. Je refonde la justice et la vérité quand je défends l’opprimé, le persécuté, l’exploité ou le discriminé. Je refonde par la foi et par l’amour du prochain.

Conclusion

Bien des générations de chrétiens ont vécu des temps de décadence, de confusion et d’effondrement de leurs sociétés. La tentation est alors forte de se borner à la condamnation et à la déploration, qui sont un abandon de poste.

Cherchons à comprendre les raisons de ces situations, avec notre intelligence et avec le Saint-Esprit. Car toute situation a deux aspects : un côté humain, rationnel ou non, et un côté spirituel (ou mystique), que seul l’Esprit peut saisir. Mais ne nous résignons jamais à ce constat lucide d’effondrement.

Agissons et parlons en fils de Dieu en Jésus-Christ. Soyons présents au monde comme acteurs et comme témoins de la Bonne Nouvelle du Royaume. Luttons jusqu’à nos dernières capacités. Il n’y a pas d’âge légal de la retraite spirituelle, elle n’existe tout simplement pas. Alors nous pourrons faire nôtres les propos de Paul en 2 Timothée 4 : 7 :

« J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. »

Amen

Jean-Michel Dauriac – juillet 2023. Les Bordes.

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Dans la bibliothèque de mon père : Tempête sur la Bible – Une réponse à la théologie moderne – G. Bergmann, sans éditeur français, 1970 (diffusion Les Bons Semeurs).

Ce livre m’est parvenu par des moyens détournés. Il était dans un lot de livres remis pour être triés afin d’alimenter la bibliothèque chrétienne que j’ai montée dans ma paroisse (qui ne connaît pas une fréquentation importante d’ailleurs). Il venait de la bibliothèque d’un vieil ami, décédé depuis peu, chrétien évangélique engagé. Cela ressemblait beaucoup à la bibliothèque de mon père, qui a donné son nom à cette série de critiques de livres anciens oubliés. Ces livres ne sont évidemment plus édités, mais ils sont trouvables sur Internet en occasion, notamment dans la librairie Chez Carpus. En note, le lien correspondant à cet ouvrage[1]. On peut aussi l’écouter ou le télécharger sur un site chrétien, mediathequechretienne.fr[2].

Ce livre vise un but précis que le sous-titre annonce : Une réponse à la théologie moderne. Il s’agit donc d’un ouvrage de combat et de théologie. L’auteur, Gerhard Bergmann, est un pasteur allemand, également docteur en philosophie. Nous ne savons rien de lui, Internet n’ayant pu nous éclairer. A la lecture de ce livre, on pourrait dire qu’il est un protestant orthodoxe, luthérien, calviniste ou évangélique. Disons de suite que ce petit livre est un ouvrage sérieux et de qualité, nonobstant ce que l’on peut penser de son positionnement théologique. L’auteur connaît bien la Bible, sa doctrine, mais sait aussi user de la philosophie quand il le faut[3].

Avant tout, il s’agit de définir ce qu’il appelle la « théologie moderne ». Nous pouvons chacun en avoir une définition, mais cela peut aller de la théologie protestante du XIXe siècle aux travaux de Bultmann ou Tillich. L’auteur écrit à ses contemporains sur la théologie de son temps, donc celle du XXe siècle, disons, depuis 1930. Mais il rétrécit considérablement sa focale et vise expressément Rudolf Bultmann et ses disciples. Ce qui est ici mis en question, c’est la notion de mythes évoqués par ces théologiens, à propos des récits de la bible et de la vie de Jésus. En 1970, le combat doit être mené contre ce courant, car le mouvement protestant libéral, qui fut l’adversaire majeur des protestants orthodoxes au début du XXe siècle est réduit à une minorité agissante qui ne menace plus l’Eglise[4]. La grande ruse de                  Bultmann ayant été de se détacher du libéralisme et de se présenter plutôt comme un partisan de la dialectique évangélique chère à K. Barth. Il y a en réalité une grande distance entre les deux théologiens, Barth représentant le grand retour de la théologie classique calviniste, sans emprunts au libéralisme, alors que la pensée de Bultmann en est nourrie implicitement. Le docteur-pasteur Bergmann se dresse donc ici contre l’école bultmanienne, en lui imputant une grave crise de foi dans les communautés protestantes.

Pour ce faire, il commence par chercher les racines de cette théologie moderne et va les chercher dans des disciplines diverses, comme les sciences, les systèmes philosophiques ou l’histoire. IL montre comment le rationalisme et l’existentialisme ont pesé sur ces théologiens. La démonstration est rigoureuse, mais en ce qui concerne l’existentialisme, l’impasse est totalement faite sur les chrétiens philosophes existentialistes, comme Kierkegaard ou Jaspers, pour en citer que deux noms connus. Ce qu’on peut accepter pour Heidegger ou Sartre ne peut l’être pour ces auteurs.

La question historique est des plus pertinentes. En effet, une des voies d’accès à cette nouvelle approche théologique est celle de la recherche du Christ historique, laquelle ouvre la voie à une remise en question de sa divinité et, logiquement ensuite, de sa naissance miraculeuse et de sa résurrection. Cette recherche du Christ historique s’est avérée être une impasse et elle a perdu de son importance depuis. On peut dire que Karl Barth a été un de ses fossoyeurs avec son étude sur l’épître aux Romains. Mais pour Bultmann et les libéraux, une fois posé le principe que la Bible, et surtout les Evangiles, ne sont pas des ouvrages historiques, on peut passer à la seconde étape, celle des mythes que seraient nombre de textes bibliques, puis celle de la « démythologisation » de ladite-bible. Ce qui laisse alors un Jésus humain, des Evangiles sans miracles, sans résurrection et une foi chrétienne réduite à une éthique. G. Bergmann expose les principaux points de cette théologie et les réfute ensuite, dans une approche orthodoxe qui défend l’inspiration pleine de la Bible, la divinité du Christ et l’œuvre du Saint-Esprit comme moteur de l’Eglise naissante et vivante.

Il revient d‘ailleurs sur une idée-force de la doctrine biblique : le fait que la Bible s’explique elle-même. C’est là un argument considéré comme archaïque et faux par les théologiens modernes. Une vraie ligne de clivage dans les Eglises de la Réforme. Son exposé s’approche beaucoup de celui de Karl Barth dans son premier livre de la Dogmatique, y ajoutant une discussion sur le terme « fondamentalisme » et ses dérives actuelles. Ces quelques pages sont parmi les meilleures du livre et rencontreront l’assentiment de nombreux croyants, pour peu qu’ils puissent les lire (pages 107 à 110). Je les donne d’ailleurs en annexe de cet article. Un des points de désaccord est la définition de la Bible : est-elle la Parole de Dieu ou contient-elle la Parole de Dieu ? Cette formulation n’est pas une simple querelle sémantique, mais détermine l’autorité que l’on donne à la Bible. Il est clair que Luther, Calvin, Zwingli, Wesley ou Moody croyaient que la Bible était la Parole de Dieu et non qu’elle la contenait, car ceci signifierait qu’il y aurait du déchet, de l’humain à éliminer dans le texte biblique. C’est le fondement même du libéralisme et des théologies qui le prolongent. Par contre, la frontière est plus difficile à poser en ce qui concerne le travail d’étude de cette Bible : peut-on la critiquer ou ne faut-il que s’en tenir à la répétition de la tradition ? Là-dessus, Bergmann prend la position immobiliste, la plus confortable, pour le peuple chrétien. Il est vrai que l’abord critique de la Bible est un exercice périlleux pour celui qui croit en son inspiration. Mais il est néanmoins absolument nécessaire, face à tout ce que nous ont appris les recherches faites depuis plus de 150 ans, soit en archéologie ou en exégèse. Bergmann l’évacue ainsi :

« La critique biblique a dans le sang l’esprit du rationalisme, qui n’est certes pas l’Esprit de la Bible. » (P. 116).

L’Esprit serait donc, par définition, irrationnel, ce que je ne peux admettre, car, si Dieu a créé l’homme, il a aussi créé sa raison.

Je n’entre pas plus dans le détail critique de ce livre, je vous en recommande la lecture, non parce que je partage toutes ses positions (même si j’en épouse beaucoup), mais parce qu’il est bien fait et oblige à une réflexion personnelle : qu’est-ce que j’en pense, moi ? Suis-je vraiment d’accord avec telle ou telle affirmation ?

Il existe un site qui a le grand mérite de mettre à disposition des chrétiens (et des autres, évidemment !) les textes numérisés de nombreux  ouvrages épuisés. C’est un site évangélique assez traditionnel, mais les textes y sont présentés dans leur intégralité, et cela vient combler une grave lacune éditoriale. Ce site se nomme  mediathequechretienne.fr. J’ai signalé en note le lien pour télécharger les versions de ce livre.

Jean-Michel Dauriac – Août 2023

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 FONDAMENTALISME ? Puisqu’il est dans la ligne de notre effort de mieux situer les problèmes, je trouve maintenant indiqué de dire un mot au sujet de ce qu’on est convenu d’appeler le fondamentalisme, et qui soulève tant de passions. La discussion au sujet du fonda­ mentalisme me semble être de prime abord mal engagée, quand cédant à la mode, on commence par se croire au-dessus de ces fameux fondamentalistes. On explique un peu vite que les fon­ damentalistes sont des tenants de l’inspiration mécanique. Il est assurément justifié que cette idée se rencontre encore dans le monde américain. Mais qu’en est-il dans la sphère de cul­ ture européenne? J’ai parlé à des Allemands et des Suisses, sur lesquels, dans la discussion actuelle, on met également l’étiquette « fondamenta­ listes ». C’est ainsi qu’abordant un de ces hommes que je tutoie et que j’apprécie beaucoup, je lui demande franchement : « Es-tu fondamentaliste ? » Il répond textuellement : « Oui ! je suis un fondamentaliste, dans le sens où la Bible est le fondement de ma foi. » Je lui réplique : « Eh ! bien, si c’est cela que tu en­ tends par fondamentaliste, alors moi aussi je suis fondamenta­ liste. Je le suis, non dans le sens où je mettrai sur un pied d’égalité Jésus-Christ et la Bible, mais dans celui où Jésus-Christ est l’unique fondement de la foi, car « personne ne peut poser un autre fondement ». La Bible est le témoignage écrit de ce fondement. Afin que tout soit bien clair, je te le demande : « Crois-tu à l’inspiration verbale mécanique ?» — Réponse : « Non ! Mais je crois à l’inerrance de la Bible, et aussi dans un certain sens à l’inspiration verbale. » Je reviens à la charge en lui demandant : « Crois-tu à l’inerrance de la Bible au sens rationaliste, sous la forme, par exemple que le monde a été créé en six jours ?» — Réponse : « Non, les six jours peuvent être compris aussi dans le sens de moments de la création. » — « Bien, j’abonde aussi dans ce sens. » Par là, le thème du fonda­ mentalisme ne doit certes pas être considéré comme épuisé mais je crois qu’on a simplifié le problème à l’excès, quand on veut imputer à ces hommes mis au pilori comme fondamenta­ listes, qu’ils n’aient rien appris des erreurs de l’Orthodoxie. En ce qui a trait par exemple au récit de la création, la Bible veut en premier lieu nous faire connaître la signification de l’œuvre
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divine plutôt que son processus. Nous ne devrions pas oublier que les prétendus fondamentalistes d’aujourd’hui ne sont pas les représentants de la conception du monde de Ptolomée avec ses trois étages superposés, ciel et terre, notre terre occupant le centre. C’est pourquoi, je me sens très mal à l’aise quand on part en campagne comme on le fait aujourd’hui contre les fondamenta­ listes. Il est en tous cas incontestable que du fondamentalisme — (quoi qu’on puisse entendre par là) — il n’est sorti aucun symp­ tôme de décomposition de la Parole et des paroisses, ni aucune influence en vue de se détourner de l’Eglise, comme cela est arrivé sur une grande échelle, du fait du rationalisme théolo­ gique. C’est là un facteur de grand poids, qui, malheureusement, n’est pour ainsi dire pas considéré dans la discussion actuelle. C’est pourquoi je dis encore une fois : je me sens très mal à l’aise, quand un Heinz Zahrnt écrit avec des sous-entendus indé­ niables : « Et ainsi prennent naissance des phrases et des suites d’idées tellement bouffonnes, comiques, grimaçantes, burlesques, que les suivantes : Le texte biblique, faisant autorité, valable pour l’Eglise et la théologie, et de ce fait littéralement sans erreur, est pour nous la traduction « de Martin Luther, comme elle existe en tant que texte et canon (= règle) de l’Eglise. Celui qui ose entreprendre l’acte impie dune révision de texte, se place… extra ecclesiam (= en dehors de l’Eglise)… Nous avons à sup­ porter la Bible (on veut dire par là : la traduction) de 1911, •comme un châtiment !… Gerhard Ebeling désigne ces phrases tout bonnement comme un « scandale » ! Et il a raison ce fai­ sant. » Je ne me sens vraiment pas appelé à défendre ces phrases citées par Zahrnt, car elles ne concernent absolument pas notre attitude. Mais pense-t-on vraiment que ces flèches atteignent vraiment les fondamentalistes de chez nous qui ne ressemblent guère à la caricature qu’on en fait? Il saute aux yeux que ce « scandale » ne concerne vraiment qu’une poignée de gens qu’on pourrait compter sur les doigts. Personne ne peut prendre au
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sérieux une phrase, où le texte biblique littéral sans erreur est identifié à la traduction allemande de Martin Luther. Il ne vaut pas la peine de discuter là-dessus, et la façon dont on relève de telles absurdités, ne peut que nous remplir de malaise, comme si on voulait profiter de l’occasion pour jeter l’enfant avec le bain. Par contre, si par fondamentalisme, on entend cette doctrine qui résout le mystère de l’inspiration pour en faire un système bien réglé, complet, sans faille, cet enseignement n’est pas soute­nable et ne trouve dans la Bible aucune garantie de couverture et ce fondamentalisme là n’est pas biblique. (Dans mon livre « Du mystère de la Bible », je suis entré plus en détail dans ce problème du fondamentalisme ) Encore une fois qu’on se sou­vienne du mot percutant de l’inspecteur Rappard : « Nous pre­ nons l’Ecriture Sainte comme elle est. Puisque nous ne trouvons dans l’Ecriture aucune doctrine de l’inspiration, nous ne bâtis­ sons aucune doctrine de l’inspiration. » (4)   G. Bergmann – Tempête sur la Bible – Une réponse à la théologie moderne, p. 107 à 110.

[1] https://chezcarpus.com/collections/tva-5-5-manual/products/tempete-sur-la-bible-une-reponse-a-la-theologie-moderne?variant=42218425024746

[2] Voici le lien pour aller écouter ou charger : https://mediathequechretienne.fr/tempete-sur-la-bible-une-reponse-a-la-theologie-moderne/

[3] Voir  sur Youtube la séquence suivante : https://www.youtube.com/watch?v=NZ19-7prgPk

[4] Il s’agit là d’une perception erronée des faits ; en réalité, le libéralisme a en partie réussi, car ses idées ont pénétré profondément dans les milieux universitaires et pastoraux et sont aujourd’hui banalisées, sauf chez les évangéliques fondamentalistes.

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