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Catégorie : Bible et vie

Dieu, les hommes, la parole et la langue


 


 

Introduction et accueil :

          paroles de bienvenue

          rappel de la raison d’être du culte chrétien

 

première partie du culte : Un Dieu qui parle aux hommes et auquel les hommes parlent

 

L’homme moderne vit aujourd’hui sa vie « libéré » du problème de Dieu, dans une société française vouée à la technique et à la science comme explications du monde. Il n’en a pas toujours été ainsi et cela ne se passe pas partout de cette manière à la surface du globe. Nous avons souvent tendance à croire notre cas français universel et seul légitime. En réalité, toutes les configurations existent face à la question de Dieu. Des peuples vivent encore profondément dans la religion de leurs ancêtres, comme les Indiens avec l’hindouisme ; de vastes espaces comme l’Afrique ou l’Amérique latine sont terres de foi depuis toujours et l’homme y vit au plus près de cette recherche de sens de la vie et de quête de ses origines. Il est d’ailleurs très bien que l’on puisse aujourd‘hui ne pas se poser la question de Dieu (comme l’a fait Albert Camus) ou la combattre au nom d’une autre vision du monde (comme le fait Michel Onfray, notamment avec son dernier livre, « Cosmos ») : la liberté est le plus grand bien de l’homme, et seule celle-ci peut fonder la foi.

Les Protestants sont , parmi les chrétiens, ceux qui mettent la Bible, Parole de Dieu, le plus au centre de leur foi : « Sola scriptura » dit la profession de foi de la Réforme, « une seule parole » et/ou « La parole seule ». C’est ce que je veux mettre au cœur de cette rencontre d’Eglise aujourd’hui. Je vous propose, pour débuter le culte, un petit voyage dans la communication entre Dieu et l’Homme, afin de nous édifier et de nous souvenir.

 

 

Trois hommes de parole :

 

Moïse, la ligne directe avec Dieu.

 

Le livre de l’Exode, deuxième livre du Pentateuque, raconte en son début l’histoire extraordinaire de Moïse, le grand homme fondateur du judaïsme. Passons sur les récits de l’enfance et de la vie égyptienne de Moshé. Retrouvons-le alors que la roue de la fortune a tourné et qu’il n’est plus que le gardien des troupeaux d’une tribu de nomades du désert, les madianites.

 

Lecture : Exode 3 : versets 1 à 6

 

« 1 ¶ Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; il mena le troupeau au-delà du désert et se rendit à la montagne de Dieu, à Horeb. 

2  L’Ange de l’Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d’un buisson. (Moïse) regarda, et voici que le buisson était tout en feu, mais que le buisson ne se consumait point. 

3  Moïse dit: Je vais faire un détour pour voir quel est ce spectacle extraordinaire, et pourquoi le buisson ne brûle pas. 

4  L’Éternel vit qu’il faisait un détour pour voir; et Dieu l’appela de l’intérieur du buisson et dit: Moïse! Moïse! Il répondit: Me voici! 

5  (Dieu) dit: N’approche pas d’ici, ôte tes sandales de tes pieds, car l’endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte. 

6  Et il ajouta: C’est moi le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. »

 

Ce qui caractérise ce passage très « cinématographique » – on songe immédiatement à ce qu’en fit Cecil B. de Mille dans « Les dix commandements » – peut, pour notre thème du jour être ramené à quelques remarques :

          Moïse ne cherche pas Dieu, il ne demande rien, il n’est pas du tout intéressé par une quelconque quête de sens ; il fait son travail, dans sa nouvelle vie, il est berger après avoir fréquenté la cour du pharaon de l’époque.

          La Parole n’est pas première ici ; l’action commence par la combustion du buisson dans laquelle se trouve l’envoyé de Dieu. Donc d’abord la vue, qui intrigue.

          Puis la parole. Mais pas celle de l’envoyé, de l’ange, mais celle du Seigneur, de l’Eternel. Moïse est directement au contact de Dieu, sans aucun intermédiaire, il a la ligne directe qu’il n’a pas demandée. C’est Dieu qui est demandeur de Moïse.

          Dieu se fait connaître par la généalogie de Moïse, afin de ne pas être confondu avec une quelconque divinité locale comme celles que les nomades de sa belle-famille adoraient sans nul doute.

 

Ce sont ces circonstances seules qui m’intéressent ce jour. Elles montrent que Dieu n’a pas déserté la terre après la création, qu’il ne se désintéresse pas du sort des hommes – ici le peuple hébreu – mais qu’il peut à tout moment établir le contact pour mettre en œuvre son plan de salut.

 

Moïse va établir à partir de ce moment un dialogue de 40 années avec Dieu, dont nous lisons la fin :

 

Lecture : Deutéronome 31 :14 et 16

 

« 14 ¶ L’Eternel dit à Moïse: Voici, le moment approche où tu vas mourir. Appelle Josué, et présentez-vous dans la tente d’assignation. Je lui donnerai mes ordres. Moïse et Josué allèrent se présenter dans la tente d’assignation.

15  Et l’Eternel apparut dans la tente dans une colonne de nuée; et la colonne de nuée s’arrêta à l’entrée de la tente.

16  L’Eternel dit à Moïse: Voici, tu vas être couché avec tes pères. Et ce peuple se lèvera, et se prostituera aux dieux étrangers du pays au milieu duquel il entre. Il m’abandonnera, et il violera mon alliance, que j’ai traitée avec lui. »

 

Dieu avertit Moïse de sa mort prochaine et organise la succession. Nous savons que Moïse ne verra la Terre Promise que de loin et mourra avant.

 

Deutéronome 34 : 5 à 7.

 

« 5 ¶ Moïse, serviteur de l’Eternel, mourut là, dans le pays de Moab, selon l’ordre de l’Eternel.

6  Et l’Eternel l’enterra dans la vallée, au pays de Moab, vis-à-vis de Beth-Peor. Personne n’a connu son sépulcre jusqu’à ce jour.

7  Moïse était âgé de cent vingt ans lorsqu’il mourut; sa vue n’était point affaiblie, et sa vigueur n’était point passée. »

 

Il repose dans la terre de Moab, dans un lieu inconnu, nous dit le texte. Quarante années de conversations et de révélations s’achèvent ainsi. Un exemple unique dans toute la Bible de paroles croisées. Moïse fut le seul à voir Dieu face à face et à ne pas mourir. Il nous a laissés un magnifique cantique final (Deutéronome chapitre 32) et des prophéties pour chaque enfant d’Israël (chapitre 33).

 

 

David, l’élu turbulent de Dieu

 

David, tout au long de sa vie, parle avec l’Eternel et l’Eternel lui parle. Mais ici pas de ligne directe. Dieu parle soit par son esprit dans l’esprit de David, soit par la bouche de ses prophètes – dès le début de son histoire.

David, à l’exception de sa royauté, a une vie tout à fait semblable à la nôtre, avec ses hauts et ses bas. Ses faiblesses et hauts faits nous sont rapportés dans le livre II de Samuel et le début du livre I des Rois.

David a commis plusieurs erreurs, dont certaines sont graves ; il porte du sang sur ses mains – c’est ce que Dieu dira pour ne pas l’autoriser à construire lui-même le grand Temple dont il rêve. Mais il a su aussi, et c’est une belle qualité, reconnaître ses erreurs et s’humilier devant Dieu, demander pardon. Car David aimait passionnément l’Eternel. Lisons un des plus beaux textes de repentance jamais écrits :

 

Lecture : Psaume 51 : versets 1 à 19

 

« 1 ¶ (51-1) Au chef des chantres. Psaume de David. (51-2) Lorsque Nathan, le prophète, vint à lui, après que David fut allé vers Bath-Schéba. (51-3) O Dieu! aie pitié de moi dans ta bonté; Selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions;

2  (51-4) Lave-moi complètement de mon iniquité, Et purifie-moi de mon péché.

3  (51-5) Car je reconnais mes transgressions, Et mon péché est constamment devant moi.

4  (51-6) J’ai péché contre toi seul, Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement.

5  (51-7) Voici, je suis né dans l’iniquité, Et ma mère m’a conçu dans le péché.

6  (51-8) Mais tu veux que la vérité soit au fond du coeur: Fais donc pénétrer la sagesse au-dedans de moi!

7 ¶ (51-9) Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige.

8  (51-10) Annonce-moi l’allégresse et la joie, Et les os que tu as brisés se réjouiront.

9  (51-11) Détourne ton regard de mes péchés, Efface toutes mes iniquités.

10  (51-12) O Dieu! crée en moi un coeur pur, Renouvelle en moi un esprit bien disposé.

11  (51-13) Ne me rejette pas loin de ta face, Ne me retire pas ton Esprit saint.

12  (51-14) Rends-moi la joie de ton salut, Et qu’un esprit de bonne volonté me soutienne!

13  (51-15) J’enseignerai tes voies à ceux qui les transgressent, Et les pécheurs reviendront à toi.

14 ¶ (51-16) O Dieu, Dieu de mon salut! délivre-moi du sang versé, Et ma langue célébrera ta miséricorde.

15  (51-17) Seigneur! ouvre mes lèvres, Et ma bouche publiera ta louange.

16  (51-18) Si tu avais voulu des sacrifices, je t’en aurais offert; Mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes.

17  (51-19) Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé: O Dieu! tu ne dédaignes pas un coeur brisé et contrit. »

 

Ce psaume est écrit dans des circonstances tragiques où David a envoyé à la mort un de ses soldats émérites pour lui ravir sa femme qu’il avait déjà séduite. Il est un assassin dans l’intention. Ce repentir est donc à la hauteur de la faute. Il nous est aussi fort utile pour accéder à la repentance qui nous ouvre le salut par Jésus-Christ.

 

Mais David parle aussi à Dieu pour lui dire son amour et sa confiance inébranlable. Il est un homme de foi. Nous connaissons tous par cœur le superbe psaume 23. C’est un autre texte que je veux lire avec vous ce jour.

 

Lecture : Psaume 37 : 25 à 31

 

« 25  J’ai été jeune, j’ai vieilli; Et je n’ai point vu le juste abandonné, Ni sa postérité mendiant son pain.

26  Toujours il est compatissant, et il prête; Et sa postérité est bénie.

27  Détourne-toi du mal, fais le bien, Et possède à jamais ta demeure.

28  Car l’Eternel aime la justice, Et il n’abandonne pas ses fidèles; Ils sont toujours sous sa garde, Mais la postérité des méchants est retranchée.

29  Les justes posséderont le pays, Et ils y demeureront à jamais.

30  La bouche du juste annonce la sagesse, Et sa langue proclame la justice.

31  La loi de son Dieu est dans son coeur; Ses pas ne chancellent point. »

 

Voici un magnifique texte de confiance que nous pouvons faire nôtre et qu’il ne faut pas craindre d’apprendre par cœur et de dire dans notre propre prière.

 

 

Jésus, l’homme qui nous montre comment prier.

 

La nouvelle alliance établie à la Croix – voir la lettre aux Hébreux – nous offre un accès individuel à Dieu.

 

Lecture : Matthieu 6 : 5 à 8

 

« 5 ¶ Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense.

6  Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

7  En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

8  Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. »

 

Jésus nous enseigne sur la prière, et il rompt ici avec la prière collective du judaïsme, chose qu’il met en œuvre lui-même au quotidien lorsqu’il se retire de ses disciples pour prier avant le jour. La parole que nous adressons à Dieu est :

          verset 6 : une parole personnelle et intime. C’est ici une des deux faces de la parole, son intériorité. Je parle avec moi-même et avec Dieu, sans témoins. Il y a un temps pour la prière personnelle, cette conversation en tête-à-tête avec Dieu, que chacun de nous doit inventer. Il y a un temps pour la prière extérieure, publique et collective de l’Eglise.

          Verset 7 : La prière doit être sobre dans ses mots. Méfions-nous des grandes tirades ronflantes et des soliloques interminables.

 

Lecture : 1 Corinthiens 14 : 13 à 19

 

« 13  C’est pourquoi, que celui qui parle en langue prie pour avoir le don d’interpréter.

14  Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile.

15 ¶ Que faire donc? Je prierai par l’esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence; je chanterai par l’esprit, mais je chanterai aussi avec l’intelligence.

16  Autrement, si tu rends grâces par l’esprit, comment celui qui est dans les rangs des simples auditeurs répondra-t-il Amen! à ton action de grâces, puisqu’il ne sait pas ce que tu dis?

17  Tu rends, il est vrai, d’excellentes actions de grâces, mais l’autre n’est pas édifié.

18  Je rends grâces à Dieu de ce que je parle en langue plus que vous tous;

19  mais, dans l’Eglise, j’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d’instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue. »

 

Paul définit le but de la prière du culte :

          l’édification des frères (verset 13)

          La communion par l’amen à la prière d’autrui (verset 16)

          L’instruction pour les autres, par la vertu de la parole inspirée (verset 19)

 

 

 

Dans la suite du texte de Matthieu 6, versets 11 à 13, Jésus donne un exemple, le Notre père.

 

Disons-le ensemble .

 

« 9 ¶ Notre Père qui es aux cieux! Que ton nom soit sanctifié;

10  que ton règne vienne; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

11  Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien;

12  pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés;

13  ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen! »

 

Le dialogue est au cœur de la foi judéo-chrétienne. Dieu parle, les hommes écoutent, obéissent ou non ; les hommes parlent, Dieu, il répond ou ne répond pas, agit ou n’agit pas. A nous de sonder le pourquoi. Faisons un court survol biblique autour de la parole et des mots.

 

 

Sermon : Dieu et les hommes : paroles et langues

 

La Bible est d’abord toute orale, dans sa conception première :

          les Hébreux apprenaient par coeur le texte de la Torah pour l’apprendre à leur famille. Elle ne sera fixée par écrit qu’assez tardivement et par épisodes. Le rédacteur biblique est d‘abord issu d’un peuple de la parole. C’est l’histoire, et notamment la déportation, qui amène à rédiger les textes.

          Les Evangiles sont d’abord des collections de récits oraux utilisés pour l’enseignement des croyants avant d’être rédigés des décennies après la mort du Christ

          Les Epitres sont des lettres qui remplacent une parole rendue impossible par la distance. Paul n’écrit pas de livres, mais des lettres qui sont lues en public aux églises destinatrices ; son style est adapté à cet usage.

 

Je voudrais simplement noter quatre faits de paroles qui traversent la Bible et donnent un sens particulier à la parole.

 

Au commencement… Eden et après :

 

La création est toute innocence. L’homme et la femme sont en contact direct et permanent avec Dieu. Nous connaissons ces descriptions des temps édéniques que portent les débuts de la Genèse. Tout y est parole : « Dieu dit » est le refrain de la création ; mais il est aussi la sanction de la désobéissance.

 

Lecture : Genèse 3 : 8 à 23

 

« 8  Alors ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Eternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.

9 ¶ Mais l’Eternel Dieu appela l’homme, et lui dit: Où es-tu?

10  Il répondit: J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.

11 ¶ Et l’Eternel Dieu dit: Qui t’a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger?

12  L’homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé.

13  Et l’Eternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé.

14 ¶ L’Eternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.

15  Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

16 ¶ Il dit à la femme: J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.

17 ¶ Il dit à l’homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre: Tu n’en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,

18  il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs.

19  C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.

20 ¶ Adam donna à sa femme le nom d’Eve: car elle a été la mère de tous les vivants.

21 ¶ L’Eternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.

22 ¶ L’Eternel Dieu dit: Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre de l’arbre de vie, d’en manger, et de vivre éternellement.

23  Et l’Eternel Dieu le chassa du jardin d’Eden, pour qu’il cultive la terre, d’où il avait été pris. »

 

L’histoire de l’humanité, dans la Bible, commence donc par des fortes paroles de Dieu qui met fin à un état initial sans bien et sans mal. Les paroles sont très dures.

          versets 16 à 19 : la condition de la femme et de l’homme connaît la douleur de puis ce moment. Le travail est nécessaire à la survie. Le monde créé n’est plus docile à l’homme et à sa disposition.

          Versets 22-23 : l’homme est chassé d’Eden, il est doté de la connaissance du bien et du mail, il donc une conscience, donnée capitale dont la philosophie et les sciences de l’esprit n’ont pas fini de débattre.

 

A l’origine des langues : Babel

 

Lecture : Genèse 11 : 1 à 9

 

 

« 1 ¶ Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.

2  Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Schinear, et ils y habitèrent.

3  Ils se dirent l’un à l’autre: Allons! faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment.

4  Ils dirent encore: Allons! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre.

5 ¶ L’Eternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes.

6  Et l’Eternel dit: Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté.

7  Allons! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres.

8  Et l’Eternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre; et ils cessèrent de bâtir la ville.

9  C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Eternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Eternel les dispersa sur la face de toute la terre. »

 

Ce récit, sans doute d’origine mythologique mésopotamienne, donne une explication de la diversité des langues sur la terre habitée.  Le verset 1 établit un constat non remis en cause : une langue unique initiale était parlée par un unique foyer d’apparition de l’homme. La science actuelle ne dit rien d’autre, mais situe ailleurs et dans une autre temporalité cette apparition. Cette unité de langage permettait une compréhension totale entre tous les hommes, peu nombreux à ce moment-là. Le récit est capital pou l’évolution humaine.

          c’est le début de la ville, concentration humaine liée au changement de mode de vie, le nomade devenant sédentaire et agriculteur-éleveur. Verset 4 .

          c’est aussi le début des entités politiques : « faisons-nous un nom », donnons-nous une structure ; c’est au proche-orient que naissent les premiers états embryonnaires, qui sont des villes. Verset 4 aussi.

          L’idée du regroupement au service de la puissance à venir accompagne ce projet.

Dieu comprend cela comme une menace, une volonté qui se veut toute puissante. Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte et sur l’anthropomorphisme qui le structure : Dieu pense comme les hommes.

La réponse de Dieu est donnée aux versets 7 & 9. Fin de la langue unique et début de ce qui est nommé la « confusion des langues » en théologie de l’Ancien Testament. Dispersion des populations à partir d’un foyer unique de naissance. Les migrations humaines attestent de cette dispersion au fil des millénaires du paléolithique.

Les hommes ne se comprennent plus dès qu’ils s’éloignent de leur espace de naissance. Aucune langue unique n’a pu rétablir cela malgré des essais nombreux : le grec de la Koïné, puis le latin, aujourd’hui l’anglais, hier la tentative de création de l’espéranto. L’incompréhension devient un des problèmes de l’humanité et sera source de bien des conflits.

 

Jésus, une parole à double direction

 

Regardons rapidement le cas de Jésus, au regard de la parole.

Son ministère de prédication publique commence par une parole forte.

 

Lecture : Marc 1 : 9 à 11

 

« 9 ¶ En ce temps-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.

10  Au moment où il sortait de l’eau, il vit les cieux s’ouvrir, et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe.

11  Et une voix fit entendre des cieux ces paroles: Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection. »

 

 

La voix de Dieu ne parle pas directement à Jésus, elle atteste de sa filiation divine. Jésus n’est pas Moïse, il n’a pas besoin d‘être formé et guidé pour accomplir sa mission. Tout au long des Evangiles, nous découvrons qu’il sait son destin et qu’il en informe ses disciples. Ce qui ne veut pas dire qu’il accepte cela avec joie ; la souffrance de Gethsémané est immense, celle de la croix est horrible. Mais durant toute sa vie, Jésus parle avec son père. Par la prière quotidienne, par la prière publique, par la supplication (au jardin des Oliviers) et par le cri du mourant sur la croix (les 7 dernières paroles du Christ, mises en musique par plusieurs compositeurs classiques dont Joseph Haydn). Il nous offre un modèle complet de dialogue intérieur et extérieur avec Dieu. La communication passe par l’esprit de Jésus, il n’y a pas de parole rapportée comme pour Moïse, mais l’action engagée confirme l’existence de cette parole.

La période entre la mise au tombeau et l’Ascension est riche de manifestations et de paroles à l’égard des disciples, pour leur donner force et confiance.

          Les femmes au tombeau

          Les pèlerins d’Emmaüs

          L’apparition au bord du lac

 

Lecture : Actes des apôtres : 1 : 3 à 5

 

« 3  Après qu’il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.

4  Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il;

5  car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit. »

 

 

Le ministère se clôt par la promesse de l’envoi du Saint-Esprit, cette personne divine dont Jésus a instruit ses disciples, mais sur lequel ils sont ignorants encore.

 

La Pentecôte, l’esprit anti-Babel

 

Lecture : Actes 2 : 3 à 12

 

« 3  Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux.

4  Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

5 ¶ Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel.

6  Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.

7  Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres: Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens?

8  Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle?

9  Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie,

10  la Phrygie, la Pamphylie, l’Egypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes,

11  Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu?

12  Ils étaient tous dans l’étonnement, et, ne sachant que penser, ils se disaient les uns aux autres: Que veut dire ceci? »

 

La venue du Paraclet, le Saint-Esprit, se manifeste d’abord par un visuel symbolique : les langues de feu individuelles. Purification et force pour chacun des présents.

Puis suit la glossolalie ou « don des langues » ou encore « le parler en langues » : ces trois expressions signifient que les hommes habités par l’Esprit-Saint s’expriment dans des langues qu’ils ne comprennent pas mais que les auditeurs étrangers saisissent. C’est ce que dit le texte avec précision, en citant l’origine des juifs de la diaspora qui entendent ces discours.

 

La venue du Saint-Esprit lève l’incompréhension de Babel. C’est Dieu, par Jésus, qui rétablit une compréhension possible entre les hommes aux langues diverses. L’Eglise Universelle de Christ est cette communion qui abolit la séparation de Babel et nous rétablit dans une communion originelle dont l’objet est Dieu et non la propre gloire de l’homme.

 

Conclusion :

 

La Parole irrigue toute la Bible. Amusez-vous à chercher d’autres circonstances analogues aux quelques exemples que j’ai présentés. Dieu nous parle de diverses manières ; rien n’interdit la parole directe, qui est révélation comme pour les prophètes du premier testament. Mais Dieu utilise aussi les songes, la bouche des autres hommes ou femmes, sa Parole écrite évidemment, la nature même. En retour, nous devons répondre à cette parole de Dieu. Nous devons avoir cet échange permanent qui va bien au-delà de la prière quotidienne ou du culte. Etre en communion avec Dieu passe aussi par le corps, les attitudes, le silence de l’écoute, la contemplation du monde… Nous disposons du don de l’Esprit-Saint, qui nous permet d’être en dialogue avec tous les frères humains de cette terre. Osons expérimenter ces dialogues multiples et donner toute sa force à la parole.

 

 

 

 

Annonces et bénédiction :

 

Bénédiction : Une parole de Dieu adressée aux Hébreux mais tout à fait bonne pour nous.

 

Deutéronome 31 :19-20

 

« 19  … j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,

20  pour aimer l’Eternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t’attacher à lui, car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours. »

 

 

 

Beychac / Les Bordes  fin juillet 2015 – Jean-Michel Dauriac

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L’enthousiaste et le craintif – Prédication du 17 mai 2015

 

 

La Bible offre une formidable galerie de portraits, ce que l’on appelle des « types ». Nous nous intéressons aujourd’hui à deux types opposés ;

Au cœur de notre méditation : comment réagissons-nous aux injonctions ou paroles de Dieu ? Que ce soit un appel, un envoi, une mise en garde ou une interdiction, il y a diverses façons de réagir illustrées par la Bible.

Cette façon de réagir est-elle importante ? Si oui, pourquoi ? Mon salut est-il en jeu ? Ou s’agit-il d’un autre type d’importance ?

Nous allons considérer deux réactions opposées face à une mission confiée par Dieu et nous demander, à partir de grands exemples bibliques, en quoi cela me concerne personnellement. Nous conclurons sur la bonne attitude à avoir selon cet enseignement biblique.

 

Le craintif face à l’appel de Dieu

 

Lecture biblique :

Jonas 1 :1-3

 

1 ¶ La parole de l’Eternel fut adressée à Jonas, fils d’Amitthaï, en ces mots:

2  Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle! car sa méchanceté est montée jusqu’à moi.

3  Et Jonas se leva pour s’enfuir à Tarsis, loin de la face de l’Eternel. Il descendit à Japho, et il trouva un navire qui allait à Tarsis; il paya le prix du transport, et s’embarqua pour aller avec les passagers à Tarsis, loin de la face de l’Eternel.

 

Sans doute le cas le plus connu de peur face à une mission divine. Cette histoire est une sorte de compilation de récits que l’on peut aussi rencontrer dans d’autres pays du proche-orient, preuve des influences réciproques entre les cultures et du fait que Dieu n’a pas dicté la Bible à ses auteurs, mais l’a inspirée. Jonas n’est pas un prophète au sens classique et sa place dans le recueil des prophètes de la Torah est déjà une surprise. L’histoire de Jonas appartient à ce que la culture religieuse juive appelle la Hagada, collection d’histoires édifiantes à fins morales.

 

Ce qui nous intéresse aujourd’hui dans ce que nous venons de lire consiste en trois points précis :

  • La parole de l’Eternel est adressée à Jonas et il la reconnaît en tant que telle. Il est donc habitué à l’identifier, ce qui peut le classer effectivement parmi les prophètes.
  • Un ordre de mission précis est établi. Il est assez incroyable : Dieu envoie un obscur petit prophète hébreu prêcher la fin et la repentance aux habitants de Ninive , la puissante capitale assyrienne, qui sera complètement détruite par les Mèdes et Babyloniens en 612 BC. Le texte biblique parle de 120 000 habitants, les archéologues penchent plutôt pour 75 000, ce qui en fait une très grande ville à cette époque.
  • La peur saisit Jonas lorsqu’il entend et comprend le sens de sa mission. Il s’enfuit dans la direction opposée, vers l’Espagne actuelle.

 

Il nous arrive sans doute parfois de clairement entendre Dieu nous parler – de différentes manières -, nous savons, par le Saint-Esprit, dont c’est une des fonctions, reconnaître sa voix en nous ou pour nous. Parfois ce qui nous est demandé paraît hors de portée ou  dangereux. Nous refusons la mission et, courageusement, nous fuyons.

Jonas avait des raisons objectives d’avoir peur, et nous pouvons aussi être tout à fait raisonnablement effrayé par certains aspects de la mission que Dieu veut nous confier. Nous avons, humainement, raison, mais nous avons chrétiennement tort. Ce qui implique de se poser la question de ces deux ordres distincts.

Ne reprenons pas tout le récit de Jonas, mais posons simplement la question : comment cette mission précise sera-t-elle accomplie, si celui qui est envoyé, Jonas dans l’histoire, ou moi, la refuse ? Ajoutons une autre question : Comment pourrais-je passer outre ma peur et aller ?

 

Complétons rapidement par deux autres exemples célèbres.

Moïse et l’envoi par l’Eternel en Egypte :

 

Lecture biblique :

Exode 3 :10 à 4 :14

 

10  Maintenant, va, je t’enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les enfants d’Israël.

11 ¶ Moïse dit à Dieu: Qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d’Egypte les enfants d’Israël?

12  Dieu dit: Je serai avec toi; et ceci sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie: quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne.

13  Moïse dit à Dieu: J’irai donc vers les enfants d’Israël, et je leur dirai: Le Dieu de vos pères m’envoie vers vous. Mais, s’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je?

14  Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël: Celui qui s’appelle ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous.

15  Dieu dit encore à Moïse: Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël: L’Eternel, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous. Voilà mon nom pour l’éternité, voilà mon nom de génération en génération.

16 ¶ Va, rassemble les anciens d’Israël, et dis-leur: L’Eternel, le Dieu de vos pères, m’est apparu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il a dit: Je vous ai vus, et j’ai vu ce qu’on vous fait en Egypte,

17  et j’ai dit: Je vous ferai monter de l’Egypte, où vous souffrez, dans le pays des Cananéens, des Héthiens, des Amoréens, des Phéréziens, des Héviens et des Jébusiens, dans un pays où coulent le lait et le miel.

18  Ils écouteront ta voix; et tu iras, toi et les anciens d’Israël, auprès du roi d’Egypte, et vous lui direz: L’Eternel, le Dieu des Hébreux, nous est apparu. Permets-nous de faire trois journées de marche dans le désert, pour offrir des sacrifices à l’Eternel, notre Dieu.

19  Je sais que le roi d’Egypte ne vous laissera point aller, si ce n’est par une main puissante.

20  J’étendrai ma main, et je frapperai l’Egypte par toutes sortes de prodiges que je ferai au milieu d’elle. Après quoi, il vous laissera aller.

21  Je ferai même trouver grâce à ce peuple aux yeux des Egyptiens, et quand vous partirez, vous ne partirez point à vide.

22  Chaque femme demandera à sa voisine et à celle qui demeure dans sa maison des vases d’argent, des vases d’or, et des vêtements, que vous mettrez sur vos fils et vos filles. Et vous dépouillerez les Egyptiens.

Chapitre 4 :1 ¶ Moïse répondit, et dit: Voici, ils ne me croiront point, et ils n’écouteront point ma voix. Mais ils diront: L’Eternel ne t’est point apparu.

2  L’Eternel lui dit: Qu’y a-t-il dans ta main? Il répondit: Une verge.

3  L’Eternel dit: Jette-la par terre. Il la jeta par terre, et elle devint un serpent. Moïse fuyait devant lui.

4  L’Eternel dit à Moïse: Etends ta main, et saisis-le par la queue. Il étendit la main et le saisit; et le serpent redevint une verge dans sa main.

5  C’est là, dit l’Eternel, ce que tu feras, afin qu’ils croient que l’Eternel, le Dieu de leurs pères, t’est apparu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.

6  L’Eternel lui dit encore: Mets ta main dans ton sein. Il mit sa main dans son sein; puis il la retira, et voici, sa main était couverte de lèpre, blanche comme la neige.

7  L’Eternel dit: Remets ta main dans ton sein. Il remit sa main dans son sein; puis il la retira de son sein, et voici, elle était redevenue comme sa chair.

8  S’ils ne te croient pas, dit l’Eternel, et n’écoutent pas la voix du premier signe, ils croiront à la voix du dernier signe.

9  S’ils ne croient pas même à ces deux signes, et n’écoutent pas ta voix, tu prendras de l’eau du fleuve, tu la répandras sur la terre, et l’eau que tu auras prise du fleuve deviendra du sang sur la terre.

10 ¶ Moïse dit à l’Eternel: Ah! Seigneur, je ne suis pas un homme qui ait la parole facile, et ce n’est ni d’hier ni d’avant-hier, ni même depuis que tu parles à ton serviteur; car j’ai la bouche et la langue embarrassées.

11  L’Eternel lui dit: Qui a fait la bouche de l’homme? et qui rend muet ou sourd, voyant ou aveugle? N’est-ce pas moi, l’Eternel?

12  Va donc, je serai avec ta bouche, et je t’enseignerai ce que tu auras à dire.

13  Moïse dit: Ah! Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer.

14  Alors la colère de l’Eternel s’enflamma contre Moïse, et il dit: N’y a-t-il pas ton frère Aaron, le Lévite? Je sais qu’il parlera facilement. Le voici lui-même, qui vient au-devant de toi; et, quand il te verra, il se réjouira dans son coeur.

 

Nous sommes là face à une autre technique : celle qui consiste à rechercher des excuses et à se déclarer soi-même inapte. Moïse déploie un talent certain dans ce sens. Comme pour Jonas, la mission est lourde, impossible et périlleuse (Moïse a tué un égyptien et s’est enfui ensuite).

Verset 10 du chapitre 3 : la mission est claire. Elle est humainement suicidaire. A quoi Moïse oppose toute une série d’arguments personnels, sans nul doute recevables :

  • Qui suis-je pour accomplir cela ? Verset 11 chapitre 3.
  • Quel est ton nom, à toi qui veux m’envoyer ? Verset 13 chapitre  3.
  • Ils en me croiront pas et me prendront pour un menteur. Verset 1 chapitre 4
  • J’ai la « parole pesante », je ne sais pas m’exprimer. Verset 10 chapitre 4

Ces objection finissent par irriter Dieu : verset 14 chapitre 4. A chaque objection Dieu répond clairement, et Moïse n’a plus d’arguments ; mais il n’est pas vraiment convaincu et rassuré

Moïse nous offre un petit catalogue des objections universelles pour qui veut se « débiner » face à une tâche délicate. Il faut reconnaître, quand on lit la suite du récit que Moïse a raison sur plusieurs points. Sa défense n’est donc pas absurde, mais elle est strictement humaine. C’est son unique et majeur défaut. Nous jouons souvent à ce jeu, même si nous ne le disons pas ouvertement. Nous cherchons des faux-fuyant, nous mettons en avant nos faiblesses, nous mobilisons toutes nos capacités critiques et intellectuelles pour échapper à la demande divine. Nous restons dans notre sphère humaine, Paul dirait « charnelle », ici sans notation péjorative, mais dans un sens biologique.

 

Gédéon, l’incrédule :

 

Lecture biblique :

Juges 6 : 11-23 et 36-40

 

11 ¶ Puis vint l’ange de l’Eternel, et il s’assit sous le térébinthe d’Ophra, qui appartenait à Joas, de la famille d’Abiézer. Gédéon, son fils, battait du froment au pressoir, pour le mettre à l’abri de Madian.

12  L’ange de l’Eternel lui apparut, et lui dit: L’Eternel est avec toi, vaillant héros!

13  Gédéon lui dit: Ah! mon seigneur, si l’Eternel est avec nous, pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées? Et où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent, quand ils disent: L’Eternel ne nous a-t-il pas fait monter hors d’Egypte? Maintenant l’Eternel nous abandonne, et il nous livre entre les mains de Madian!

14  L’Eternel se tourna vers lui, et dit: Va avec cette force que tu as, et délivre Israël de la main de Madian; n’est-ce pas moi qui t’envoie?

15  Gédéon lui dit: Ah! mon seigneur, avec quoi délivrerai-je Israël? Voici, ma famille est la plus pauvre en Manassé, et je suis le plus petit dans la maison de mon père.

16  L’Eternel lui dit: Mais je serai avec toi, et tu battras Madian comme un seul homme.

17  Gédéon lui dit: Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, donne-moi un signe pour montrer que c’est toi qui me parles.

18  Ne t’éloigne point d’ici jusqu’à ce que je revienne auprès de toi, que j’apporte mon offrande, et que je la dépose devant toi. Et l’Eternel dit: Je resterai jusqu’à ce que tu reviennes.

19  Gédéon entra, prépara un chevreau, et fit avec un épha de farine des pains sans levain. Il mit la chair dans un panier et le jus dans un pot, les lui apporta sous le térébinthe, et les présenta.

20  L’ange de Dieu lui dit: Prends la chair et les pains sans levain, pose-les sur ce rocher, et répands le jus. Et il fit ainsi.

21  L’ange de l’Eternel avança l’extrémité du bâton qu’il avait à la main, et toucha la chair et les pains sans levain. Alors il s’éleva du rocher un feu qui consuma la chair et les pains sans levain. Et l’ange de l’Eternel disparut à ses yeux.

22  Gédéon, voyant que c’était l’ange de l’Eternel, dit: Malheur à moi, Seigneur Eternel! car j’ai vu l’ange de l’Eternel face à face.

23  Et l’Eternel lui dit: Sois en paix, ne crains point, tu ne mourras pas. […]

36  Gédéon dit à Dieu: Si tu veux délivrer Israël par ma main, comme tu l’as dit,

37  voici, je vais mettre une toison de laine dans l’aire; si la toison seule se couvre de rosée et que tout le terrain reste sec, je connaîtrai que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l’as dit.

38  Et il arriva ainsi. Le jour suivant, il se leva de bon matin, pressa la toison, et en fit sortir la rosée, qui donna de l’eau plein une coupe.

39  Gédéon dit à Dieu: Que ta colère ne s’enflamme point contre moi, et je ne parlerai plus que cette fois, Je voudrais seulement faire encore une épreuve avec la toison: que la toison seule reste sèche et que tout le terrain se couvre de rosée.

40  Et Dieu fit ainsi cette nuit-là. La toison seule resta sèche, et tout le terrain se couvrit de rosée.

 

 

Gédéon veut confirmation. La parole divine de l’ange de Dieu ne lui suffit pas, il se méfie, un peu comme Thomas face au Christ ressuscité. Cette attitude s’appelle l’incrédulité, elle est une composante importante de notre nature humaine ; nous y sommes tous confrontés un jour ou l’autre, quelle que soit la nature du moment. Gédéon va donc soumettre Dieu à des « tests », des épreuves.

  • D’abord, il va voir se consumer entièrement et instantanément son offrande : verset 21 chapitre 6.
  • Puis il posera le double signe de la toison, humide et sèche tour à tour : versets 36-40 du chapitre 6

Gédéon représente une sorte de synthèse de la peur et de l’incrédulité, car sa mission est tout aussi périlleuse que celle de Moïse ou Jonas : verset 14 chapitre 6. Il présente des arguments « à la Moïse », en se minorisant au maximum. Puis il pose les tests. Mais il finira par obtempérer, comme Moïse, et accomplir sa mission.

 

Nous sommes si souvent comme Gédéon. Face à la parole précise de Dieu, nous ne pouvons simplement croire et faire confiance. Toute notre petitesse nous rattrape. Nous voulons être sûrs avant de partir au combat. C’est strictement le contraire de la définition de la foi donnée dans la Bible : Hébreux 11 :1

« Or, la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. »

Gédéon veut voir, il ne peut faire confiance. Combien de fois sommes-nous ainsi ? Il est si difficile de cultiver l’espérance spirituelle quand tout autour de nous va contre.

Hébreux 6 :19 :

« Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide ; elle pénètre au-delà du voile. »

 

Mais il existe une solution à ce doute. La bible nous décrit une autre attitude, opposée et conforme à la foi.

 

L’enthousiaste et le serviteur zélé

 

Trois exemples-types :

  • Celui qui entend l’appel et y répond ;
  • Celui qui accomplit sa mission avec joie ;
  • Celui qui vit une communion fraternelle active et joyeuse.

 

Celui qui entend l’appel et y répond avec empressement :

Lecture biblique : Esaïe 6 : 8

« J’entendis la voix du Seigneur disant : Qui enverrais-je, et qui marchera pour nous ?

je répondis : me voici, envoie-moi. »

Dieu appelle et Esaïe répond simplement. Il se met à disposition, sans savoir si sa mission sera dangereuse ou aisée. Il fait confiance au Seigneur.

Psaume 69 :10

« Car le zèle de ta maison me dévore, et les outrages de ceux qui t’insultent tombent sur moi. »

Ce psaume décrit le serviteur du Seigneur (et pas seulement le Christ, relisez-le !), celui qu’il agrée. Celui-ci est habité par le zèle.

Voici un mot à considérer : il vient du grec zelos, puis latin zelus et signifie, jalousie, zèle, mais aussi émulation, rivalité et au final aussi, ferveur et ambition. Le zèle est un empressement humain, une bonne volonté joyeuse mise au service d’une cause.

 

Celui qui accomplit sa mission avec joie :

Lecture biblique : Luc 10 :1-20, surtout le verset 17.

 

1 ¶ Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller.

2  Il leur dit: La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson.

3  Partez; voici, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.

4  Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers, et ne saluez personne en chemin.

5  Dans quelque maison que vous entriez, dites d’abord: Que la paix soit sur cette maison!

6  Et s’il se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur lui; sinon, elle reviendra à vous.

7  Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce qu’on vous donnera; car l’ouvrier mérite son salaire. N’allez pas de maison en maison.

8  Dans quelque ville que vous entriez, et où l’on vous recevra, mangez ce qui vous sera présenté,

9  guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur: Le royaume de Dieu s’est approché de vous.

10  Mais dans quelque ville que vous entriez, et où l’on ne vous recevra pas, allez dans ses rues, et dites:

11  Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos pieds; sachez cependant que le royaume de Dieu s’est approché.

12  Je vous dis qu’en ce jour Sodome sera traitée moins rigoureusement que cette ville-là.

13  Malheur à toi, Chorazin! malheur à toi, Bethsaïda! car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et la cendre.

14  C’est pourquoi, au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous.

15  Et toi, Capernaüm, qui as été élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissée jusqu’au séjour des morts.

16  Celui qui vous écoute m’écoute, et celui qui vous rejette me rejette; et celui qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé.

17 ¶ Les soixante-dix revinrent avec joie, disant: Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom.

18  Jésus leur dit: Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair.

19  Voici, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi; et rien ne pourra vous nuire.

20  Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.

 

Les soixante-dix ont vécu une expérience heureuse, celle de la puissance agissante de Dieu (guérison, délivrance…), communiquée par Jésus. Ils sont dans la joie, un état contraire à la peur. Ils ont fait confiance à celui qu’ils suivent et sont partis sans douter. Dieu a tenu ses promesses et ils peuvent donc profiter de la joie d’une mission accomplie réussie.

Nous avons tous connus, je l’espère, ces moments où, après avoir obéi à Dieu, nous avons eu la joie de la réussite dans notre mission, que ce soit dans le témoignage, dans les visites ou dans une victoire spirituelle.

 

Ceux qui vivent la joie d’une communion fraternelle active :

Lecture biblique : Actes 2 :42-46, verset 46 surtout.

 

42 ¶ Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières.

43  La crainte s’emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres.

44  Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun.

45  Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun.

46  Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur,

47  louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.

 

L’église première de Jérusalem est une église joyeuse, après la Pentecôte, car elle expérimente la puissance du Saint-Esprit. Elle est ainsi encouragée à persévérer (verstes42 & 46), malgré les épreuves qui vont advenir ensuite. C’est la vie commune autour de la pratique du culte et de la charité qui soude les croyants et els rend heureux. La communion fraternelle est un atout considérable dont je sui toujours attristé de voir des chrétiens se priver.

 

Mais cette joie ne se limite pas aux moments de réussite et de bénédiction.

Paul et Silas chantent au fond de leur prison :

Lecture biblique : Actes 16 :16-34, verset 25 surtout . (Thyatire ou Philippes)

 

24  Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit les ceps aux pieds.

25 ¶ Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les entendaient.

26  Tout à coup il se fit un grand tremblement de terre, en sorte que les fondements de la prison furent ébranlés; au même instant, toutes les portes s’ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers furent rompus.

27  Le geôlier se réveilla, et, lorsqu’il vit les portes de la prison ouvertes, il tira son épée et allait se tuer, pensant que les prisonniers s’étaient enfuis.

28  Mais Paul cria d’une voix forte: Ne te fais point de mal, nous sommes tous ici.

29  Alors le geôlier, ayant demandé de la lumière, entra précipitamment, et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas;

30  il les fit sortir, et dit: Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé?

31  Paul et Silas répondirent: Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille.

32  Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient dans sa maison.

33  Il les prit avec lui, à cette heure même de la nuit, il lava leurs plaies, et aussitôt il fut baptisé, lui et tous les siens.

34  Les ayant conduits dans son logement, il leur servit à manger, et il se réjouit avec toute sa famille de ce qu’il avait cru en Dieu.

 

Ce texte décrit une situation paradoxale :

         Paul et Silas ont été torturés et emprisonnés parce qu’ils annoncent l’Evangile : verset 23 ;

         Mais, en pleine nuit, ils chantent les louanges de  Dieu et prient dans leur prison : verset 25 .

Cette confiance n’est pas due à leur stupidité naïve, mais à leur foi qui leur dit qu’ils agissent pour Dieu et qu’il ne les laissera pas choir, où qu’ils soient. La suite du récit manifeste cela de manière grandiose : le geôlier, et toute sa maison, les soigne et se fait baptiser, acceptant le message du salut de Paul et Silas.

 

Les disciples d’Emmaüs expérimentent l’enthousiasme :

Lecture biblique : Luc 24 : 13-32, verset 32 surtout.

 

13 ¶ Et voici, ce même jour, deux disciples allaient à un village nommé Emmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades;

14  et ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé.

15  Pendant qu’ils parlaient et discutaient, Jésus s’approcha, et fit route avec eux.

16  Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

17  Il leur dit: De quoi vous entretenez-vous en marchant? Et ils s’arrêtèrent, l’air attristé.

18  L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu le seul qui, séjournant à Jérusalem ne sache pas ce qui y est arrivé ces jours-ci- Quoi? leur dit-il. –

19  Et ils lui répondirent: Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple,

20  et comment les principaux sacrificateurs et nos magistrats l’on livré pour le faire condamner à mort et l’ont crucifié.

21  Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël; mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées.

22  Il est vrai que quelques femmes d’entre nous nous ont fort étonnés; s’étant rendues de grand matin au sépulcre

23  et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leurs sont apparus et ont annoncé qu’il est vivant.

24  Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au sépulcre, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit; mais lui, ils ne l’ont point vu.

25  Alors Jésus leur dit: O hommes sans intelligence, et dont le coeur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes!

26  Ne fallait-il pas que le Christ souffre ces choses, et qu’il entre dans sa gloire?

27  Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

28  Lorsqu’ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.

29  Mais ils le pressèrent, en disant: Reste avec nous, car le soir approche, le jour est sur son déclin. Et il entra, pour rester avec eux.

30  Pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna.

31  Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent; mais il disparut de devant eux.

32  Et ils se dirent l’un à l’autre: Notre coeur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?

 

 

Les deux disciples sont au fond du trou, ils remettent en question toute l’œuvre de Jésus, ils ne croient pas à sa résurrection. Ils sont dans le découragement et l’incrédulité. La rencontre avec Jésus et le dessillement de leur yeux spirituels bouleverse tout cela et le verset 32 traduit leur état spirituel personnel :

« Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans… »

Le feu est ici le symbole de la vie surnaturelle, de la lumière dans les ténèbres, de la chaleur dans le froid de la tourmente, de ce qui purifie…

 

Que tirer ici et maintenant pour nous, en église et individuellement, de tous ces textes ?

 

Je retiendrai deux éléments essentiels : le zèle et l’enthousiasme.

Ces deux comportements sont positifs et contrastent avec la crainte, le découragement, l’incrédulité ou la faiblesse, mais ils sont différents.

         Le zèle est une attitude humaine, nous dirions aujourd’hui une « motivation » sans faille, dont les racines peuvent être multiples, parfois spirituelles (amour de Dieu, du prochain, reconnaissance, foi…), parfois strictement charnelles (refus de l’échec, émulation, compétition, ambitions…). Le zèle est la part de l’homme, avec ses ambiguïtés.

         L’enthousiasme est d‘une autre nature. C’est la part de Dieu. Le mot vient directement du Grec « enthousiasmos » qui signifie « transport divin », et du verbe « enthousiazein », « être inspiré par la divinité ». Le terme était appliqué aux desservants des cultes et a été repris pour le christianisme ensuite.

 

Il est bien évident qu’il est préférable d’agir comme les derniers évoqués que comme Jonas, Moïse ou Gédéon, face à l’appel. Mais nous devons considérer plusieurs points :

         Moïse, Gédéon ou Jonas sont des hommes de Dieu, qui ont accompli, à leur échelle, des grandes choses pour Dieu. Il ne leur a pas demandé à tous trois la même chose. Les missions sont plus ou moins complexes et durables. Mais, une fois surmontée leur réticence, ils ont été de bons serviteurs. Or, ce qui compte est la fin d’une chose et non son commencement.

         Il est préférable d’être enthousiaste et zélé, car cela signifie une communion spirituelle avec Dieu.

         La peur, la crainte, la faiblesse, l’incrédulité sont notre part à tous aussi. Elles sont notre humanité. Ce que nous apprenons ici est qu’elles peuvent être dépassées en Dieu et par Jésus-Christ. Et, qu’une fois dépassés, ces comportements n’empêchent nullement Dieu d’agir par nous et de nous faire connaître le succès dans nos missions pour Lui.

 

Il nous faut désirer et cultiver l’enthousiasme. Par la prière et la vie de l’Esprit au quotidien. C’est le plus beau des comportements. Mais quand nous nous conduisons simplement comme des hommes, rappelons-nous ce verset :

 

« L’amour parfait bannit la crainte » : Première épitre de Jean 4 :18

 

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Ambiguïté de la fraternité chrétienne

 

 

 

Le christianisme du Christ[1] est rempli de la notion de fraternité. En cela il est bien sûr d’abord un judaïsme. Tous les Juifs descendent des mêmes Patriarches. Le “peuple élu” de l’Exode est un peuple-famille. Quand Jésus, dans son enseignement dit: “Si ton frère….”[2], son auditoire entend un rabbin, un prophète. C’est une formule banale à force d’être vraie. L’histoire ultérieure du peuple juif a montré que les frères sont allés ensemble jusqu’au bout de la nuit et du brouillard au XXème siècle. L’évidence du lien familial-religieux poussé à l’extrême.

 

Mais quand Paul de Tarse remercie “les frères” de Macédoine de s’être imposé une collecte pour les “saints de Jérusalem”[3], le registre a changé. Le christianisme de Paul n’est plus un judaïsme. Il donne aux Juifs leur place (voir le magnifique début de l’Epitre aux Romains), mais il diffuse son message parmi les non-juifs et bien vite les chrétiens se séparent de la synagogue. Qu’en est-il alors de la notion de fraternité? De toute évidence, si l’on avait voulu établir un découpage cohérent et culturel de la Bible chrétienne, il eût fallu rassembler la bible juive et les Evangiles. Car l’histoire de l’Eglise chrétienne commence seulement au début du livre des Actes des apôtres. On comprend bien sûr pourquoi cela ne fut pas fait, compte tenu des rapports des juifs et des chrétiens [4] jusqu’à nos jours. Il  nous faut donc recevoir les paroles de l’Errant de Palestine s’adressant à ses frères de sang et les rendre efficientes aujourd’hui, au XXIème siècle, par exemple dans un pays comme la France. Que pouvons-nous dire sur ce délicat sujet de la fraternité considérée d’un point de vue chrétien et non seulement républicain?

 

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En premier lieu, considérer que Jésus nous a donné lui-même la clé en répondant au pharisien Nicodème, venu le consulter nuitamment sur la nature du salut de l’homme.

 

1 ¶ Or il y avait, parmi les Pharisiens, un homme du nom de Nicodème, un des notables juifs.

2  Il vint, de nuit, trouver Jésus et lui dit: « Rabbi, nous savons que tu es un maître qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n’est pas avec lui. »

3  Jésus lui répondit: « En vérité, en vérité, je te le dis: à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. »

4  Nicodème lui dit: « Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître? »

5  Jésus lui répondit: « En vérité, en vérité, je te le dis: nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.

6  Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.

7  Ne t’étonne pas si je t’ai dit: Il vous faut naître d’en haut.

8  Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »

9  Nicodème lui dit: « Comment cela peut-il se faire? »

10  Jésus lui répondit: « Tu es maître en Israël et tu n’as pas la connaissance de ces choses!

11  En vérité, en vérité, je te le dis: nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et, pourtant, vous ne recevez pas notre témoignage.

12  Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croiriez-vous si je vous disais les choses du ciel?

13  Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.

14  Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé

15  afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle.

16  Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle.

17  Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18  Qui croit en lui n’est pas jugé; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

19  Et le jugement, le voici: la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière parce que leurs oeuvres étaient mauvaises.

20  En effet, quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses oeuvres ne soient démasquées.

 

21  Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses oeuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu. »

 

 

Le chapitre 3 de l’Evangile de Jean nous rapporte cet échange, d’où j’extrais ce passage très connu: “…si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.” Nicodème sera le frère de Jésus dans le Royaume de Dieu s’il naît de nouveau. Il est donc clair que Jésus ne parle donc pas d’une fraternité charnelle pour le Royaume de Dieu. Le salut offert par Dieu selon sa grâce crée une nouvelle fraternité. La question reste entière, bien sûr, de savoir ce qu’est ce Royaume de Dieu. le format de ce modeste texte ne me permet nullement de m’étendre sur ce sujet. Je signale simplement les deux grandes “hypothèses” herméneutiques, qui font écrire et prêcher depuis près de 2000 ans.: soit le “Royaume de Dieu” est au-delà du temps présent, dans un ailleurs, c’est l’interprétation eschatologique, il est la “fin dernière” de l’humanité; soit “Le royaume de Dieu est en nous” comme l’écrivait Léon Tolstoï, et il procède alors d’une incarnation et d’une construction dans le présent à laquelle l’homme est associé. Mais il reste bien sûr une position mixte qui associe l’eschatologie et le temps présent comme deux dimensions complémentaires et successives[5]. Pour notre sujet de la fraternité, cette discussion importe, mais elle n’est pas essentielle. Le fait est que le “Royaume de Dieu” est une réalité autre que la vie biologique ordinaire et qu’elle relève de l’Esprit.

“Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’Esprit est esprit.” Jean 3:6. Le Royaume présenté à Nicodème est distinct de l’Israël du judaïsme qu’il pratique. Le critère n’est plus le sang, la famille, la filiation naturelle, mais l’esprit commun insufflé par Dieu – “Ruah” en hébreu, le”souffle divin,créateur”-.

 

De la même manière analogique évidente, l’Eglise de Jésus-christ (sous ses diverse formes que nous devons accepter n’être qu’une) est distincte de nos sociétés, nations, tribus, clans ou familles. Le sang n’y joue aucun rôle, si ce n’est celui du Crucifié, symbolisé et magnifié dans la Cène (avec ses diverses interprétations[6]).

 

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En second lieu, s’il existe deux réalités différentes, le “Royaume de Dieu” et le Cosmos, pour reprendre la notion grecque, l’une physique et l’autre spirituelle, cela induit-il une dualité de la fraternité? Nous parlons ici dans l’optique chrétienne, évidemment. Pour situer l’enjeu de la question, proposons la situation suivante. un homme (ou une femme) chrétien a deux personnes qui comptent plus que tout dans sa vie: son frère (ou sa soeur) et un chrétien de sa communauté, donc un frère selon le Nouveau Testament. Dans une situation critique de sa vie, il est face à un choix cornélien qui l’oblige à choisir entre l’un de ses deux frères. Quel sera alors le choix le plus fraternel, s’il y en a un[7]?

 

A ce dilemme, la morale familiale bourgeoise occidentale répond sans ambiguité que le choix est celui du sang: la fratrie d’abord. A l’inverse, les sectes les plus strictes font le choix de l’orthodoxie spirituelle: la fraternité d’abord. L’Evangile peut-il nous aider à y voir plus clair?

 

Jésus a été soumis à ce même choix et les Evangiles nous le rapportent en Marc 3: 31-35. Sa famille vient près de Jésus et le fait appeler alors qu’il prêche ou parle à l’intérieur d’un lieu peu précisé. Et que leur fait-il répondre?

Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur et ma mère.

La variante de Matthieu 12: 46-50 est plus “visuelle”: Jésus montre la foule de ses disciples à celui qui vient l’appeler et dit: “Voici ma mère et mes frères…”

Ici, Jésus ramène la notion de “peuple élu” au sens de “descendant de” à un strict aspect spirituel (et non religieux). Il donne donc la priorité à la fraternité spirituelle. A suivre cet enseignement et quelques autres aussi radicaux de Jésus, la seule fraternité vraie vient de la marche avec Dieu. Est mon frère ou ma soeur celui qui vit ou tente de vivre selon l’Evangile. La fraternité évangélique efface la fratrie. Et pourtant, ce n’est pas si simple. Car la fratrie fait retour par la famille. Notamment par le rappel affirmé de la lettre de la loi dans le Sermon sur la  montagne.

En vérité, en vérité, je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de la lettre de la loi ne passera jusqu’à ce que tout soit arrivé “ Matthieu 5:18. Or, si la loi reste dans sa lettre (dont Jésus dit ailleurs qu’elle tue quand elle est seule prise en compte), c’est pour qu’elle soit rendue vivante par l’Esprit, selon sa phrase “Car la lettre tue mais c’est l’Esprit qui vivifie”. L’Evangile passerait-il son temps à se contredire et à tourner en rond?

 

Le frère, la soeur, le père ou la mère, comme les enfants, sont importants pour le chrétien. Il est maints enseignements disséminés au fil des Epitres également. mais, contrairement à une sorte de mythe tenace, la famille n’a rien de sacrée et n’est pas une institution de Jésus ou de Paul. leurs propos ne font que prendre en compte son existence et son poids social. Mais les deux la “dynamitent” à plusieurs reprises, en montrant qu’en cas de choix en faveur de la famille, c’est le salut qui est délaissé, car il n’y an plus alors marche selon la “volonté de Dieu”.

La famille n’est pas plus sacrée que ne l’est l’église locale. Elle sont des composantes sociales pour lesquelles Jésus, puis Paul, Jean ou Pierre donnent des conseils ou des règles. Cela ne sacralise en rien l’une ou l’autre. La fraternité biologique et son cadre, la famille, sont une donnée de notre existence d’humain que nous devons gérer à partir de notre condition (conversion) de chrétien. Mais nous percevons bien maintenant l’ambiguïté qui peut se révéler à propos de la fraternité chrétienne et de son rapport ou substitution à la fraternité idéologique. La tentation peut être double.

 

Elle peut prendre le visage de la rupture sectaire qui lit de manière intégriste les paroles de l’Evangile. Tout se resserre alors sur les produits de la “nouvelle naissance (les “born-again” des Etats-Unis), sur la fraternité spirituelle, en oubliant totalement le discours sur le “prochain”, qui imprègne pourtant les Evangiles. Cette attitude sectaire n’est pas le propre des groupes dangereux clairement identifiés (et souvent para-chrétiens), mais on la retrouve aussi comme une trame de fond dans des communautés catholiques intégristes, chez les évangéliques les plus primitifs (j’entends par là sans aucune base théologique) ou même dans certaines réthoriques pastorales. Outre le danger psychique qu’elle peut faire peser sur les membres de telles communautés, cette attitude ne remplit pas de joie et de paix  l’âme du chrétien en question. Or c’est la paix qui est un des signes de la marche chrétienne. Le frère ou la soeur sectaire est en état de guerre permanente contre le mal, il ne peut se relâcher tant il se sent cerné, fragile et menacé. Il est comme un malade en réaction violente à un vaccin. Ce qui devrait lui assurer l’immunité le rend malade à cause d’un mauvais dosage et d’une mauvaise réaction de son corps spirituel. La fraternité exclusive qui en découle est trop intense et trop empreinte de zones d’ombre pour être joyeuse. Elle ressemble trop à une surveillance réciproque qui se drape dans l’amour fraternel. Elle exige au quotidien et pour tous une hauteur d’amour que seul le cheminement personnel spirituel peut donner, avec des évolutions très différenciées selon les individus. Tout cela est, au corps défendant des intéressés, surjoué sous la pression environnante et encadrante, entrainant culpabilisation et échecs partiels ou définitifs, allant jusqu’à l’abandon de toute démarche chrétienne. La fraternité évangélique est épanouissante dans son exigence; elle procure la paix intérieure au-delà des doutes intrinsèques; elle ne saurait être exclusive puisqu’elle est constituée à l’échelle de, l’humanité passée, présente et future.

 

Le symétrique de cette tentation est tout aussi symptomatique d’une approche incomplète. je l’appellerai le syndrome universaliste. Il est porté par l’air du temps depuis plus de deux siècles. Les Révolutions depuis 1789 l’ont dynamisé. Le discours vaguement humaniste et philantrophique de la République, repris et adapté par le capitalisme marchand, hédoniste et consumériste l’a colonisé. Tout homme est le “frère évangélique” du chrétien: le syndicaliste en grève, le militant mapuche, l’écologiste actif, le Dayak maltraité, que sais-je encore. On appelle fréquemment à la rescousse le poverello d’Assise et la fulgurance de ses intuitions d’amour. Mais le frère est toujours l’opprimé, le pauvre, le dépossédé; en aucun cas le patron attentif, le propriétaire terrien respectueux ou le contremaître humain n’auront accès à cette fraternité-là. Les chrétiens embarqués (“embedded” comme disent les Américains) dans cette démarche sont très nombreux dans l’Eglise Catholique et ses diverse oeuvres, ainsi que dans les divers diaconats protestants ou missions évangéliques. Le misérable est sanctifié par sa misère, il est LE frère. Le nanti, le potentat est diabolisé par ses biens, souvent par son attitude ou ses pouvoirs. Il est étrange que ces chrétiens ne se rendent pas compte qu’ils reproduisent la même erreur que les sectaires de la première catégorie, mais à l’envers. Lecture littérale et limitée des textes évangéliques ou de l’Epitre de Jacques qui constitue le bréviaire unique de ces croyants. Du coup, une partie de l’humanité est exclue de leur fraternité évangélique. Certains allant même jusqu’à prendre les armes aux côtés des plus pauvres (un remake des Jacqueries ou de la Guerre des Paysans). Quant au frère de foi, le converti, celui qui chemine avec lui, il n’existe que comme camarade de lutte. La dimension spirituelle de la fraternité chrétienne avec toutes ses composantes charismatiques, liturgiques, ecclésiales… est réduite à la portion congrue voire évacuée totalement , comme dans certaines associations caritatives ou ONG qui n’ont plus de chrétiennes que leurs noms (et souvent une partie de leur financement). La fraternité universaliste est une version cadavériquement chrétienne de l’universalisme prolétarien marxiste. C’est la dernière victoire d’un communisme mort dont les ultimes cellules sont plus vivaces chez certains chrétiens que nulle part ailleurs. Bien entendu, mon propos porte sur le sens de cette fraternité pour un chrétien et pas sur ses actions ou son utilité. Il ne s’agit nullement ici de disqualifier la lutte du pauvre, du sans-terre, de l’opprimé et de nier l’oppression, l’exploitation et la répression. Ce n’est tout simplement pas le sujet.

 

Très significativement et de manière symétrique, ces deux approches de la fraternité, à travers les hommes et femmes qui les vivent, s’opposent et se combattent. Mais en même temps elles s’estiment comme positions fondamentalistes. Elles se retrouvent toutes deux contre la fraternité qui cherche son chemin entre socius, le prochain et le frère.

 

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Car l’ambiguïté de la fraternité chrétienne, telle que le titre de ma réflexion l’envisage n’est pas à prendre ici au sens d’un doute quelconque, mais plutôt sous celui d’une tension dans la vocation. Aucun doute ne plane, en effet, sur la réalité de cette fraternité. La foi chrétienne fabrique de la fraternité. Bien plus que toute autre institution. Ce qui demeure problématique à vivre, parfois (et parfois seulement!), relève plutôt des bonnes limites ou approches de cette fraternité. A la lecture des deux positions évoquées plus haut, il est aisé de comprendre que ces deux-là ne me conviennent pas. Pas par convenance personnelle; elles seraient assez faciles à vivre l’une et l’autre pour l’âme obéissante. Mais par fidélité à la Parole. Ce n’est pas ce que je trouve en lisant la Bible; ce n’est pas ce que l’Esprit atteste en moi. Je trouve dans la Bible une anthropologie au quotidien assez claire pour guider mes pas. Je la résume de manière extrêmement simple maintenant.

 

L’humanité entière est concernée par le plan divin. Ceci nous est dit à la fois par Jésus-Christ et les apôtres. Citons simplement deux petits textes.

Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle à toute la création.” Marc 16:15

Ce sont bien les mots Cosmos et Ktisis qui sont utilisés ici. Cosmos: Univers, monde stellaire; ktisis: création.

Le projet “Bonne Nouvelle” (evangelion en grec) est à portée universelle, ce que Paul traduira plus tard par son universel “Il n’y a plus ni Juif, ni Grec….”[8] . Re même Paul, dans une de ses épitres peut également écrire: 

Cela est bon et agréable devant Dieu, notre sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.[9]

Il y là parfaite unité du christianisme de Jésus  (proféré devant des Juifs) et de Paul ( adressé à des non-juifs). Faut-il alors conclure de ce projet universel une fraternité universelle? Nous n’en trouvons nullement la formulation claire. Alors que nous avons de très nombreux textes où les mots “frère” ou “soeur” sont utilisés dans le cadre de la foi partagée (judaïsme ou christianisme). Il y donc un espace entre la “fraternité” et le monde.

 

Paul Ricoeur a étudié une partie de cet espace dans un article devenu célèbre, « le socius et le prochain »[10], où il établit une distinction subtile mais réelle entre les deux catégories. Il distingue un « prochain »  dont il dit : « le prochain, c’est la manière personnelle dont je rencontre autrui par-delà toute médiation sociale »,  et un « socius »  ainsi défini : « …  c’est celui que j’atteins à travers sa fonction sociale  ». Son textes pose de façon subtile le fait qu’il n’y a pas à choisir  entre  le “prochain” et le  « socius»,  mais que nous devons nous attendre à être ultérieurement jugés  «  sur ce que nous aurons fait à des personnes, même sans le savoir …  »  et conclut ainsi : «… ;  mais c’est finalement la charitéqui concerne la relation au  « socius » et la relation au «  prochain » ,  leur donnant une commune intention. »  Il recentre donc la relation sur l’amour  et non sur la proximité ou la structure . Je crois en effet que cet espace entre le frère de fois et le cosmos est défini dans l’Évangile par le terme « prochain ». Ce terme pêche sémantiquement en français. Le latin « proximus » est plus compréhensible. Tout homme de l’humanité est mon « proximus » même s’il n’est pas mon « socius ». Peu importe que je ne le côtoie pas dans la vie sociale, occasionnellement ou souvent. Il est, par le projet « Bonne Nouvelle », inclus dans cette sphère du « proximus ». Tout homme et toute femme, tout enfant et tout vieillard, tout individu au sexe indéterminable (je pense ici au transsexuel) ou autrement choisi (gays et lesbiennes), tout tueur d’enfants en Syrie ou ailleurs, tout assassin de militaires français en Afghanistan, tous tortionnaires est mon « proximus ». Il partage avec moi la condition humaine et la grâce offerte du salut. Est-il mon frère ? Villon pouvait écrire il y a des siècles : « Frères humains qui après nous vivez… ». Si l’humanité est une création, elle a eu un commencement, elle a un phylum commun. Nous avons donc la même origine matricielle. Nous sommes donc frères en humanité. Mais cette fraternité et toute théorique elle ne saurait se mettre sur le même plan que celle de la foi commune célébrée par le repas du Seigneur. Elle ne peut non plus rivaliser avec les liens du sang au sens familial. C’est pourquoi je préfère le mot « proximus » (prochain) pour cette vaste collection de frères théoriques. Il demeure donc tout cet espace humain entre le proximus du cosmos et le frère spirituel. Là est le coeur de cette ambiguïté de la fraternité. Là sont les parents, les voisins, les collègues de travail et au-delà, les habitants de la commune, de mon département et de mon pays. Là, vacille souvent la charité de chrétien. Mais là aussi agit souvent la culpabilisation sectaire. Dois-je feindre l’amour total pour tous ces hommes et femmes ou est-il possible d’être, à l’instar du Christ, « ému de compassion à la vue de cette foule sans berger » ? Aussi bizarre que cela puisse paraître, je crois que tout est possible. Et que je ne dois rien considérer comme impossible, tout autant que je ne dois pas me culpabiliser de ne pas parvenir à être éperdu d’amour pour un abruti ivrogne et pédophile. Faisons un petit tour d’horizon.

 

Commençons par la famille. Ai-je choisi d’appartenir au même groupe que tout ce qui portent le même nom que moi ? La famille s’impose à nous. La collusion de la coercition familiale et de l’enseignement religieux a rendu la relation familiale quasi sacrée en France. Mon cousin, mon oncle sont-ils plus que mon « proximus » ? C’est en tout cas ce que l’on a répété à satiété, en l’assortissant d’une hiérarchie et d’une soumission dont les sociétés méditerranéennes sont la quintessence. Poussée à l’extrême, nous y trouvons la logique de l’omerta, la fameuse loi du silence, et celle de la vendetta, vengeance du sang par le sang, qui n’est que l’application de la loi du talion, si bien illustrée par les guerres fratricides des diverses mafias, lesquels se nomment d’ailleurs « familles ». On peut comprendre le cri rimbaldien : « Familles, je vous hais ! ». Voici un cercle où il faut conquérir sa liberté en brisant les fausses lois. La tyrannie des liens du sang a été un objet de pression des millénaires durant, surtout pour les filles. Rien dans l’Évangile ne justifie cela. Si le respect dû aux parents et grands-parents est rappeleé dans toutes les traditions (y compris dans la Bible), le principe de soumission à tout adulte pour un enfant est un abus de pouvoir. Quant au poids des silences que le lien familial a entraînés, il est éloquent dans les histoires personnelles de nombreux individus. En clair, la fraternité chrétienne n’a pas à subir le parasitage culturel des us et coutumes familiale et il faut clairement dire que ce sont deux systèmes distincts. Le seul principe du christianisme et l’amour : il s’applique aussi (et surtout, devrais-je dire) dans le champ familial. Mais il ne faut pas charger la famille d’un sens spirituel qu’elle n’a pas. Une famille Samoane n’est pas la même qu’une famille africaine ou limousine. Pourtant des chrétiens se trouvent au îles Samoa, en Afrique et dans le Limousin. Les familles doivent-elles se ressembler au nom d’un modèle chrétien? La réponse est non : il n’y a pas de modèle chrétien de la famille. Il existe simplement des familles de chrétien. La fraternité du Christ s’ajoutant aux liens du sang et de l’amour familial devrait donner des familles pétries de l’Évangile. Cela arrive, mais il n’y a aucune automaticité. Ne confondons donc pas les registres et rendons à la famille ce qui lui appartient et à la foi ce qui lui revient.

Michel de Montaigne écrit dans ses « Essais » : « le père et le fils peuvent être de complexion entièrement éloignée, et les frères aussi. C’est mon fils, c’est mon parent ; mais c’est un homme farouche un méchant ou un sot.[11] » Cette citation nous permet d’aborder le point épineux de la fraternité des fratries. Il y a loin de la coupe aux lèvres en la matière. Le discours social fait des relations entre les frères et soeurs d’obligatoires réussites. Le vivre ensemble et l’éducation font que cela est souvent vrai. Ce que Montaigne souligne ne peut être ignoré : deux membres d’une fratrie peuvent n’avoir rien en commun ou en tout cas bien moins qu’avec leurs amis. Faut-il alors s’indigner ou appliquer le principe de réalité ? Ne cherchons pas en tout cas à justifier une éthique de la fratrie sur la Bible, car celle-ci contient tous les types de comportements, des plus conformes au modèle jusqu’au plus scandaleux et mortifères. Je crois qu’il convient de traiter la famille dans son ensemble et ne point hiérarchiser à l’intérieur de celle-ci. La question est celle des liens du sang dans l’analyse de la fraternité et rien d’autre.

 

Quid maintenant de nos voisins, concitoyens et autres proximi sociaux, ceux que Ricoeur appelle les socius ?

 

 

Il est très facile de créer des réflexes claniques ou nationalistes en flattant une appartenance identitaire, lié au sol ou à la religion, et excluant tout ce qui lui est extérieur. C’est le vieux réflexe chauvin, presque aussi vieux que la horde préhistorique. En choisissant de flatter les instincts les plus bas et en désignant un ou plusieurs ennemis communs (le fameux bouc émissaire de René Girard), on fédère désormais les hommes et les femmes qui oublient leur différence pour se livrer à la haine primaire, au racisme au nationalisme. Cela en fait-il des frères ? Non, mais des loups sûrement ! Haïr ensemble ne crée nullement de l’amour et de la fraternité, à l’inverse de la souffrance partagée.

Si l’on écarte le nationalisme et ses variantes, il demeure l’énigmatique « fraternité » de notre devise républicaine. Il y a quelques années, Régis Debray s’est essayé à un livre sur le sujet[12], sans grand succès et sans grand intérêt, sa rhétorique tournant complètement dans le vide, tant il s’avérait incapable de proposer la moindre démarche créant de la fraternité. Que peut bien signifier cette fraternité de frontispice ? Disons-le tout net, de la trilogie républicaine, c’est celui qui se porte le plus mal. La fraternité n’a pas survécu à la Révolution Française. Et encore convient-il de ne pas l’idéaliser. S’il il y eut bien un grand « moment fraternité » le 14 juillet 1790, le moins que l’on puisse dire est que 1793 en est la négation. Tout le reste est littérature. N’appelons pas « fraternité » le réflexe de peur et de haine né des guerres de 1914 et 1940. La Résistance créait une éphémère fraternité d’armes qu’Aragon célèbre dans son poème « La rose et le réséda » : « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas » se battent coude à coude contre la barbarie nazie. Tout cela vole en éclats lors des combats de 1944 et les épurations-règlement de comptes qui les suivent. L’Europe, née du programme du CNR et de la volonté des démocrates-chrétiens, est technocratique et non fraternelle. Cessons donc de faire perdurer ce mythe : la République ne crée nulle fraternité. Au mieux elle crée de la citoyenneté -c’est le cas de l’école de Jules Ferry à partir de 1881-82 et on en connaît l’apothéose avec le patriotisme guerrier du mois d’août 1914 – au pire, elle crée une nationalité. Nous en sommes là en ce début de  deuxième décennie du XXIe siècle. Toutes nos querelles électorales (assez misérable à l’analyse) ne portent que sur l’étranger, donc en creux dessinent un seul critère d’appartenance, la nationalité, une fraternité de papier certifié par les préfectures. Mon voisin est un Français ou un étranger, mais pas un frère de la République. Et je puis bien soutenir le contraire, je ne fais que me mentir à moi-même.

 

 

Aux termes de cette rapide réflexion sur la fraternité chrétienne, il faut rassembler les éléments à conserver. La fraternité chrétienne n’est pas institutionnelle, comme le disent les grandes églises historiques. Être Luthérien ou Catholique Romain ne transforme pas en frères des autres croyants. Ces églises fabriquent des coreligionnaires, chez lesquels une certaine amitié, sympathie ou empathie, peut se manifester. Ce qui fait le frère, c’est la paternité commune. Nous avons proposé le texte de Jean 3 comme processus de naissance seconde, qui ouvre à cette nouvelle généalogie. Nous nous situons ici volontairement dans un christianisme de conversion, sous l’ombre vécue de Martin Luther, d’Augustin, de Paul Claudel ou Jacques Ellul. Nous savons qu’il existe une approche multitudiniste qui est fondé sur le phénomène institutionnel. L’histoire invalide une telle fraternité aux lumières de la Bible. Si nous voulons la conserver, il nous faut alors inventer une théorie concentrique et parler de fraternité du second cercle.

Mais au-delà de ces fraternités religieuses (chrétiennes au sens strict), que penser des autres fraternités invoquées ? La fraternité familiale est une fratrie, un fait à la fois culturel et biologique. Plus souvent imposée que choisie, elle a tout d’un abus. Quant à la fraternité républicaine, nous savons qu’elle n’est plus depuis longtemps qu’un mot figé dans la pierre de nos mairies. La République Française n’est pas fraternelle, car ce n’est plus du tout son projet. Si elle parvenait à maintenir un peu de solidarité entre ses citoyens, ce serait déjà une belle réussite.

Enfin en ce qui concerne les humains, hôtes  de la Terre, toute fraternité est purement théorique. Au mieux il s’agit d’une solidarité de l’espèce.

Nous avons donc un emboîtement de lien qui peut se résumer ainsi :

Frère (chrétien) — proximus ou socius (prochain immédiat) — proximus (prochain théorique) — spéciation.

L’enseignement chrétien nous adjoint d’éprouver de l’attention, de l’affection, de l’amour même pour nos prochains divers (proximus-socius ou proximus). Ce commandement unique et le plus surhumain de tous, c’est pour cela que Jésus résume en lui la Loi et les Prophètes. Nous devons sans cesse le porter à incandescence en nous, tout en sachant nos limites humaines.

Pour la fraternité chrétienne stricto sensu, nous n’avons pas le choix. Elle est une manifestation de notre filiation commune. Alors il reste ce que disait Augustin : « aime, et fais ce qui te plaît. »

 

Jean-Michel Dauriac – juillet 2012.

 

Bibliographie sélective

 

 

1.      Dictionnaire Critique de Théologie – direction Jean-Yves Lacoste – PUF collection Quadrige – 2002 (première édition 1998)

2.      Histoire et vérité – Paul Ricoeur – Le Seuil, collection points-essais – 2001 (première édition 1955)

3.      Le moment fraternité – Régis Debray – Gallimard NRF – 2009

4.      La cité de Dieu – Cinq Auguste – Le Seuil, collection points-sagesse – trois volumes –1994 (existe aussi dans la collection La Pléiade, en un seul volume)

5.      Le Royaume des Cieux est en vous – Léon Tolstoï – Le passager clandestin – 2010 (première édition en 1893)

6.      Tous les hommes en frères – Gandhi – Gallimard, collection Folio – 1990 1990

7.      Les essais – Montaigne – E te ditions Arléa – 2005

 

 

 

 



 

[1] j’oppose le chrisrianisme du Christ au christianisme de Paul, au sens des sources textuelles: le christianisme du Christ est réuni dans les Evangiles, celui de Paul dans le corpus des épitres.

 

[2] Voir Evangile de Matthieu, chapitre 5.

 

[3] Epitre aux Romains 15:26

 

[4] Rappelons ici la tentative de Marcion de purger de toute référence juive la base scripturaire du christianisme. Cette tentive fut vouée à l’échec, mais elle montre que la césure a été perçue de manière très forte, voire violente dans les débuts du christianisme.

 

[5] La théologie du royaume a considérablement varié selon les périodes de l’histoire de l’Église. Pour un exposé concis et clair, nous renvoyons à l’article « Royaume de Dieu » du « Dictionnaire Critique de Théologie » (voir bibliographie finale). Rappelons simplement ici que Luther a développé une doctrine des deux royaumes qui représente la position mixte évoquée dans mon texte : le Royaume de Dieu est lié à la grâce et à la justification par la foi, le royaume séculier est lié à la loi. Les croyants se doivent d’agir pour que ce dernier soit mené chrétiennement (Calvin et Zwingli iront presque jusqu’à la théocratie évangélique). Mais il ne sera jamais le royaume de Dieu, qui reste d’une autre essence. À l’inverse, le concile Vatican II a théorisé le lien entre Eglise Catholique Romaine et Royaume de Dieu : l’Église est le Royaume de Dieu, présent sur terre en elle comme « mystère ». À travers ces deux exemples, il est aisé de mesurer le poids du politique sur le théologique et sur l’herméneutique des textes bibliques.

 

[6] La principale opposition opposant l’Eucharistie catholique à la Cène protestante, avec des variantes importantes théologiquement entre catholiques et orthodoxes d’un côté et Luthérien, Calvinistes et zwingliste de l’autre.

 

[7] J’ai bien conscience du caractère artificiel de ma proposition, mais que le lecteur se reporte aux tragédies antiques ou classiques (Corneille ou Racine) et il trouvera matière à illustrer mon exemple. Le cinéma contemporain a aussi pas mal travaillé sur ce choix dramatique.

 

[8] Epitre aux Galates 3:28

 

[9] Première épitre à Timothée 2: 3-4

 

[10] in “Histoire et vérité”, voir bibliographie finale

 

[11] Chapitre 28, “De l’amitié” (voir bibliographie finale)

 

[12] “Le moment fraternité” (voir bibliographie finale)

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