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Catégorie : dans l’actualité

Les Russes ont Poutine, nous avons Bernard-Henri Lévy

Arte diffusait ce soir du 28 juin 2022 le film documentaire de BHL intitulé Pourquoi l’Ukraine.  En préambule à cette projection immanquable, Le Figaro, dans son édition du lundi 27 juin, lui consacrait une pleine page d’interview. J’ai commencé par lire ce grand entretien, mais en fait, quand on vu le film, on se rend compte qu’il répète quasiment mot pour mot son contenu.

Regarder un film de Bernard-Henri Lévy est toujours une « expérience », comme le disent aujourd’hui les décérébrés que l’on appelle communicants. Passons sur l’usage de ce mot qui traduit l’ignorance des publicitaires et venons-en au film lui-même. Regarder un film de BHL c’est toujours regarder un film sur BHL Il est de quasiment tous les plans, on le voit apparaître partout, dans les tenues les plus diverses, en treillis, en uniforme, en costume (avec la légendaire chemise blanche ouverte – à son âge il devrait faire attention à la pneumonie !) ou en pardessus noir. Pas une séquence où il ne se montre, même furtivement. Un tel degré de narcissisme est déjà problématique pour un vieil adolescent comme lui. Mais en plus de cette omniprésence visuelle, il nous impose aussi une omniprésence sonore, car il est l’auteur et le diseur du commentaire. Et là, des sommets sont atteints ! Les mots nous trahissent souvent, et dans ce film, ils trahissent tout le temps le personnage et sa posture. Certes, le sujet est bien l’Ukraine, depuis la révolution de Maidan (2014) jusqu’à la capitulation du bataillon Azov en juin 2022, mais cela finit par devenir secondaire par rapport au culte de l’ego de l’auteur. Passe encore que sa voix soit difficilement supportable : elle marque un vieillissement très net et use d’un ton théâtral très décalé. Mais au-delà de cette gêne sonore, il y a le contenu. Il s’agit d’un mélange assez incongru de références littéraires et mythologiques, de formules créées pour passer à la postérité et de resucées journalistiques. Disons tout net : toutes les images montrées en ce film ont été diffusées à satiété depuis le début de la guerre, il n’y a rien d’original, si ce n’est les entretiens de notre héros avec les protagonistes du récit. La banalité des images amène donc à se concentrer sur les paroles et c’est là, malheureusement, que le film trahit son auteur.

Depuis près de cinquante ans, BHL joue au philosophe engagé avec persévérance ; il se veut le Jean-Paul Sartre de sa génération. Depuis ses prises de position en faveur des boat-people vietnamien, il a enfourché le canasson de toutes les oppressions et les guerres qu’il pouvait utiliser. Il serait d’ailleurs intéressant de lister celles dont il n’a jamais parlé, ce qui dessine, en creux, ses choix politiques. Ce n’est pas mon propos ce jour.  Depuis trente ans maintenant, BHL arpente les champs de bataille choisis, costume noir, chemise blanche et écharpe au cou, et nous fait la leçon sur notre aveuglement et nos lâchetés. Serbie, Bosnie, Kosovo, Tchétchénie, Géorgie, Lybie, Arménie, et aujourd’hui Ukraine. Cet homme se trompe systématiquement dans toutes ses analyses politiques, alors même qu’il choisit des bonnes causes. Son niveau de compréhension politique est celui d’un élève de quatrième moyen d’un collège de banlieue. Et, avec ces inepties, il parcourt tous les plateaux tél et radio et délivre sa vérité, qui ne saurait être contestée. Il murmure ses âneries aux oreilles des présidents, avec plus ou moins de succès ; on lui doit la stupide intervention française en Lybie, dont on peut mesurer chaque jour le succès en lisant les nouvelles. Bref, il est admirable dans son genre, qui est celui de l’albatros baudelairien transposé à la politique.

Que nous dit-il sur l’Ukraine ? D’abord qu’il a tout compris depuis longtemps et qu’il est l’ami de tous les démocrates qui se sont succédé au pouvoir récemment dans ce pays. Je vous laisse juge de ce bilan, si vous suivez sérieusement la politique étrangère. Ensuite, que les Russes sont des soudards qui commettent des crimes contre l’humanité : nous avions effectivement besoin de lui pour le découvrir.  Que le peuple ukrainien est en tous points admirable, car il se bat pour défendre son pays. Du coup, on balaie très vite le passé antisémite et collaborateur des nazis, on oublie le passé du bataillon Azov et les russophones qui sont pro-russes dans tout l’est du pays. Pour BHL, les nuances n’existent pas. Il en vient enfin à répéter mot pour mot, comme un caniche, les éléments de langage de Zelenski sur le fait que cette guerre est notre guerre et que la défaite sera notre défaite. Il n’est pas ici le lieu de discuter ces affirmations, car elles sont discutables. Il est frappant de voir la banalité du propos, collection d’évidences journalistiques habillées ici de la culture normalienne ; mais cela ne suffit pas à transformer des truismes en pensées originales. BHL nous appelle, ni plus ni moins, à combattre avec les Ukrainiens, pour défendre la démocratie et la liberté. Pourquoi ? Parce que cet homme vit, depuis sa jeunesse, dans un pays mythologique dont il est le prophète et le héros. Il se moque absolument des conséquences de ses postures et de ses paroles. Est-il revenu voir le résultat de sa pression sur le président Sarkozy pour intervenir militairement en Lybie? A-t-il vu dans quelle misère vivent les populations du pays, en guerre civile depuis la mort de Khadafi ? A-t-il réfléchi un seul instant à ce qu’il adviendrait si les dirigeants européens, à commencer par la France, allaient faire la guerre en Ukraine ? Bien sûr, Poutine est sans nul doute malade et l’agresseur d’un peuple qui ne le menaçait nullement. Bien sûr que des crimes de guerre ont été commis – il faudrait aussi montrer ceux des Ukrainiens dans le Donbass, par exemple.  Mais BHL nous a-t-il engagé à aller combattre au Darfour, quand les chrétiens étaient massacrés par les musulmans du nord ? Sa rhétorique est celle d’un histrion qui vit dans le monde antique de la guerre de Troie.

Ce qui est grave est que la grande chaine culturelle Arte diffuse ce documentaire sans débat derrière, que ce grand quotidien qu’est Le Figaro lui donne une page entière avec des questions de complaisance et fasse en plus la publicité pour le film dan sa rubrique télévision. Nous sommes là dans le microcosme pervers qui manipule l’opinion sans cesse. Ce documentaire prête plus à rire qu’à réfléchir, tant le commentaire est boursouflé et bourré de clichés. La bonne conscience d’une gauche qui n’en a plus que le nom n’a plus de limite, elle ne perçoit plus aucun signal avertisseur. Ce genre de spectacle est ce qui pousse les Français à l’abstention électorale ou au vote Rassemblement National. Les justes causes ont besoin d’avocats lucides et humbles, pas de bateleurs germanopratins. Pourquoi l’Ukraine rejoindra donc la collection de navets signés par celui qui se prend aussi pour un cinéaste. Et pourtant cet homme avait du talent, avant qu’il ne devienne mégalomane.

Jean-Michel Dauriac

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La mort de Jean-Pierre Pernaut : le symbole d’une rupture culturelle

Le 2 mars, le journaliste Jean-Pierre Pernaut est mort, à 71 ans d’un cancer du poumon, dont il avait fait l’annonce il y a quelques mois à son public du 13 heures, depuis sa retraite picarde. C’est, professionnellement parlant, la mort d’un géant de la télévision, qui va rejoindre les Léon Zitrone , Pierre Sabbagh ou Pierre Desgraupes. Les hommages nombreux et riches qui lui ont été rendus attestent de ce professionnalisme reconnu : ne jamais oublier qu’avant d’être le présentateur de Journal Télévisé (JT dans le langage actuel) à la plus grande longévité, il fut un journaliste exigeant et professionnel jusqu’au bout des ongles. L’image du présentateur franchouillard a caché celle du professionnel. Un grand homme de télévision nous a quittés.

Mais mon propos n’est pas d’ajouter un hommage anonyme de plus au concert de louanges funéraires, mais d’analyser ce qui vient de se passer. La profession unanime, comme la classe politique, pleure ce grand professionnel. C’est ici le premier point que je veux évoquer : c’est le grand bal des faux-culs. Ceux qui ont de la mémoire et qui s’intéressent à la chose publique se souviendront sans nul doute du mépris des intellectuels pour son JT. Il n’y avait pas assez de formules assassines pour le discréditer et se moquer de lui. Pernaut, c’était le type qui présentait  les jours une France qui n’existe plus, un pays de ploucs (« ceux qui roulent au Diesel et fument des clopes » dira l’inénarrable Bernard Griveaux, météore de la planète macronienne et parfait symbole d’une France sans racines), le gars qui va sur les marchés, sur les plages et dans les foires au cochon – on a un peu dit la même chose de Jacques Chirac ! -, le défenseur de l’artisan et du passéisme… Bref, c’était un « ringard » qui plaisait à des ringards et exploitait son filon. Pour plaire au peuple, il lui plaisait : revoyez les réactions à sa mort enregistrées un peu partout sur les marchés de France. Quel journaliste peut se vanter d’avoir une telle popularité ? On n’est pas chez le public de l’immonde Hanouna. Mais justement, c’est cette popularité qui déplaisait tant aux intellectuels et plumitifs de la bien-pensance parisianno-gauchiste, ceux qui détiennent la vérité et le droit de censurer à ce titre. Intellectuel de métier, j’ai subi ce mépris des gens de ce milieu, lorsqu’ils savaient que je regardais aussi souvent que possible son journal et que je l’appréciais en tant qu’homme et journaliste. Combien de petits sourires et de réflexions médiocres ai-je entendues ! Et puis, un jour, Michel Houellebecq, l’écrivain à scandale qui plaît tant à ceux qu’il ridiculise, a dit, dans un de ses romans, tout le bien qu’il pensait de Pernaut – ce devait être dans La carte et le territoire, si je me souviens bien. Et j’ai alors vu ces intellectuels tourner casques, pour certains, et venir me parler de Pernaut en répétant les formules de l’écrivain. Minables petits êtres sans colonne vertébrale ! Et avec le temps, sa popularité est devenue un atout : c’est à lui que Macron a confié le soin de l’interviewer dans une école normande en pleine crise des Gilets Jaunes car, s’il y en avait un qui comprenait ce qui se passait, c’était bien lui ! Et Pernaut est devenu « tendance », après avoir essuyé les ricanements de   volaille sans cervelle et sans cœur. J’espère qu’il a savouré  tous ces gens qui allèrent ensuite à Canossa, dans son journal ! Mais, cessons-là, je crois en avoir assez dit sur ce sujet ceux mis en cause se reconnaîtront, s’ils sont honnêtes.

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Le deuxième point que je voudrais évoquer est celui de la rupture symbolique que représente sa mort, survenue juste un peu plus d’un an après son départ du JT, en décembre 2020. La crise des Gilets Jaunes et les manifestations anti-passe et anti-vaccins signalent une méfiance et un éloignement grandissant d’une partie du peuple, surtout rurale et périurbaine, envers les dirigeants et les structures du pouvoir. Ce malaise est analysé par des batteries de sociologues et de politologues qui n’y comprennent rien, tant ils vivent dans un entre-soi intellectuel et matériel purement urbain et même hyperurbain. La candidature ridicule d’Anne Hidalgo illustre fort bien ce décalage infranchissable. Or, Jean-Pierre Pernaut était un de ceux, rares, qui connaissaient la réalité de cette France des oubliés et des invisibles, d’abord, parce qu’il les aimait et, ensuite, parce qu’il allait vers eux et parlait d’eux. La France qu’il promouvait n’était pas morte, comme le disaient ses détracteurs aveugles, mais c’était au contraire celle qui ne veut pas mourir. Et toutes les initiatives que le JT de 13h mettait en lumière en sont la preuve concrète. De même que toutes les opérations qu’il montait étaient faites pour aider la France des « sans-dents ». Était-ce un combat perdu d’avance ? Peut-être, un peu comme la résistance des soldats et civils ukrainiens contre le rouleau compresseur russe. Mais faut-il pour cette raison ne pas se battre du tout ? Pernaut avait compris que des millions de Français ne rêvaient nullement de vie urbaine, de shopping, d’événements culturels haut de gamme ou de musées extraordinaires, mais voulaient simplement vivre où ils l’avaient décidé et y vivre décemment. C’est ce que tous les gouvernements depuis Nicolas Sarkozy  s’évertuent d’empêcher, au nom d’une logique comptable et d’un logiciel libéral.  Car cette prétention des simples est incompréhensible aux bobos nomades hyperconnectés. La mort de JPP est le symbole de ce combat difficile que des millions de gens continuent de mener, pour avoir simplement une perception, une école, des commerces ou une gendarmerie, sans parler d’un médecin et d’un hôpital proche. Pourtant la « pandémie » de Covid19 a mis en évidence de manière très cruelle les méfaits de la mondialisation et de la dépendance qu’elle a organisée. Mais tout laisse à penser que l’on reprendra très vite « business as usual » (« le boulot comme avant ») comme disent les anglophones. Et qui portera désormais la voix des sans-voix ? C’est bien la fin d’une époque, celle où on croyait la résistance et le retour à la raison possibles.

Le troisième point, sur lequel je voudrais conclure ce petit article est la réalité de la fragilité. Fragilité humaine d’abord : il y a quelques mois, quand Jean-Pierre a annoncé à ses téléspectateurs sa maladie il était en forme et décidé à se battre. En quelques semaines, le voici retranché du monde des vivants. Que nul ne s’y trompe, c’est l’illustration de notre propre fragilité et fugacité : aujourd’hui ici et vivant, demain, ce soir peut-être, disparu. La Bible ajoute en parlant du destin humain, comparé à de l’herbe : « … et le lieu où elle était ne se souvient pas d’elle ». Savoir et intégrer cette idée de notre finitude possible à tout instant devrait nous rendre humbles et sages. Or nous assistons à tout le contraire : les hommes importants (pour qui ?) se comportent comme s’il devaient vivre toujours, se rendant aveugles à leur propre nature. Voyez Vladimir Poutine, qui a assuré son pouvoir jusqu’en 2036 ! Malheureux, qui peut mourir demain et engage son pays dans une voie sans issue et sème le malheur pour des considérations sans valeur.

Mais aussi fragilité sociétale. Le monde stable (ou que nous voyions ainsi) bascule en peu d’années dans un chaos que nos grands esprits croient maîtriser parce qu’ils en parlent. Notre société vacille, c’est un fait que nul ne peut nier  ce jour. Ce qui faisait la vie belle et bonne en France se délite, d’abord imperceptiblement, puis s’effondre d’un seul coup. L’abstention électorale n’a cessé d’augmenter, mais elle n’était que le symptôme d’une maladie beaucoup plus grave : l’agonie de la démocratie parlementaire. Ce modèle est à bout, car il était adapté à un type de société et d’économie que les capitalistes de haut vol et les élus irresponsables ont sapé inlassablement. Destruction du tissu productif et du tissu social vont de pair. Et les idiots utiles de la pensée unique, surtout de gauche d’ailleurs, ont oeuvré avec zèle à cette double destruction. Je ne vais pas développer ici la démonstration de ce massacre organisé, mais j’y reviendrai dans des articles à venir. Une civilisation, une culture, un pays, une langue sont des objets fragiles et qui devraient évoluer dans le temps long. En posant l’immédiateté et l’instantanéité comme principes de nos vies connectées, nous allons à l’encontre de ce temps civilisationnel. Elle est bien loin la « politique de civilisation » que le vieillissant Edgar Morin croyait possible à mettre en place. Ce qui est à l’oeuvre actuellement est plutôt une « politique de décivilisation », devant laquelle nos vieux pays, pourtant si résilients, s’avèrent bien fragiles. Car ce qui fait la résistance, c’est l’adhésion commune, le cœur qui bat pour un même but. L’enfant du capitalisme ultralibéral est l’individualisme exacerbé que l’on nommait jadis égoïsme. On ne fait pas civilisation avec des monades égoïstes.

Des millions de Français modestes et simples ont, ces jours-ci, du chagrin, car ils ont perdu comme une sorte de membre de la famille, comme un ami lointain, mais fidèle. J’ai ce sentiment aussi. Mais au-delà de ce deuil marquant, nous enterrons sans doute encore un peu plus notre France périphérique et nos Français « moyens ». Constat peu réjouissant, mais lucide. Pourtant, il faut continuer de se battre pour nos campagnes, pour notre agriculture, nos commerces et services, nos écoles rurales, nos petits hôpitaux, nos petits tribunaux, notre langue et nos arts populaires, nous le devons bien à la mémoire de Jean-Pierre Pernaut.

Jean-Michel Dauriac – 5 mars 2022

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L’article de la déraison: à propos du pronom personnel « iel »

L’actualité récente nous a offert un bel exemple de dérèglement intellectuel public. les faits:

L’édition électronique du dictionnaire Le Robert a ajouté à son vocabulaire un nouveau pronom : « iel ». Voici, directement copié du site du Robert Dictionnaire en ligne la définition:

iel , iels, pronom personnel

RARE Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. L’usage du pronom iel dans la communication inclusive. – REM. ON ÉCRIT AUSSI ielle??? ielles??? .

A la suite de la divulgation de cet ajout un très vif débat a eu lieu dans les médias entre les tenants de cette addition et ses adversaires. J’ai pris connaissance des arguments des uns et des autres, avant de livrer mon avis personnel.

A la défense de cet ajout, on trouve tous les arguments des tenants des études de genre et de l’extension indéfinie de l’acronyme LGBT+. Il leur apparaît évident et nécessaire de créer ce mot car la situation de l’humanité a définitivement changé depuis deux ou trois décennies et les travaux (américains surtout) dits Gender studies, lesquels ne faisaient que suivre les cultural studies et précéder les colonial studies, en attendant la suite. Le sexe étant une construction culturelle et personnelle, il faut renoncer à la vieille binarité castratrice masculin/féminin et admettre le choix ou le changement d’identité sexuelle par l’individu, lequel doit disposer du droit de l’imposer publiquement. En conséquence de quoi la langue doit suivre et adopter un pronom indéterminé. Ce sera donc, en France, » iel« . Le Robert a donc fait le choix de l’inclure dans sa dernière édition numérique.

Contre ce choix se sont élevées presque toutes les voix lexicographiques, y compris celle de l’Académie Française. Restons sur ce terrain. Un dictionnaire est un ouvrage technique, un outil de langue à disposition des locuteurs et auteurs. On sait la profusion des dictionnaires au XVII et XVIIIe siècles, afin de donner à la langue française sa noblesse. le XIXe ne sera pas en reste, notamment avec Hachette, Littré et Larousse. Le Robert est la grande création du XXe siècle. A côté de ces initiatives privées, il y deux références institutionnelles: depuis trois siècles, le Dictionnaire de l’Académie est régulièrement actualisé – c’est le grand oeuvre des Immortels – ; la seconde référence est née de la naissance de l’Internet, c’est le site du CNRS consacré à la langue française, Le CNRTL. Si vous tapez « iel » dans leurs barres de recherches, vous aurez droit à un avis d’échec: ce terme n’existe pas dans leurs dictionnaire. Les divers opposants à cette initiative ont tous le même argument : un dictionnaire qui se respecte est là pour valider l’usage d’un mot que les Français utilisent depuis quelques temps. Ce n’est évidemment pas du tout le cas de « iel » dont 99,99999999999999999 % des Français ignorent l’existence et le sens. Ce mot est un fantasme de micro-cénacles, surtout universitaires et associatifs spécialisés dans la défense des identités sexuelles nouvelles. Il n’a rien à faire dans un dictionnaire français, même si Le Robert a cru prendre une précaution suffisante en mettant « rare » avant la définition (c’est « rarissime » qui aurait dû être inscrit!). C’est purement et simplement une imposture!

De quoi « iel » est-il le symptôme? De la maladie dégénérative que l’on nomme « mouvement woke » d’après l’appellation états-unienne (le mot signifie « éveillé », ce qui montre bien que seuls ceux qui ont compris cela sont sains d’après les critères du mouvement). Ce cancer a franchi l’Atlantique et commence à métastaser en Europe et, singulièrement en France dans les département de lettres, philosophie, sociologie ou sciences de l’éducation de nos université, espaces connus pour leur forte production d’inanités sous couvert de modernité. Le propre de ce mouvement est de faire de l’entrisme dans les lieux stratégiques de la pensée et d’y tisser sa toile : il suffit de regarder les nominations et les thèmes des chaires de nos facs pour prendre la mesure du danger. La stratégie est toujours la même: prendre le contrôle de la formation universitaire et orienter les travaux de recherches des étudiants (masters et thèses) exclusivement sur ces voies et donc produire de futurs enseignants acquis à ces idées, lesquels les diffuseront ensuite chez les élèves et dans la population. On a connu exactement le même système métastatique avec le marxisme (entre 1945 et 1975) ou le structuralisme (entre 1960 et 1980 surtout), avec des dégâts considérables, notamment l’impossibilité du débat et des études contradictoires. L’Université française commençait à peine de se remettre de 50 ans de dictature de la pensée quand les études de genre et décoloniales ont commencé à arriver. Est-ce une fatalité intellectuelle de l’université? Peut-être, car elle est peuplée de gens qui ont absolument besoin de publier des articles et de se faire remarquer d’une part et, d’autre part de personnes moutonnières qui croient penser originalement en adoptant la dernière pensée à la mode. « Iel« , ce petit mot stupide est de fait le symptôme d’un mal bien plus profond et dangereux que la seule lexicographie. Il faut lutter pied à pied contre toutes ces dérives totalitaires, non pour les interdire, mais pour les empêcher d’interdire les voix contestataires de leur idéologie de la vacuité.

Vous pouvez protester en adressant des mails au site du Robert, en leur donnant votre avis sur l’usage et la pratique de « iel » ; vous pouvez surtout être vigilant à ces dérives et ne jamais les cautionner, même si elles sont présentées (faussement) comme des mesures de dignité et d’égalité. Les lois françaises comportent tout ce qu’il faut pour lutter contre les discriminations, il suffit de les appliquer. Pas besoin de transformer un dictionnaire grand public en bannière militante. Le Robert s’est fourvoyé et a commis un acte condamnable, une forfaiture à sa mission. On peut aussi le boycotter pour cela.

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