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Catégorie : Bible et vie

Fils ou bâtards ?

(1) – La relation éducative père/fils

Méditation de sortie de l’Arche n° 22

La version audio de cette méditation est là :

Introduction

La correction, la réprimande, l’autorité, la soumission respectueuse ont toutes très mauvaise presse en ce moment. Notre société, avec quelques décennies de retard, a fini par être gagnée par l’esprit de mai 1968. Souvenez-vous du slogan : « Il est interdit d’interdire » (ce sont les mêmes qui affirmaient : «  Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! »). Ce n’est pas mon propos d’expliquer comment nous sommes parvenus à cet état de fait. Je me constate de constater. Nous retrouvons cette attitude à l’école, où le maître n’a plus de vrai pouvoir et d’autorité légale, mais aussi dans l’approche des nouveaux-nés, auxquels il ne faut rien refuser et, plus largement, dans l’esprit social et politique où le statut de victime est omniprésent, où toute fermeté est taxée de fascisme… Il est assez aisé, si l’on les yeux ouverts, de voir les conséquences délétères de cette position.

La Bible est aux antipodes de ce laxisme qui se dit bienveillance mais n’est en réalité que lâcheté et indifférence. La Bible juive fourmille de textes sur la nécessité de l’autorité parentale. Citons-en seulement deux :

Proverbes 13:24   « Celui qui ménage son bâton déteste son fils ; celui qui l’aime n’hésite pas à le corriger. »

 Proverbes 22:15  « L’imbécillité est attachée au cœur de l’enfant ; c’est le bâton de la correction qui l’éloignera de lui. » version NBS.

Le christianisme, religion de l’amour, a-t-il supprimé la sanction et l’autorité ? Certains, victimes d’une lecture très sélective du Second Testament, l’affirment haut et fort. Ce n’est pas du tout l’esprit du christianisme. L’amour n’exclut ni l’autorité, ni la punition, ni la réprimande et l’instruction. Nous allons méditer sur un texte fondamental en la matière.

Lecture de base :

Hébreux 12 : 7-11 (version Segond 1910 et TOB 1977)

Louis Segond 1910 : « 7  Supportez le châtiment : c’est comme des fils que Dieu vous traite ; car quel est le fils qu’un père ne châtie pas ?

8  Mais si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes donc des enfants illégitimes, et non des fils.

9  D’ailleurs, puisque nos pères selon la chair nous ont châtiés, et que nous les avons respectés, ne devons-nous pas à bien plus forte raison nous soumettre au Père des esprits, pour avoir la vie ?

10  Nos pères nous châtiaient pour peu de jours, comme ils le trouvaient bon ; mais Dieu nous châtie pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté.

11  Il est vrai que tout châtiment semble d’abord un sujet de tristesse, et non de joie ; mais il produit plus tard pour ceux qui ont été ainsi exercés un fruit paisible de justice. »

TOB 1977 « 7  C’est pour votre éducation que vous souffrez. C’est en fils que Dieu vous traite. Quel est, en effet, le fils que son père ne corrige pas ?

8  Si vous êtes privés de la correction, dont tous ont leur part, alors vous êtes des bâtards et non des fils.

9  Nous avons eu nos pères terrestres pour éducateurs, et nous nous en sommes bien trouvés ; n’allons-nous pas, à plus forte raison, nous soumettre au Père des esprits et recevoir de lui la vie ?

10  Eux, en effet, c’était pour un temps, selon leurs impressions, qu’ils nous corrigeaient ; lui, c’est pour notre profit, en vue de nous communiquer sa sainteté.

11  Toute correction, sur le moment, ne semble pas sujet de joie, mais de tristesse. Mais plus tard, elle produit chez ceux qu’elle a ainsi exercés un fruit de paix et de justice. »

La lecture des deux versions est éclairante des problèmes inhérents à la traduction :

  •          Une traduction est toujours une adaptation, puisque le terme originel a souvent peu ou pas d’équivalent dans notre langue (surtout dans les textes très anciens comme la Bible). Ici c’est mot grec Paideia[1] qui est en cause, je vais y revenir.
  •          Une traduction est toujours produite dans un contexte précis, historique, social, culturel et religieux. Les traductions du XVIe siècles dans les langues dites vulgaires sont une volonté de rendre accessibles le texte biblique à tout lecteur ou auditeur. On y trouve la langue du temps, avec le sens des mots de l’époque. Notre texte est très éclairant de ce point de vue, quand on compare le même texte traduit à près de cent ans d’écart – car la Bible Segond est une reprise la version dite Synodale chez les protestants, déjà œuvre de Louis Segond en grande partie, et date des années 1880.

De quoi est-il question ici ?

  •          D’un père et d’un fils ;
  •          de la correction du père envers son enfant ;
  •          du sens de cette correction ;
  •          de son analogie au plan spirituel.

La relation éducative père-fils

Le texte tourne autour d’une relation filiale, abordée selon deux contextes : le contexte familial terrestre et le contexte transcendant de Dieu.

Les versets 7 & 8 posent le cadre précis du problème particulier de ce texte. Il conviendrait de lire le texte entier du verset 4 au verset 11.  Juste avant notre texte, l’auteur cite Proverbes 3 : 11-12 :

« 11  Mon fils, ne méprise pas la correction de l’Eternel, Et ne t’effraie point de ses châtiments ;

12  Car l’Eternel châtie celui qu’il aime, Comme un père l’enfant qu’il chérit. » version NEG.

Comment la Bible comprend-elle la relation père-fils (ou père-fille pour notre époque, alors que dans le contexte de ce temps, c’étaient les mères qui éduquaient les filles) ? Elle la voit manifestée en deux comportements qui peuvent sembler contradictoires, mais qui ne le sont pas en fait.

  •          Dieu, le Seigneur, aime sa créature comme un père aime son fils. C’est le sens de la citation des Proverbes. Ce qui prouve bien qu’il n’y a pas opposition entre un Dieu terrible du Premier Testament et un Dieu d’amour de Second Testament. Dieu aime l’homme dès le début de la Genèse. En Genèse 1 : 26- 31 il nous est dit que Dieu vit que ce qu’il avait fait était très bon :

« 26   Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

27  Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme.

28  Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.

29 Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture.

30  Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut ainsi.

31 Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. » version Louis Segond 1910.

Il ne faut jamais perdre ce fil rouge de l’amour de Dieu pour nous. Il traverse toute l’Ecriture, jusqu’aux derniers chapitres de l’Apocalypse, où le Père délivre sa créature de la mort et de tout ce qui constitue le mal (Apocalypse 21 : 1-4).

  • Ce père aimant éduque son fils et le corrige, quand il agit mal ou se trompe. Il y a là une démarche éducative envers l’enfant. Ce n’est pas un châtiment, comme Segond l’a traduit[2], mais une correction éducative, un redressement de comportement. Tout cela en vue de faire du fils un homme droit, qui pratique le bien et fait la fierté de son père. Notre siècle a totalement perdu de vue le sens de ce qu’est l’éducation dans son sens culturel profond et non administratif et légal. Il est interdit de punir, de corriger – à la main – l’enfant qui est protégé par une charte établissant ses droits au niveau international. La gifle corrective est, en France, interdite depuis la présidence Macron et ceci a été célébré comme une victoire sur la barbarie de l’ancien monde. Mais, encore un fois, les devoirs sont systématiquement oubliés dans ces textes proclamatoires, ou laissés de côté. Le fils a le devoir de faire la joie de son père par son comportement, selon l’approche biblique. Quand il se trompe, le père doit le reprendre, pour l’éloigner de l’erreur. Il n’y a pas d’éducation sans contrainte, l’enfant laissé à lui-même va d’erreur en erreur, car il n’a pas encore les moyens de se gérer seul. L’éducation corrective est le devoir du père. Mais il l’accomplit dans l’amour, pour le bien du fils.

Mais il y a un troisième personnage dans le texte :le bâtard. C’est celui dont le père ne s’occupe pas, car il n’est pas son enfant légitime[3]. Si nous échappons à l’éducation corrective, c’est que celui qui l’applique n’est pas notre père. Le bâtard est ignoré, il n’ a pas part à l’héritage. La preuve de l’amour du père est dans l’éducation corrective apportée au fils. L’auteur de l’Epître aux Hébreux parle d’une privation, d’une exclusion de la correction pour le bâtard. Il vit sa vie sans père.

Le sens de l’éducation du père envers son fils

L’éducation de l’enfant est une préoccupation de la Bible. Dans la Bible juive le lecteur peut trouver de nombreux versets sur ce thème. Mais il ne faut pas s’attendre à y trouver un code d’éducation.. Ce que les chrétiens ont eu très souvent tendance à faire. Nul besoin de détailler ce qu’est cette éducation, c’est la Loi de Moïse. Pour un juif, les Dix Paroles et les 613 mitsvot Pentateuque sont le code de l’éducation. L’enfant doit apprendre à respecter la loi pour devenir un bon juif. A noter que, dans la tradition culturelle orientale, toutes les remarques sur l’éducation concernent un fils et non une fille. L’Epître aux Hébreux reprend ce schéma, avec trois emplois du mot « fils » en grec (uois) dans les deux versets 7 et 8. Il y aurait beaucoup à dire sur cette approche, mais ce n’est pas ici le lieu. Je rappelle cependant l’existence d’une théologie féministe (née dans la seconde moitié du XXe siècle), tout à fait justifiée, tant le texte biblique est marqué par le contexte patriarcal oriental.

Deutéronome 8 : 5  « Connais donc en ton cœur que l’Eternel ton Dieu te châtie, comme un homme châtie son enfant. » version Maredsous.

Voici cependant un texte qui use du terme neutre « enfant », avec cependant la réserve que de nombreuses versions gardent ici le mot « fils ». Le texte déjà cité auparavant (Proverbes 3 :11-12) offre la même neutralité.

Dans le cadre de l’Evangile et de l’Alliance Nouvelle que Jésus est venue annoncer et accomplir, il y a nécessairement un changement d’optique. Dans les Evangiles, à plusieurs reprises,  Jésus est décrit discutant avec des enfants et les bénissant, sans  compter ceux qu’il guérit. Le terme générique « enfant » inclue garçons et filles. Dans ses écrits, Paul parle, lui aussi, des « enfants », avec la même inclusion. Les parents chrétiens ont la charge d’éduquer dans la vérité évangélique leurs enfants, ils en sont responsables.

Pour le christianisme, la Loi de Moïse n’est plus l’horizon indépassable. Jésus est venu accomplir (donc achever) cette loi, en vivant sans péché, ce qui rend inutile la Loi, dont le but précis est de régler le problème du péché de manière pratique. Il faut relire les chapitres 3 & 4 de l’Epître aux Romains et l’Epître aux Hébreux pour saisir l’ampleur de cette révolution spirituelle. Le Christ, auquel un scribe demandait quel est le plus grand commandement de la Loi, répond en mentionnant seulement deux prescriptions.

Marc 12 : 28-32 : « Un des scribes, qui les avait entendus discuter, sachant que Jésus avait bien répondu aux sadducéens, s’approcha, et lui demanda : Quel est le premier de tous les commandements ?

29  Jésus répondit : Voici le premier : Ecoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur ;

30  et : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force.

31  Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » version Segond 1910.

L’amour se substitue donc comme loi à tous les commandements et prescriptions antérieures. Toute la règle de vie est résumée par Jésus en une seule phrase, qu’on appelle parfois la « règle d’or » de la vie chrétienne :

Matthieu 7 : 12 : « Tout ce que vous voulez que les gens fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux : c’est là la Loi et les Prophètes. » version NBS.

Conclusion

Le contenu de l’éducation selon le Second Testament est donc un principe d’amour et de réciprocité. Tel est le projet de l’éducation dont il est question dans nos versets 7 à 11 du chapitre 12 des Hébreux. Et les parents feraient bien de s’en souvenir, pour ne pas, eux-mêmes, se tromper de voie éducative.
Les parents aimant leurs enfants, les éduquent dans la voie de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Ce qui diverge de ce but doit être corrigé, mais seulement cela. Nous verrons dans la méditation suivante ce qu’il en est de l’analogie spirituelle.

Jean-Michel Dauriac – février 2022.


[1] Le mot concerne tout ce qui a trait à l’éducation et à la formation. Il est à la racine du mot « pédagogie ».

[2] A l’époque de Louis Segond (1880-1910 pour la traduction), le châtiment corporel était reconnu comme un moyen éducatif et pratiqué dans les écoles. En France, il n’a pas survécu à mai 1968. Le mot « châtiment » traduit donc un contexte éducatif sévère et il ne choquait personne à l’époque, alors qu’il est difficilement acceptable dans un discours sur l’éducation au début du XXIe siècle. Cependant, il ne correspond pas vraiment à l’idée du terme original grec qui parle d’acte éducatif, de formation, de redressement, de correction de trajectoire… Or, toute une approche de théologie pratique s’est bâtie sur cette mauvaise traduction.

[3] On peut bien sûr, légitimement penser que tout enfant a droit à l’éducation et réprouver le rejet paternel. Ce n’est pas le vrai sujet de ce texte, où le bâtard est un simple figure de la non-filiation, contrairement au fils légitime. L’image prend tout son sens l’analogie spirituelle.

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Revêtir l’homme nouveau – Méditation de sortie de l’arche n° 20

La version audio est ci-dessous:

Nous allons aujourd’hui méditer sur un texte très connu du Second Testament. Mais ce texte est le plus souvent connu par des citations, tronquées ou caricaturées. Il mérite un regard attentif. Dans ce texte se trouve une expression devenue quasi-proverbiale dans le protestantisme, surtout évangélique. Le « vieil homme » revient souvent dans les sermons ou les prières. De quoi s’agit-il ?

  • Ce concept paulinien binaire « vieil homme / Homme nouveau » a été laïcisé au XXe siècle par les divers totalitarismes qui ont sévi et ont tous voulu engendrer un « homme nouveau » (Italie fasciste, Allemagne Nazie, Russie soviétique, Chine rouge ou Corée du Nord, voire système cubain). On sait l’échec sanglant de ces tentatives.
  • Ces quelques versets écrits par Paul, dans une de ses épitres doctrinales, est en fait une pointe de la vie chrétienne qui interpelle les enfants de Dieu depuis des siècles, avec raison. Je vous propose aujourd’hui d’y réfléchir en abordant trois thèmes successifs, dans l’ordre selon lequel Paul déploie sa démonstration.

Lecture de base : Ephésiens 4 : 20 à 24 (versions TOB ou NBS)

« 20  Pour vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris le Christ,

21  si du moins c’est bien de lui que vous avez entendu parler, si c’est lui qui vous a été enseigné, conformément à la vérité qui est en Jésus :

22  il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l’effet des convoitises trompeuses ;

23  il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence

24  et revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité. » TOB

« 20  Mais vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris le Christ,

21  si du moins c’est bien lui que vous avez entendu et si c’est en lui que vous avez été instruits, conformément à la vérité qui est en Jésus :

22  il s’agit de vous défaire de l’homme ancien qui correspond à votre conduite passée et qui périt sous l’effet des désirs trompeurs,

23  d’être renouvelés par l’Esprit dans votre intelligence

24  et de revêtir l’homme nouveau, qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté que produit la vérité. » NBS

Nous aborderons donc les trois idées de ce raisonnement :

  1. Cet enseignement vient du Christ lui-même ;
  2. Il existe en nous tous un « homme ancien » à abandonner ;
  3. La transmutation en un « homme nouveau » est une collaboration du Saint-Esprit et de notre volonté.

Un enseignement du Christ lui-même

Paul inclut cette péricope au sein d’un discours sur la distinction nécessaire entre les chrétiens et les païens (les nations dans son langage judéo-chrétien). Il faut donc lire initialement du chapitre 4, verset 17 au chapitre 5, verset 2, au minimum. On peut aussi dire que les chapitres 4,5 et 6 des Ephésiens constituent un cours dogmatique sur la vie de l’Eglise et du chrétien. Nos quatre versets sont le point culminant de cet enseignement et renvoient à la deuxième partie du chapitre 6 (10-17), nous le verrons plus loin.

Paul oppose deux modes de pensée : 4 : 18 nous montre ce qu’il dit de la pensée du monde païen :

« 18  Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux, parce que leur cœur est obtus.

19  Ayant perdu tout sens moral, ils se sont livrés à la débauche, pour commettre avec avidité toute sorte d’impureté. » (version NBS)

C’est un monde d’ignorance, de débauche, sans morale, avide de plaisirs impurs. Tout cela à cause d’une « intelligence obscurcie ». Cette expression est capitale dans notre texte – mais au-delà dans toute la pensée paulinienne. Il n’y a donc pour Paul aucun espoir que ce monde soit capable de s’amender seul. C’est le « tous ont péché » de Romains 3 : 23-24.

Il s’adresse à ceux qui ont tourné le dos à ce type de pensée en acceptant le message du Christ. Paul parle ici du Messie, donc de Celui qui vient de Dieu et parle en son nom, pas de l’homme Jésus de Nazareth. L’enseignement du Christ émane directement de Dieu, il est donc digne de confiance, au même titre, pour les Juifs, que la Loi et les Prophètes.

Paul met cependant en garde ses lecteurs : ce qu’il leur dit est porté par une réception saine de l’enseignement du Christ. « Si du moins c’est bien lui que vous avez entendu » fait référence au risque de mauvais enseignements, déformés par les faux-témoins du Christ. Nous savons que les débuts du christianisme sont marqués par une floraison de pensées qui seront combattues par les Apôtres, au nom de la vérité de la Parole du Christ. Paul y fait souvent allusion. Il faut aller à la bonne source, la propre parole du Seigneur Jésus. Or, à cette époque, les Evangiles, tels que nous les connaissons, n’existent pas encore. Il en circule des portions, le plus souvent oralement. Avec le risque de déformation, en plus d’une interprétation discutable. Paul ne veut connaître que la « vérité qui est en Jésus ». Les hommes peuvent se tromper, pas Jésus-Christ. Or, Jésus a demandé à ceux qui l’écoutaient d’adopter son enseignement.

Matthieu 11 : 29-30 version NBS : « 29  Prenez sur vous mon joug et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos.

30  Car mon joug est bon, et ma charge légère. »

L’exemple le plus important de cet enseignement est connu sous le nom de « Sermon sur la montagne » et couvre les chapitres 5,6 et 7 de l’Evangile de Matthieu, dans sa version la plus détaillée. Paul, va synthétiser ensuite cet enseignement en une démarche dialectique à la fois très juive et très hellénique (mais cette dialectique ne se résout pas dans une synthèse).

« Se défaire de l’homme ancien » (NBS)

Nous préférons traduire le terme grec Palaios (??????? ????????) par « ancien », plutôt que vieux, car ce propos s’adresse à des auditeurs de tous âges, et à vingt ans, on ne peut pas comprendre aisément être un « vieil homme », alors que le terme « ancien » inscrit cet homme dans un temps long, celui de la culture et de la civilisation. Il faut bien regarder le verbe grec qui est traduit dans « il s’agit de vous défaire (????????? ) de l’homme ancien » il s’agit d’un forme conjuguée du verbe Apozithémi, lequel verbe signifie d’abord « déposer », sa robe ou ses armes, puis « rejeter », « se débarrasser » avec l’idée de « jeter loin de soi »[1].

Le propos de Paul nous oblige à penser la nature de l’être humain – sans vouloir du tout entrer dans le débat philosophique ou métaphysique, nous n’en avons pas la latitude ici.

Si Paul invite ses lecteurs à se débarrasser de leur « homme ancien », c’est qu’il est convaincu qu’il y a au moins deux composantes en chaque individu. « L’homme ancien » est cette part culturelle que nous acquérons par notre vie en société. Dans la tradition chrétienne, elle vient se greffer sur une nature humaine en révolte contre Dieu – c’est la notion de « péché ». Si nous pouvons jeter au loin « l’homme ancien » sans mourir, c’est donc qu’il n’est que le vêtement recouvrant une part spirituelle originelle, que la Bible nomme âme, dans laquelle Dieu a initialement soufflé son propre souffle (le ruah de la Genèse, le pneuma ou le spiritus du Second Testament).

Mais il faut évidemment noter que c’est à l’homme de se débarrasser de ce vêtement « corrompu par des désirs trompeurs ». C’est un acte de notre volonté, que nous seuls pouvons décider, que Dieu ne nous imposera jamais car nous disposons de notre liberté. La conversion est un premier pas, elle est la métanoïa initiale (le repentir, le regret) dont Pierre fait la conclusion de son discours de Pentecôte à Jérusalem ;

Actes 2 :38 (version NBS) : « 38  Pierre leur dit : Changez radicalement ; que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don de l’Esprit saint. »

Mais ce n’est que l’entrée sur le chemin de la vie chrétienne. Il nous appartient ensuite de décider d’abandonner notre ancienne vision du monde et les pratiques associées, car nous sommes dorénavant éclairés par la « vérité qui est en Jésus ». Or, ce changement est à la fois une décision et un effort de longue durée. Cela ne saurait se faire d’un coup de baguette magique, mais par une application de la volonté qui nous aidera à ne pas remettre ce vêtement souillé. C’est ce que l’on nomme l’ascèse dans les philosophies antiques et que le christianisme a repris à son compte.

Comment ne pas reprendre le vieux costume ?

Revêtir l’homme nouveau

Profitons-en pour dire que le terme homme est ici générique et désigne tout être humain, quel que soit son ressenti et son identité.

Vous connaissez cette expression : « la nature a horreur du vide », qu’on attribue à Aristote, dans son travail sur la physique, au sens grec du terme, c’est-à-dire la nature ou le monde naturel. Nous pouvons l’utiliser allégoriquement pour notre texte. Si nous jetons l’habit de « l’l’homme ancien » et restons nus, nous serons amenés très vite à revenir vers notre ancien vêtement. C’est ce que Paul sait fort bien et c’est la raison pour laquelle il propose un changement de vêtement. Nous ne connaîtrons pas le vide et la tentation de revenir à « l’homme ancien ». Selon Paul, ce changement se fait en deux temps.

  • Il y a d’abord la nécessité d’ « être renouvelé par l’Esprit dans votre intelligence », verset 23. Ceci est une intervention divine, transcendante. Elle ne peut avoir lieu qu’après avoir abandonné « l’homme ancien », car celui-ci fait barrage à l’œuvre de l’Esprit. Il a en effet des « désirs contraires », par la suprématie de la chair, à ceux de l’Esprit.

Galates 5 :17 (version Segond 1910) : « 17  Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez. »

Il y a donc acte de notre volonté qui ouvre la porte à l’œuvre de l’Esprit. Rejeter « l’homme ancien », c’est accepter de voir l’orientation de notre intelligence changer.

Romains 12 :2 (version Segond 1910) : « 2  Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. »

  • Ce nouveau regard va nous permettre de nous revêtir de « l’homme nouveau », car c’est cet homme renouvelé, qui marche selon « la justice et la sainteté que produit la vérité ».

Cet homme nouveau n’est pas une fin, un aboutissement, c’est au contraire un début, un nouveau départ, sur les bases d’une intelligence éclairée. Trois termes vont baliser ce chemin qui est tout le sens de notre vie : la vérité (qui est en Christ), qui produira la justice (ce qui est bon et beau) et la sainteté (la mise à part pour Dieu).

« L’homme nouveau » est toujours en marche et en recherche. C’est pourquoi, après cet enseignement de fond, Paul poursuit par des implications très concrètes de 4 : 25 à 6 : 9. Ce n’est pas le lieu de détailler ces conseils, mais ils sont des repères éthiques majeurs de la vie chrétienne. Comment vivre la justice et la sainteté ? Paul donne la réponse détaillée en Ephésiens 6 : 10-17[2]. En Ephésiens 6 : 11, il dit « Revêtez toutes les armes de Dieu ».

Il faut donc armer et protéger « l’homme nouveau », car il va lutter et être attaqué. Paul va nous proposer une ceinture, une cuirasse, des chaussures, un bouclier, un casque et une épée. Tout un équipement mis à la disposition de « l’homme nouveau ». Sans l’usage de ces armes, le combat est perdu, nous serons sans défense.

Conclusion :

Il faut des actes de volonté pour se repentir, se dépouiller de « l’homme ancien », revêtir « l’homme nouveau » et ensuite toute la panoplie des armes spirituelles que Dieu met à notre disposition. La vie chrétienne est une dynamique constante. Il n’y a pas de place pour la passivité et le relâchement. C’est un militantisme sacré dans lequel nous nous engageons. Tout sauf une vie hédoniste de facilité. Ce qui ne signifie nullement qu’elle ne soit pas pleine de joie (voir méditation n° 15).

Jean-Michel Dauriac – Décembre 2021


[1] Je tire ces données du dictionnaire de référence d’Antoine Bailly.

[2] 10 ¶  Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

11  Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

12  Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

13  C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

14  Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ;

15  mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ;

16  prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ;

17  prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

18  Faites en tout. (Version Segond 1910).

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Tu as délié mon sac … – Méditation de sortie de l’arche n° 19

La version audio de cette méditation est là:

Nous venons de vivre, et vivons encore au moment où j’écris ces lignes, ce que nous pouvons appeler, en termes chrétiens, un temps d’épreuve, ce que la société profane appelle un temps de crise (vous noterez évidemment la différence de point de vue). Pour le croyant, le virus du Covid 19 est un moment difficile où Dieu peut éprouver la foi de son peuple – et non lui envoyer le virus, comme on l’entend parfois -, il y une grande divergence d’appréciation entre ces deux points de vue, le second relevant d’une lecture littérale de la Bible et d’une conception d’un Dieu punisseur que je ne saurais accepter. Pour la masse humaine, c’est un sale moment dont il faut sortir au plus vite pour reprendre sa bonne petite vie d’avant (mais elle n’était pas bonne pour tous, ne l’oublions pas). Le point commun est que des dizaines de milliers de personnes sont mortes en France, censément de ce virus. En effet, il faudra du temps pour avoir les vrais chiffres épidémiques, et non ceux manipulés par les pouvoirs sanitaires et politiques pour distiller au quotidien la peur dans le pays, depuis février 2020. Des familles sont endeuillées, nous avons tous des amis, des connaissances disparus lors de cette épidémie, c’est un fait bien réel. Comment sort-on d’une telle épreuve ? Je ne parle pas ici de l’économie de notre pays, mais de l’état psychique, voire spirituel de la population. Je voudrais apporter un éclairage chrétien et biblique dans cette méditation, qui pourra certes choquer le rationaliste ou l’athée, voire le croyant sociologique, mais qui représente ce qu’est la foi et l’espérance en Christ.

Lectures de base : Psaume 30 : 10-12 et psaume 31 : 8-9, dans la version Segond 1910.

« 10  (30-11) Ecoute, Eternel, aie pitié de moi ! Eternel, secours-moi ! — 

11  (30-12) Et tu as changé mes lamentations en allégresse, Tu as délié mon sac, et tu m’as ceint de joie,

12  (30-13) Afin que mon cœur te chante et ne soit pas muet. Eternel, mon Dieu ! je te louerai toujours. »

«   (31-8) Je serai par ta grâce dans l’allégresse et dans la joie ; Car tu vois ma misère, tu sais les angoisses de mon âme,

8  (31-9) Et tu ne me livreras pas aux mains de l’ennemi, Tu mettras mes pieds au large. »

La numérotation des versets peut changer d’une version à l’autre.

Nous sommes à nouveau dans le cadre du livre des Psaumes. C’est un univers hébraïque qui exprime ces paroles. Mais elles sont également pour nous, comme tout le Premier Testament, puisqu’il faut encore une fois rappeler l’ancrage judéo-chrétien du christianisme. Pas de Christ et de christianisme sans le peuple hébreu et sa religion. Nous sommes cohéritiers de la Torah juive et de sa Bible. Les versets que nous venons de lire sont très parlants pour un juif pratiquant, ils peuvent être obscurs pour un chrétien néophyte ou coupé de ses racines spirituelles juives.

Le cri d’appel au secours : verset 11 du psaume 30

L’auteur du psaume 30, David, adresse un cri, un S.O.S. à son Dieu, c’est le verset 11. Il se trouve dans une situation périlleuse et il a besoin du secours de Dieu. C’est un des ressorts constants des psaumes : l’homme crie à Dieu, lui présente son épreuve, signale ses ennemis et demande le secours de Dieu, souvent sous forme de disparition radicale des adversaires. Ici nous ne savons pas quelle est précisément la menace, ce qui nous permet de nous réapproprier cette prière.

Lequel d’entre nous, durant ces longs mois de claustration, de restrictions multiples et de peur de la contagion, n’a pas, à un moment ou à un autre, usé des mêmes mots que David ? Dans notre désarroi face à ce virus microscopique, invisible et coriace, il nous apparaît, au vu de l’impuissance globale de nos civilisations, que le seul recours est hors de ce monde terriblement limité, et s’appelle Dieu. Nous ne pouvons que faire appel à la pitié de Dieu, à sa compassion pour l’humanité. Car le croyant, lecteur de la bible et pratiquant de la prière par l’Esprit Saint, sait que Dieu est un Dieu d’amour, qui malgré le rejet de ses créatures, garde un regard attentif sur sa création. Ce n’est pas ici le lieu de détruire les accusations classiques sur l’indifférence de Dieu, voire sur sa méchanceté. Le livre des Psaumes est sans doute celui qui, dans toute la Bible, dit le mieux l’équivalence entre l’attitude de refus des hommes et la non-intervention de Dieu, son volontaire retrait. Dieu laisse la liberté au méchant (selon la formule des Psaumes) d’être de plus en plus méchant et révolté. Il lui laisse vivre sa vie selon son vouloir. Mais celui qui connaît Dieu, le craint (au sens biblique) et place en lui sa foi sait aussi que Dieu peut agir en sa faveur. Nous pensons toujours, dans ce cas-là, aux miracles, au surnaturel, au « truc magique ». C’est une bien pauvre connaissance de Dieu. Son action est bien plus puissante quand elle a lieu dans le cœur des hommes et des femmes, là où nul ne la voit, mais où elle est bien réelle pour ceux qui l’expérimentent. Lisons en Matthieu 9 :5, cette interrogation de Jésus, qui est aussi une sévère relativisation du miracle :

« 5  Car, lequel est le plus aisé, de dire : Tes péchés sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, et marche ? » (version NBS)

David appelle l’intervention de Dieu (verset 11) et elle est attestée au verset 12 et justifié au verset 13.

La réponse de Dieu (verset 12)

La réponse de Dieu est surprenante. Le psaume ne nous dit pas qu’il a détruit les ennemis de David, qu’il est intervenu contre eux en sa faveur. Le texte nous parle d’une transmutation proprement incroyable et, pour tout dire, scandaleuse, là encore au sens biblique – sur laquelle on peut trébucher – C’est-à-dire qui vient bouleverser ce qui est établi. Dieu change « les lamentations en allégresse ». La version du Rabbinat français dit « le deuil en danses joyeuses », ce qui est encore plus choquant. Que signifie cette réponse de Dieu à la prière de son serviteur ?

Le deuil est le temps de la tristesse, des larmes, des cris de douleur, des lamentations. En Orient, il existe des pleureuses professionnelles qui viennent verser toutes les larmes de leur corps pour la famille du défunt. Ne pas pleurer ou avoir l’air abattu lors de funérailles ou dans le deuil est considéré par les hommes comme une forme de sacrilège. Et voilà que Dieu vient totalement bouleverser cette logique de perte, de défaite et d’épreuve.

L’allégresse est une forme supérieure de la joie. Le terme est un peu désuet aujourd’hui, car nous perdons la précision du vocabulaire. L’allégresse se traduit par des chants, des danses et du rire. Pourquoi et comment Dieu fait-il cette substitution ? La réponse est par l’Esprit et l’Espérance. Seul l’Esprit est capable d’aller au-delà de la matière, seul il peut dépasser l’épreuve la plus terrible ou la mort du corps d’un être aimé. Et ce qui est scandale pour le païen ou l’athée est foi et promesse pour le croyant. Le psaume 23 a ce verset magnifique :

« 4  Même si je marche dans la vallée de l’ombre de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort. » (version NBS)

L’homme naturel ne peut nullement affirmer « tu es avec moi », en parlant à Dieu. Seul l’homme spirituel, celui qui est passé par la nouvelle naissance que Jésus évoque en Jean 3 : 3,5 & 6, devant Nicodème, peut dire que Jésus est Seigneur, Christ de Dieu et que Dieu est avec lui. Et à cette homme ou à cette femme, né de l’esprit, ce propos de David n’est pas scandaleux, il est lumineux d’espérance. Dieu est celui qui brise l’état de deuil ou d’abattement.

La seconde partie du verset à laquelle j’ai emprunté le titre de cette méditation dit : « Tu as délié mon sac et tu m’as ceint de joie ». Si on ne connaît pas convenablement la Bible et son univers, cette expression de « délier mon sac » est incompréhensible. De même qu’en Amérique il y avait « le goudron et les plumes » pour le traître, il y avait chez les Juifs « le sac et la cendre » pour l’homme abattu ou repentant. De nombreux passages de la Bible juive usent de cette expression. Citons-en quelques-uns. Jonas 3 : 5-9 parle du repentir des habitants de Ninive et de leur roi, qui ont pris le sac et la cendre pour faire acte de repentance après la prédication du prophète.

« 5  Les gens de Ninive crurent à Dieu, ils publièrent un jeûne, et se revêtirent de sacs, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits.

6  La chose parvint au roi de Ninive ; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre.

7  Et il fit faire dans Ninive cette publication, par ordre du roi et de ses grands ; Que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis, ne goûtent de rien, ne paissent point, et ne boivent point d’eau !

8  Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et qu’ils reviennent tous de leur mauvaise voie et des actes de violence dont leurs mains sont coupables !

9  Qui sait si Dieu ne reviendra pas et ne se repentira pas, et s’il ne renoncera pas à son ardente colère, en sorte que nous ne périssions point ? » (version Segond 1910)

Genèse 37 : 34 raconte le deuil de Jacob pour la perte de son fils chéri, Joseph et le sac qu’il porte :

« 34  Et il déchira ses vêtements, il mit un sac sur ses reins, et il porta longtemps le deuil de son fils. » (version Segond 1910)

Jésus reprend cette expression en Matthieu 11 : 21 en visant les villes de Galilée, Chorazin et Bethsaïda.

« 21  Malheur à toi, Chorazin ! malheur à toi, Bethsaïda ! car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et la cendre. » (version Segond 1910)

Je mets en annexe au texte de cette méditation une liste de versets sur ce thème. « Prendre le sac » est aussi un acte d’humiliation et d’humilité devant Dieu. La tristesse, la repentance et l’humiliation sont les composantes de ce geste symbolique. Or ici, Dieu a délié le sac ( ou l’a dénoué, dans une autre version). Il met fin à ce temps de douleur et en échange du sac rugueux et inconfortable, il donne une ceinture de joie. Rappelons-nous que dans la théologie de Paul présentant les armes du chrétien, la ceinture est la vérité. Si nous mettons en lien les deux textes, nous pouvons déduire que la ceinture donnée par Dieu est de joie parce qu’elle est la vérité. Le mensonge est le péché, la vérité est le pardon et la joie.

Dieu répond donc à la prière de David en inversant la logique humaine. Sommes-nous prêts à ce renversement ? Nous ne pouvons l’accepter que si nous sommes entrés dans la logique de la volonté et de l’amour de Dieu, et que nous pouvons transcender l’épreuve, la lutte et même la mort, en joie de la vérité en Dieu. Ce n’est pas notre œuvre ni celle de notre volonté, mais celle de Dieu en nous par l’Esprit.

Pour quoi faire ? (verset 13 et 31 :8-9)

Le but de ce retournement est évoqué en deux actions au verset 13 du psaume 30 :  Chanter Dieu et le louer. Nous avons, dans une de nos première méditations, étudié le comportement de Paul et Silas, emprisonnés pour leur témoignage public du Christ, et qui, au lieu de se lamenter, chantent, louent et témoignent dans la prison (Actes 16 : 20-34). Paul en fait une des bases de son enseignement, répétant à plusieurs reprises cette formule, dont nous citerons ici la version de Philippiens 4 : 4 :

« 4  Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous. » (version Segond 1910)

Ceci n’est possible que dans le Seigneur, c’est-à-dire dans une vision arrachée à la chair mortelle de l’homme.

Psaume 31 : 8 affirme à nouveau l’allégresse et la joie, mais « par ta grâce ». Dans la doctrine chrétienne, la grâce est la source du salut. Cette joie et cette allégresse ne sont accessibles que par le salut, jamais par notre être naturel ou notre volonté. Ce n’est pas du tout de la « pensée positive », ersatz sans durée.

Est-ce à dire que tout est joie et félicité dans la vie du croyant ? Que nenni ! Le verset 8b dit au contraire : « Car tu vois ma misère, tu sais les angoisses de mon âme ».

Ce n’est pas là une contradiction, mais plutôt une forme de théologie dialectique. Il y a l’allégresse et la joie données par Dieu par l’Esprit et, en même temps, la misère et les angoisses de l’âme humaine. Ce qui donne du prix à cette allégresse, c’est justement qu’elle se manifeste alors même que les difficultés continuent d’exister. Une religion formelle ne peut nullement procurer cela. Nous sommes ici au seuil d’une mystique de la grâce. La clé de cette porte est la foi.

Le verset 9 donne le résultat final de cette séquence en deux actions :

  • -ne pas être livré à l’ennemi,
  • -Mettre les pieds au large.

Dieu ne supprime pas les difficultés de nos vie et n’aplanit pas nos sentiers. Mais il ne permet pas que nous soyons dans les mains de l’adversaire. Celui-ci, ou ceux qui le servent, n’ont aucun pouvoir sur nous. Cette promesse est capitale, car elle permet de relativiser toutes les épreuves, même la mort.

Dieu assure la sécurité de ses enfants dans leur marche, c’est le sens de « mettre les pieds au large ». Il nous évite les pièges du chemin, les fosses creusées par l’ennemi pour que nous y tombions – un des leitmotivs des psaumes, les pierres qui sont occasion de chute. C’est encore une promesse qu’il nous appartient de vérifier par l’expérience.

Conclusion

Je crois qu’il est intéressant de retenir la composition de la séquence que nous venons d’étudier :

Prière d’intercession du juste attaqué – Réponse surprenante de Dieu – Chant et louange à Dieu – Promesse de sécurité pour le croyant.

Si nous appliquons cela au contexte actuel de la France du Covid19, nous devons y trouver des encouragements extraordinaires

Jean-Michel Dauriac – Juin 2021

Annexe : les versets sur le sac et la cendre

Esther 4:3 Dans chaque province, partout où arrivaient l’ordre du roi et son édit, il y eut une grande désolation parmi les Juifs ; ils jeûnaient, pleuraient et se lamentaient, et beaucoup se couchaient sur le sac et la cendre.

Esaïe 58:5 Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir, Un jour où l’homme humilie son âme ? Courber la tête comme un jonc, Et se coucher sur le sac et la cendre, Est-ce là ce que tu appelleras un jeûne, Un jour agréable à l’Eternel ?

Daniel 9:3 Je tournai ma face vers le Seigneur Dieu, afin de recourir à la prière et aux supplications, en jeûnant et en prenant le sac et la cendre.

Matthieu 11:21 Malheur à toi, Chorazin ! malheur à toi, Bethsaïda ! car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et la cendre.

Luc 10:13 Malheur à toi, Chorazin ! malheur à toi, Bethsaïda ! car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et la cendre.

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