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C’est gratuit !

C’est gratuit !

 

Introduction :

 

Combien de fois n’avons-nous pas été interpellé et appâté par un « c’est gratuit ! ». Dans une société marchande comme la nôtre, il s’agit d’un argument de choc. Le gratuit est à la fois attirant et suspect. Si c’est gratuit, c’est qu’il y a un piège, puisque tout ou presque est payant aujourd’hui. Mais profiter de quoi que ce soit (spectacle, voyage…) sans débourser est quand même intéressant. Ce dilemme est à l’image de notre monde et de la façon dont il a conformé notre esprit. Nous allons donc essayer de voir ce sujet sous l’angle d’analyse chrétien, c’est-à-dire avec un recul critique qui ne s’en laisse pas conter.

 

Comme toujours, il faut revenir au sens premier des mots.

 

Gratuit : vient du latin impérial « gratuitus », signifie au départ « désintéressé », « sans motif ». Ce sens est resté le même au fil du temps.

Mais il existe un autre sens relié à celui-ci, que l’on retrouve dans l’expression « acte gratuit » ou « crime gratuit ».

« Acte étranger à tout système moral propre à une collectivité et individualiste, et qui n’a pour objectif que lui-même. » (Grand Larousse).

Bien que ces deux sens soient reliés, ils sont assez éloignés quant à leurs conséquences.

 

Nous allons procéder en trois temps :

  1. Analyser rapidement la gratuité proposée par nos sociétés ;
  2. La comparer à l’univers de la foi chrétienne dans ses fondements ;
  3. réfléchir au rapport de l’homme à la gratuité dans les deux contextes abordés auparavant.

 

Thème 1 : Le  gratuit et la gratuité dans nos sociétés

 

Dans notre vie quotidienne nous avons plusieurs types de gratuité auxquelles nous sommes confrontés entant que citoyen, consommateur ou simple humain.

 

La gratuité des services publics.

Nous sommes habitués à envoyer nos enfants à l’école gratuitement, à rouler gratis sur nos routes nationales ou a accéder à un service d’urgence d’hôpital sans avoir besoin de payer. Nous sommes ainsi entourés de services publics assurés par l’Etat gratuitement. Mais cette gratuité n’en est pas une : sans contribution commune de l’impôt, plus d’école gratuite, plus de routes, plus d’accueil sanitaire…. Cette gratuité est en fait payée avant que nous la consommions. C’est comme si nous avions acquitté un abonnement annuel. Si les services publics sont gratuits, c’ un abonnement annuel. Si les services publics sont gratuits, c’est uniquement parce qu’il y a un accord politique entre les gens qui habitent un même pays. Nous entendons assez aujourd’hui remettre en cause le « modèle social français ». Cette gratuité est une solidarité assumée. Mais tout ceci a bel et bien un coût ! (vois la Sécurité Sociale et son gouffre).

 

La gratuité de l’assistance aux plus démunis relève de la même logique non-marchande comme on dit en économie. Ainsi faut-il comprendre le rôle du bénévolat. Le travail des millions de bénévoles n’est pas « rien ». d’ailleurs dans les dossiers de subventions, il est demandé d’évaluer et de chiffrer les apports en nature du travail des bénévoles. Le vestiaire ou la soupe du Secours Populaire n’est nullement gratuit. C’est seulement son accès qui l’est. Il en est de même des soutiens financiers défiscalisés aux associations diverses. Ceci coûte à la collectivité et au particulier.

 

La gratuité sur et grâce à Internet doit aussi être analysée. C’est le plus grand mythe économique de ces dernières années. Tout est payé par ailleurs. Pour avoir le droit d’accéder à des cours « gratuits » en ligne, vous devez d’abord vous acquitter d’un abonnement mensuel. Et si ce n’est pas toi c’est donc ton frère ! Ensuite, toute la gratuité du Net repose sur le matraquage publicitaire intensif. La publicité se déplace de plus en plus des médias traditionnels (radio, télé, journaux) vers le web. Il n’y a pas de miracle. Le marché n’est pas extensible. On déshabille Pierre pour habiller Paul. Même les sites personnels ne sont nullement gratuits, il y a toujours des paiements en amont. Il s’agit d’une nouvelle économie mais elle n’est pas gratuité. Une économie peut-elle d’ailleurs être gratuite ?

 

Ainsi voyons-nous qu’en fait rien n’est vraiment gratuit au sens initial. Comparons maintenant avec l’univers de la foi.

 

Thème 2 : La foi chrétienne fondée sur un don gratuit

 

On ne saurait mieux définir la foi chrétienne. S’il existe aujourd’hui tout un univers de « religions chrétiennes », il est entièrement fondé sur un double geste gratuit au sens second précédemment défini.

 

Don gratuit et grâce

Dieu n’avait pas de motif autre que l’amour pour envoyer son fils. C’est tout le sens de Jean 3 :16

 

« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle. »

 

A la base, seulement un amour incommensurable, celui du Créateur pour sa créature.

La motivation est donc très différente de ce que nous avons vu plus haut. Cet amour n’est pas inscrit dans un système, une sphère marchande et /ou politique. A de très nombreuse reprises dans la Bible il est dit que Dieu a donné. Le don devrait être le contraire de la commercialisation, de la vente ou même de l’échange . Quand je dis à quelqu’un qui a envie d’un objet que je possède « Il te plait ? Je te le donne. », je n’attends rien en retour, n’en déplaise aux anthropologues qui ont élaboré de savantes théories sur le don et le contre-don. Le vrai don est désintéressé et n’attend rien en retour. Dieu donne son Fils uniquement par amour de la créature humaine. Mais le don gratuit est double. Car  ce Fils, pour accomplir la réconciliation voulue par le Père qui l’envoie doit aussi donner sa propre vie humaine dans laquelle il s’est manifesté. Il a la possibilité de refuser. Et nous savons que ce combat moral a eu lieu, dans la jardin des Oliviers près de Jérusalem, le soir de la Pâque.

 

Jésus a combattu contre lui-même pour accomplir ce don gratuit.

 

Une fois ces deux dons accomplis, il reste encore une gratuité pour amener les choses à leur achèvement. Il faut que la réconciliation (le « salut »de l’Evangile) soit accessible à tous et sans contrepartie humaine. A cette seule condition elle sera un vrai don. Nous savons que cela porte un nom en théologie : il s’agit de la « grâce ». Nous sommes bénéficiaires d’un « salut par grâce » pour lequel nous ne pouvons rien faire pour nous le procurer et rien pour le rétribuer. Cette affaire se passe en dehors de nos capacités. Nous n’avons qu’à dire « oui » au cadeau.

 

Le « joyeux service du chrétien » est aussi un don

Les critiques de la religion chrétienne ne manquent pas de signaler que ce salut est acquis au prix de pénitences, dons, pèlerinages et actions charitables. Il s’agit là de la vieille opposition du salut par les œuvres et du salut par la foi, qui a marqué la différence entre Jacques et Paul, mais aussi entre les Catholiques et les Protestants.

Soyons très clairs : nous ne pouvons rien faire pour compenser ou acheter notre salut. La Bible est formelle là-dessus. A ce propos il faut signaler que dorénavant Eglise Catholique et Eglise protestantes historiques sont d’accord, ayant même signé un document sur sujet. La théologie de la grâce est commune à tous les chrétiens.

Il y a une confusion sur ce sujet, entretenue souvent par une imprécision verbale et des siècles de malentendus. Si le chrétien accomplit un service envers l’Eglise et son prochain, ce n’est pas par nécessité ou obligation, comme on rembourserait un crédit.

Si nous servons Dieu, c’est parce que nous avons été transformés par l’amour de Dieu et non pour rembourser une quelconque dette.

 

Thème 3 : L’homme et la gratuité

 

 

Le destin contrarié de l’humanité

L’homme est capable de faire de vrais gestes désintéressés, qui ne lui rapportent rien et qui n’attendent pas de contrepartie. Heureusement dans l’actualité on trouve encore des exemples nombreux : lecture du témoignage du vieil homme publié dans La Vie du 3 octobre.

 

Un simple geste de « bonté » et de « solidarité », anonyme. Contrairement à ce dont nous bombardent les médias sur la violence et l’insécurité, cette France-là existe encore et surtout. Il suffit de voir la réaction de nos concitoyens lors des catastrophes comme la tempête Xynthia. L’humanité des hommes et des femmes est un petit reflet de Dieu comme nous le laisse entendre la Genèse dans le récit de la Création, quand Dieu dit :

 

« Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance… » Genèse 1 :26

 

Nous croyons que la faute a tout cassé, mais c’est en partie faux ; elle nous a séparés de Dieu dans son projet mais elle n’a pas détruit cette ressemblance. Il y a du bon dans l’homme ou la femme, ne l’oublions jamais. Cependant, il faut considérer le poids de l’environnement moral et nos modes de vie. Notre éducation, notre milieu et, surtout, la société dans laquelle nous évoluons pèsent très lourd dans nos comportements. Un modèle capitaliste hyper-individualiste et concurrentiel n’est pas le plus apte à générer de la bonté de la solidarité et de la gratuité. Le modèle marxiste-léniniste, qui affichait de belles ambitions en ce domaine, a échoué lamentablement aussi. Nous récoltons ce qui a été semé. Les naufragés réguliers de la Méditerranée près de l’île de Lampedusa sont le pur produit de notre société mondialiste avancé : ils meurent de nos guerres, de notre exploitation, de nos sectarismes religieux, de notre Forteresse Europe etc… Ils sont aussi le produit de l’incurie de leurs propres pays (Somalie, Sahel ; Tunisie…)

 

Les clés d’une gratuité durable et révolutionnaire

La Bible nous donne le chemin à suivre. Elle nous offre à la fois un enseignement et des exemples de toute nature.

  • La « conversion » est à la base : Actes 2 :37 à 41 – La  « génération perverse » est celle qui a perdu le contact avec la nature initiale de l’homme-créature de Dieu. Certes la conversion est un moment ou un temps unique, mais je suis convaincu que c’est aussi un processus permanent : je dois chaque jour me remettre dans cette attitude de réconciliation. Chaque jour est une « conversion » nécessaire face au monde qui dérive.
  • La réconciliation est la conséquence de la conversion. Je rétablis le contact avec Dieu par l’Esprit Saint revivifié en moi lors de mon baptême. Mais je me réconcilie aussi spirituellement et concrètement avec mes frères et sœurs humains. Paul nous en donne l’injonction de la part de Dieu au nom de l’action de Jésus-Christ: 2 Corinthiens 5 :19

« Car Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux humains de leurs fautes et mettant en nous la parole de la réconciliation. »

  • La transformation de notre façon de penser la vie et le monde est la troisième étape de ce processus. Ce verset de Romains 12 :2 que nous citons si souvent est la clé définitive.

«  Ne vous conformez pas à ce monde-ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence…. »

 

Quand nous avons franchi ces étapes alors nous pouvons agir véritablement gratuitement et sans aucun calcul. La Bible nous encourage à l’action envers les hommes sans restriction. Je citerai deux versets du livres de l’Ecclésiaste pour terminer :

 

Ecclésiaste 9 : 10 d’abord :

« Tout ce que ta main trouve à faire, avec ta force, fais-le… »

C’est ici et maintenant qu’il faut travailler par amour pour nos frères, il n’y a pas de seconde chance, pas d’ailleurs où le faire, la fin de ce verset le dit clairement.

 

Ecclésiaste 11 :1 ensuite :

« Jette ton pain sur l’eau, car avec le temps tu le retrouveras ; donne une part à sept, et même à huit, car tu ne sais quel malheur peut arriver sur la terre »

verste à la fois énigmatique et clair, qui nous appelle à la distribution, aux semailles et au partage. Gratuitement véritablement, sans savoir si le fruit sera ou pas, par la foi. Sans attendre d’effusions de remerciements, d’honneurs ou de réciproque. Comme le don de Jésus-Christ sur la Croix.

 

Jean-Michel Dauriac – Octobre 2013

 

 

Published in Bible et vie dans l'actualité

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