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La chute de Babel (2) –

Méditations de sortie de l’Arche n° 11

La version audio est ici:

Lecture de base : Genèse 11 : 5 à 9

« 5  L’Eternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes.

6  Et l’Eternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté.

7  Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres.

8  Et l’Eternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la ville.

  • C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Eternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Eternel les dispersa sur la face de toute la terre. »

Ce texte nous montre Dieu agissant comme un souverain jaloux de sa puissance et surveillant de près son peuple. On peut être surpris par les propos attribués à Dieu et par ses motivations. Ce texte est totalement à « l’image de l’homme », pour ne pas dire anthropomorphique. C’est cette réduction de Dieu à l’échelle de l’homme, quant à la pensée, qui est ici marquante.

Dieu surveille ce que font les hommes (verset 5)

Dieu « descendit », dit le texte, ce qui confirme la position haute, celle que visent les hommes. Il faut se garder de croire à une localisation spatiale dans la nuée atmosphérique. Cette formulation est conforme aux représentations de l’époque, qui voyaient les dieux sur les sommets des hautes montagnes ou dans les nuages. On retrouve cela dans le Nouveau testament avec l’expression « Royaume des cieux », qui entretient cette confusion localisée.

Dieu vient « en curieux » voir la ville et la tour. Dieu ne savait-il pas sans voir ? Ici se joue à nouveau ce que nous avons lu en Genèse 3 : 8 :

« 8  Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu qui parcourait le jardin avec la brise du soir. L’homme et sa femme allèrent se cacher devant l’Éternel Dieu, parmi les arbres du jardin. »

Dieu parcourt le jardin, le soir. Ceci laisse entendre qu’il cherche le contact avec ses créatures. Il manifeste de l’intérêt pour eux et leurs activités.

Le constat de Dieu : l’homme peut réussir son projet (verset 6)

Dieu fait le constat de leur unité, donc de leur force. Il constate aussi leur esprit d’initiative : l’homme est, dès l’origine, création et action. Leur unité et leur détermination doivent les conduire au succès, c’est-à-dire devenir leur propre Dieu. Ce projet est tourné contre Dieu, mais il est bien conçu.

Les hommes ne sont pas incompétents et bons à rien, comme souvent les chrétiens le disent, confondant le péché et la totalité de l’être humain. C’est une erreur de jugement théologiquement grave, car elle fait de la créature un échec du créateur, et donc porte un jugement négatif sur Dieu.  Le psalmiste a pu dire, dans le psaume 139, verset 14 :

« Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. Tes œuvres sont admirables, Et mon âme le reconnaît bien. »

Il faut reconnaître à l’homme ses qualités, sans nier la séparation d’avec Dieu, ce qui est une définition du péché très claire.

La réaction de Dieu : la confusion des langues et la dispersion (versets 7 à 9)

Verset 7 : Dieu cible en priorité le langage. C’est la suprématie de la parole (il n’est pas question ici d’écriture), outil premier d’union des hommes. D’avoir tous le même langage leur donne une vraie force. Cette force, ils la destinent à se passer du créateur. Dieu ne peut accepter que sa créature le renie.

Verset 8 : Le langage les sépare maintenant. Mais Dieu accomplit encore une deuxième action-sanction : la diaspora (dispersion). L’éloignement coupe les hommes entre eux et renforce la rupture linguistique. Il ne nous est pas dit comment eut lieu la dispersion : on peut imaginer que l’incommunicabilité nouvelle en fut le moteur. Ne se comprenant plus, les hommes s’éloignent de ceux qui ne parlent pas comme eux. Nous pouvons observer ce phénomène dans toutes les communautés humaines, c’est une des bases du communautarisme actuel.

La ville est arrêtée dans sa construction. Le projet destiné à se mettre hors de portée de Dieu a échoué.

Le verset 9 est la conclusion de ce récit. L’étymologie retenue pour le nom de Babel est alors balal en hébreu, qui est l’idée de confondre. Finalement le projet gardera dans l’histoire le nom de son échec : la tour de Babel n’a jamais été achevée.

Une lecture contemporaine et chrétienne

Si nous lisons cette histoire selon l’air du temps de ce début de troisième décennie du XXIème siècle, nous aboutissons à ces quelques conclusions :

  • Dieu paraît être le « méchant » de l’histoire, car il casse l’élan créatif des hommes et brise leur liberté.
  • Il semble être jaloux des hommes. D’ailleurs la Bible ne dit-elle pas :

« Deutéronome 4:24 Car l’Eternel, ton Dieu, est un feu dévorant, un Dieu jaloux. »

Les hommes lui échappent, il ne le supporte pas, au point de saper leur réussite programmée.

  • Cela conforte évidemment l’image d’un Dieu cruel présent dans l’Ancien Testament et la religion juive. Les négateurs de Dieu y voient la preuve d’une invention des hommes, qui ont créé une divinité à leur image, avec des sentiments peu glorieux.

Et si nous changions de perspective ? Si nous regardions ce récit dans une perspective chrétienne, avec toute sa symbolique et sa logique intrinsèque à la Bible.

  • Dieu est l’ « inventeur » des hommes, créés selon Genèse 1 : 26, à son image. Or, tout le monde reconnaît qu’un créateur a des droits imprescriptibles sur son œuvre. Pourquoi Dieu n’en aurait-il pas sur l’humanité, si elle est le fruit de sa création ?
  • La révolte des humains démarre avec le meurtre de Caïn sur son frère Abel. Je laisse volontairement de côté la très délicate et controversée notion de « chute » et de « péché originel », qui demandent une étude détaillée. Depuis Caïn, la descendance de ce fils meurtrier  est en révolte contre le créateur. C’est d’ailleurs dans cette perspective que Caïn « invente » la ville, lieu de cachette aux yeux de Dieu.
  • Le Déluge est l’aboutissement de cette révolte, décrite, sous son aspect moral, en Genèse 6 : 5 : « 5  L’Eternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. »  Mais après le déluge, Dieu donne une seconde chance à l’humanité.
  • Or, les hommes retombent exactement dans la même révolte, mais avec plus de moyens, comme nous l’avons vu dans la précédente méditation. Le même orgueil démesuré sévit.
  • Cette fois-ci, Dieu ne détruit plus l’humanité, mais il lui ôte les moyens de la révolte. Juste après cet épisode commence le long récit de la vocation et de la vie d’Abraham, et l’alliance que Dieu passe avec lui. Dieu n’a donc pas renoncé à la communion avec sa créature.

Il faut ainsi remettre ce texte en perspective dans son optique juive ou chrétienne et non dans l’esprit #metoo, où tout pouvoir est mauvais.

La mondialisation actuelle est la troisième tentative de révolte récente contre Dieu. Elle fait suite aux deux tentatives ratées de tuer Dieu et de le remplacer par le nom des hommes : le communisme soviétique et le nazisme. La mondialisation est dans le même esprit, mais avec d’autres moyens, plus subtils, donc plus dangereux. L’esclavage est numérique, la langue commune est le code binaire des ordinateurs et l’anglais basique, le globish comme on le nomme. Mais le but est toujours cette gouvernance mondiale unie, appuyée sur la technique, qui contrôlera tout de nos vies et qui doit régler tous les problèmes à venir (donc être omnipotente, comme Dieu).

Conclusion

Je vous conseille de relire la trilogie de Jacques Ellul sur la technique, mais aussi le roman d’Orwell 1984 et l’Apocalypse de Jean, avec la grille de lecture que nous venons de dégager.

Vous verrez alors que nous devons nous garder très strictement d’adhérer à ce nouvel ordre mondial, quels que soient les arguments séduisants qu’il déploie, lesquels peuvent évidemment tromper même les chrétiens. Le projet de Babel II ne se pare des habits de l’émancipation humaine que pour mieux asservir les hommes. La force de celui que le Nouveau Testament appelle le diabolos, le diviseur, le trompeur, réside d’abord dans le mensonge et la séduction. A nous de savoir y résister, au nom de Celui qui est plus grand que lui.

Jean-Michel Dauriac, Février 2021.

Published in Bible et vie

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